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samedi 23 février 2013

Perturbateurs endocriniens, infertilité : Interdire le Bisphénol A

Perturbateurs endocriniens, infertilité : Interdire le Bisphénol A

Un bon scénario médiatique pour les marchands de peur
                          
Il y a à peu près deux mois, fin 2012, s’ébauchait un scénario spectaculaire et horrifique. Une étude française de l’Institut de veille Sanitaire menée à partir du sperme donné dans les centres d’aide à la procréation montraient une  chute spectaculaire de la qualité du sperme des donneurs français, et notamment une baisse de la concentration en spermatozoïdes de près d’un tiers entre 1989 et 2005.
L’article du Monde du 6 décembre 2012 mentionnait toutefois que le sujet était controversé et que les études discordantes se succédaient depuis les années 1990. Cependant, il pointait un coupable désigné comme « probable », les perturbateurs endocriniens, composés chimiques artificiels assez répandus (bisphénol A, phthalates, pesticides, polychlorobiphenyl, dioxines…). Ces composés sont capables de mimer l’action des hormones sexuelles, et des données expérimentales animales, biologiques et toxicologiques suggèreraient qu’ils pourraient être responsables de cette baisse de la qualité du sperme chez l’homme, ainsi que plus généralement de l’augmentation des infertilités et des cancers hormono-dépendants, voire du diabète. L’inquiétude est d’autant plus grande que ces composés seraient susceptibles d’agir de façon étrange, contraire au principe paracelsien qui régit jusqu’à présent la pharmacologie et la toxicologie : « Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison ». les perturbateurs endocriniens présenteraient une courbe en U, avec une action plus importante à faible dose qu’à dose plus importante, ce qui est en effet tout à fait inquiétant, car d’une part, on pourrait alors facilement passer à côté de leurs effets toxiques ou pharmacologiques – et, d’autre part, cela remettrait en cause la notion de seuil toxique. Les différentes agences nationales et l’agence européenne sont justement en train de discuter de la réglementation à adopter concernant ces perturbateurs endocriniens, et des débats peu sereins s’annoncent, avec, comme d’habitude, une violente mise en cause des experts, évidemment liés à (aux) industries, et évidemment suspectés de partialité, voir de malhonnêteté. Le crime est établi et les coupables désignés, avec une histoire bien propre à une exploitation médiatique profitable.
Sauf que le crime n’est pas établi et les coupables assez incertains

Etudes sur le sperme : des résultats contradictoires        

Le crime n’est pas si établi que cela, et Bernard Jegou le rappelle dans La Recherche de février 2013. Les résultats des études sur la qualité du sperme sont contradictoires. En France, la qualité du sperme aurait baissé à Paris et à Tours au cours des trente dernières années, mais serait restée stable à Rennes et à Toulouse. L’étude historique qui, la première, a mis en évidence une diminution de la qualité du sperme a été réalisée au Danemark en 1992, et montrait une diminution de 50% du nombre de spermatozoïdes entre 1938 et 1998. Depuis, chaque année à Copenhague, un certain nombre de conscrits sont examinés, et les résultats montrent… une légère augmentation de la qualité du sperme sur dix ans. L’inverse est observé à Turku, en Finlande. Malgré le nombre de prélèvements (26.000), la dernière étude française n’est pas exempte de certains biais méthodologiques. La difficulté provient de la variabilité des mesures et du très grand nombre de facteurs pouvant agir sur la qualité du sperme (stress, alcool, tabac, infections, examens médicaux…) Ainsi, une étude américaine récente a mis en évidence un effet important du temps passé devant la télévision sur un canapé, et d’autres études souligné une baisse importante chez les camionneurs (effet de la température moyenne des organes sexuels ?)
Donc des variations importantes selon les individus, le moment, la région…et beaucoup d’autres causes très variées.
Il ne sera pas facile de mettre en évidence une baisse générale de la qualité du sperme, à supposer qu’elle existe, ce qui n’est pas établi. (Si l’on veut s’en donner les moyens, le mieux serait probablement une étude régulière à l’échelle européenne, chaque année, dans des populations représentatives des villes et des campagnes, d’âge constant, sur le modèle de l’étude de Copenhague). Et si cela devait être, en trouver la cause sera encore moins évident !

L’effet des perturbateurs endocriniens

Le crime étant incertain, rechercher un coupable peut paraître prématuré, mais il faut bien avouer que les perturbateurs endocriniens ont une sale tête de coupables : hormones naturelles, artificielles, pesticides, insecticides, surfactants… Parmi eux, le DDT, bien connu depuis les années 60, depuis le livre et l’action de Rachel Carson (Silent Spring) qui en a dénoncé les effets toxiques sur la reproduction des oiseaux. Un perturbateur endocrinien aux effets dramatiques chez l’homme est le Diethylstilbestrol (Distilbène), massivement utilisé dans les 50 et 60 pour prévenir le risque d’avortement chez des femmes à risques, responsable de malformations du système génital chez les enfants (filles et garçons), et peut-être de cancers. Autre représentant de l’espèce, la dioxine a des effets toxiques à hautes doses (lésions dermiques, atteintes hépatiques,  pour des hautes doses atteintes des systèmes immunitaires et reproducteur pour des expositions chroniques), mais un risque cancérigène n’est pas avéré chez l’homme, seulement chez certains animaux (les victimes de Seveso n’ont souffert que d’atteintes transitoires)
Citons aussi, à proximité de stations d’épuration ou dans des eaux fortement polluées, parmi les effets les plus spectaculaires et les plus documentés le changement de sexe de certains poissons ou des alligators de Floride…
Oui, mais même s’il s’agit d’atteintes environnementales, ceci concerne les effets à haute dose (enfin, à dose classique) des perturbateurs endocriniens ; ils sont connus et maîtrisables pour peu que l’on veuille s’en donner la peine. Les effets, la signification même des fameuse courbes en U qui devraient remettre en cause toute la toxicologie et la notion de seuil… on les attend toujours, malgré les recherches menées.
D’autre part, à côté de la qualité du sperme, il semble qu’on observe des augmentations inexpliquées d’effets sur l’appareil reproducteur : malformations des testicules, de l’appareil urinaire, cancer des testicules, avancée de la puberté…

Interdiction totale du Bisphénol A !

Que conclure : ne pas céder à la panique (qui pourrait conduire à remplacer des produits connus par d’autres non évalués…), établir les faits par des études épidémiologiques (un point historiquement faible en Europe, sauf pays nordiques, et qui le reste), appliquer le principe de précaution en finançant des recherches, en diminuant les expositions à des produits non essentiels, surtout lors de périodes sensibles (grossesse, nouveaux-nés).
C’est ce qui est fait en France, avec notamment le PNRPE (Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens), sous l’égide de l’ANSES, (l’Agence de Sécurité Sanitaire de l’environnement), avec aussi l’interdiction du Bisphenol A dans les biberons. Un résultat important vient d’ailleurs d’être révélé par une équipe française : le Bisphénol A aurait un effet sur la sécrétion de testostérone par les testicules embryonnaires humains in vitro, à des concentrations retrouvées dans le liquide amniotique- (N’Tumba Byn , et al, (http://www.plosone.org/article/info:doi/10.1371/journal.pone.0051579). Un résultat d’autant plus important qu’il n’est pas retrouvé chez les rongeurs, et peut donc être ignoré dans des études de toxicologies classiques, ce qui montre une fois de plus l’intérêt des études sur cellules humaines in vitro en complément de la toxicologie classique
S’il est confirmé, il faudra rapidement aller plus loin et interdire le Bisphénol A dans les emballages alimentaires !

mardi 19 février 2013

Debré-Even, suite et fin


Contraception

Entendu sur France-Inter ce matin (mardi 19 février) qu’on observait une augmentation des demandes d’IVG, conséquence d’un arrêt de prise de la pilule.
La pilule, de quelque génération qu’elle soit, présente moins de risque d’accident thrombo-emboliques que la grossesse (6 cas par an pour 10.000 femmes contre 3 à 4 sous pilule de troisième ou quatrième génération, 2 pour les générations plus anciennes).
Pour cette raison, le Président de l’Agence du médicament a, malgré le battage médiatique, conseillé aux femmes sous contraception de ne surtout pas abandonner leur contraception, quelle qu’elle soit, quitte à  prendre un rendez-vous avec leur gynécologue pour en discuter Les femmes qui arrêtent la pilule et se retrouvent enceintes, ont, si l’on peut dire, tout gagné. Merci Debré, merci Even !

Cholestérol

Lu dans le Monde daté mardi 19 février un placard signé des associations de spécialistes, de patients et de sociétés savantes en cardiologie un placard intitulé « cholestérol, attention danger ! » « exprimant leur plus vive inquiétude devant la réaction de patients qui, à la suite de deux livres récents, ont décidé d’interrompre leur traitement pour excès de cholestérol (statines) ou diabètes (gliptines et analogues) »
Là encore merci Debré, merci Even !
Ils défendent notamment en effet l’idée que « les risques d'un excès de cholestérol sont "fabriqués" par l'industrie pharmaceutique pour vendre les Statines (anticholesterolemiants), qui certes, ne sont pas dépourvues de danger »
Deux grandes méta-analyses ont été publiées sur les statines. L’une sur 34 272 patients ayant de multiples facteurs de risque cardiovasculaire montre une réduction de la mortalité, ainsi qu'une diminution des évènements cardiovasculaires majeurs (Taylor F, Ward K, Moore THM et Als. Statins for the primary prevention of cardiovascular disease, Cochrane Database of Systematic Reviews 2011, Issue1). L’autre, sur  42 848 patients tirés de la population générale – dont 80 % au moins n'avaient pas connaissance d'avoir une maladie cardiovasculaire - montre une diminution des évènements coronaires majeurs, des évènements cérébro-vasculaires et des revascularisations, mais pas de la mortalité générale (puissance statistique et/ou durée d’observation insuffisante) (Primary prevention of cardiovascular diseases with statin therapy, Paaladinesh Thavendiranathan,et al,  Arch Intern Med. 2006;166:2307-2313.)
Donc, dans un cas, un effet prouvé sur la morbidité et la mortalité (patients à risque multiples), dans l’autre un effet prouvé sur la morbidité et statistiquement non significatif sur la mortalité.

Suite et fin

Debré et Even, et pour le diabète, et pour la contraception, et pour l’hypertension, et pour la dépression, et pour le cholestérol, et pour les antiinflammatoires auraient raison contre la communauté des spécialistes de chacune de ces aires thérapeutiques, eux qui ne sont spécialistes en rien, et, en tous cas, pas en ces domaines ?
Il arrive certes que quelqu’un ait raison une fois  contre une communauté scientifique entière, mais enfin c’est très rare, et, désolé, c’est plus souvent un jeune chercheur qu’un mandarin aigri privé de poste honorifique.

Les media aussi ont leur part de responsabilité, car enfin, la moindre enquête montre à quel point les affirmations des duettistes sont fausses. Mais il est tellement plus vendeur -croient-ils- d’inviter le menteur iconoclaste que le terne spécialiste. Au moins devraient-il prendre soin – et l’élémentaire honnêteté - de leur opposer des contradicteurs compétents.
Ainsi en arrive-t-on à cette situation où les autorités légitimes, les spécialistes, les associations de patients ne sont plus entendus, et se trouvent contraint, dans l’intérêt des patients, de publier des placards publicitaires.

Pour Debré et Even, les épithètes de malfaisance et de malfaiteurs s’imposent. Je les laisse face à leurs responsabilités, éventuellement pénales (car enfin, les patients qui interrompent leur traitement et se verront confronter aux conséquences seront fondé à les attaquer), et ne m’exprimerai plus sur eux.

Voir aussi sur le Huffington post, un billet courageux d’Elise Soli : « Est-ce que nous nous acheminons vers un système de santé ou deux professeurs retraités peuvent lancer une fatwa contre les médecins irresponsables, les patients inconscients, les agences de surveillance incompétentes et l'industrie pharmaceutique diabolique?"

samedi 16 février 2013

Amères pilules_ Pour des Etats Généraux du Médicament


Pilules contraceptives, chiffres, bénéfices et risques


La révélation des dangers vasculaires liés à l’utilisation des pilules contraceptives les plus récentes a entraîné des polémiques et réactions parfois dangereuses et donné l’impression que le système sanitaire français trébuche de scandale en scandale. Cette polémique sur les pilules contraceptives debrait provoquer une réflexion approfondie sur le médicament en général.
En France, 55% des femmes de 15 à 49 ans (71% des moins de 35 ans) utilisent une pilule contraceptive. C’est le moyen le plus efficace de contraception. L’utilisation de la pilule entraîne un risque de trouble thromboembolique (thrombose veineuse, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral…).
L’estimation de ce risque est actuellement la suivante :  deux cas par an pour dix mille femmes pour les pilules de premières et deuxièmes générations, de  3 ou 4 cas par an pour dix mille femmes  pour les pilules microdosées  de troisième ou quatrième génération. Il est de 0.5 à 1 cas pour dix mille par an pour des femmes non traitées, et de 6 cas pour dix mille en cas de grossesse. Donc, le risque vasculaire des pilules, même de troisième ou quatrième génération est très faible, moindre que celui de la grossesse, je répète, moindre que celui de la grossesse.
En France, depuis 1985, 13 cas de décès  ont été recensés : (1 cas pour la 1ère génération, 6 cas pour la 2ème génération, 4 cas pour la 3ème génération, 2 cas pour la 4ème génération). Sur les 244 accidents thromboemboliques veineux signalés à la pharmacovigilance, on compte 155 guérisons sans séquelles, 26 guérisons avec séquelles, 17 guérisons en cours, 46 sans information. Il existe une sous-déclaration probablement importante à la pharmacovigilance, mais qui ne devrait concerner que des accidents de moindre importance.
Les principaux facteurs de risques sont connus et bien indiqués dans les notices (tabac, obésité, antécédents familiaux thromboemboliques,hypertension artérielle, immobilisation prolongée, âge) de même que les signes précurseurs qui doivent entraîner un arrêt du traitement et une consultation ou un examen : douleur et/ou œdème inhabituel d'une jambe, douleur importante et brutale dans la poitrine, essoufflement soudain, toux de survenue brutale, céphalées inhabituelles, sévères, prolongées,cécité brutale, partielle ou totale… Ceci doit être particulièrement suivi dans la première année de traitement.
L’ensemble des données sur les pilules de troisième et quatrième génération (et leur coût ?) ont conduit les agences du médicament européennes américaines, canadienne, danoises à mener des études approfondies Toutes ont conclu a un rapport bénéfice/risque favorable. Favorable ! (Ce qui rappelle tout de même qu’il existe un risque)
Au risque (faible) de lasser, le risque d’une contraception par la pilule est moindre que celui d’une grossesse, (c’est clair, Even et Debré ?) Alors, derrière la campagne qui s’est déclenchée, comment ne pas entendre les remugles rétrogrades de ceux qui, au fond, n’ont jamais accepté la contraception, des mandarins amers, les Debré-Even, les contempteurs du progrès, et aussi, nouveauté, des avocats qui envient l’opulence de leurs confrères américains spécialisés dans les conflits liés à la santé.
On a même entendu des recommandations pour le moins étrange, comme l’utilisation du stérilet (une forme de contraception punitive, donc acceptable ?) : 3 à 9% d’infections pouvant conduire à une stérilité, choc septiques, perforations, dysménorrhées, hémorragies, pour une efficacité trois fois moindre que la pilule, donc une alternative acceptable en cas de risque avéré avec la pilule,et sûrement pas pour une première contraception)
Aussi ne faut-il pas s’étonner que la première réaction du Président de l’agence du médicament française a été de conseiller aux femmes…de ne pas arrêter leur contraception quelle qu’elle soit. Le déremboursement des pilules de troisième et quatrième génération, malgré (parce que ?) le fait que le remboursement en 2011 ait été obtenu après un combat long et pénible des associations féministes est clairement un geste d’économie, et non une question sanitaire. De même, l’arrêt de Diane 35, traitement contre l’acné, utilisé sans autorisation pour la contraception, dont les risques étaient connus, annoncés et exactement les mêmes que ceux des pilules de dernières générations, relève davantage d’un problème administratif que sanitaire.
Est-ce à dire que tout va bien ? non, car clairement, même faible, le risque de la pilule contraceptive, des médicaments en général, n’a sans doute pas assez rappelé, discuté, évalué avec les patients. Mais ce n’est pas la recherche de boucs émissaires  qui apportera la réponse. Ainsi :

La recherche vaine de boucs émissaires

Le matraquage des experts, compromis par leurs liens avec l’industrie pharmaceutique et forcément partiaux est à la mode : Le Monde (11 janvier 2003) s’y est essayé dans le cas des pilules de dernière génération, en mettant en cause un certain nombre de leader d’opinions – il est probable qu’il sera poursuivi.
Oui mais, ce sont bien les patientes et leurs médecins qui ont plébiscité ces pilules tant elles sont mieux tolérées, avec moins d’effets secondaires (prise de poids, tension mammaire, migraine, nausée). Elles ont apporté beaucoup à un très grand nombre de femmes qui attendaient ces progrès depuis plus de vingt ans, au prix d’un risque accru pour un très faible nombre de femmes (un risque, je répète, moindre que la grossesse)
Et encore, peut-on à la fois vouloir la valorisation de la recherche publique et des experts sans contacts avec les industries ? Dans de nombreux domaine, il ne peut y avoir d’experts compétents sans contact avec l’industrie, et c’est très bien ainsi - préfèrerait-on que celle-ci utilise les conseils de gens incompétents ? Cela n’empêche nullement la possibilité d’expertises honnêtes et de qualité, moyennant quelques conditions : la déclaration complète des travaux, liens industriels et intérêts, la traçabilité (publicité qui a dit quoi ?) des interventions, un débat contradictoire, un panel d’experts suffisamment varié, la participation de parties prenantes. La suspicion démagogique et systématique contre les experts, ça suffit !

L’industrie pharmaceutique, qui fait des profits sur le dos des patients ? Sauf que, dans tous les pays où l’industrie pharmaceutique était nationalisée, le progrès thérapeutique a été inexistant ; sauf que l’on devrait plutôt s’inquiéter du désengagement de l’industrie dans la recherche de nouveaux médicaments, activité jugée maintenant trop risquée et peu rentable.
Et lorsqu’une firme pharmaceutique s’aperçoit qu’un de ses médicaments est utilisé hors de son indication, la première réaction est généralement plutôt « Panique à bord » que « Hurrah » ; Après, évidemment, si tout se passe bien…

L’Agence du Médicament, qui ne fait pas son travail, notamment en matière d’information et de pharmacovigilance (signalement des effets indésirables des médicaments) ? Oui, mais encore faudrait-elle qu’elle sache comment les médicaments sont utilisés (voir ci-après), que les professionnels de santé signalent les problèmes (depuis 2011, il est à nouveau possible aux patients et aux associations de patients de déclarer eux-mêmes les effets indésirables, reste à voir si cela améliorera la pharmacovigilance sans provoquer une embolie du système par afflux d’informations non contrôlées et inexploitables), et que médecins et patients consultent l’information disponible. N.B. : ces dernières années, l’Agence Française, maintenant ANSM-Agence Nationale de Sécurité du Médicament) a fait de réels efforts pour rendre son site internet (ansm.sante.fr) plus clair, plus complet, plus accessible et sa consultation devrait devenir un réflexe pour toutes professions de santé et patients, parents…)

La Caisse Nationale d’Assurance Maladie, qui dispose d’une mine de données touchant à la Santé, dont elle garde jalousement le monopole, et qu’elle n’utilise que pour une régulation économique, et non pour améliorer les pratiques de santé ? Certes, et à ce point que c’est tout de même le Président d’honneur du Comité National d’Ethique, Didier Sicard, qui a cosigné, avec Jean de Kervasdoué, une tribune intitulée « Plus grave que le débat sur la pilule, l’affaires des données de santé publique ». (Le Monde, 15 janvier 2013), s’indignant que ces données ne puissent utilisées pour détecter surprescriptions, sous-prescriptions et prescriptions inadaptées.

Les médecins, qui n’informent pas suffisamment les patients, et qui font des prescriptions hors indication ? Pourquoi pas, mais encore faudrait-il qu’une gestion pathologique du numerus clausus (ou bien encore l’idée qu’en diminuant le nombre de médecins on diminuerait les dépenses de santé) n’ait pas entraîné un manque de médecins, et singulièrement dans des disciplines comme la gynécologie.
Quant aux prescriptions hors indications, rappelons que la prescription d’un antiépileptique, le baclophene, est réclamée par de nombreux alcooliques pour les aider à se débarrasser enfin de leur addiction…

Les urgences ? Pourquoi pas ? Je connais au moins un cas où, face à un AVC chez une jeune personne due à un traitement contraceptif, les urgentistes ont tardé à administrer le traitement adéquat parce qu’ils pensaient impossible la survenue d’un AVC chez une personne aussi jeune, sans facteur de risque.

Pour des Etats Généraux du Médicament

Le système actuel, en matière de médicament, n’est certes pas complètement satisfaisant , mais la quête de boucs émissaires ne mènera nulle part. Un médicament efficace n’est jamais dépourvu de danger. Comment avoir de meilleures expertises, tout le long de la vie du médicament ? Comment communiquer sur son intérêt et sur ses risques ? Comment améliorer la pharmacovigilance ? Comment améliorer la connaissance des médecins et des patients ? Quels rôles et responsabilités pour le pharmacien – c’est lui qui est censé le mieux connaître le médicament? Comment continuer à encourager l’innovation thérapeutique ? Assurer le bon emploi des médicaments ?
Et la question du risque ? Qui doit en décider, le patient, le médecin, l’Etat ? Comment ? Un risque dont la perception est nulle pour ceux qui bénéficient pleinement  des améliorations thérapeutiques, et de cent pour cent pour les victimes. Avec cette difficulté supplémentaire d’une autre asymétrie fondamentale : le risque associé à la mise sur le marché d’un nouveau médicament est beaucoup plus visible que le perte de chance de ceux qui n’ont pu bénéficier d’un traitement qu’on n’ pas voulu prendre le risque d’autoriser…
Les crises réelles ou contestables ne peuvent continuer à se succéder, ni les doutes perdurer. La question du médicament est complexe, elle mérite une réflexion poussée de toutes les parties prenantes – c’est-à-dire l‘ensemble de la société !- qui pourrait avoir lieu sous la forme d’Etats Généraux du Médicament.
Ne faudrait-il pas arriver, comme cela a été cas pour les activités hospitalières, à la reconnaissance d’un risque sans faute, et donc à un système d’assurance et d’indemnisation de l’ aléa médicamenteux, comme on l’ a fait pour l’aléa thérapeutique ?