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mercredi 22 février 2012

Santé des agriculteurs et pesticides

Santé des agriculteurs et pesticides
Un procès important
Un agriculteur charentais, M. Paul François, a obtenu une condamnation et une indemnisation de Monsanto pour avoir été intoxiqué par un pesticide, le Lasso. En 2004, M. Paul François éprouve un malaise et est pris de vertige en nettoyant une cuve d’insecticide ; il souffre encore aujourd’hui de troubles neurologiques : vertiges, absences, pertes de connaissances. Monsanto  a été condamné pour n’avoir pas informé correctement les utilisateurs sur la composition et la toxicité de son pesticide, et sur les précautions d’emploi. La firme a fait appel en considérant que le lien de cause à effet entre l’intoxication par le Lasso et l’état de santé de M. François n’est pas établi, et que M. François était un professionnel averti qui utilisait ce produit depuis longtemps. Ce procès et cette condamnation, même si elle n’est pas définitive, constituent l’aboutissement d’un combat difficile, dans lequel Ségolène Royal s’est particulièrement impliquée et un succès pour les agriculteurs, qui aura des répercutions internationales. Elle ne pourra qu’avoir des conséquences heureuses en terme de santé publique, pour une catégorie professionnelle  particulièrement exposée, d’obligation d’information, de sécurité et de responsabilité des firmes agroalimentaires.
La faiblesse de la santé publique en France
Constatons cependant ceci : M. François a été intoxiqué en 2004 ; si M. François avait été Canadien, Belge, ou Anglais, il serait aujourd’hui en bonne santé, car  le Lasso a été retiré dans ces pays en 1985,… et, en France en avril 2007. Si l’on doit se poser des questions sur le choix de Monsanto de maintenir ce produit sur le marché, cette affaire est aussi, une fois de plus, une grave mise en cause de la politique de santé publique en France. C’était la responsabilité de l’Etat Français de retirer son agrément à la commercialisation du Lasso, pourquoi ce délai de douze ans ! Il serait étonnant que l’affaire ne connaisse pas  aussi des développements judiciaires sur ce plan.
Une étude concernant le milieu agricole, Agrican, a été mise en place par la mutuelle sociale agricole en 2005 (2). Cette étude dite de cohorte concerne environ 180.000 sociétaires de la MSA, actifs ou retraités, exerçant dans douze départements choisis de façon à représenter l’ensemble des activités agricoles françaises, et est prévue pour durer 10 ans…sauf que le financement n’est pas assuré. C’est bien, car nous sommes un pays qui consomme beaucoup de pesticides (80.000 tonnes par an, en léger recul par rapport à la décennie précédente-100 000 tonnes), avec près de 600 composés différents commercialisés dans le monde. Mais d’autres pays ont déjà mené ce type d’études, et les résultats préliminaires de l’étude française semblent confirmer ces résultats déjà connus par des méta-analyses : les agriculteurs sont beaucoup moins frappés par les cancers du poumon (-35%), de l’œsophage (-26%), de la vessie(-20%), des cancers liés  aux tabagisme. Ils ont par contre un peu plus frappés par les cancers de la peau (5 à 15%), le mélanome malin (5 à 15%), le cancer des lèvres (100%, mais faible incidence). Ces trois types de cancer sont des conséquences assez typiques d’une exposition aux UV, et ce résultat devrait inciter à une action de prévention spécifique. Il existe également une surexpression des myélomes multiples et des leucémies (environ 10%) qui pourraient être liés aux pesticides. Historiquement, cette expression a été observée de manière beaucoup plus forte lors d’une des premières enquêtes de cohorte effectuée en Suède, et a pu dans ce cas être reliée à la présence de contaminants de type dioxines, ce qui a permis d’améliorer la situation et prouve l’utilité de ce type d’enquête.
Et les maladies neurodégénératives ?
Reste que cette étude Agrican consiste un peu à chercher ses clés là où il y a de la lumière, et non là où on les a perdu. On suit le cancer parce qu’il existe des registres de déclaration des cancers, alors que les études étrangères montrent un effet possible mais faible des pesticides sur les cancers, mais suggèrent un effet beaucoup plus importants sur les maladies neurodégénératives. Une enquête de l’Inserm de 2009 (3) a montré que «les personnes ayant employé des pesticides dans le cadre de leur métier ont plus souvent la maladie de Parkinson que les sujets témoins », confirmant une enquête précédente de 2003, montrant un risque multiplié par 5.6 pour Parkinson et 2.4 pour Alzheimer (1). Certains pesticides semblent plus particulièrement concernés, comme le paraquat, les organochlorés, et un « biopesticide », la roténone (4). Trois tribunaux français différents, dans trois cas différents, ont déjà reconnu comme un Parkinson comme maladie professionnelle causée par les pesticides. Le lien entre maladies neurodégénératives et pesticides semble mieux établi que pour le cancer.
Questions et solutions
Est-il admissible que des produits comme ceux ayant causé l’intoxication de M.  aient été retirés du marché français bien après d’autres marchés ? Non évidemment, et ce devrait devenir une règle que lorsqu’un pays retire un produit pour raison médicale, il soit aussi retiré en France, au moins le temps de statuer sur son cas.
Est-il admissible que l’on ne surveille pas mieux les effets de l’environnement et en particulier des  pesticides dans le cas des agriculteurs, sur les maladies neurodégénératives alors qu’il existe des mécanismes biochimiques expliquant une neurotoxicité potentielle de certains produits ? Non, évidemment, et la création d’un registre des maladies neurodégénératives similaire au registre national du cancer est indispensable.
Est-il admissible que les exigences pour la mise sur le marché des pesticides ne soient pas renforcées en fonction des découvertes récentes, est-il normal que subsistent autant de produits différents et anciens mal évalués ? Non.
Est-il admissible qu’on ne fasse pas tout le nécessaire pour informer sur des techniques d’agriculture raisonnée qui devraient permettre de diminuer l’utilisation de pesticides, et encourager la formation des agriculteurs ?
Oui ou non, l’utilisation d’OGM ( et lesquels ?) est-elle susceptible d’entraîner une baisse de l’utilisation des pesticides, ou le remplacement de pesticides toxiques par d’autres moins toxiques ? Avis impartial demandé d’urgence, les académies scientifiques sont là pour ça !
Enfin, un des résultats notables de l’enquête en cours Agrican est que les femmes d’agriculteurs se suicident notablement plus (30%) que les femmes de la population générale. C’est un autre problème, mais il mérite aussi d’attirer l’attention.

(1) Baldi, 2003, Neurodegenerative Diseases and Exposure to Pesticides in the Elderly,  American Journal of Epidemiology Volume 157, Issue 5Pp. 409-414
(2) Baldi, 2007, Cancers et pesticides, Rev Prat 2007 ; 57 (suppl. 11) : S40-S4
(3) Elbaz A, et al, Exposition aux pesticides et maladie de Parkinson : un lien confirmé chez les agriculteurs français.. Ann Neurol 2009 ; 66 : 494-504
(4) Freya Kamel et al., Rotenone, Paraquat, and Parkinson's Disease, Environ Health Perspect 119:866-872 Environmental Health Perspectives


samedi 11 février 2012

l’ingénieur « à la française » intéresse l’Asie

Classes Préparatoires et Grandes Ecoles : l’ingénieur « à la française » intéresse l’Asie

L’Asie s’attaque maintenant aux industries de pointe et à l’innovation, et la formation des ingénieurs à la française, appuyée sur la filière des grandes écoles et des classes préparatoires y fait un tabac – foin des business schools ! Ainsi l’Ecole Centrale de Paris  (ECP) a-t-elle créé une structure sœur, l’Ecole Centrale de Pekin (aussi ECP…) dans la plus grande université de la capitale chinoise. Le cursus s y déroule en cinq ans, une année de formation linguistique, deux années de  préparatoire, trois années de formation. La remise de diplôme de la première promotion a eu lieu le 7 janvier 2012, dans le cadre prestigieux du Palais du Peuple de la place TiananMen et, en présence du ministre chinois de l’industrie. Autre exemple prestigieux, l’Ecole Polytechnique qui, lors de sa formation a inspiré West Point et des écoles de génie civil en Espagne, en Russie, en Amérique Latine, accueille chaque année 20 % d’étudiants étrangers, qui passe le concours dans 13 centres d’examens répartis dans le monde : Maroc, Vietnam, Brésil, Tunisie, Chine, Roumanie, Russie, Chili, Espagne... C’est une bonne nouvelle pour la France, un atout pour son industrie, sa recherche, son rayonnement… à condition qu’en France même, on redonne aux carrières scientifiques  la rémunération et la considération qu’elles méritent et sans lesquelles la  volonté proclamée de réindustrialisation ne sera au mieux qu’un vœu pieux, au pire une hypocrisie.

Les classes préparatoires comme modèle

Les classes préparatoires, support essentiel des Grandes Ecoles s’internationalisent aussi. Le proviseur du lycée Louis Le Grand, Joel Vallat, est persuadé que notre modèle a des atouts, et peut, et doit, être exporté : « Vous ne pouvez pas imaginer à quel point l'image de l'ingénieur français reste prestigieuse. C'est Airbus, Areva, le TGV... L'ingénieur français a, en outre, une particularité : une formation généraliste là où les autres sont spécialisés. Nous devons cesser de nous autoflageller. Notre modèle a des atouts, il faut l'exporter, et surtout être convaincu que la présence d'élèves étrangers dans nos lycées contribue au dynamisme de notre pays » (Challenge, 17 jan 2008). Depuis plusieurs années, il agit maintenant en véritable ambassadeur de la formation scientifique française. Ainsi, Louis Le Grand, en association avec les Mines a créé une filière scientifique à Pondichéry dans laquelle  le lycée parisien apporte son expertise en matière de création filière scientifique d'excellence, collabore à la définition des programmes de mathématiques et physique, à l'élaboration des tests de sélection et à la sélection des élèves. Un projet analogue est en cours des Emirats Arabe Unis, un autre fonctionne déjà au Vietnam 
Autre effort remarquable, depuis environ dix ans, certains lycées à classes préparatoires ont organisé un test commun de mathématiques qui permet d’évaluer le niveau des candidats étrangers sans tenir compte de la langue. Chaque année, par exemple, environ quatre cent  étudiants chinois passent ce test, une cinquantaine sont retenus. Acceptés en classe préparatoire en France, ils sont répartis dans les lycées les plus prestigieux et suivent la scolarité normale après une formation accélérée en Français ; M. Vallat aime à rappeler qu’une étudiante de Shangaï  s’est retrouvée première lors du premier devoir de maths dans sa nouvelle classe. Louis Le Grand, l’un des plus avancé dans cette voie accueille un pourcentage significatif (>10%) d’élèves étrangers, venant de Chine, du Maghreb, d’ Amérique du Sud, d’Europe de l'Est, essentiellement dans les filières scientifiques pour des raisons de maîtrise de la langue.

L’ouverture sociale

Cet effort d’internationalisation de la filière française de formation scientifique est un atout immense, il n’est pas en contradiction, mais, au contraire, vient en complément des efforts d’ouverture sociale. La proportion de boursiers dans les classes préparatoires, après avoir baissé dans les années 90 (14% en 1998) est en train de remonter (26% en moyenne, 35% à Louis Le Grand). C’est le résultat d’une politique volontariste, qui ne permet certes pas de compenser totalement l’injustice sociale de l’enseignement primaire et secondaire, mais qui permet aux classes préparatoires et Grandes Ecoles de continuer à être les meilleurs instruments de l’ « élitisme républicain ». Ainsi Louis Le Grand a-t-il créé au niveau lycée une classe technique (STI2D : sciences et techniques de l’industrie et du développement durable) – et il faut encore rappeler que les Universités, avec les Instituts Universitaires de Technologie, parfois remis en cause, ont su créer une vraie filière d’excellence pour les techniciens. Le lycée Henri IV, dans le domaine des prépas littéraires, où la culture générale joue un rôle plus important, a vraiment innové en instituant une classe de propédeutique, qui permet aux meilleurs élèves venant de quartiers défavorisés de bénéficier d’une année supplémentaire pour acquérir la culture générale que d’autres plus privilégiés ont reçu par leur milieu. C’est là une solution bien plus juste, intelligente et respectueuse que la décision du directeur de Sciences Po Paris de supprimer l’épreuve de culture générale, idée finalement assez méprisante envers les classes sociales défavorisées.

mardi 7 février 2012

RATP, service public et innovation

RATP, service public et innovation

Des usagers bien éprouvés

Les habitants de la Région parisienne n’ont pu que constater une éprouvante dégradation des transports en commun au cours de ces dernières années. Pratiquement tous les temps de transports se sont accru, ce qui devient insupportable pour des gens qui ont facilement près de trois heures de transport par jours. Lignes après lignes, RER D, puis C, puis B, puis A, les durées se sont allongées, les incidents d’exploitation et les retards se multiplient au point de rendre les horaires imprévisibles, la surcharge est telle qu’il faut laisser passer une, puis deux , puis trois rames avant de pouvoir éventuellement prendre le métro dans les stations les plus importantes ; sans compter l’aggravation des conditions de transports : les rames les plus récentes de la RATP  tournent à la bétaillère, avec une diminution importante des places assises – une solution radicale. Dans Paris même, la situation n’est pas meilleure, avec la fameuse ligne 13 dont on se demande comment les voyageurs ne tombent pas régulièrement en syncope – et d’ailleurs, ils le font-, mais aussi les lignes 1 et 4… et  d’autres sans doute que je n’ai pas le bonheur de prendre régulièrement. Lorsque des étudiants doivent passer des examens, on leur conseille maintenant de réserver la veille une chambre à côté du centre d’examen  plutôt que de prendre le risque de se fier à la SNCF/RATP, même avec une large marge d’avance. Le nombre de ceux qui ont perdu leur emploi à cause de transports trop irréguliers s’accroît.
La situation est telle que la RATP et la SNCF déconseillent maintenant à de nouvelles grandes entreprises de s’installer à proximité de stations du RER.
C’est bien parti pour le Grand Paris ! Le transport public en région parisienne est devenu une véritable galère qui pourrait bien coûter cher aux prochaines élections régionales, et indigne d’un pays moderne.
Pendant ce temps, la RATP, à travers sa filiale RATP-dev gère des transports publics à Londres, à Manchester, à Johannesburg, en Suisse, en Italie, où elle est devenue le premier opérateur étranger de transports publics (Florence, Gênes…). Est-ce bien son rôle ? Et quel est le bilan financier de RATP –Dev ?

Des premières mondiales

Pourtant, grâce à son statut d’opérateur public et au monopole parisien, la RATP a parfois su mener une importante politique d’innovation, qui a conduit à quelques premières technologiques mondiales. Ainsi, la création de la ligne 14 entièrement automatique  en 1998 a marqué une étape importante – et elle fonctionne toujours parfaitement pour la plus grande satisfaction des usagers. Le système METEOR, basé sur le SAET (Système Automatique d'Exploitation des Trains) conçu en collaboration par la RATP et Matra-Siemens a constitué une véritable innovation qui a fait de cette ligne une vitrine internationale qui a déjà permis d'exporter cette technologie (Le mot technologie possède deux acceptions de fait :) à travers le monde (Le mot monde peut désigner :). Le SAET est le système logiciel le plus complexe conçu pour un système de transport, avec une souplesse remarquable qui lui permet de gérer à la fois des rames automatiques et non-automatiques. Les entreprises qui ont conçu et réalisé  METEOR remportent maintenant des marchés à l’exportation, et pas des moindres : la ligne 9 de Barcelone (49 km,50 stations), la Ligne L du métro de New-York, une des plus chargée, qui dessert le New-Jersey, les premières lignes automatiques des métros de Sao-Paulo, Budapest, Helsinki. Thalès vient de remporter début 2012 le marché important de la signalisation du métro de l’aéroport de Hong-Kong. Performance appréciable et peut-être unique jusqu’à présent, le SAET permet aussi l’automatisation progressive de la ligne 1 du métro parisien, avec des perturbations minimes– et il était temps, tant la ligne 1 est saturée… Par ailleurs, Alstom et la RATP ont signé  en 2011 la création d'une société commune, Metrolab, chargée de concevoir le métro automatique du futur.
Le marché du métro automatique est promis à un très bel avenir. Il est estimé à plus de 13 milliards d'euros pour les cinq prochaines années, et c’est une tendance de long terme: plus de la moitié de la population mondiale vit maintenant dans de grandes aggomérations. C’est dire que la RATP, entraînant avec elle de grandes entreprises françaises et européennes a un bel avenir,… si elle faire les bons choix stratégiques

Service public,  libre concurrence et l’innovation

Clairement, ce n’est pas la mission de la RATP de gérer quelques lignes de transports en commun dans les pays les plus exotiques. C’est clairement la mission de la RATP, service public, d’assurer des transports de qualité en Ile de France, de répondre aux défis du présent et de l’avenir en développant, avec des entreprises partenaires, des solutions innovantes comme le métro automatique, la modernisation du trafic des bus, de nouveaux trams. Et ces entreprises pourront devenir de grands champions français et/ou européens du transport public.
Encore faudrait-il que la RATP reste un service public, et qu’elle ait les moyens d’investir. Il faudrait pour cela abroger l’imbécile directive européenne qui prévoit fin 2024 l’ouverture à la concurrence des lignes de bus, en 2029 celle des  lignes de trams, en 2039 celle des métros et des RER. Ainsi soumise à une concurrence qui écrèmera les lignes les plus rentables, la RATP n’aura plus les moyens d’investir, et les franciliens verront pour la plupart leurs transports se dégrader. Cette absurde politique a échoué là où elle est pratiquée ( à Londres notamment) c’est une politique contre l’innovation et le secteur public, tout comme la loi NOME met en danger la modernisation de la production électrique. Il est temps de dénoncer les ravages de l’idéologie de la concurrence dans des domaines où elle ne s’applique pas et de rompre avec cette politique



mercredi 1 février 2012

Le nucléaire en France- l’avenir


Le nucléaire en France- l’avenir

Le rapport de l’autorité de Sûreté

Le rapport de l’Autorité de Sûreté sur la sécurité nucléaire a été unanimement salué et n’a soulevé aucune contestation. Incontestablement, le respect dont jouit cette institution doit beaucoup à André-Claude Lacoste, son président, qui a su faire reconnaître son indépendance et sa compétence grâce à sa force de caractère. Un modèle pour d’autres institutions similaires à établir ?

La principale conclusion a été que les installations françaises présentent un niveau de sécurité suffisant pour que l’Autorité ne recommande aucune fermeture, Fessenheim compris. Dans ces conditions, je souhaite bon courage aux candidats qui imposeraient  d’emblée, pour des raisons purement politiques une fermeture et pour l’expliquer aux habitants des communes avoisinantes. Au passage, M. Lacoste rappelle que Superphénix (le surrégénérateur) a été fermé pour des raisons purement politiques, et non pour des raisons de sécurité. Le gouvernement français, celui de M. Jospin, a ainsi sacrifié une filière d’avenir du nucléaire, dans laquelle la France était pionnière et qui commençait à démontrer sa rentabilité, à un accord avec les Verts, dont les conséquences électorales n’ont peut-être pas été à la hauteur de ses espérances.
Pour l’avenir, l’Autorité de Sûreté exige que soient tirés les conclusions de Fukushima, en exigeant une adaptation aux conditions extrêmes. Ceci comprend notamment  la création de centres de gestion de crise bunkerisés, la mise en place de groupes électrogènes Diesel d’ultime secours 30 à 50 millions d’euros par unité), celle de dispositifs assurant que les combustibles usagés stockés en piscine soient toujours noyés.
L’Autorité de Sûreté demande aussi la création d’une force d’action rapide nucléaire, capable d’intervenir en moins de vingt-quatre heures sur tout site accidenté. Elle comprendra plusieurs centaines de personnes spécialisées et expérimentées, sous la responsabilité d’EDF, premier exploitant nucléaire mondial.
La mise en œuvre de ces dispositions  ne constitue pas seulement une condition indispensable à la sécurité nucléaire en France, elle sera aussi une opportunité formidable pour le nucléaire français de se positionner comme champion du nucléaire sûr, et donc de conquérir les immenses marchés de l’équipement nucléaire en Asie, Inde et Chine comprises,  en Amérique latine, aux USA, dans la péninsule arabique. Soit ce que voulait faire Areva en exportant l’EPR, le contraire de ce que voulait faire Proglio, avec du nucléaire low cost…
En ce qui concerne Fessenheim, l’Autorité demande notamment le renforcement du radier- la dalle sous le réacteur. Si l’exploitant en juge le coût trop élevé, libre à lui de fermer Fessenheim. Mais la situation énergétique française et l’absence de solutions de remplacement  à moyen terme exigera alors la construction d’un autre EPR.

Une partie du rapport de l’Autorité est passée plus inaperçue, et c’est dommage car elle met en cause l’exploitation des centrales. L’Autorité insiste sur la nécessité de maintenir des compétences essentielles dans l’entreprise, et  celle du contrôle étroit des conditions de travail et de sécurité des différents personnels. Elle s’interroge donc sur la politique d’externalisation d’EDF, qu’elle appelle à revoir et qu’elle contrôlera sans doute plus étroitement à l’avenir. Les leçons de Fukushima ne sont pas seulement d’ordre technique, elles portent aussi sur les conditions d’exploitation, et posent carrément la question de la possibilité d’une gestion privée d’un parc nucléaire – et c’était déjà le cas pour Three Mile Islands

Prix de l’électricité : pocker – menteur, Cour des Comptes et loi NOME

 Quel est le coût des mesures envisagées ? Les investissements de maintenance réclamés par l’Autorité de Sûreté ont été estimé à 5 milliards, estimation validée par la Cour des Comptes, ce qui représente un alourdissement de 10% de ce qui était prévu par EDF entre 2011 et 2015 pour étendre la durée de vie des centrales au-delà de 40 ans, donc une augmentation de 10% de l’électricité. La Cour des Comptes (1er février 2012) a aussi estimé qu’il existe de très grandes incertitudes sur les coûts de démantèlement des centrales et de stockage des déchets, mais qu’un doublement de ces coûts entraînerait respectivement des augmentations de 5% et de 1% du coût de l’électricité. L’électricité nucléaire française resterait donc de très loin l’une des moins chère (aujourd’hui, 107 euros le MW.h, contre 269 au Danemark et 228 en Allemagne)
Nous assistons sur les prix de électricité à une partie de pocker-menteur, très bien décrite par le journaliste environnementaliste Frédéric Denhez. EDF prévoit d’augmenter ses tarifs de 30% d’ici 2016. Cette augmentation n’est absolument pas justifiée, nous l’avons vu, par les investissements nécessaires à la sûreté de la production nucléaire, ni même par les aventures coûteuses et improductives d’EDF dans certains pays étrangers, mais par le mécanisme absurde et idéologique de la loi NOME (nouvelle organisation du marché de l’électricité, résultant d’une directive européenne de 2009). Par la volonté idéologique de créer un marché concurrentiel artificiel dans des conditions impossibles (un bien non stockable, avec une forte intensité de capital fixe), l’investissement réalisé par le contribuable français dans le parc nucléaire est indûment confisqué par Direct Energie et autres Poweo (« les prix de l'électricité en France sont anormalement bas » ! explique Charles Beigbeder), le prix payé par le consommateur est indûment relevé, et, plus grave encore, les capacités d’investissement en recherche et en production d’EDF sont gravement obérées et ne lui permettront plus de préparer le nucléaire de l’avenir. En effet, EDF est contraint par la loi NOME à vendre à  ses concurrents l’électricité à prix bradé et bien en-dessous du coût de production ( 42 euros le MWh – pas gênés, les concurrents en question réclamaient 32 euros), et se verra donc contraint d’augmenter ses propres tarifs pour le public – et d’autant plus que ses concurrents remporteront des parts de marché , vive la concurrence !). Avec la loi NOME, nous assistons à la destruction du service public voulu par le Conseil National de la Résistance et au vol du contribuable au profit de gangs proches du pouvoir. Quant à l’Allemagne, autre grand pays visé par l’absurde directive européenne, elle s’est simplement assise dessus en jouant de sa constitution fédérale.
Ce pillage doit cesser ; EDF doit avoir les moyens d’assurer la sécurité de son exploitation annuelle et de préparer l’avenir par la recherche dans le nucléaire et le solaire.