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vendredi 17 juillet 2015

Auguste Comte, l’altruisme et l’éducation positiviste


Le numéro de la Recherche de juin 2015 porte ce titre Tous altruiste regroupant une série d’articles sur les dernières découvertes des neurosciences concernant donc l’altruisme et l’empathie, et , plus généralement l’origine innée ou acquise de notre sens moral. Ainsi, le bébé dès dix mois distingue le bien et le mal dans certains comportements, montre de l’empathie, ressent les émotions des autres ; à trois ans, il refuse d’aider ceux qui font du mal Les grands singes sont capables de compassion et de générosité envers leurs congénères. Poursuivant un programme de recherche entamé depuis longtemps, l’équipe de Frans de Waal a même montré sans ambiguïté, par des mises en situation complexes, que les chimpanzés ressentent l’injustice dans la distribution de récompenses, préférant renoncer à une récompense s’ils sont moins bien traité qu’un semblable.

Et pourtant, à aucun moment de l’article n’est mentionné le fait que le mot altruiste est dû à Auguste Comte, alors même qu’il a fait de l’affirmation que l’homme et certains animaux disposent d’un sens inné du souci d’autrui, l’un des points fondamentaux du positivisme.

Un débat à l’Académie

En 1895, l’Académie française ne s’y est pourtant pas trompé lors des vifs débats à propos de l’introduction – ou non- du mot positivisme dans le dictionnaire. Jules Simon et Ludovic Halevy se prononcent contre : « La charité a besoin d'être louée; car elle commence à être tenue en suspicion, la libre et imprudente charité — ce joli mot, charité, ils l'ont remplacé par un très vilain mot : Altruisme ; il a été inventé, je crois, par Auguste Comte qui n'a pu faire une morale que par une transposition scientifique de la morale chrétienne ».

Cela leur vaut une mise au point un peu ferme dans l’organe des positivistes, la Revue Occidentale : « lLes conceptions positivistes sont assez répandues aujourd'hui pour que de pareilles assertions, quelque autorisée qu'en puisse paraître la source, n'en imposent plus au public ; les purs littérateurs, incapables de pénétrer au-delà des apparences extérieures, s'en tiennent à des jugements sommaires qui témoignent peut-être en faveur de leur sens esthétique, mais qui font apparaître, avec une rare vigueur, leur insuffisance mentale. Etrangers à l'évolution philosophique qui caractérisera essentiellement le dix-neuvième siècle, ils restent inhabiles à s'assimiler le langage nouveau que suscitent les idées nouvelles et ne voient qu'un barbarisme et une superfétation dans un vocable, admirablement adapté au nouvel ordre moral que le Positivisme vient instituer… Un esprit d'une trempe autrement affinée, M. Clemenceau  remet vigoureusement, en quelques lignes, les détracteurs de l'altruisme dans la véritable direction : « Auguste Comte, dit-il, a fait un nouveau mot pour exprimer ce sentiment, moins exalté que l'amour du moi chez la plupart d'entre nous. Nos académiciens, qui n'ont pas lu Comte, ou qui ne veulent pas comprendre ce qu'il a dit, rejettent ce mot, coupable à leurs yeux d'humaniser l'amour d'autrui, qu'ils tiennent à dégrader de l'appât d'une récompense céleste. — Heureusement, il n'y a pas besoin de la permission de l'Académie pour penser ». Nous pourrions nous contenter de cette citation, mais il nous paraît nécessaire d'analyser cette grande notion d'Altruisme et de faire voir combien à la fois elle diffère de l'idée chrétienne de charité et combien elle lui est supérieure.

L'expression d'altruisme, construite par Auguste en opposition avec celle d'égoïsme, caractérise le besoin qui nous pousse à aimer nos semblables, et à nous dévouer pour eux; c'est essentiellement l'instinct de sociabilité, qui s'applique à la fois à nos supérieurs, à nos égaux et à nos inférieurs, sous les dénominations respectives de vénération, d'attachement et de bonté.

Ayant réuni les instincts de conservation de l'individu et de l'espèce sous le nom d'égoïsme, déjà consacré par la langue courante, Auguste Comte a été conduit à grouper sous le nom d'altruisme, les instincts sociaux, de manière à constituer, dans leur dualité fondamentale, l'ensemble de nos divers moteurs affectifs, à constater leurs conflits, et à organiser leur consensus par la subordination de l'égoïsme à l'altruisme, principe de toute morale scientifique et définitive.

L'expression altruisme était donc véritablement indispensable, et, en la créant, Auguste Comte en a fait le meilleur choix possible, puisque, sauf la différence nécessaire de racines, elle reproduit sensiblement l'expression dont elle forme pour ainsi dire la contrepartie et rend visible à l'esprit comme aux yeux leur opposition primitive et leur harmonie finale… Si maintenant nous voulons marquer la différence profonde entre l'altruisme et la charité, nous sommes conduits à donner au sentiment altruiste une source toute spontanée, jaillissant des profondeurs mêmes de la nature humaine, cultivée et perfectionnée par un long effort de l'Humanité.

La charité, au contraire, est un don de Dieu, un effet de la grâce exercée dans le seul but du salut éterel, et ne s'adressant qu'aux inférieurs. Elle est donc loin d'offrir le vaste champ d'action de l'altruisme; elle procède d'un sentiment louable de pitié, immédiatement stérilisé par la sanction égoïste du bonheur éternel auquel elle tend.

Entre la spontanéité positive et la grâce théologique, le choix ne peut être douteux ; on voit de quel côté sont la grandeur morale et l'efficacité réelle….

Ajoutons que la charité s'adresse à l'individu et que l'altruisme consacre l'amour des êtres collectifs. Â des conceptions si différentes devaient correspondre des dénominations appropriées ; la charité chrétienne, même régénérée et exercée sous l'influence d'un sentiment exclusivement bienveillant, ne sera jamais qu'un côté très accessoire de l'altruisme, devenu la règle morale de l'Humanité.

L’éducation positiviste : Fortifier les sentiments altruistes

Selon les positivistes, égoïsme et altruisme sont des penchants innés, et l’éducation consiste à encourager et favoriser les penchants altruistes, ou, si l’on préfère le point de vue de l’ensemble par rapport à celui du particulier, tout en sachant que les penchants égoïstes perdureront, car ils sont non seulement nécessaires à la conservation de chacun, mais peuvent également renforcer les instincts altruistes « En quoi et comment celui qui ne s’aime pas lui-même pourrait-il aimer autrui ? » Auguste Comte). Pas de culpabilisation de l’égoïsme, pas de faute et de sanction divine, mais la culture de la bienveillance, de la sociabilité, notamment par l’admiration d’exemples humains et non divins, tels les « saints » du calendrier positiviste, le culte de l’Humanité, l’ensemble des êtres passés, présents et à venir. Voivi par exemple ce que recommande l’un des principaux positivistes anglais, Bridges :

« Les vérités essentielles qui concernent l'essor et les progrès de l'humanité sont accessibles aux plus simples et aux plus humbles. Lorsqu'un enfant apprend à compter, on peut lui enseigner ce qu'il doit aux précurseurs Arabes et Indous et il apprendra ainsi, dès le jeune âge et pour le reste de sa vie, à surmonter les odieux préjugés de race. Chaque mot qu'il emploie, chaque outil dont son père ou les compagnons de son père se servent, une charrue, une roue, une forge, un bateau, peuvent être autant de leçons de choses pour lui montrer ce qu'il doit à nos plus lointains ancêtres. Le navire qui apporte des aliments venus d'au-delà les vastes océans raconte l'histoire d'un penseur solitaire qui fut tué à Syracuse plus de vingt siècles auparavant. Elles sont innombrables les manières dont on peut apprendre à un enfant à connaître l'Humanité, car les dons de l'Humanité sont également innombrables… » (Bridges, Positivist review)

Oui, vraiment, il est étrange et dommage qu’on écrive des articles, des thèses, des livres  sur l’altruisme sans même mentionner l’inventeur du mot, Auguste Comte, et les conceptions positivistes.
 

jeudi 16 juillet 2015

La science au lycée, une réforme atterrante

C’est sous ce titre que les habituellement assez discrètes Union des professeurs des classes préparatoires, Société française de Physique et Union des professeurs de physique et de chimie, ou du moins leurs présidentes et présidents respectifs publient une tribune inquiétante dans Le Monde (supplément science) du 15 juillet 2015.

On y apprend que la réforme du lycée commencée en 2011 a des effets désastreux sur le niveau scientifique des bacheliers issus du bac S. «  les concepteurs des programmes ont parié sur une plus grande diffusion de la culture scientifique au détriment d’une formation basée sir le raisonnement… il apparait que mener une démonstration développée en plusieurs étapes, maîtriser les outils mathématiques de base et s’astreindre à la rigueur pour construire un raisonnement sont des objectifs éliminés de la formation donnée aux bacheliers S. La compétence majeure est devenue « extraire l’information »…. « Ces programmes ont été conçus avec l’idée que la majorité des élèves de filière S ne poursuivra d’études scientifiques supérieures » «  L’enquête montre que les meilleurs étudiants scientifiques quittent le lycée avec une vision erronée de la physique et de la chimie. Ils sont très mal préparés à utiliser des outils formels et à pratiquer des démarches scientifiques rigoureuses. Ils n’ont reçu au lycée qu’un vernis culturel superficiel asséné par des arguments d’autorité ». ( Si cela est vrai, c’est l’exact contraire d’une formation scientifique !!!). La conclusion : « le bac S ne prépare plus convenablement à l’enseignement supérieur scientifique ». Un constat alarmant, selon les auteurs de la tribune (Sylvie Bonnet, Alain Fontaine, Vincent Parbelle) ; d’autant que la ministre, après avoir prétendu qu’aucun rapport n’était prêt sur le sujet, a annoncé la présentation de ce rapport qui n’est pas prêt aux syndicats, puis a ajourné cette présentation…
Elite « delenda est »
Que ce soit la réforme en cours du lycée, celles annoncées du collège et de l’Ecoles Polytechnique, l’esprit est le même ; il semble que  la persistance de filières d’élites ( premières  et terminales S, classes européennes, classes préparatoires et grandes écoles) constitue un défi ( un reproche permanent ?) à toute une partie de la haute administration de l’Education Nationale et aux politiques qui ont la faiblesse de les écouter ; et que, depuis le début de ce quinquennat ( mais ce n’est que la suite de ce qui a précédé.. ), un seul but est méthodiquement poursuivi avec obstination : la fin de toutes les filières d’élite, de tout élitisme républicain.
Que Madame et Mrs Sylvie Bonnet, Alain Fontaine, Vincent Parbelle, les organisations qu’ils représentent, les professeurs qui ont participé à l’établissement du bilan de cette réforme du lycée, et, avec eux, tous les professeurs qui luttent quotidiennement contre la destruction de l’enseignement soient remerciés de leur courage.
Nous sommes ici en complète rupture avec ce que Jean-Pierre Chevènement définissait comme l’élitisme républicain et comme l’esprit du plan Langevin- Wallon «  la promotion de tous, la sélection des meilleurs ».  Et le résultat est déjà connu : un système scolaire encore plus injuste socialement. Décidément, il semble que ce gouvernement poursuive l’objectif que d’autres avaient affiché : « déconstruire systématiquement le programme du Conseil National de la Résistance »
Dans la torpeur estivale, cette tribune n’a suscité  que peu de réactions ; le gouvernement aurait tort de s’y fier et de ne pas sentir la colère qui monte, chez les enseignants et dans les familles de cet espèce de sabotage systématique de ce qui fonctionne encore dans l’enseignement.
 
 
 

samedi 11 juillet 2015

L’ Ecole Polytechnique détruite ? Le rapport Attali (4)

Alors qu’un projet aberrant vise à bouleverser de fond en comble  la prestigieuse Ecole Polytechnique, avec notamment une fusion dissolution de l’Ecole dans un magma universitaire, des admissions post-bac, la fin de la solde des élèves et du caractère militaire (voir notamment sur le huffington post  Rapport Attali: ou comment tuer l'École polytechnique, Thierry Berthier,http://www.huffingtonpost.fr/thierry-berthier/rapport-attali-ou comment_b_7559320.html), il m’a semblé utile de rappeler le nom des principaux hommes d’Etat et grands fonctionnaires issus de l’Ecole, l’instrument de l’élitisme républicain par excellence. Chacun pourra alors se souvenir du rôle des Polytechniciens dans la construction de l’Etat républicain français, en particulier dans ces périodes où la stabilité ministérielle était faible et où l’action de l’Etat reposait sur des hauts fonctionnaires de qualité ; et chacun pourra constater que la compétence technique et humaine donnée par la formation scientifique et militaire valait bien mieux que la formation au copinage et à l’absence de déontologie de l’ENA. Au lieu de la réforme de Polytechnique, c’est peut-être de la dissolution de l’ENA qu’il faudrait discuter.
L’Ecole Polytechnique : “Pour la Patrie, la Science et la Gloire” : Fonctionnaires et hommes d’Etats

François Arago (1786-1853), ministre et président de la IIème république, abolition de l’esclavage ; Gaspard de Chabrol (1773-1843), grand préfet de la Seine, réaménagea Paris sous l’Empire et la Restauration ; Louis Eugène Cavaignac (1802-1857) ; Président de la IIème République, candidat républicain contre Napoléon III ; Freycinet (X1846), collaborateur de Gambetta, Président du Conseil et plusieurs fois ministre ; Louis Rossel, (X1862), seul officier à avoir rejoint la Commune dont il devint ministre de la Guerre, fusillé en 1871 ; Louis André (X1857), général, ministre de la guerre qui réhabilita Alfred Dreyfus (X1878), aussi polytechnicien ; Jules Moch (X1912), ministre de Léon Blum (travaux publics, organise une aide clandestine aux républicains espagnols, résistant, plusieurs fois ministre et vice-président du conseil) ; Louis Loucheur (X1890), ministre de la IIIe République, à l'origine de la loi qui porte son nom sur le logement social et disciple de Briand, partisan d’un rapprochement industriel et politique avec l’Allemagne ; Maurice Bourgès-Maunoury (X1935),  résistant, premier ministre ; André Giraud (X1944), ministre de l'Industrie et de la défense ( CEA, énergie nucléaire) ; Valéry Giscard d'Estaing, ministre des Finances, puis président de la République, Bruno Durieux (X1964) ministre  de la santé, des affaires sociales puis du commerce extérieur ; Christian Sautter (X1960), ministre des finances, le seul  qui osa tenter de réformer Bercy ; Francis Mer (X1959), ministre des finances ; François Loos (X1973), ministre délégué à l'Industrie ; Nathalie Kosciusko-Morizet (X1992), ministre de l'Écologie ; Denfert-Rochereau (X1842), défenseur de Belfort durant la guerre de 1870 ; Joseph Joffre (X1869), maréchal de France ; Ferdinand Foch (X1871), maréchal de France ; Honoré d’Estienne d'Orves (X1921), officier de marine et résistant ; Louis Armand 190561971), résistant, DG de la SNCF ; Jules Brunet (1838-1911), le dernier samuraï ; Jean-Michel Charpin (X1968), statisticien repport sur les retraites ; Michel Chevalier (1806-1879), professeur d’économie au Collège de France et artisan de la politique de libre échange sous Napoléon III ; Raoul Dautry (1880-1951), ministre de l’armement en 1939, fit envoyer le stock d’eau lourde française à l’étranger, ministre de la Reconstruction de De Gaulle,  joua un rôle important dans le développement de la SNCF et du CEA ; Jacques Dondoux (1931-2002), telecom, créateur du plan câble et du minitel ; Jean Baptiste Eugène Estienne (1860-1936), créateur de l’armée blindée en France ; Louis Faidherbe (1818-1889), premier gouverneur du Sénégal, sénateur républicain, contribua à l’établissement de la République ; Gustave Ferrié (1868-1932), général, développa les télécommunications, fit installer la première antenne de radio en haut de la Tour Eiffel ; Pierre Guillaumat (1909-1991), ministre de la guerre puis de l’énergie et de la recherche de De Gaulle- développement du CEA, d’EDF, d’ELF ; Jacques Jacquesson (1912-1996), colonel, mise au point de la bombe atomique française ; Hippolyte Langlois (1839-1912), le canon de « 75 » ; Jean-Marie Louvel (1900-1970), ministre de l’industrie, du commerce et de l’énergie, premières prospections pétrolières en Algérie, mise en marche de la Communauté du Charbon et de l’Acier ; Claude Thélot (X1965), statisticien, sociologue, Haut Conseil de l’évaluation, Haut Conseil de la population et de la famille, rapport sur l’avenir de l’enseignement ; Charles Gilbert Tourret (1795-1858), ministre républicain de l’agriculture de Cavaignac ; Louis-Léger Vallée (1784-1864), développement du chemin de fer ; François de Wissocq (1933-), Directeur des mines, Directeur Général de l’Energie, dirigea le service industriel de la DATAR et la Cogema…

Et c’est cela que l’on veut détruire..
 
 

L’ Ecole Polytechnique détruite ? Le rapport Attali (3)


Alors qu’un projet aberrant vise à bouleverser de fond en comble  la prestigieuse Ecole Polytechnique (voir notamment pour le détail des mesures absurdes Rapport Attali: ou comment tuer l'École polytechnique, Thierry Berthier, http://www.huffingtonpost.fr/thierry-berthier/rapport-attali-ou-comment_b_7559320.html), j’ai pensé intéressant de rappeler les grands entrepreneurs, les grands patrons issus de l’Ecole.
L’attaque folle contre l’Ecole a commencé par la remise en cause de la pantoufle, la solde des étudiants. Depuis les années 1970, les conditions dans lesquelles les Polytechniciens doivent rembourser leurs études ont été assouplies ; il s’agissait de les encourager de renoncer au confort tranquille et somme toute bien rétribué des postes de hauts-fonctionnaires (bon pour des énarques) afin de les encourager à partir dans des activités moins bien payées comme la recherche, ou plus risqués comme l’industrie ou la création d’entreprise. Donc, ce gouvernement, en prélude à l’imbécile et destructeur rapport Attali a décidé que nous n’avons plus besoin des meilleurs chercheurs, entrepreneurs, industriels. Sans compter qu’évidemment, ce sont les élèves les plus modestes que cela gêne davantage ; merci pour la justice sociale et l’élitisme républicain !
 L’Ecole Polytechnique : “Pour la Patrie, la Science et la Gloire” : les industriels

Émile Martin (X1812), industriel, fondateur des Fonderies de fer et de cuivre Émile Martin et Cie ; Paulin Talabot (X1819), fondateur de la compagnie du chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) ; Ernest Goüin (X1834), fondateur, Société de construction des Batignolles origine de Spie Batignolles ; Fulgence Bienvenüe (X1870), père du métro parisien ; André Citroën (X1898), fondateur de Citroën ; Conrad Schlumberger (X1898), cofondateur de Schlumberger ; Jean Panhard (X1933), président-directeur général de Panhard et Levassor ; Auguste Detœuf (X1902), fondateur d'Alsthom ; Jean Bertin (X1938), créateur de l'Aérotrain, daéroglisseurs et de la société Bertin ; Serge Dassault (X1946), président-directeur général de Dassault, créateur de Dassault Systèmes ; Georges Besse (X1948), président-directeur général de Renault et père du nucléaire en France ; Claude Bébéar (X1955), président-directeur général de Axa ; Jean-Marie Descarpentries (X1956), président-directeur général de Carnaud Métal Box et de Bull ; Serge Tchuruk (X1958), président-directeur général de Total puis du groupe Alcatel ;Jean-Louis Beffa (X1960), président-directeur général de Saint-Gobain ; Pierre Faurre (X1960), président-directeur général de SAGEM ; Pierre Gadonneix (X1962), président-directeur général d'EDF ; Guy Dollé (X1963), président-directeur général d'Arcelor ; Thierry Desmarest (X1964), président-directeur général et actuel président du conseil d'administration de Total ; Jean-François Roverato (X1964), président-directeur général d'Eiffage ; Noël Forgeard (X1965), président-directeur général d'Airbus ; Jean-Martin Folz (X1966)7, président-directeur général de PSA Peugeot Citroën ; Gérard Mestrallet (X1968), président-directeur général du groupe Suez ; Bernard Arnault (X1969), président-directeur général de LVMH ; Denis Ranque (X1970), président-directeur général de Thales ; Carlos Ghosn (X1974), président-directeur général de Nissan et de Renault ; Antoine Frérot (X1977), directeur général de Veolia Environnement ; Fabrice Brégier (X1980), directeur général d'Airbus ; Frédéric Oudéa (X1981), président-directeur général de Société générale ; Jacques Veyrat (X1983), Président de Robert Louis-Dreyfus ; Patrice Caine (X1989), président-directeur général de Thales ; Fabrice Brégier, X1980, président-directeur général de MBDA, d’Eurocopter, puis d’Airbus ; Patrick Kron, président-directeur général d'Alsthom ; Jules Mény 1890-1945), directeur de la Compagnie Française des Pétroles (future Total), résistant mort en déportation ;
 
Et Jean-Marie Messier (X1978) ; mais ça ne compte pas, dans son cas, l’ENA l’a emporté sur Polytechnique

Et c’est cela que l’on veut détruire..
 
 

vendredi 10 juillet 2015

L’ Ecole Polytechnique détruite ? Le rapport Attali (2)


Alors qu’un projet aberrant vise à bouleverser de fond en comble  la prestigieuse Ecole Polytechnique (voir notamment pour le détail des mesures absurdes Rapport Attali: ou comment tuer l'École polytechnique, Thierry Berthier, http://www.huffingtonpost.fr/thierry-berthier/rapport-attali-ou-comment_b_7559320.html), j’ai pensé intéressant de rappeler les principales gloires scientifiques de l’Ecole. Les étudiants en science y retrouveront nombre de noms qu'ils connaissent sous formes de lois physiques ou de théorèmes mathématiques...
On peut se demander quelle rage, folie, saisit une partie de nos élites, des fonctionnaires de l’Education Nationale, apparemment écoutés par ce gouvernement, de détruire ce qui fonctionne encore bien dans notre enseignement  au lieu de s’attaquer à ce qui ne fonctionne pas ; désir de terre brûlée, égalitarisme néo montagnard, simple bêtise, le classement de Shangai qui rend fou ? Que l’on compare en tous cas avec le prestige et la considération  accordés, dans leurs pays respectifs,  à ces vieilles institutions, Oxford, Cambridge, Harvard, Princeton, le MIT, l’institut Lomonossov…Qui aurait l’idée d’un rapport Attali pour Harvard ?
 L’Ecole Polytechnique : “Pour la Patrie, la Science et la Gloire” - Les scientifiques
 
François Arago (1786-1853), lança Ampère et Fresnel sur l’électricité et la théorie ondulatoire de la lumière ; Maurice Allais, prix Nobel d'économie (1911-2012) ; Henri Becquerel, un des trois découvreurs de la radioactivité, prix Nobel de physique en 1903 ; Jean Bertin 1917-1975) inventeur de l'aérotrain ; Irénée-Jules Bienaymé (1796-1878), calcul des probabilités ; Fulgence Bienvenüe, (1852-1936), « père » du métro parisien ; Jean-Baptiste Biot (1774-1862), électricité, magnétisme- loi de Biot Savart ; Auguste Bravais (1811-1863), cristallographie et réseaux de Bravais) ; Charles Cagniard de Latour (1777-1859), sirène, machines à vapeur, fluide supercritique ; Augustin Louis, baron Cauchy (1789-1857), fondateur de l’analyse moderne ; Michel Chasles (1793-1880), géomètre ( mais pas historien) ; André Citroën (1878-1935) ; Benoît Paul Émile Clapeyron (1799-1864), un des fondateurs de la thermodynamique ; Jean-François Clervoy, spationaute ; Auguste Comte (1798-1857), fondateur du positivisme ; Pierre Louis Dulong (1785-1838) (loi de Dulong et Petit) ; Charles Fabry (1867-1945), optique, interféromètre Fabry Perrot ; Augustin Fresnel (1788-1827), lentilles de Fresnel, fondateur de l’optique ondulatoire ; Georges Friedel (1865-1933), cristallographie, loi de Friedel ; Louis Joseph Gay-Lussac (1778 -1850, chimiste, nombreuses lois du même nom ; Henri Navier (1785 -1836) équation hydrodynamique du même nom; Charles Hermite (1822-1901), nature transcendantale de e ; fonctions elliptiques.. ; Camille Jordan (1838-1922), analyse mathématique, théorie des groupes ; Henry Louis Le Chatelier (1850-1936), loi des équilibres chimiques ; Louis Leprince-Ringuet (1901-2000), physique des particules, mécanique ondulatoire ; Urbain Le Verrier(1811-1877), codécouvreur de la planète Neptune ; Joseph Liouville (1809-1882), analyse complexe, théorie des nombres ; Edmond Malinvaud (1923-2015), économiste, théorie du déséquilibre ; Étienne Louis Malus (1775-1812), polarisation de la lumière ; Henri Poincaré (1854-1912), mathématicien, chaos déterministe, géométrie différentielle, topologie, relativité… ; Siméon Denis Poisson (1781-1840), probabilités, théorie de l’intégration ; Jean-Léonard-Marie Poiseuille (1797-1869), physicien et médecin, circulation sanguine ; Jean-Victor Poncelet (1788 - 1867), géométrie, mécanique ; Henri Victor Regnault (1810-1878), propriété thermique des gaz, photographie ; Sadi Carnot (1796-1832), fondateur de la thermodynamique ; Alfred Sauvy (1898-1990), démographe ; Pierre Schaeffer (1910-1995), père de la musique concrète et de la musique électroacoustique ; Jean Tirole, Prix Nobel d’économie 2014 ; Louis Joseph Vicat (1786-1861), inventeur du ciment artificiel; Benoit Mandelbrot (1924-2010) découvreur des fractales; Léon Charles Thévenin (1857-1926 à Paris), électricité,  théorème de Thévenin
Et c’est cela que l’on veut détruire.
 
 

jeudi 9 juillet 2015

L’ Ecole Polytechnique détruite ? Le rapport Attali


Alors qu’un projet aberrant vise à bouleverser de fond en comble  la prestigieuse Ecole Polytechnique (voir notamment pour le détail des mesures absurdes Rapport Attali: ou comment tuer l'École polytechnique, Thierry Berthier, http://www.huffingtonpost.fr/thierry-berthier/rapport-attali-ou-comment_b_7559320.html); j’ai pensé intéressant de rappeler les circonstances de la création de l‘Ecole.

On peut se demander quelle rage, folie, saisit une partie de nos élites, des fonctionnaires de l’Education Nationale, apparemment écoutés par ce gouvernement, de détruire ce qui fonctionne encore bien dans notre enseignement  au lieu de s’attaquer à ce qui ne fonctionne pas ; désir de terre brûlée, égalitarisme néo montagnard, simple bêtise, le classement de Shangai qui rend fou ? Que l’on compare en tous cas avec le prestige et la considération  accordés, dans leurs pays respectifs,  à ces vieilles institutions, Oxford, Cambridge, Harvard, Princeton, le MIT, l’institut Lomonossov…Qui aurait l’idée d’un rapport Attali pour Harvard ?
 

L’Ecole Polytechnique : “Pour la Patrie, la Science et la Gloire” (Extrait de l’Empire des Sciences, Napoléon et ses savants, Poche Ellipses, 2015)
 Un complot des savants

En mars 1794 certains membres du Comité de Salut Public s’inquiétèrent. Comment former les officiers dont les armées révolutionnaires avaient besoin ? Les prestigieuses et efficaces écoles militaires de l’Ancien Régime avaient été fermées. L’enseignement révolutionnaire de l’Ecole de Mars, puis de l’Ecole Normale, ils n’y croyaient pas beaucoup. Il fallait autre chose. Par exemple, recréer Mézières, l’Ecole militaire d’élite par excellence. La future Ecole Polytechnique aura trois parrains politiques qui, tour à tour, la protègeront et veilleront avec constance et persévérance à sa survie et à son développement. Ils s’appellent Carnot, Prieur de la Côte d’Or et Fourcroy. Tous trois furent membres du Comité de Salut Public ; deux d’entre eux,  Carnot et Prieur, avaient étudié à l’Ecole du génie de Mézières. Auprès d’eux agissait “ un congrès de savants”, écrivit A. Fourcy, le premier historien de l'Ecole ; on dirait aujourd’hui un lobby. Y figuraient , au premier plan, Monge, ancien enseignant à Mézières et ancien examinateur de la Marine, et Laplace ; et aussi les chimistes Guyton de Morveau, Berthollet, Vauquelin, le physicien Hassenfratz, l’ingénieur Lamblardie, patron des Ponts et Chaussées. Les chimistes étaient particulièrement influents. Grâce aux procédés mis au point par le pauvre Lavoisier et par Berthollet, les armées françaises ne manquaient pas de poudre, malgré l’arrêt de l’importation des salpêtres indiens- alors que,  naguère, le manque de poudre avait mis fin à la guerre de Sept Ans.

Mieux que Mézières
Donc recréer Mézières, et même mieux.  Le projet pédagogique des fondateurs est ambitieux : il s’agît de fonder une Ecole d’un type nouveau, une école généraliste où l’on apprendrait les bases scientifiques fondamentales communes à tous les métiers techniques. “Ils virent que la science d’un bon ingénieur se compose de notions générales, communes à tous les genres de services, et de détails pratiques propres à chacun d’entre eux. Parmi les premières et au premier rang sont les mathématiques élevées qui donnent de la tenue et de la sagacité à l’esprit. Viennent ensuite les grandes théories de la chimie et de la physique. Celles-ci, fondées sur des définitions moins rigoureuses, mais procédant comme les mathématiques, développent cette sorte de talent qui sert à interroger la nature et montre les ressources qu’elle peut fournir. Enfin, on doit y comprendre les principes généraux de toutes les espèces de construction, dont la connaissance est nécessaire pour rendre l’ingénieur indépendant des circonstances et des localités. On eut donc dans la nouvelle école des cours de mathématiques pures et appliquées, des leçons de géométrie descriptive, de fortification, de dessin et d’architecture civile, navale et militaire. Quant aux détails pratiques, on les renvoya aux anciennes écoles, qu’on laissa subsister en élevant toutefois leur enseignement.” (Biot)

Pour Fourcroy, il faut donc prévoir une formation générale de trois ans au moins qui permette ensuite de suivre facilement les cours des écoles spécialisées : génie, artillerie, marine, topographie, Ponts et Chaussées… Pas question d’adopter le mode de recrutement de l’Ecole Normale : recrutement proportionnel à la population (un candidat pour 20.000 habitants), sélection des candidats par un jury populaire sur des critères moraux . Non, une solution sûre, éprouvée : le concours, comme celui que pratiquaient les examinateurs royaux Monge et Laplace, comme celui qu’ont brillamment réussi Carnot et Prieur. Devant la Convention, Fourcroy annonce carrément : “On veut appeler ceux qui sont déjà les mieux préparés pour que la République puisse jouir plus tôt de l’exercice de leurs talents… La seule manière de les reconnaître est de les faire passer à travers un examen qui donne la mesure précise de l’intelligence et des dispositions de chacun d’eux.” Alors qu’aux tribunes de la Convention, on glorifie le culte de l’égalité et on rejette avec violence tout ce qui ressemble à la reconstitution de castes privilégiées, ce discours témoigne d’une réelle conviction et d’un vrai courage politique.
Une naissance difficile

En juillet 1794, la Convention se révolte contre Robespierre, brutalement décrété d’arrestation puis exécuté. L’Ecole Centrale des Travaux Publics, projet défendu par le jacobin Fourcroy, va-t-elle être emportée par la haine du dictateur et le soulagement de ceux qui l’avaient acclamé à proportion qu’ils le craignaient ? Fourcroy monte à la tribune et se livre à un beau numéro d’opportunisme. Robespierre, Couthon et Saint-Just, explique-t-il, étaient hostiles à la science, ils s’opposaient à son projet. Ils menaient “une véritable conjuration contre les progrès de la raison humaine, voulaient anéantir les sciences et les arts pour marcher à la domination”. Une première fois, l’Ecole est sauvée.
En octobre 1794 se déroule le premier concours. Certains examinateurs n’ont pas bien compris les vues de Fourcroy, n’ont pas saisi le cours nouveau des choses. A Paris, l’examinateur “au moral”, montagnard fanatique, insiste pour qu’aucun élève ne soit autorisé à subir les épreuves scientifiques s’il n’a pas été auparavant admis par lui. Aucun repêchage ne doit être possible et l’examinateur entend s’opposer à la “compensation sacrilège des vertus par les talents”. Il recale derechef les quarante premiers élèves qu’il examine : “La manifestation de leur patriotisme a été nulle » On décida rapidement d’éliminer l’examinateur...

Le 1er nivôse an II (21 décembre 1794) eut lieu le premier cours de l’Ecole Centrale des Travaux Publics. Le Représentant Fourcroy y arriva en grande tenue et donna une conférence de physique. A Fourcroy succèdèrent Monge, Chaptal, Hachette, Hassenfratz. Dans l’assistance figurait un autre Représentant, Prieur de la Côte d’Or. Malgré la qualité du corps enseignant, l’Ecole connût des débuts difficiles. En Floréal (mai) 1795, la moitié des élèves n’assistaient plus aux cours. Les uns, mal nourris, mal logés, épuisés par les privations, étaient malades ; les autres ont abandonné et sont retournés chez eux. Les soldes en assignat ne leur permettaient plus de vivre à Paris. Les logeurs désignés par l’administration de l’Ecole (les “pères de famille”) trouvaient les pensions insuffisantes et renvoyaient les élèves. Les élèves qui restaient à l’Ecole manifestaient une vive hostilité envers la Convention et sympathisaient avec les muscadins contre-révolutionnaires.
 L’Ecole menacée par les tribulations politiques
Les 1er et 2 Prairial 1795 (20 et 21 mai), les sections parisiennes favorables aux montagnards se révoltent. L’hiver a été rude et les quartiers populaires ne supportent plus les rationnements alors qu’un marché libre bien approvisionné  permet aux plus riches de vivre luxueusement. La Convention est envahie, un député assassiné. Les sections du centre de Paris, refusant le retour des tragiques journées révolutionnaires, soutenues par l’armée et les muscadins, rétablissent l’ordre. Monge, suspect de sympathies jacobines, est décrété d’arrestation, ainsi que son assistant Hachette et Hassenfratz. Même les élèves les plus favorables aux royalistes se révoltent alors contre l’arrestation de Monge. A la Convention, Carnot, Prieur et Fourcroy veillent. Ils obtiennent le maintien de l’Ecole, et, bien mieux, ils font voter un secours immédiat pour les élèves les plus pauvres et une augmentation du traitement pour tous. Lagrange entre dans le corps enseignant et donne le cours d’analyse le plus avancé du monde. Monge, bientôt libéré, reprend aussitôt son enseignement. Prieur et Carnot viennent visiter l’Ecole et s’assurent que les élèves ont bien repris les cours. Fourcroy continue à travailler la Convention et obtient un cadeau incroyable pour son école, le “privilège”. Désormais, aucun élève ne pourra être reçu dans les écoles d’ingénieurs de la marine, du génie, de l’artillerie, des Ponts, de topographie s’il n’a auparavant suivi les cours de l’Ecole. L’Ecole Centrale des Travaux Publics devient l’Ecole polytechnique….
Au printemps 1797, le régime subit l’une des plus grandes défaites électorales de l’histoire de France : 17 députés favorables au Directoire sont réélus, contre 170 royalistes et 45 indécis. Barras, à nouveau, sauve son pouvoir par un coup d’Etat, le 18 fructidor (5 septembre). Les soldats d’Augereau, envoyés par Bonaparte, occupent Paris. Les Conventionnels favorables à Barras s’indignent de l’attitude des élèves de l’Ecole Polytechnique, “clychiens et réactionnaires”. “L’aristocratie s’est réfugiée dans l’Ecole” entend-on à la tribune de la Convention. Alors paraît un Conventionnel incontestable, Prieur de la Côte d’Or. Il admet benoîtement : “On ne peut douter que quelques élèves ne soient infectés de ce vice, mais il y aurait de l’exagération à trop généraliser ce reproche”. Quelques jours plus tard, Prieur explique encore : “Les élèves une fois admis, il n’y a plus aucun moyen de les réprimer”.

Les élections ont été annulées, 198 députés sont invalidés et 53 déportés en Guyane. Le Directeur royaliste, Barthélemy, est, lui aussi, condamné à la déportation ; Carnot, Directeur favorable au respect du résultat des élections échappe au sort de Barthélemy en courant à la frontière suisse. Mais, pour Prieur, on ne peut prendre aucune sanction contre les élèves de l’Ecole…Les parrains de l'Ecole la défendent bien.
Bonaparte découvre Polytechnique : le rêve Egyptien

Alors que le Directoire de fructidor continue à brimer l’Ecole, rognant les crédits de fonctionnement, les pensions des élèves, retardant la construction des laboratoires de chimie et supprimant même le “privilège” durement gagné par Prieur, le futur Empereur s’y crée au contraire une clientèle d’admirateurs. Il a pour eux un grand projet.
Ce grand projet, c’était l’Expédition d’Egypte. Trois membres du corps enseignant (Monge, Berthollet et Fourier) et trente-neuf élèves issus des premières promotions y participèrent ; huit y laissèrent la vie. Napoléon eut l’occasion d’apprécier l’intelligence et l’activité des Polytechniciens et l’excellence de leur formation, leurs capacités en tous domaines. On sait le rôle politique important que tint Fourier en Egypte. La Description de l’Egypte et la représentation de ses fascinantes antiquités doit autant, sinon plus, aux cours de géométrie de Monge et aux relevés des Polytechniciens qu’au coup de crayon de Denon (“Denon n’a donné que des croquis et des vues sans lever aucun plan, ni prendre aucune mesure” expliquait Villiers).
Le mirage égyptien, héritage de l’épopée napoléonienne, hanta durablement Polytechnique. Ceux qui y participèrent planifièrent, à l’Institut d’Egypte, la mise en valeur du pays. Certains collaboreront aux ambitieux programmes de développement de Mohamed Ali. Les Saint-Simoniens des promotions des années 1810 rêvaient d’un mariage mystique entre Orient et Occident en Egypte. Prosper Enfantin y fit de longs séjours. Charles Lambert fonda et dirigea l’Ecole Polytechnique de Boulak. Ce n’est pas un hasard si le projet du canal de Suez naquit dans les milieux Saint-Simoniens du Second Empire…
Qu’enseigner à l’Ecole ?“Les sciences dans leur état le plus récent“

Entre Fourcroy, Monge, Laplace et Prieur, l’accord était total : L’Ecole devait enseigner les méthodes les plus générales, les plus théoriques, les plus récentes. Elle devait donner le dernier état de la science, amener ses élèves au niveau de la recherche scientifique. C’est pour cette raison que Fourcroy avait plaidé, lors de la création de l’Ecole, pour une scolarité en trois ans. Cela parut démesuré pour former de simples officiers de l’artillerie et du génie, et les Montagnards, opposés à toute renaissance d’une élite, les Idéologues, qui voulaient le monopole de l’enseignement de haut niveau, suspectèrent la manœuvre. “Sous couleur de préparer des officiers instruits et des ingénieurs capables, ils (Fourcroy, Carnot, Prieur, Monge) travaillent à constituer un centre de hautes études désintéressées” entendit-on à la tribune de la Convention…Devant les attaques du corps législatif, Monge avoua carrément ce que fut “le complot des savants” : “Lorsqu’on a créé l’Ecole, on voulait, à la vérité, préparer des officiers et des ingénieurs, mais on avait un but bien plus vaste et bien plus élevé, celui de stimuler tout d’un coup le génie français prêt à s’endormir, de rappeler l’attention vers les sciences, de ranimer l’amour de l’étude et de rendre à la France un éclat non moins solide que celui de nos armées…, de tirer la nation française de la dépendance où elle a été, jusqu’à présent, de l’industrie étrangère”. Ce programme, Napoléon l’accepta, et Arago put se moquer de ces généraux, “très braves canonniers mais nullement artilleurs” qui harcelaient l’Empereur de leurs doléances sur ce qu’ils appelaient les tendances trop scientifiques des officiers sortis de l’Ecole. La vocation de l’Ecole à conduire une recherche de haut niveau fut confirmée en 1808, après la découverte du potassium par l’Anglais Davy, grâce à la pile de Volta. Napoléon finança, pour la somme alors considérable de 20.000 francs, la construction d’une pile gigantesque, qui fut installée à l’Ecole et confiée au Polytechnicien Gay-Lussac.
Entre les cours de géométrie et d’algèbre de Monge, le calcul différentiel de Lacroix, la chimie de Fourcroy et de Haüy, sans compter les dessins de géométrie descriptive, d’imitation libre et les comptes-rendus d’opérations chimiques, l’enseignement était effectivement de haut niveau et ardu…

Et c’est cela que l’on veut détruire ?


 

mardi 7 juillet 2015

Six défis collectifs pour la biomédecine du XXIème siècle


C’est le titre d’une intéressante tribune libre dans Le Monde des sciences du 1er juillet du Directeur de l’Inserm, Yves Levy :. L’article s’ouvre par ce rappel : le séquençage du premier génome humain a nécessité dix ans et couté 2.15 milliards d’euros ; aujourd’hui, le séquençage de la partie codante d’un génome ne nécessite plus que quelques heures et coûte moins de 1,000 euros. D’autre part, les techniques d’édition du génome (remplacement d’un gêne défectueux par un autre de façon précise ont aussi extraordinairement progressé, grâce en particulier à la méthode Crispr/Cas9. Ces nouvelles méthodes, si nous voulons profiter de ce qu’elles peuvent apporter, proposent des défis nouveaux au système de santé. Résumé et commentaires
Renforcer le lien entre recherche fondamentale et translationnelle ( la preuve du concept chez l’homme). « Cette nouvelle donne pose la question de la prise de risque nécessaire dans le financement de cette recherche ».
Commentaire : En effet, une part importante de la recherche fondamentale est assurée par l’industrie pharmaceutique. On ne peut pas à la fois sans cesse vouloir baisser le prix des médicaments et investi davantage dans une recherche thérapeutique de plus en plus complexe, risquée et personnalisée. Par ailleurs l’industrie pharmaceutique est une industrie, et ce qu’elle sait faire , c’est produire de façon industrielle, standardisée, des médicaments et des dispositifs médicaux. Quid de méthodes de traitements consistant à prendre les cellules d’un patient, à les modifier et à les remettre en place ? Comment financer ces nouvelles méthodes si elles se développent ?
Développer les infrastructures d’analyse de données (big data) ?  … « des données privées issues de multiples capteurs de bien être utilisés par une population de plus en plus connectée et attentive à sa santé ».
Commentaire : Oui, mais en protégeant les patients et leurs médecins d’utilisations non souhaitées par le patient de ces données. Or, pour l’instant, ceux qui utilisent le plus le big data, c’est la CNAM pour contrôler les pratiques médicales, avec notamment en ce moment  une offensive sur les arrêts maladies, à coups de normes générales ignorant les situations particulières (par exemple, pas d’arrêt pour un lumbago chez une personne occupant un poste assis- même si elle est clouée au lit). 
Permettre l’amélioration de la chaine d’innovation : « plutôt que de tirer au maximum la recherche vers son volet finalisé, il faut surtout financer une bonne recherche en créant les conditions opportunes d’innovation et de valorisation. A mélanger les deux, nous risquons de sacrifier des recherches de rupture à plus long terme sans pour autant créer les vrais leviers pour innover à court terme. »
Commentaire : en effet, il est préférable que les Organismes de recherche et les Universités fassent de la bonne recherche fondamentale plutôt que de la recherche appliquée non applicable…
Inventer un nouveau modèle économique et partenarial aux interfaces public-privé : « un tissu industriel solide est indispensable à la maturation de l’invention puis à sa mise sur le marché »
Commentaire : oui, merci. Je n’ai pourtant pas vu l’industrie pharmaceutique, bouc émissaire habituel des dépenses de santé, ni la recherche thérapeutique bien placées dans les investissements d’avenir…
Repenser les mécanismes d’évaluation et  d’estimation du prix de l’innovation en santé : « on va traiter des sous-types de pathologie et des sous-familles de malades, avec des bénéfices restreints sur des populations restreintes.  Comment assure-t-on les coûts de l’innovation ? » En effet.
Garantir le passage de la recherche vers la clinique puis l’égalité d’accès à l’innovation. « Les approches thérapeutiques les plus prometteuses devront être testées dans des essais pilotes…Il convient de repenser la mise sur le marché des médicaments innovants, peut-être en conditionnant  leur mise à disposition et leur remboursement à l’accumulation des données »
Commentaire : oui, mais qui finance cette accumulation des données ? Avons-nous encore la volonté de progresser dans le traitement des maladies, des douleurs ? A noter que dans certains cas de traitements très couteux et très spécifiques, les firmes pharmaceutiques ont accepté que le prix du traitement soit conditionné par sa réussite.
En tous cas des débats qu’il faudra avoir, de nouvelles solutions à imaginer pour de nouveaux défis, si nous voulons que le progrès thérapeutique continue, que les promesses des nouvelles biotechnologies se concrétisent et qu’elles profitent à tous.