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vendredi 14 juillet 2017

Taine _ L’ancien Régime_ les privilèges

Malgré la persistance des privilèges insupportables, qui ne sont plus justifiés, la noblesse aurait pu trouver un nouveau rôle ( Taine reprend ici une considération d’Auguste Comte : En Angleterre et aux Pays-Bas, le système féodal s’effondre en laissant la suprématie à l’aristocratie, « qui place la royauté sous une tutelle de plus en plus affectueuse » ; en France, la royauté « manifeste sa prédilection pour une noblesse complètement asservie ». En Angleterre, en Hollande, dans les Pays Nordiques, l’aristocratie et la bourgeoisie s’allient contre les rois, au pouvoir de plus en plus symbolique. En France, la royauté et la bourgeoisie s’allient pour réduire les aristocrates à l’état de courtisans. La conséquence logique d’une noblesse qui ne joue plus son rôle ancien et qui ne peut jouer un rôle nouveau, c’est sa disparition). L'autre conséquence sera la jacobinisme par lequel une fraction du peuple reprend la tradition centralisatrice monarchiste en éliminant les pouvoirs locaux.

"Intacte de l’autre côté du Rhin, presque ruinée en France, la bâtisse féodale laisse partout apercevoir le même plan. En certains endroits mieux abrités ou moins assaillis, elle a gardé tous ses anciens dehors. À Cahors, l’évêque-comte de la ville a le droit, quand il officie solennellement, « de faire mettre sur l’autel le casque, la cuirasse, les gantelets et l’épée   ». À Besançon, l’archevêque-prince a six grands officiers qui doivent lui faire hommage de leurs fiefs, assister à son intronisation et à ses obsèques. À Mende  , l’évêque, seigneur suzerain du Gévaudan depuis le onzième siècle, choisit les conseils, les juges ordinaires et d’appel, les commissaires et syndics du pays », dispose de toutes les places « municipales et judiciaires », et, prié de venir à l’assemblée des trois ordres de la province, « p.22 répond que sa place, ses possessions et son rang le mettant au-dessus de tous les particuliers de son diocèse, il ne peut être présidé par personne, qu’étant seigneur suzerain de toutes les terres et particulièrement des baronnies, il ne peut céder le pas à ses vassaux et arrière-vassaux », bref qu’il est roi ou peu s’en faut dans sa province. À Remiremont, le chapitre noble des chanoinesses a « la basse, haute et moyenne justice dans cinquante-deux bans de seigneuries », présente à soixante-quinze cures, confère dix canonicats mâles, nomme dans la ville les officiers municipaux, outre cela trois tribunaux de première instance et d’appel et partout les officiers de gruerie. Trente-deux évêques, sans compter les chapitres, sont ainsi seigneurs temporels, en tout ou en partie, de leur ville épiscopale, parfois du district environnant, parfois, comme l’évêque de Saint-Claude, de tout le pays. Ici la tour féodale a été préservée. – Ailleurs elle est recrépie à neuf, notamment dans les apanages. Dans ces domaines qui comprennent plus de douze de nos départements, les princes du sang nomment aux offices de judicature et aux bénéfices. Substitués au roi, ils ont ses droits utiles et honorifiques. Ce sont presque des rois délégués et à vie ; car ils touchent, non seulement tout ce que le roi toucherait comme seigneur, mais encore une portion de ce qu’il toucherait comme monarque  . Par exemple la maison d’Orléans perçoit les aides, c’est-à-dire les droits sur les boissons, sur les ouvrages d’or et d’argent, sur la fabrication du fer, sur les aciers, sur les cartes, le papier et l’amidon, bref tout le montant d’un des plus lourds impôts indirects. Rien d’étonnant, si, rapprochés de la condition souveraine, ils ont, comme les souverains, un conseil, un chancelier, une dette constituée, une cour  , un cérémonial domestique, et si l’édifice féodal revêt entre leurs mains le décor luxueux et compassé qu’il a pris aux mains du roi […]

Encore un trait pour achever de le peindre. Ce chef d’État, propriétaire des hommes et du sol, était jadis un cultivateur résidant sur sa métairie propre au milieu d’autres métairies sujettes, et, à ce titre, il se réservait des avantages d’exploitation dont il a conservé plusieurs. Tel est le droit de banvin, encore très répandu, et qui est le privilège pour lui de vendre son vin, à l’exclusion de tout autre, pendant les trente ou quarante jours qui suivent la récolte. Tel est, en Touraine, le droit de préage, c’est-à-dire la faculté pour lui d’envoyer ses chevaux, vaches et bœufs « paître à garde faite dans les prés de ses sujets ». Tel est enfin le monopole du grand colombier à pied, d’où ses pigeons par milliers vont pâturer en tout temps et sur toutes les terres, sans que personne puisse les tuer ni les prendre. — Par une autre suite de la même qualité, il perçoit des redevances sur tous les biens que jadis il a donnés à bail perpétuel, et, sous les noms de cens, censives, carpot, champart, agrier, terrage, parcière, ces perceptions en argent ou en nature sont aussi diverses que les situations, les accidents, les transactions locales ont pu l’être. Dans le Bourbonnais, il a le quart de la récolte ; dans le Berry, douze gerbes sur cent. Parfois son débiteur ou locataire est une communauté : un député à l’Assemblée nationale avait un fief de deux cents pièces de vin sur trois mille propriétés particulières  . Ailleurs, par le retrait censuel, il peut « garder pour son compte toute propriété vendue, à charge de rembourser l’acquéreur, mais en prélevant à son profit le droit des lods et ventes ». — Remarquez enfin que tous ces assujettissements de la propriété forment, pour le seigneur, une créance privilégiée tant sur les fruits que sur le prix du fonds, et, pour les censitaires, une dette imprescriptible, indivisible, irrachetable.

 — Voilà les droits féodaux : pour nous les représenter par une vue d’ensemble, figurons-nous toujours le comte, l’évêque ou l’abbé du dixième siècle, souverain et propriétaire de son canton. La forme dans laquelle s’enserre alors la société humaine est construite sous les exigences du danger incessant et proche, en vue de la défense locale, par la subordination de tous les intérêts au besoin de vivre, de façon à sauvegarder le sol en attachant au sol, par la propriété et la jouissance, une troupe de braves sous un brave chef. Le péril s’est évanoui, la construction s’est délabrée. Moyennant argent, les seigneurs ont permis au paysan économe et tenace d’en arracher beaucoup de pierres. Par contrainte, ils ont souffert que le roi s’en appropriât la portion publique. Reste l’assise primitive, la structure ancienne de la propriété, la terre enchaînée ou épuisée pour le maintien d’un moule social qui s’est dissous, bref un ordre de privilèges et de sujétions dont la cause et l’objet ont disparu   […]

Cela ne suffit par pour que cet ordre soit nuisible ou même inutile. En effet, le chef local qui ne remplit plus son ancien office peut remplir en échange un office nouveau. Institué pour la guerre quand la vie était militante, il peut servir dans la paix quand le régime est pacifique, et l’avantage est grand pour la nation en qui cette transformation s’accomplit ; car, gardant ses chefs, elle est dispensée de l’opération incertaine et redoutable qui consiste à s’en créer d’autres. Rien de plus difficile à fonder que le gouvernement, j’entends le gouvernement stable : il consiste dans le commandement de quelques-uns et dans l’obéissance de tous, chose contre nature.

En fait d’histoire, il vaut mieux continuer que recommencer(…]


Les anciens chefs sont là, dans chaque canton, visibles, acceptés d’avance ; on les reconnaît à leur nom, à leur titre, à leur fortune, à leur genre de vie, et la déférence est toute prête pour leur autorité. Cette autorité, le plus souvent ils la méritent ; nés et élevés pour l’exercer, ils trouvent dans la tradition, dans l’exemple et dans l’orgueil de famille des cordiaux puissants qui nourrissent en eux l’esprit public ; il y a chance pour qu’ils comprennent les devoirs dont leur prérogative les charge. — Tel est le renouvellement que comporte le régime féodal. L’ancien chef peut encore autoriser sa prééminence par ses services, et rester populaire sans cesser d’être privilégié. Jadis capitaine du district et gendarme en permanence, il doit devenir propriétaire résidant et bienfaisant, promoteur volontaire de toutes les entreprises utiles, tuteur obligé des pauvres, administrateur et juge gratuit du canton, député sans traitement auprès du roi, c’est-à-dire conducteur et protecteur comme autrefois, par un patronage nouveau accommodé aux circonstances nouvelles. Magistrat local, représentant au centre, voilà ses deux fonctions principales, et, si l’on regarde au delà de la France, on découvre qu’il remplit l’une ou l’autre, ou toutes les deux.


Taine_ L’ancien régime_Origine des privilèges

Une leçon toujours actuelle : comment l’injustice fiscale héritée d’anciens privilèges mène à la révolution

En 1789, trois sortes de. personnes, les ecclésiastiques, les nobles et le roi, avaient dans l’État la place éminente avec tous les avantages qu’elle comporte, autorité, biens, honneurs, ou, tout au moins, privi­lèges, exemptions, grâces, pensions, préférences et le reste. Si depuis longtemps ils avaient cette place, c’est que pendant longtemps ils l’avaient méritée. En effet, par un effort immense et séculaire, ils avaient construit tour à tour les trois assises principales de la société moderne […]

Dans les campagnes dépeuplées par le fisc romain, par la révolte des Bagaudes, par l’invasion des Germains, par les courses des brigands, le moine bénédictin bâtit sa cabane de branchages parmi les épines et les ronces   ; autour de lui de grands espaces jadis cultivés ne sont plus que des halliers déserts. Avec ses compagnons, il défriche et construit ; il domestique les animaux demi¬-sauvages, établit une ferme, un moulin, une forge, un four, des ateliers de chaussure et d’habillement.[…]

Il a édifié toute cette assise, pierre à pierre. Hugues Capet pose la première ; avant lui, la royauté ne donnait pas au roi une province, pas même Laon ; c’est lui qui ajoute au titre son domaine. Pendant  huit cents ans, par mariage, conquête, adresse, héritage, ce travail d’acquisition se poursuit ; même sous Louis XV, la France s’accroît de la Lorraine et de la Corse. Parti du néant, le roi a fait un État compact qui renferme vingt- six millions d’habitants, et qui est alors le plus puissant de l’Europe. — Dans tout l’intervalle, il a été le chef de la défense publique, le libérateur du pays contre les étrangers, contre le pape au quatorzième siècle, contre les Anglais au quinzième, contre les Espagnols au seizième. Au dedans, dès le douzième siècle, le casque en tête et toujours par chemins, il est le grand justicier, il démolit les tours des brigands féodaux, il réprime les excès des forts, il protège les opprimés  , il abolit les guerres privées, il établit l’ordre et la paix : œuvre immense qui, de Louis le Gros à saint Louis, de Philippe le Bel à Charles VII et à Louis XI, de Henri IV à Louis XIII et à Louis XIV, se continue sans s’interrompre jusqu’au milieu du dix-septième siècle, par l’édit contre les duels et par les Grands Jours  . Cependant toutes les choses utiles exécutées par son ordre ou dévelop¬pées sous son patronage, routes, ports, canaux, asiles, universités, académies, établissements de piété, de refuge, d’éducation, de science, d’industrie et de com¬merce, portent sa marque et le proclament bienfaiteur public. — De tels services appellent une récompense proportionnée : on admet que, de père en fils, il contracte mariage avec la France, qu’elle n’agit que par lui, qu’il n’agit que pour elle, et tous les souvenirs anciens, tous les intérêts présents viennent autoriser cette union. L’Église la consacre à Reims […]
Ils sont environ 270 000 : dans la noblesse 140 000 ; dans le clergé 130 000  . Cela fait de 25 000 à 30 000 familles nobles, 23 000 religieux en 2 500 monastères, 57 000 religieuses en 1 500 couvents, 60 000 curés et vicaires dans autant d’églises et chapelles. Si l’on veut se les représenter un peu nettement, on peut imaginer, dans chaque lieue carrée de terrain et pour chaque millier d’habitants, une famille noble et sa maison à girouette, dans chaque village un curé et son église, toutes les six ou sept lieues une communauté d’hommes ou de femmes. Voilà les anciens chefs et fondateurs de la France : à ce titre, ils ont encore beaucoup de biens et beaucoup de droits. […]

Telle est l’exemption d’impôt totale ou partielle. Les collecteurs s’arrêtent devant aux, parce que le roi sent bien que la propriété féodale a la même origine que la sienne ; si la royauté est un privilège, la seigneurie en est un autre ; le roi n’est lui-même que le plus privilégié des privilégiés. Le plus absolu, le plus infatué de son droit, Louis XIV a eu des scrupules lorsque l’extrême nécessité l’a contraint à mettre sur tous l’impôt du dixième  . Des traités, des précédents, une coutume immémoriale, le souvenir du droit antique retiennent encore la main du fisc. Plus le propriétaire ressemble à l’ancien souverain indépendant, plus son immunité est large. — Tantôt il est couvert par un traité récent, par sa qualité d’étranger, par son origine presque royale. […]

Ainsi, après quatre cent cinquante ans d’assaut, la taille, ce premier engin du fisc, le plus lourd de tous, a laissé presque intacte la propriété féodale  . – Depuis un siècle, deux nouvelles machines, la capitation et les vingtièmes, semblent plus efficaces et ne le sont guère davantage. – D’abord, par un chef-d’œuvre de diplomatie ecclésiastique, le clergé a détourné, émoussé leur choc. Comme il fait corps et qu’il a des assemblées, il a pu traiter avec le roi, se racheter, éviter d’être taxé par autrui, se taxer lui-même, faire reconnaître que ses versements ne sont pas une contribution imposée, mais un « don gratuit », obtenir en échange une foule de concessions, modérer ce don, parfois ne pas le faire, en tout cas le réduire à 16 millions tous les cinq ans, c’est-à-dire à un peu plus de 3 millions par an ; en 1788, c’est seulement 1 800 000 livres, et il le refuse pour 1789 […]

Quant aux nobles, ne pouvant se réunir, avoir des représentants, agir par voie publique, ils ont agi par voie privée, auprès des ministres, des intendants, des subdélégués, des fermiers généraux et de toutes les personnes revêtues d’autorité ; on a pour leur qualité des égards, des ménagements, des complaisances. D’abord cette qualité les exempte, eux, leurs gens et les gens de leurs gens, du tirage à la milice, du logement des gens de guerre, de la corvée pour les routes. Ensuite, la capitation étant fixée d’après la taille, ils payent peu, puisque leur taille est peu de chose. De plus, chacun d’eux a réclamé de tout son crédit contre sa cote : « Votre cœur sensible, écrit l’un d’eux à l’intendant, ne consentira jamais à ce qu’un père de mon état soit taxé à des vingtièmes stricts comme un père du commun   ». D’autre p.21 part, comme le contribuable paye la capitation au lieu de son domicile effectif, souvent fort loin de ses terres, et sans qu’on sache rien de ses revenus mobiliers, il peut ne verser que ce que bon lui semble. Nulle recherche contre lui, s’il est noble ; « on est infiniment circonspect envers les personnes d’un rang distingué (…)


À cet égard, les plus opulents étaient les plus habiles à se défendre. « Avec les intendants, disait le duc d’Orléans, je m’arrange ; je paye à peu près ce que je veux », et il calculait que les administrations provinciales, le taxant à la rigueur, allaient lui faire perdre 300 000 livres de rentes. On a vérifié que les princes du sang, pour leurs deux vingtièmes, payaient 188 000 livres, au lieu de 2 400 000. – Au fond, dans ce régime, l’exemption d’impôt est un dernier lambeau de souveraineté ou tout au moins d’indépendance. Le privilégié évite ou repousse la taxe, non seulement parce qu’elle le dépouille, mais encore parce qu’elle l’amoindrit ; elle est un signe de roture, c’est-à-dire d’ancienne servitude, et il résiste au fisc autant par orgueil que par intérêt. […]


Taine Les origines de La France contemporaine- L’Ancien Régime - Introduction

Introduction ou la définition d’une histoire et d’une politique positive :
L’histoire comme une science d’observation ;
la politique comme science appliquée de l‘histoire.
La reprise d’une citation d’Auguste Comte  sous une forme un peu différente : «  le peuple ne sait pas ce qu’il lui faut, mais il sait parfaitement ce qu’il veut et personne ne doit s’aviser de le vouloir pour lui »
Ce texte peut aussi apparaître comme un commentaire de cette citation d’Auguste Comte : « La recherche absolue du meilleur gouvernement possible, abstraction faite de l état de la civilisation, est évidemment tout à fait du même ordre que celle d’un traitement général applicable à toutes les maladies et à tous les tempéraments »

« En 1849, ayant vingt et un ans, j’étais électeur et fort embarrassé ; car j’avais à nommer quinze ou vingt députés, et de plus, selon l’usage français, je devais non seulement choisir des hommes, mais opter entre des théories. On me proposait d’être royaliste ou républicain, démocrate ou conserva­teur, socialiste ou bonapartiste : je n’étais rien de tout cela, ni même rien du tout, et parfois j’enviais tant de gens convaincus qui avaient le bonheur d’être quelque chose. Après avoir écouté les diver­ses doctrines, je reconnus qu’il y avait sans doute une lacune dans mon esprit. Des motifs valables pour d’autres ne l’étaient pas pour moi ; je ne pouvais comprendre qu’en politique on pût se décider d’après ses préférences. Mes gens affirmatifs con­struisaient une constitution comme une maison, d’après le plan le plus beau, le plus neuf ou le plus simple, et il y en avait plusieurs à l’étude, hôtel de marquis, maison de bourgeois, logement d’ou­vriers, caserne de militaires, phalanstère de com­munistes, et même campement de sauvages. Chacun disait de son modèle : « Voilà la vraie demeure de l’homme, la seule qu’un homme de sens puisse habiter ». À mon sens l’argument était faible : des goûts personnels ne me semblaient pas des au­torités. Il me paraissait qu’une maison ne doit pas être construite pour l’architecte, ni pour elle-même, mais pour le propriétaire qui va s’y loger.
— Demander l’avis du propriétaire, soumettre au peuple français les plans de sa future habitation, c’était trop visiblement parade ou duperie : en pareil cas, la question fait toujours la réponse, et d’ailleurs, cette réponse eût-elle été libre, la France n’était guère plus en état que moi de la donner : dix mil­lions d’ignorances ne font pas un savoir. Un peuple consulté peut à la rigueur dire la forme de gouvernement qui lui plaît, mais non celle dont il a be­soin ; il ne le saura qu’à l’usage : il lui faut du temps pour vérifier si sa maison politique est com­mode, solide, capable de résister aux intempéries, appropriée à ses mœurs, à ses occupations, à son caractère, à ses singularités, à ses brusqueries. Or, à l’épreuve, nous n’avons jamais été contents de la nôtre : treize fois en quatre-vingts ans, nous l’avons démolie pour la refaire, et nous avons eu beau la refaire, nous n’avons pas encore trouvé celle qui nous convient. Si d’autres peuples ont été plus heu­reux, si, à l’étranger, plusieurs habitations politiques sont solides et subsistent indéfiniment, c’est qu’elles ont été construites d’une façon particulière, autour d’un noyau primitif et massif, en s’appuyant sur quelque vieil édifice central plusieurs fois raccom­modé, mais toujours conservé, élargi par degrés, approprié par tâtonnements et rallonges aux be­soins des habitants. Nulle d’entre elles n’a été bâtie d’un seul coup, sur un patron neuf, et d’après les seules mesures de la raison. Peut-être faut-il admet­tre qu’il n’y a pas d’autre moyen de construire à demeure, et que l’invention subite d’une constitution nouvelle, appropriée, durable, est une entreprise qui surpasse les forces de l’esprit humain.
En tout cas, je concluais que, si jamais nous découvrons celle qu’il nous faut, ce ne sera point par les procédés en vogue. En effet, il s’agit de la découvrir, si elle existe, et non de la mettre aux voix. À cet égard, nos préférences seraient vaines ; d’avance la nature et l’histoire ont choisi pour nous ; c’est à nous de nous accommoder à elles, car il est sûr qu’elles ne s’accommoderont pas à nous. La forme sociale et politique dans laquelle un peuple peut entrer et rester n’est pas livrée à son arbitraire, mais déterminée par son caractère et son passé. Il faut que, jusque dans ses moindres traits, elle se moule sur les traits vivants auxquels on l’applique ; sinon elle crèvera et tombera en morceaux. C’est pourquoi, si nous parvenons à trouver la nôtre, ce ne sera qu’en nous étudiant nous-mêmes, et plus nous saurons précisément ce que nous sommes, plus nous démêlerons sûrement ce qui nous convient. On doit donc renverser les méthodes ordinaires et se figurer la nation avant de rédiger la constitution. Sans doute, la première opération est beaucoup plus longue et plus difficile que la seconde. Que de temps, que d’études, que d’observations rectifiées l’une par l’autre, que de recherches dans le présent et dans le passé, sur tous les domaines de la pensée et de l’action, quel travail multiplié et séculaire, pour acquérir l’idée exacte et complète d’un grand peuple qui a vécu âge de peuple et qui vit encore ! Mais c’est le seul moyen de ne pas construire à faux après avoir raisonné à vide, et je me promis que, pour moi du moins, si j’entreprenais un jour de chercher une opinion politique, ce ne serait qu’après avoir étudié la France.
Qu’est-ce que la France contemporaine ? Pour répondre à cette question, il faut savoir comment cette France s’est faite, ou, ce qui vaut mieux en­core, assister en spectateur à sa formation. À la fin du siècle dernier, pareille à un insecte qui mue, elle subit une métamorphose.. Son ancienne organisation se dissout ; elle en déchire elle-même les plus précieux tissus et tombe en des convulsions qui semblent mortelles. Puis, après des tiraille­ments multipliés et une léthargie pénible, elle se redresse. Mais son organisation n’est plus la même : par un sourd travail intérieur, un nouvel être s’est substitué à l’ancien. En 1808, tous ses grands traits sont arrêtés et définitifs : départements, arrondis­sements, cantons et communes, rien n’a changé depuis dans ses divisions et sutures extérieures : Concordat, Code, Tribunaux, Université, Institut, Préfets, Conseil d’État, impôts, percepteurs, Cour des Comptes, administration uniforme et centralisée, ses principaux organes sont encore les mêmes […]
Ancien Régime, Révolution, Régime nouveau, je vais tâcher de décrire ces trois états avec exactitude. J’ose déclarer ici que je n’ai point d’autre but ; on permettra à un historien d’agir en naturaliste. J’étais devant mon sujet comme devant la métamorphose d’un insecte. D’ailleurs, l’événement par lui-même est si intéressant, qu’il vaut la peine d’être observé pour lui seul, et l’on n’a pas besoin d’effort pour exclure les arrière-pensées. Dégagée de tout parti pris, la curiosité devient scientifique et se porte tout entière vers les forces intimes qui conduisent l’étonnante opération. Ces forces sont la situation, les passions, les idées, les volontés de chaque groupe, et nous pouvons les démêler, presque les mesurer. Elles sont sous nos yeux ; nous n’en sommes pas réduits aux conjectures, aux div-nations douteuses, aux indications vagues. Par un bonheur singulier, nous apercevons les hommes eux-mêmes, leurs dehors et leur dedans. Les Français de l’Ancien Régime sont encore tout près de nos regards. Chacun de nous, dans sa jeunesse, a pu fréquenter quelques-uns des survivants de ce monde évanoui […]
Grâce à l’obligeance de M. Maury et aux précieuses indications de M. Boutaric, j’ai pu dépouiller une multitude de documents manuscrits, la correspondance d’un grand nombre d’intendants, directeurs des aides, fermiers généraux, magistrats, employés et particuliers, de toute espèce et de tout degré pendant les trente dernières années de l’Ancien Régime, les Rapports et Mémoires sur les diverses parties de la maison du roi, les procès-verbaux et cahiers des États généraux en cent soixante-seize volumes, la correspondance des commandants militaires en 1789 et 1790, les lettres, mémoires et statistiques détaillées contenus dans les cent cartons du Comité ecclésiastique, la correspondance en quatre-vingt-quatorze liasses des administrations de département et de municipalité avec les ministres de 1790 à 1799, les rapports des conseillers d’État en mission à la fin de 1801, la correspondance des préfets sous le Consulat, sous l’Empire et sous la Restauration jusqu’en 1825, quantité d’autres pièces si instructives et si inconnues, qu’en vérité l’histoire de la Révolution semble encore inédite […]

Il n’y a qu’eux pour nous faire voir en détail et de près la condition des hommes, l’intérieur d’un presbytère, d’un couvent, d’un conseil de ville, le salaire d’un ouvrier, le produit d’un champ, les impositions d’un paysan, le métier d’un collecteur, les dépenses d’un seigneur ou d’un prélat, le budget, le train et le cérémonial d’une cour. Grâce à eux, nous pouvons donner des chiffres précis, savoir, heure par heure, l’emploi d’une journée, bien mieux, dire le menu d’un grand dîner, recomposer une toilette d’apparat. Nous avons encore, piqués sur le papier et classés par dates, les échantillons des robes que la reine Marie-Antoinette a portées et, d’autre part, nous pouvons nous figurer l’habillement d’un paysan, décrire son pain, nommer les farines dont il le composait, marquer en sous et deniers ce que lui en coûtait une livre. Avec de telles ressources, on devient presque le contemporain des hommes dont on fait l’histoire, et plus d’une fois, aux Archives, en suivant sur le papier jauni leurs vieilles écritures, j’étais tenté de leur parler tout haut.




Trois jugements en matière de santé

Vaccin contre l'hépatite B et sclérose en plaques : une étrange décision :
Un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne a reconnu un lien de causalité entre le vaccin contre l'hépatite B et la survenue d'une sclérose en plaques en dépit de toute justification scientifique.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en date du 21 juin 2017 rend le laboratoire Sanofi-Pasteur responsable de la sclérose en plaques contractée par M. W peu de temps après avoir reçu le vaccin contre l'hépatite B. Pour mémoire, M. W a reçu entre 1998 et le milieu de l'année 1999 le VHB produit par Sanofi-Pasteur. Deux mois plus tard, il présente de premiers troubles qui conduisent à un diagnostic de sclérose en plaques (SEP) en novembre 2000. Dès 2006, lui et sa famille engagent une action en justice contre le laboratoire pour obtenir réparation du préjudice attribué au vaccin. 10 ans plus tard donc, la CJUE inverse les jugements précédents et conclue : "En l'absence de consensus scientifique, le défaut d'un vaccin et le lien de causalité entre celui-ci et une maladie peuvent être prouvés par un faisceau d'indices graves, précis et concordants." . Or, il n’existe rien de tel, bien au contraire !

Depuis l'apparition des premières plaintes au milieu des années 1990, de nombreuses études ont été conduites et aucune n'a pu établir un quelconque lien entre vaccination et survenue ou aggravation de la sclérose en plaque- à chaque fois, celles-ci ,’étaient pas plus nimbreuse dans le groupe vacciné que dans le groupe témoin.. Jusqu'à présent donc, ce n'est pas la preuve du lien qui fait défaut, mais la possibilité même qu'un tel lien existe. À ce jour, environ 1,5 milliard de doses de vaccin anti-VHB ont été administrées dans le monde selon le groupe Vaccination et Prévention de la Société française de pathologie infectieuse (SPILF). Ce qui donne un recul conséquent sur les effets indésirables de cette vaccination ; et toutes les études ont montré qu’il n’ y a aucune différence dans l’apparition de scléroses en plaque entre vaccinée et non vaccinés.

De telle décision sont extrêmement dangereuses car elles mettent en cause la protection générale de la population contre des maladies graves. Il ne faudra pas s’étonner si les firmes pharmaceutiques ralentissent leurs efforts dans le domaine des vaccins et si ceux –ci viennent à manquer.

Pour commencer, on pourrait peut-être priver de vaccins les membres de la CJE ? Une solution que semble promouvoir la nouvelle ministre de la santé consiste à rendre ce vaccin obligatoire. Alors, c’est un fond de l’Etat qui aurait à prendre en charge d’éventuels problèmes dus à la vaccination et les preuves à apporter seraient beaucoup plus rigoureuses…

Donc, pour éviter des décisions imbéciles, on rendrait obligatoire un vaccin pour lequel pour l’instant chacun est libre de décider… Quand l’imbécillité juridique fonctionne à plein.
  
2)      Amiante : arrêt des procédures pénales

Le parquet de Paris vient de requérir l’arrêt de l’instruction dans plusieurs enquêtes pénales ouvertes notamment contre des entreprises dont les salariés ont développé des pathologies après avoir été exposés à l’amiante. Considérant qu’il est impossible de déterminer avec certitude la date à laquelle ces personnes ont été intoxiquées par l’amiante, le ministère public recommande de « mettre fin à la présente information judiciaire ». Cette analyse s’aligne sur celle défendue par les magistrats instructeurs, chargés de tous ces dossiers.

C’est peut-être la fin  d’un marathon judiciaire tragique de 20 ans.  Le scandale de l’amiante a éclaté, sur le plan pénal, à la suite d’une plainte pour homicides involontaires et blessures involontaires déposée en 1996 par d’anciens salariés d’Eternit, plainte à laquelle était partie prenante l’Andeva, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante. Au fil des années, d’autres actions similaires ont été engagées contre plusieurs sociétés ainsi que des institutions publiques : Everite, la Normed, Sollac, la direction des chantiers navals… Soit, au total, une vingtaine d’enquêtes interminables, dont par exemple, la mise en examen, finalement annulée, de plusieurs anciens hauts fonctionnaires, dont Martine Aubry, en sa qualité d’ex-directrice des relations du travail.
Les associations de victimes se sont indignées et ont argué du fait que compte-tenu des conditions de travail, l’intoxication remontait à la date de premier contact avec l’amiante. D’accord, mais pour un procès pénal, il faut prouver, à maintenant plus de trente ans de distance, une faute qualifiable pénalement ; qui connaissait quoi, quand, à quel moment et par qui les lois ou réglementations ont été volontairement ignorées ; et au niveau ministériel, si l’on vouait remonter jusque-là, qui a décidé quoi et avec quelles informations.

Il ne faut donc pas s’étonner du résultat, qui ne pouvait être que celui-là et ceux qui ont entrainé des victimes ou familles de victime dans ce fiasco douloureux devraient sérieusement se remettre en cause ; il est vrai que certains magistrats ou avocats y ont gagné une très douteuse notoriété dont Bertella-Geoffroy, exfiltrée en urgence du pôle santé.

Heureusement, les victimes ont été indemnisées, pour autant que cela soit possible, au civil. Mais il y a maintenant dans nos sociétés une généralisation toxique de ce que Philippe Murray appelait «  l’envie de pénal ». Ce qui est compréhensible de la part des victimes l’est moins de leurs conseils et des magistrats qui les encouragent dans cette voie au lieu de les mettre en garde.
On observe actuellement une remise en cause généralisée  (en droit pénal, pas civil) beaucoup de domaines des règles de prescription, par la loi ou par des détournements juridiques sophistiqués. Je le regrette : la prescription est du côté de la civilisation, la vengeance éternelle du côté de la barbarie ou du malheur. A ceux qui ne seraient pas convaincus, les derniers développements de l’affaire Grégory… 

3) Condamnation de Michel Aubier : un jugement (pas encore) historique 

Entendu le 16 avril 2015 par la commission d’enquête sénatoriale sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, en tant que représentant de l’Assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP), le pneumologue Michel Aubier avait prêté serment en promettant de dire «toute la vérité». Puis déclaré n’avoir «aucun lien d’intérêt avec les acteurs économiques». Sauf qu’il était en fait employé par le pétrolier Total depuis 1997 comme médecin-conseil des dirigeants du groupe, en plus d’être membre du conseil d’administration de la Fondation Total.

Le mandarin (ancien chef de service à l’hôpital Bichat de Paris, professeur à l’université Paris-Diderot et chercheur à l’Inserm, entre moult autres casquettes), qui a minimisé pendant des années dans les médias les effets du diesel et de la pollution atmosphérique sur la santé, a touché en moyenne autour de 100 000 euros par an de Total. Soit environ la moitié de ses revenus annuels. Le tout pour «neuf demi-journées par mois», comme l’indique son contrat de travail.

Dans un jugement « historique et symboliquement fort », pour la première fois en France, la justice a condamné mercredi une personne pour «faux témoignage» devant la représentation nationale. Pour avoir menti devant une commission d’enquête du Sénat, Michel Aubier a été condamné à six mois de prison avec sursis et à 50 000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Paris. La sanction est plus lourde que celle requise par le parquet – qui avait seulement demandé une amende de 30 000 euros, au terme d’une audience de sept heures, le 14 juin – mais moindre que la peine maximale encourue pour ce délit de «faux témoignage» (cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende)

Je suis scientifique, je suis attaché à l’autorité que donne la science et la compétence, je juge extrêmement important pour la démocratie le rôle de l’expertise scientifique  (une partie du pouvoir spirituel qui règle nos sociétés, selon Comte). Je suis aussi de ceux qui n’ont cessé de dire combien, en de très nombreux domaines, il est quasiment impossible d’avoir des experts compétents qui n’aient pas de contact avec des intérêts industriels – et c’est heureux, voudraient-on que les industriels soient incompétents ? ; que par conséquent, aucun expert ne doit être récusé sur cette base, à condition d’une transparence totale sur ses liens d’intérêts.

Eh bien, parce que c’est cela que M. Aubier remet en cause,  et que c’est extrêmement grave et qu’il sape ainsi la confiance dans l’autorité, sans laquelle aucune société n’est possible, parce que simplement,  matériellement, la sanction est sans aucun rapport avec ce que lui ont rapporté ces liens d’intérêts qu’il a dissimulé devant la Représentation Nationale, parce qu’il n’a émis aucun regret ou excuses, je dois dire que, même s’il constitue une première, j’ai du mal à trouver ce jugement historique ou pour tout dire à la hauteur.

Il semble que M. Aubier ait eu l’indécence de faire appel ; je ne peux que souhaiter que la sanction soit considérablement alourdie si appel il y a .


 Trois jugements de justice en matière de santé, trois jugements insatisfaisant ou scandaleux faute d’une doctrine sociale commune ne ce domaine. Ca ne peut plus durer longtemps ainsi. 

jeudi 13 juillet 2017

M. Hulot a besoin de vacances

Fin des véhicules diesel et à essence d’ici à 2040

« Le gouvernement entend en finir avec la commercialisation des voitures roulant à l’essence ou au gazole en France d’ici 2040 » a  déclaré M. Hulot. Faisons la part des choses et de l’expression approximative du ministre, les voitures hybrides essences électrises sont comprises dans ses prévisions.
N’empêche, pour se rendre compte du problème, aujourd’hui les voitures hybrides et électriques représentent 1,33% du marché (27 000 voitures électriques et hybrides rechargeables sur 2,015 millions). Compte-tenu de l’évolution prévisibles dans les années à venir, il risque d’y avoir encore pas mal de voitures thermiques en 2040 ; par exemple l’organisme de la Plateforme de la filière automobile, les ventes de voiture électrique n’atteindraient que 25% du marché, soit environ 500.000 voitures, en 2030.

Donc Hulot a fumé la moquette. Et surtout PSA et Renault sont restés silencieux et quelques peu atterrés. Si la voiture électrique peut trouver sa place dans les transports urbains, la preuve est loin d’être faite en dehors des grandes villes, tant en ce qui concerne l’autonomie que les infrastructures. Non seulement la faisabilité technique pose problème, mais si la France avançait seule de manière aussi drastique, cela condamnerait ses constructeurs à renoncer à une très grande part de leurs exportation.

Enfin, Hulot, en toute incompétence, raye d’un trait  de plume beaucoup d’autres évolution possibles et d’ailleurs plus probables et plu prometteuses : les améliorations  conduisant à des moteurs à très basses consommation, la production de biocarburant ou de carburant renouvelable, par exemple par des microalgues, et surtout la filière des moteurs à hydrogène, sans aucune pollution, très prometteuses et expérimentées notamment pour des bus.  
Et si l’on passe au tout électrique pour les voitures ( après l’avoir tenté pour les appartements), alors c’est trois quatre, cinq EPR type Flamanville qu’il faut construire ! Ce qui nous conduit à la seconde huloterie

Fermeture de 17 réacteurs nucléaires

« On va fermer un certain nombre de réacteurs et non pas un seul réacteur [...] peut être jusqu'à 17 » a annoncé Nicolas Hulot sur RTL le lundi 10 juillet 2017.
Ah oui, on fait comment ? Au-delà du simple démantèlement, il faudra trouver de quoi compenser la perte d'une puissance installée d'environ 15 gigawatts liés à la fermeture de 17 réacteurs !!!

On prend les Français pour des gogos", a estimé mardi la CGT mines énergie, la CFE-CGC parlant "d'hérésie" et FO d'une "sortie de route" du ministre. "Annoncer comme cela à court terme la fermeture de moyens de production aussi importants, c'est juste prendre les Français pour des gogos, en ne leur disant pas qu'il va falloir changer de mode de vie complètement", a estimé auprès de l'AFP Philippe Page Le Mérour, de la CGT Mines énergie, première fédération du secteur. C'est-à-dire "regarder la télévision, s'éclairer et se chauffer uniquement quand les éoliennes tourneront".
Le ministre de la Transition écologique n'explique "pas comment on remplace la capacité de production nucléaire supprimée" (et il serait bien en peine de le faire !) ;  "ce n'est pas sérieux de fermer les moyens de production pilotables", dont on peut être sûrs de disposer quand on en a besoin, alors que "le 21 janvier, on a failli passer des régions entières dans le noir car nous n'avions plus de marge".
De son côté, la CFE-CGC Energies (deuxième organisation) évoque "une expression surprenante et malheureuse", "incohérente" notamment "par rapport au plan climat qui fait de la décarbonation la priorité". "C'est aussi une hérésie industrielle" car il n'est "pas possible de construire des moyens de production pour se substituer réellement à 17 réacteurs en 2025",  FO Energies et mines a dénoncé dans un communiqué des "propos irresponsables", une "provocation et l'irrationalité la plus totale", qui "suscitent une vive inquiétude" parmi les personnels".
En effet, c’est complètement idiot, car les énergies renouvelables (solaires et éolienne) sont intermittentes. Donc, plus il y a d’énergies renouvelables, plus il faut de sources constantes d’énergie, sans quoi le réseau risque des effondrements à répétition- des ruptures de courant). Donc, soit plus de gaz ( mais alors on s’assoit sur les engagements climatiques de Paris), soit plus de nucléaire, soit plus d’importation ( mais d’où), ce qui serait une hérésie économique.

Hulot a encore fumé la moquette, mais il n’est pas tout seul. Il se base sur un scénario de l’ADEME qui prévoit …une diminution de la consommation d’énergie de 20% en 2030 et 50% en 2050 ! Tout le monde sait que ces chiffres sont complètement bidons (ça serait déjà un bel exploit de simplement  stabiliser population et consommation d’énergie). C’est du pur bullshit, une « vérité alternative » écolo, quelque chose d’assez semblable aux prévisions des plans quinquennaux de l’ex-URSS, que personne ne prend même la peine de contredire tant le mensonge est gros.
Si vous avez envie de frémir, regardez les scénari de l’ADEME….Le futur s’annonce préhistorique.

Troisième huloterie : Les néonicotinoïdes

Troisième huloterie d’un ministre qui a décidément besoin de vacances. Le ministre de l’agriculture Stéphane Travert, a indiqué que l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes « excèdent les normes européennes », que leur interdiction « n'est pas conforme au droit européen" et que «  Nous devons pouvoir autoriser des dérogations pour permettre leur autorisation » lorsqu’on est dans une impasse technique, sans substitution possible.

C’est le bon sens même, et d’ailleurs la dynamique présidente de la FNSEA, Mme Lambert,  a rappelé  que « la loi sur la biodiversité votée en faveur de l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018 donne des possibilités de dérogations jusqu’en 2020. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Ces dérogations, déjà dans la loi, devront être activées dès que ce sera nécessaire. »
.
Mais Hulot, montant sur ses grand chevaux, a fais savoir que non et que la France devait être le seul pays à bannir les néonicotinoides, soit dit en passant les plus efficaces et les moins toxiques des insecticides. On peut, on doit remettre en question leur utilisation à grande échelle, dans des semences enrobées qui les rendent persistante, et promouvoir une utilisation responsable. Le Plan pesticide de M. Le Foll, bon connaisseur lui des problèmes agricoles allait dans cette direction. Mais l’interdiction totale des néonicotinoïdes est une ânerie et un scandale- combien de suicides supplémentaires chez des agriculteurs ruinés par des « pestes » qui anéantiraient leur récolte
Au fait qu’est-ce qu’un pesticide ? C’est un tueurs de pestes, (insecte, herbe parasite, autres parasites), de ces pestes qui ont si longtemps affligé l’humanité en lui imposant de terribles famines.

Oui, M. Hulot a besoin de vacances. Très longues 

dimanche 9 juillet 2017

Michel Onfray, Décoloniser les Provinces, Taine et les Girondins

Décoloniser Les Provinces _ un petit livre important

Michel Onfray publie beaucoup, et je le lit aussi beaucoup, toujours avec intérêt. Je voudrais signaler – un peu trop tard pour cette période électorale, malheureusement, mais ce sera de toute façon utile pour la suite - un petit livre spécialement important, Décoloniser les Provinces, Editions de l’Observatoire, 2017. Très lisible, brillamment écrit, comme d’habitude, il me semble résumer clairement la pensée politique de Michel Onfray, à laquelle des interventions fragmentaires dans des media qui les tronquent pour ne retenir que ce qui peut faire du buzz ne rendent pas justice – et surtout ne facilitent pas la compréhension. Il y a dans cet ouvrage, comme une synthèse, comme une évidence soudaine d’unité de l’ensemble de l’œuvre de Michel Onfray- et des considérations politiques bien utiles.
Paraphraser Michel Onfray est vain, on est sûr de faire moins bien que l’original, aussi je ne donnerais ici qu’un résumé vraiment succinct – surtout lisez le livre ! Décoloniser la Province a été le titre  d'un discours de Michel Rocard de 1966, qui réclamait une décentralisation de la décision financière. Michel Onfray, qui veut évidemment aller beaucoup plus loin,  dénonce le jacobinisme généralisé : « Depuis Philippe le Bel jusqu’à… François Hollande, en passant par Louis XIV, Robespierre, Napoléon, de Gaulle, Mitterrand, la France est centralisée, jacobine si vous me permettez le néologisme pour les deux premiers noms propres. L’Etat qui décide tout d’en haut a montré ses limites antidémocratiques: désormais, ça n’est pas le peuple qui gouverne, mais des élus qui ont fini par constituer une caste politicienne technocratique qui, une fois de droite, une fois de gauche, mais toujours libérale, se partage le pouvoir »… Décoloniser les provinces est un plaidoyer pour le girondisme, le communalisme libertaire, le pouvoir de parlements régionaux, l’autogestion, l’autorité consentie » (interview au Journal Le Temps). Décoloniser les Provinces, c’est une contre-histoire de France dont les héros seraient les Girondins, les Communards, Proudhon, si diffamé par les marxistes, les héros des indépendances communales, les autogestionnaires de Lipp, le De Gaulle du  référendum sur les régions de 1969…
Pour éviter des contresens fâcheux, précisons ceci qu’Onfray souligne bien : il ne suffit pas d’être contre le nationalisme français pour être antijacobin. On peut être indépendantiste Breton, ou Corse et terriblement jacobin, ou également pro-européen et partisan d’une Europe jacobine- c’est bien le cas avec les institutions actuelles, notamment la Commission Européenne. Le scandale du referendum européen de 2005, où les Français (et les Néerlandais) ont refusé une constitution qui leur a été finalement imposée par une autre voie revient souvent dans ce livre, comme justement le symbole d’un ultra jacobinisme-  depuis, Michel Onfray ne vote plus.

Michel Onfray et Taine : a-t-il tout lu  ?

Un point m’a particulièrement interpellé – oh, allez osons, touché, l’hommage rendu à Hyppolite Taine (1828-1893) et à son Histoire de la France contemporaine. Michel Onfray le remercie de l’avoir désintoxiqué des interprétations marxistes et  pro-jacobines de la Révolution Française, dont même Furet et Mona Ozouf, qui s’est expliquée de manière émouvante sur la tension entre ses deux héritages maternels et paternels,  n’ont pu totalement se débarrasser.  D’où l’éloge du girondisme.
Il se trouve que j’étais en train de lire Taine, que j’ai interrompue pour Onfray. Onfray a raison, il faut redécouvrir Taine, c’est une lecture essentielle pour nous comprendre et au-delà. Il y a dans Taine, sans que le mot de totalitarisme, pas encore inventé, soit utilisé la première analyse complète du phénomène totalitaire,  des circonstances qui le font naître et le favorisent, de son idéologie, de ses méthodes d’action, de l’élimination de tous les corps intermédiaires,  de la psychologie de ses militants, des sentiments qu’il mobilise et détourne, dont celui de la démocratie, et de l’escalade de l’éloge de l’émeute, du pouvoir de la rue, à l’élimination de toute dissidence et pour finir aux massacres de masses. Un exemple qui fait frémir : les génocidaires du Rwanda rentrant de leurs expéditions meurtrières  disaient : « nous avons bien travaillé ». Eh bien, et Taine pointe cette utilisation si particulière du mot : c’est exactement ce que disaient les massacreurs de septembre 1792. En passant, lorsque certains historiens prétendent pudiquement ne pas savoir qui ils étaient, il suffit de lire Taine : il donne les noms, et les noms aussi de ceux qui les manipulaient.

D’où tout de même une question – il manquait certaines pages à l’édition d’ Onfray ou il les a sautées ? Comment peut-il faire l’éloge du contrôle continu des représentants par les représentés un des critères de la démocratie, alors que Taine montre bien qu’il s’agit au contraire d’un des trucs (trucages ?) favoris des totalitaires, qui aboutit inéluctablement au contrôle du pouvoir  politique par des minorités bien organisées ? Et son éloge du Girondisme apparait bien problématique lorsque Taine montre comment les Girondins ont utilisé la rhétorique jacobine,  ont cru utiliser et manipuler ceux qu’il appelle la « secte » et ses méthodes violentes, pour être au contraire manipulés et finalement éliminés par ceux dont ils avaient cru se servir. Il faut lire les pages où Taine, non seulement grand historien mais aussi, comme souvent, grand écrivain, décrit M. et Mme Roland, dans leur bureau du ministère de l’intérieur, constater avec effarement le déchainement des violences barbares dans toute la France, les traces sanglantes des groupes jacobins qui remontent vers Paris, les rapports des autorités locales qui demandent des instructions, leur impuissance, ou plutôt leur résignation et leur consentement à l’impuissance. Ou ceci ?

« Parce qu’ils ont lu Rousseau et Mably, parce qu’ils ont la langue déliée et la plume courante, parce qu’ils savent manier des formules de livre et aligner un raisonnement abstrait, ils se croient des hommes d’Etat. Parce qu’ils ont lu Plutarque et le Jeune Anacharsis, parce que, sur des conceptions métaphysiques, ils veulent fonder une société parfaite, parce qu’ils s’exaltent à propos du millenium prochain, ils se croient de grandes âmes. Sur ces deux articles, ils n’auront jamais le moindre doute, même après que tout aura croulé sur eux, par leur faute, même après que leurs mains complaisantes auront été souillées par les mains sales des bandits dont ils ont été les instigateurs, par les mains ensanglantées des bourreaux dont ils sont les demi-complices »

Annonce : devoirs d’été sur ce blog ?

Ah ben tiens, voilà. J’ai trouvé mes devoirs d’été. Onfray a raison, le jacobinisme a conquis tout le spectre politique avec une droite qui  a complètement abandonné sa tradition décentralisatrice, une gauche, qui n’a jamais aimé sa tradition libertaire, une extrême gauche plus jacobine léniniste que jamais, et maintenant même un extrême centre extrêmement jacobin. Donc, peut-être, cet été, ce blog va se transformer en un feuilleton, la publication d’extraits, de « bonnes pages », de l’histoire de la France contemporaine, cette histoire d’un historien fortement inspiré par le positivisme.
Ça devrait bien me faire une dizaine de lecteurs par blogs ; pas grave, j’aurais fait mon travail ( car ç’est tout de même un scré blot).

De toute façon, lisez Décoloniser les Provinces, Onfray et Taine !






vendredi 7 juillet 2017

Un mystère : l’origine de l’omelette norvégienne

Une origine française ?

L’excellent blog de Sébastien Durant  (http://du-sacre-au-sucre.blogspot.fr/2010/02/histoire-de-lomelette-norvegienne.html#!/2010/02/histoire-de-lomelette-norvegienne.html) donne une explication très conviancante et très documetée à l’origine de ce merveilleux dessert qu’est l’omelette norvégienne :

  « L'origine de l'omelette norvégienne - que l'on attribue souvent à un physicien américain - est un cas d'anthologie en matière de faux storytelling car il ne s'agit pas d'une omelette à proprement parler, elle n'a rien de norvégienne et elle a été inventée par un grand chef tout ce qu'il y a de plus français !
L'omelette norvégienne est un entremets composé d'une crème glacée à la vanille entre un fond et un couvercle de génoise, le tout recouvert d'une meringue. On la fait cuire quelques minutes au four et au moment de servir, on flambe à l'alcool, généralement du Grand-Marnier. L'originalité réside bien sûr dans le contraste entre la couverture brûlante et l'intérieur encore glacé. C'est tout simplement divin.
Son invention remonte en fait à l'Exposition Universelle de Paris en 1867 dont il ne nous reste aujourd'hui que le parc des Buttes-Chaumont ainsi que les bateaux mouches sur la Seine. Mais à l'époque, un gigantesque palais des expos, L'Omnibus, fut construit pour accueillir les pavillons des différents pays invités.
   Pendant l'expo, la Ville de Paris reçut une délégation chinoise à dîner au Grand Hôtel. Le chef de ce palace, Balzac, apprenant que les convives allaient parler de la fée Électricité alors encore toute nouvelle décida de créer un dessert "scientifique" en se repenchant sur les expériences conduites par le comte de Rumford, un physicien anglo-américain émigré en Bavière... Région que Balzac situait par erreur en Norvège, les Français étant notoirement mauvais en géographie ! En 1804, Rumford avait en effet établi "l'inconductibilité du blanc d'oeuf battu" (!) autrement dit, la meringue est un mauvais conducteur de chaleur. Et c'est ainsi que le grand chef mit au point... l'omelette norvégienne !
Pendant longtemps, ce dessert est resté l'apanage des grands hôtels, très tôt équipés de fours à gaz permettant un contrôle strict de la chaleur. Ce n'est que lorsque ces derniers devinrent plus courants dans les intérieurs bourgeois que l'omelette norvégienne se démocratisa véritablement."

Donc l’omelette norvégienne serait une invention française faite par un chef précurseur de la gastronomie moléculaire et basée sur une découverte du Physicien « américain » Benjamin Thompson, Comte de Rumford

Omelette norvégienne or Baked Alaska ?

Aux USA, l’omelette norvégienne s’appelle Baked Alaska ou omelette surprise. Le nom de baked Alaska lui a été donné par le Chef Charles Ranhofer, du restaurant Delmonico à New York. Il était connu  pour nommer les plats d‘après les événements marquants de l(‘actualité, en l’occurrence l’achat par les USA du territoire de l’Alaska à  la Russie en 1867.
Donc une invention quasi-simultanée en France et aux USA ?
Le point important est que dans les deux cas l’idée première est bien attribuée à Benjamin Thompson, Comte Rumford. La bible de la cuisine populaire américaine, l’American Heritage Cookbook mentionne ainsi : « L’omelette surprise a été le sous-produit des expériences de Rumford en 1804 sur la résistance des blancs d’œufs rapidement battus à l’induction de chaleur. »
 Donc, américaine ou française, unanimité sur Rumford !

De fait cet éminent physicien à qui l’on doit la théorie moderne de la chaleur comme mouvements des petites molécules, et la première détermination de l’équivalence de la chaleur et du travail mécanique, mais aussi des inventions comme les cuisinières modernes, les premières lampes portables,  le chauffage central et les radiateurs modernes… est certes né américain, mais fut colonel britannique, ministre de la guerre bavarois et savant français - c’est en France et comme membre de l’Institut de France sous Napoléon qu’il fit sa carrière scientifique ;

J’ai raconté sa vie extraordinaire dans sa première biographie en français : Rumford, le scandaleux bienfaiteur d'Harvard, (collection Une vie, une époque des Editions de la Bisquine)

" Dans mes expériences, tout est mouvement, vie et beauté"