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lundi 20 octobre 2014

Les médicaments et le monopole pharmaceutique


De l’affaire des poisons au monopole pharmaceutique

C’est suite à la fameuse affaire des Poisons, qui dépasse le fait divers pour devenir une affaire d’Etat,  (1672 - les services d’empoisonneuses comme la « Brinvilliers »et la « Voisin” »auraient été utilisé par des membres de la Cour), que l’administration royale en 1682 publie la Déclaration des poisons qui impose des mesures qui concernent la préparation, la vente et la possession des substances vénéneuses. Depuis 1682 au moins, la profession de pharmacien n’est pas tout à fait comme une autre !

Le médicament n’est pas un produit de consommation – la nécessaire sécurité

Cette considération inactuelle retrouve néanmoins quelque actualité avec les projets de dérèglementation de la pharmacie d’officine, ainsi qu’avec le développement inquiétant du trafic de médicaments contrefaits, sur lequel Interpol ne cesse d’alerter  (Cf notamment Le Monde, 22 mai 14). C’est une plaie bien connue des pays en développement : dans certains pays africains, jusqu'à 50 % des médicaments en circulation sont des faux. On trouve ainsi dans les étals de rue quantité d'antalgiques, d'antipaludéens ou d'antibiotiques contrefaits.

Cependant l’Europe et les Etats-Unis sont loin d‘être à l’abri, en particulier avec le développement des pharmacies illégales ou fausses en ligne. Ainsi, en mai 2014, Interpol a mené  l’opération Pangée : dans 110 pays, douaniers et policiers ont saisi pour près de 30 millions de dollars de faux médicaments, arrêtés 239 suspects et fait fermer plus de 10 000 sites illicites. Parmi les médicaments saisis : des antibiotiques, des antalgiques, des hormones thyroïdiennes, des anxiolytiques ou encore des insulines. Les faussaires savent d’ailleurs, en bons ultra-libéraux, s’adapter à la demande ; ainsi, en 2010, sont apparus massivement de faux vaccins contre la grippe H1N1. Parmi les affaires récentes qui, en Europe, ont frappé l’opinion publique : en 2013, de fausses pilules amaigrissantes achetées en ligne ont entraîné la mort de 62 personnes, notamment au Royaume-Uni ou en Pologne.

Dans une interview au Monde, la française Aline Plançon, qui dirige la division d’Interpol consacrée à la criminalité pharmaceutique donne une raison simple de l’explosion de ce trafic : « On estime que 1 000 euros investis dans les faux médicaments peuvent rapporter entre 200 000 et 450 000 euros, contre 40 000 à 100 000 euros pour les contrefaçons de logiciels, 43 000 euros pour les cigarettes de contrebande et 20 000 euros pour le commerce de l'héroïne. Cet appât du gain est d'autant plus tentant que ce type de crime est très peu sanctionné et que le démantèlement d'un réseau suppose la coopération des différents pays impliqués. Les trafiquants écopent au mieux de quelques années de prison».  Un trafic ignoble, donc à réprimer plus efficacement et plus sévèrement !

Evidemment, il y a les suspects habituels, et, au premier plan,  les faux médicaments contre les problèmes d’érection : 360.000 cachets saisis par les douanes de Roissy en 2006, 49.790 boîtes de médicaments contrefaisant la marque Viagra® saisies à l'aéroport de Roissy en 2007,
400.000 cachets contrefaisant les marques Viagra et Cialis saisis au Havre en 2008. Mais le plus inquiétant est que ce trafic de faux médicament s’infiltre aussi dans les circuits pharmaceutiques officiels principalement dans certains pays d’Europe (Angleterre, ex-pays de l’Est et aux USA et concerne aussi des médicaments élaborés et vitaux. Ainsi, en avril 2014, le laboratoire suisse Roche a révélé que des contrefaçons de son Herceptin – un traitement contre le cancer du sein – avaient été découvertes au Royaume-Uni, en Finlande et en Allemagne. Certains flacons ne contenaient pas d'ingrédient actif et d'autres une forme diluée. En 2012, Roche avait déjà été visé par des faussaires qui avaient contrefait son anti-cancéreux Avastin et réussi à introduire les fioles dans le circuit de distribution officiel aux Etats-Unis et en Europe. Parmi les cas de médicaments introduits dans le marché licite, l’agence du médicament signale :  Herceptin 150 mg (trastuzumab) : présence d’un médicament anticancéreux  contrefait sur une partie du territoire européen (Allemagne, Royaume Uni et Finlande) (11/04/2014) ; Pegasys®  180 µg/0,5 ml solution injectable en seringue pré remplie (peginterféron alfa-2a) : Information relative à un cas de falsification d'une spécialité pharmaceutique intervenue sur le territoire allemand (13/11/2013) ; Glivec 400 mg , comprimé pelliculé - Novartis Pharma : produit saisi et identifié par les douanes maltaises ; Sérétide 250 Evohaler (antiasthmatique) identifié au Royaume-Uni en 2009 ; Plavix®  (antiagrégant plaquettaire) identifié au Royaume-Uni en 2007, l'analyse des produits contrefaisants a révélé un sous-dosage en principe actif, voire une absence de principe actif ; Casodex®  (traitement du cancer de la prostate) identifié au Royaume-Uni en 2007 ; Zyprexa®  (neuroleptique) identifié au Royaume-Uni en 2007 ; Spiropent®  (antiasthmatique) identifié en République Tchèque en 2006 ; Lipitor® (médicament hypocholestérolémiant) identifié au Royaume-Uni en 2005 et 2007 ; Reductil®  (médicament anorexigène) identifié au Royaume-Uni en 2004 ; Cialis®  (traitement du dysfonctionnement érectile) identifié au Royaume-Uni et aux Pays-Bas en 2004

Sur le continent nord américain, la Food and Drug Administration a signalé 7 trafics majeurs de produits contrefaits ont été relevés portant à la fois sur des produits classiques de nature chimique et sur des produits innovants de biotechnologie : Neupogen®  (filgrastim) ; Proscrit® (epoétine alpha) avec une concentration en principe actif 20 fois inférieure aux données de l'AMM ; Serotim®  (somatropine, hormone de croissance biosynthétique) ; Combivir®  (mélange lamivudine, zidovudine) remplacé par du ziagen® (abacavir) ; Zyprexa®  (olanzapine) dont le principe actif avait été substitué par de l'aspirine ;Lipitor®  (atorvastatine, hypocholestérolémiant).

Vous avez aimé la dérèglementation dans la finance, vous adorerez la dérèglementation dans la santé

Donc, dans les circuits licites de vente de médicament déréglementés, on trouve des anticancéreux – et parmi les plus chers- , des antiagrégants plaquettaires, des médicaments contre l’asthme, contre le cholestérol,  sans principe actif, et du viagra plus proche des brouets de sorcière que d’un médicament.

Rappelons qu’un médicament n’est jamais anodin : l’aspirine peut entraîner des hémorragies mortelles, des perforations intestinales, etc. A plus de 6 g par jour, la paracétamol entraîne de graves attentes hépatiques et est mortel- au-delà. En France, où il est vendu en pharmacie, il est responsable d’environ 6 morts par surdosage par an; en Grande-Bretagne, où il est en libre accès, c’est 200 à 300 morts par ans..

Non, le médicament n’est pas un produit de consommation, et n’est jamais un produit anodin. C’est pourquoi il doit continuer à  être délivré en pharmacie. L’accès aux médicaments doit être garanti sur tout le territoire : on sait à quoi, à quels déserts médicaux, selon l’expression maintenant usitée, a abouti la liberté d’installation des médecins et l’auto-régulation du nombre de médecin par le malthusianisme à courte-vue de l’Ordre des Médecins- Veut-on vraiment la liberté d’installation des pharmaciens, et la libre possibilité pour des investisseurs d’investir uniquement dans les pharmacies les plus rentables ?

Quant aux pharmaciens et à l’industrie pharmaceutique,  il est de leur devoir d’assurer une disponibilité rapide et sans défaut des médicaments, ce qu’ils réussissaient naguère grâce à un système de répartition efficace ; les multiples pénuries de médicaments qui se sont produites ces dernières années témoignent d’une dérive inquiétante, qui ne peuvent que les desservir, et auxquelles il faut mettre un terme. Oui au monopole pharmaceutique, mais avec les devoirs et responsabilités qui vont avec !

La régulation est ici indispensable- autrement dit, si vous avez aimé la dérèglementation dans la finance, vous adorerez la dérèglementation dans la santé.

lundi 13 octobre 2014

Politique énergétique et changement climatique


Les éoliennes, c’est du vent

Article décoiffant sur les éoliennes dans Marianne (3 octobre 14) ; rien de très original, mais une synthèse honnête et efficace. Résumons pour la situation dans les campagnes : « Jalousies, médisances, rumeurs, partout où passe l’éolien et ses promesses de revenu garantis pour les uns et de nuisances assurées pour les autres, Clochemerle s’installe et sème la division »

Tout d’abord, avant 2007, des éoliennes construites à moins de 500 mètres des habitations et, même avec la nouvelle réglementation,  des habitants rendus fous par le bruit, les sifflements, l’effet stroboscopique, les lumières dans la nuit, le paysage gâché, et autres nuisances diverses, jour et nuit. Des sociétés qui se revendent les implantations et les projets les unes aux autres, puis disparaissent, laissant les habitants face aux malfaçons.

Tout ça pour quoi ? Dans un rapport publié par la revue Commentaire, un ancien directeur d’administration centrale, Nicolas Saudray affirme : « Dans l’ensemble de la France de 2013, la capacité des aérogénérateurs n‘a été utilisée qu’à raison de de 23 %. La plupart du temps, ils sont en effet arrêtés ou tournent au ralenti… Cet effet d’intermittence est aggravé par le fait que les engins ne produisent rien quand la consommation d’électricité est au plus haut (pic de froid sans vent en hiver). .. Afin de régulariser la discontinuité éolienne, il convient de mettre en place des installations complémentaires, dont la production doit pouvoir être accrue rapidement » ; et là, il n’y a guère le choix, ce sont des centrales thermiques, de préférence à gaz.

Bilan de l’éolien, il coûte cher, le lobbying du très actif  Syndicat de Energies Renouvelables ayant obtenu un tarif de rachat garanti par l’Etat très avantageux (au détriment d’EDF et in fine des consommateurs), il n’est pas rentable… et surtout il n’est pas écologique car contreproductif en ce qui concerne le réchauffement climatique, puisqu’il impose une augmentation des centrales à gaz. La fédération Environnement durable a bien raison de parler de rente indue pour les producteurs, et il est temps d’arrêter.

L’éolien ne convient pas à la géographie et au peuplement français (pas plus que les gaz de schistes), ne lutte pas contre le réchauffement climatique, est générateur de nuisances insupportables et de profits douteux. Le soutien à l’éolien est le contraire de ce qu’il faut faire en matière de politique énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique

Le charbon, ça continue

C’est assez peu connu, mais le marché international du charbon n’a cessé de croître. En quarante ans, depuis 1973, il a été multiplié par sept !  (de 200 tones à 2400 tonnes) et l’accroissement continue, voire s’accélère : de 2005 à 2010, il est passé de 800 à 1100 tonnes, et de 2010 à 2013 de 1100 à 1400 tonnes ( soit un doublement sur la dernière décennie). Les principaux consommateurs sont la Chine et l’Inde. La part du charbon a aussi augmenté en valeur relative : 25% des approvisionnements en énergie en 1973 , 30% en 2013.

Or le consensus général est que du  point de vue environnemental, tant  pour la pollution que pour le réchauffement climatique, le charbon est la pire des sources d’énergie, et que l’urgence est de décarboner notre croissance. Inde et Chine se tournent massivement vers la seule énergie aujourd’hui disponible qui leur permette de continuer à améliorer leur niveau de vie tout en limitant le réchauffement climatique, le nucléaire. Et c’est à ce moment que nous, la France, mais plus encore l’Europe, limiterions notre recours au nucléaire ? voire que, comme en Allemagne,, on arrête le nucléaire pour remettre en service des centrales à gaz… et à charbon. C’est tout simplement proclamer que l’on se moque du réchauffement climatique et de ce qu’il provoquera chez les peuples  qui seront les plus exposés à ses conséquences, c’est saboter et faire sombrer dans le ridicule la prochaine conférence de Paris sur le réchauffement climatique, comme celle de Copenhague, en 2004.

Le solaire - il faut avancer

 C’est évidemment l’énergie de l’avenir, la seule énergie renouvelable, propre, et qui  nous soit fournie par la nature en quantité suffisante pour nos besoins. Là encore, des erreurs ont été commises à ne pas renouveler. L’équipement en solaire domestique est certainement intéressant, mais d’effet modeste. Il a été encouragé hors de toute proportion raisonnable par une collusion entre des milieux écolo-affairistes et un gouvernement manipulé. Alors que le coût du MégaWatt heure solaire est de 200 €, le prix de rachat imposé à EDF a varié entre 314 € et 580 € suivant les installations, extraordinaire rente de situation aux dépens des consommateurs. On aurait pu au moins éviter de faire pire que l’Allemagne, qui a imposé un prix de rachat à parité avec le prix moyen de l’électricité. Si le solaire domestique est utile pour l’utilisation domestique, c’est une aberration que de permettre de le vendre, avec des profits astronomiques sur le réseau.  

Autre absurdité, ce sont les producteurs de panneaux chinois qui ont massivement profité des subventions allemandes et français, avec des productions de faible qualité dans des conditions sociales et environnementales critiquables, alors que les fabricants européens ont fait faillite en série. Pourquoi ? Parce que l’on a subventionné larga manu, sans se préoccuper d’avoir au préalable créé une filière industrielle – une autre erreur à ne pas répéter.

Le solaire, bien sûr, mais il exigera de nouvelles percées technologiques et des choix réfléchis. Le solaire industriel passera-t-il par le stockage et la consommation sous forme d’hydrogène ? Ce sera alors toute une nouvelle économie à bâtir, mais qui semble technologiquement à notre portée.  Sous une autre forme  (nouvelles batteries, stockage calorique ?). La conception et l’utilisation industrielle d’OGM (d’algues par exemple) optimisées pour la photosynthèse de carburants est une autre voie prometteuse d’utilisation de l‘énergie solaire.  Tout cela exigera du temps et des développements technologiques, raison de plus pour commencer rapidement et massivement.

Des progrès continus et significatifs sont accomplis. Ainsi,  une équipe de Lausanne a présenté une cellule photoélectrique à base de perovskite, un matériau abondant et peu cher, capable d’obtenir un rendement de plus de 12% de transformation d’énergie solaire en hydrogène, ce qui peut être estimé à douze fois le rendement de la photosynthèse naturelle (Science, Gratzel et al, 26 sep 14). Oui, il est grand temps d’avoir un programme ambitieux et coordonné sur le solaire

La fusion nucléaire ? Stopper Iter ?

Le gigantesque programme Iter, bien mal géré et de façon très opaque par la communauté européenne ne cesse d’accumuler les problèmes non prévus – un des derniers en date, la détritiation qui, faute d’un système efficace et  sûr, a entrainé le blocage de l’assemblage du réacteur par l’ASN (autorité de sécurité nucléaire). Iter devait être achevé en 2016 !. Le budget prévisionnel pour arriver à un démonstrateur était initialement estimé à 10 milliards, il a maintenant doublé ! Un rapport d’évaluation sévère, publié en février 2014, a listé onze recommandations essentielles  qui, en creux, dessinent un projet en crise profonde:  créer une culture de projet (il serait temps), instiller une culture de sûreté nucléaire ( il serait aussi temps) , développer un planning réaliste du projet  (idem)  et simplifier et réduire la bureaucratie. En juillet 14, le Sénat américain en a tiré les conclusions en ordonnant  au Département de l’Énergie de travailler avec le Département d'État pour se retirer du projet ITER ». 2016 au départ ? Aujourd’hui, le Directeur général, Osamu Motojima, pourtant partisan convaincu de la fusion annonce (juillet 2014) : «  Si la date de mise en service est 2025, le projet ITER n’y survivra pas ».

Iter ne sera pas au rendez-vous des nouvelles technologies, et encore moins de la lutte contre le réchauffement climatique. Un réexamen drastique du programme s’impose rapidement, tout délai supplémentaire est de l’argent, et beaucoup d’argent perdu, qui pourrait être utilisé à meilleur escient. Il aboutira probablement un fort ralentissement et une priorité revue nettement à la baisse, voire l’arrêt total.

L’échec n’est pas une option

La lutte contre le réchauffement climatique n’est pas un choix, c’est une exigence pour la survie de nos sociétés. Nous ne pouvons pas nous permettre l’échec du sommet de Paris, après celui de Copenhague.  Elle est affaire de politique scientifique. Scientifique, elle doit se baser sur une évaluation solide et sûre des possibilités techniques, de leurs chances d’aboutir, de ce qu’elles peuvent ou ne peuvent pas apporter dans un avenir proche, de leurs conséquences. La France, l’Europe devraient dès maintenant organiser des états généraux scientifiques, le travail de groupes d’experts, qui, sur le modèle du GIEC, ne se contenteront plus d’établir la réalité du réchauffement anthropique, mais  proposeront des solutions et des scenarios. Politique, elle doit impliquer des personnalités gouvernementales fortes et s’adresser à l’opinion publique, par l’information sur les enjeux, sur les conséquences des différents choix techniques possibles. Les scientifiques doivent dire ce qui est possible, l’opinion dire ce qu’elle veut et les politiques organiser le dialogue entre les deux, dégager les consensus et agir []
 

lundi 6 octobre 2014

Le nouveau rapport Stern une certaine hypocrisie


Croissance et lutte contre le réchauffement climatique : pas incompatibles !

En 2006, Lord Stern, ancien économiste en chef de la Banque Mondiale publia un document sur les conséquences économiques du changement climatique qui fit date. Le premier rapport Stern estimait que, faute d’agir efficacement contre le réchauffement climatique, le PIB mondial risquait de s’effondrer de 20% d’ici à 2050.  Le rapport Stern de 2014 affirme que les « impacts de la transition énergétique ont jusqu’à présent été surestimés, comme ont été minimisés les bénéfices » et que  « lutte contre le changement climatique et croissance peuvent aller de pair » . Recettes recommandées par le Pr Stern pour réduire les gaz à effets de serre, limiter le réchauffement climatique à deux degrés sans  crise dans les pays prospères, ni hypothéquer le développement des  moins développés :

1) La productivité de l’agriculture sera critique pour assurer l’alimentation d’une population prévue pour atteindre 8 milliards en 2030. La production de nourriture peut être accrue, les forêts protégées, les émissions abaissées par la simple restauration des terres dégradées (qui pourrait nourrir 200 millions d’habitants) et de nouvelles technologies (voir ci-après)

2) Oeuvrer à La fin du charbon comme source d’énergie et pour le développement du solaire et de l’éolien et d’autres énergies non carbonées pour la production d’électricité

3) La fin de toute subvention des énergies carbonées (dont le rapport précise qu’elles représentent encore 600 milliards de dollars contre 100 milliards de dollars d’aide aux énergies nouvelles)

4) Intégrer les préoccupations du réchauffement climatique dans tous les processus de décision politique

5) Un accord international sur le climat fort, durable, équitable, susceptible de créer un climat de confiance pour des politiques nationales

6) Un prix des énergies carbonées élevé, fixe, prédictible qui envoie un signal clair à l’économie

7) Réduire le coût de financement des énergies non carbonées, avec le développement d’instruments financiers nouveaux pour les énergies nouvelles diminuant les risques perçus (risk sharing, obligations vertes…) et financements étatiques

8) Construire des économies d’échelle pour les énergies non carbonées et compatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique

9) Des villes plus compactes, plus connectées, plus denses, avec un développement massif des transports publics.

10) Stopper la déforestation et la destruction des forêts naturelles complètement en 2030, restaurer 500 millions d’hectare de forêts ou terres agricoles dégradées.

Ajoutons une onzième recommandation : tripler les efforts de recherche développement consacrés à l’énergie et au climat dans les économies développées pour atteindre plus de cent milliards par an dans les années 2020.

De quelques cachoteries

J’aurais aimé trouver  le rapport Stern convaincant, et la bonne nouvelle est le soin avec lequel il entreprend de démontrer que croissance économique et lutte contre le réchauffement climatique sont compatibles. Le seul problème est qu’il est un rapport exclusivement économique qui ignore superbement les défis scientifiques bien réels, un rapport hypocrite dans sa volonté de masquer certaines conséquences, un rapport très lié au contexte (et aux intérêts) anglo-saxons. Exemples :

En ce qui concerne la densification urbaine, particulièrement intéressante est  la comparaison entre Atlanta (5.25 millions d’habitants répartis sur 4300 km2) et Barcelone (5.3 millions d’habitants sur 162 km2). En fait la politique urbaine proposée par le rapport Stern vise surtout l’étalement des conurbations américaines… pour se rapprocher des métropoles européennes. En cette matière, l’Europe est déjà  en ligne avec ce que préconise le rapport, et a donc peu de marges de manœuvre.

En ce qui concerne la productivité agricole, le rapport Stern souligne la réhabilitation en Chine des plateaux de loess par des plantations d’arbres, ainsi que celle du Maradi et du Zinder au Niger, mais insiste aussi sur le « scuba rice », une nouvelle sorte de riz qui supporte d’être submergé,  a été introduit en Inde en 2008 et adopté avec succès par plus de 5 millions de cultivateurs. Donc, la nécessaire augmentation de la productivité agricole passe par l’invention de nouveaux OGM… mais chut !, le terme lui-même est hypocritement évité.

Grande perplexité lorsque le rapport considère le gaz comme un très bon pont intermédiaire vers les énergies décarbonées…parce qu’il peut remplacer le charbon, toute en réduisant le CO2 émis et la pollution locale. Autant le dire,- mais il ne le dit pas ouvertement -,  le rapport Stern est en faveur des gaz de schistes. Par contre, il ne mentionne absolument pas la seule énergie complètement décarbonée qui permette réellement la transition énergétique vers les énergies renouvelables (- solaire essentiellement -) tout en permettant croissance et progrès, le nucléaire. Curieuse, cette propension à défendre les solutions qui conviennent aux USA, et à ne dire mot des solutions qui assurent une bonne  compétitivité à la France. La Chine, qui  fonce à toute vapeur - de charbon- vers le nucléaire et le Japon, qui, malgré Fukushima, s’apprête à relancer son nucléaire ne s’ y trompent pas ; ni Ségolène Royal qui a réaffirmé l’utilité du nucléaire français pour la transition énergétique.

Tripler les efforts de recherche développement pour les énergies renouvelables ? Fort bien, mais l’Europe a été incapable, et a d’ailleurs renoncé à atteindre le taux de 3% du PIB en recherche développement que préconisait l’agenda de Lisbonne pour l’ « Europe de la Connaissance »

Nous déterminons notre futur !

 Le rapport Stern est beaucoup plus convaincant sur le thème du développement de « l’Economie circulaire ». Au lieu du circuit linéaire allant de l’extraction des ressources primaires aux déchets, en passant par le produit, il s’agit en fait de systématiser le recyclage. Le rapport cite l’exemple de Cat Reman, la filiale de recyclage de Caterpillar qui emploie 8000 salariés dans 15 pays et est bénéfique pour l’environnement et…  source d’importants profits pour Caterpillar, en réutilisant tout ce qui peut l’être et valorisant au mieux le reste, proposant à ses clients des matériels recyclés pour une fraction du prix originel.

Oui le rapport Stern a raison de souligner que les investissements que nous ferons ou ne ferons pas dans les quinze ans à venir détermineront le climat mondial futur ; que si nous ne faisons rien, les catastrophes climatiques nous imposeront un coût bien supérieur aux investissements que nous n’aurions pas voulu faire. De toute façon, le coût humain et sociétal du réchauffement climatique et l’épuisement des ressources ne nous laisse guère de choix : nous devons préparer l’économie décarbonée, et ce défi devrait être déjà l’un des sujets majeurs de préoccupation et d’action des gouvernements. Vive donc les ministères du développement durable, et c’est une bonne idée que de les confier, comme en France, à des hommes ou femmes politiques d’envergure.

Reste que les lobbies de tous acabits seront à la manœuvre, et que cette politique, qui sera d’abord coûteuse, doit être menée sur des bases scientifiques et économiques solides ; et que la politique la mieux adaptée n’est pas nécessairement la même dans toutes les zones géographiques.  Il serait quand même bon que nous ayons, en France et en Europe,  des Etats généraux de l‘énergie, au cours desquels les experts scientifiques s’accorderaient sur différents scénarios et sur les priorités à mettre en œuvre, informeraient le public sur les conséquences et les enjeux et permettaient aux décideurs, en toute transparence, de mettre en œuvre la meilleurs transition possible.