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dimanche 24 juin 2012

Intégrité financière, intégrité scientifique, gosplan et business plan

Goldmann-Sachs, intégrité financière, intégrité scientifique, gosplan et business plan

Extraits de la lettre de démission du directeur exécutif de Goldman Sachs, responsable des produits dérivés pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique :

« Aujourd’hui, c’est mon dernier jour chez Goldman Sachs. Après presque 12 ans passés dans l’entreprise – d’abord comme stagiaire, l’été, tout en étudiant à Stanford, puis à New York pendant 10 ans, et maintenant à Londres – je crois que j’y ai travaillé assez longtemps pour pouvoir expliquer sa culture d’entreprise, parler de ses employés et de son identité. Et, pour être honnête, je peux dire que l’environnement de travail y est désormais toxique et destructeur comme jamais auparavant
Cela pourrait sembler surprenant à un public sceptique, mais la culture d’entreprise a toujours été une part essentielle de la réussite de Goldman Sachs. Travail en équipe, intégrité, humilité, et intérêt du client érigé en principe. La culture d’entreprise était l’ingrédient secret qui a fait de cette entreprise un haut lieu de la finance mondiale et nous a permis de gagner et conserver la confiance de nos clients durant 143 ans. Il ne s’agissait pas seulement de gagner de l’argent, ce qui ne suffirait pas à maintenir pérenne une entreprise si longtemps. Cela avait à voir avec un sentiment de fierté et de loyauté envers l’entreprise. Je suis triste, lorsque je regarde autour de moi aujourd’hui, de ne voir presque plus trace de cette culture…
Comment en sommes-nous arrivés là ? La firme a changé la façon dont elle concevait le leadership. Auparavant, le leadership c’était donner des idées, donner l’exemple et prendre les bonnes décisions….
Désormais, quelles sont les trois façons de faire pour devenir rapidement un leader? Il faut promouvoir les « orientations » de Goldman Sachs, autrement dit, pousser ses clients à acheter des actions ou d’autres produits financiers dont nous essayons de nous débarrasser, parce qu’ils n’ont qu’un faible potentiel de rendement. Convaincre ses clients – certains intelligents, d’autres moins – de négocier en Bourse ce qui rapportera le plus de profits à Goldman Sachs… Se trouver un poste où votre travail consiste à vendre un produit opaque, non liquide ayant un acronyme composé de trois initiales.
Aujourd’hui, beaucoup de ces directeurs  n’adhèrent plus du tout à la culture Goldman Sachs. J’assiste à des réunions de vente de dérivés où pas une seule minute n’est consacrée à rechercher comment nous pouvons aider nos clients. Il s’agit essentiellement de trouver comment on peut leur soutirer plus d’argent
Ça me rend malade de voir comment on parle, sans pitié, de « gruger » les clients. Au cours des 12 derniers mois, j’ai vu cinq directeurs généraux différents, quelques fois même dans des emails internes, qualifier leurs propres clients de «muppets» (guignols)…
Ce qui me stupéfie, c’est que la haute direction passe outre une vérité fondamentale : si les clients ne vous font pas confiance, ils finiront par cesser de faire des affaires avec vous…
Ces jours-ci, la question la plus fréquemment posée par les analystes juniors sur les  dérivés est : “Combien d’argent nous sommes-nous fait sur le dos de ce client?” Cela me dérange à chaque fois que je l’entends, car c’est une réflexion qui émane des comportements observés chez leurs dirigeants et qui modèle la façon dont ces analystes juniors vont se comporter. Maintenant, projetez-vous dans dix ans : vous n’avez pas besoin d’être un génie pour comprendre que l’analyste junior, tranquillement assis dans un coin de la salle, qui entend parler de « guignols », d’«arracher les yeux» et « faire payer » ne va pas exactement se transformer en un citoyen modèle… »

Intégrité financière, intégrité scientifique, gosplan et business plan

Cette lettre a eu un certain retentissement, il n’est pas si commun de voir un important dirigeant financier se réclamer d’un comportent éthique, intègre, et d’en tirer des conséquences courageuses. Mais il y a encore peut-être encore ; c’est que beaucoup, en dehors même de la sphère financière, constatent  que leur « environnement de travail est désormais toxique et destructeur comme jamais auparavant », tant la recherche de profits à courts termes a partout remplacé le souci de la pérennité des entreprises et des communautés humaines. Il n’ y pas que les financiers dont le rapport à l’intégrité devient problématique. Les problèmes d’intégrité scientifique deviennent préoccupants, plagiats, coups de pouces donnés aux résultats, ignorance ou dissimulation de données négatives etc... Le « publish or perish » en était déjà partiellement responsable, son remplacement par  « lever de l’argent ou mourir de faim » n’arrange rien. Dans les start-up, les fameux business plan misent systématiquement sur les hypothèses les plus favorables et la reproduction de rares miracles…sauf que la caractéristique du miracle est sa rareté. Les difficultés, le coût, le caractère aléatoire des recherches sont systématiquement minorés. Dans les grandes entreprises pharmaceutiques, les promesses réitérées de croissance à deux chiffres (mirobolantes, compte-tenu du contexte économique et de la surveillance des dépenses de santé par les Etats) se sont traduits par des fusions sans intérêt stratégique, et par la décroissance des dépenses de recherche, donc le sacrifice de l‘innovation et du futur.
On peut se demander si nous n’avons pas remplacé feu le gosplan soviétique par les business plans, tous deux voués aux promesses mirobolantes dont le but est davantage de faire rêver que d’être transcrites dans les faits. Les « pays du grand mensonge », communistes ou capitalistes, ne sont pas des régions très favorables à l’innovation, au développement économique, au progrès scientifique, technique, social, l’histoire l’a largement démontré.

dimanche 10 juin 2012

Rio plus vingt, réchauffement climatique et politique énergétique


Rio plus vingt, réchauffement climatique et politique énergétique

Les scenarii de l’Agence internationale de l’énergie

Il est aujourd’hui établi que nous vivons un réchauffement climatique d’une vitesse et d’une ampleur inégalée, dont les conséquences sur le monde commencent à être appréhendées. Une importante étude multidisciplinaire de l’Université de Berkeley pointe ainsi que, dans ce siècle, « les climats rencontrés sur 10à48% de la planète auront disparu, et ue des condirions climatiques qui n’ont jamais été rencontrées par les organismes actuels régneront sur 12 à 39% de la surface de la planète». Ce qui se passera ? On peut déjà l’appréhender par la disparition quasi-totale des coraux en plusieurs endroits de la planète. Et par la disparition de 30% de la banquise arctique d’été.
Une partie de ce réchauffement est liée aux énergies fossiles… de plus en plus rares. En 1980, la demande mondiale en énergie primaire était de 7 milliards de TEP (tonnes équivalent pétrole), en 2009, elle a augmenté à 12 milliards de TEP, dont 81% d’énergie fossile (pétrole, charbon, gaz), et la demande des pays émergents n’est pas prête de s’arrêter. Clairement, cette évolution n’est tout simplement pas durable, ni en ce qui concerne l’effet climatique, ni en terme de disponibilité des sources d’énergie.
L’Agence Internationale de l’Energie travaille sur trois scénari. Politiques Actuelles prolonge la tendance actuelle, avec 18 milliards de TEP en 2035, dont 80% d’énergie fossile. Nouvelles Politiques ( 16 milliards de TEP en 2035) suppose que le programme de Rio et les promesses actuelles des Etats soient respectées, soit,  pour l’Europe, une baisse de 20% des gaz à effets de serre en 2020. Dans ces deux scenari, le réchauffement climatique se prolonge pour dépasser 4°C. Seul le troisième scenario de l’AIE  (450 ppm) permettrait de contenir le réchauffement à en dessous de 2°C. Il se caractérise par une consommation de 14.5 à 15 Milliards de TEP, avec une forte augmentation du nucléaire (1,6 milliards de TEP contre 0.7 actuellement) et des énergies renouvelables (4 milliards de TEP contre 1,6 actuellement), dont 2,3 milliards pour la biomasse, les déchets, les biocarburants(contre 1,2 actuellement), 0.52 milliards pour l’hydraulique contre 0.28 actuellement, et 1,1 milliards pour les autres renouvelables – solaire essentiellement- contre 0.099 actuellement).
Le seul scenario pour limiter le réchauffement, c’est donc du nucléaire (230% d’augmentation), des biocarburants de deuxième/troisième génération (200%d’augmentation)- ne concurrençant pas les aliments) et une explosion du solaire (par 100)
De ce point de vue, l’abandon du nucléaire par l’Allemagne est une très mauvaise décision,, qui signifie tout simplement que l’Allemagne ne va pas même diminuer mais augmenter considérablement ses émissions de gaz à effet de serre. En effet, en raison de leur intermittence, les  productions électriques  solaires et éoliennes devront pour longtemps encore être couplées à des productions type nucléaire ou émettant des gaz à effet de serre (gaz, pétrole, charbon) . Par contre la Chine et l’Inde font preuve d’un comportement responsable vis-à-vis de leurs engagements climatiques en confirmant un programme nucléaire ambitieux(plus de cinquante nouvelles centrales en Chine d’ici dix à vingt ans)

Et le Solaire ? L’échec français.

Reste à développer la seule énergie renouvelable qui permette à terme un développement économique soutenable, le solaire. En ce qui concerne le solaire domestique il va falloir tirer les leçons des échecs français et allemands ; malgré une politique extrêmement coûteuse de subvention, qui a certes abouti à un bond des équipements individuels, les fabricants de panneaux solaires allemands (Solon, Qcell, Solarworld) et français (Photowatt)  sont en faillite, en quasi-faillite ou ont disparu. Ce sont les producteurs de panneaux chinois qui ont massivement profité des subventions allemandes et français, avec des productions de faible qualité dans des conditions sociales et environnementales critiquables.
Il y a là une leçon à tirer, et une politique à ne pas reproduire, résultat d’une étrange collusion entre un gouvernement de droite et un milieu d’affairistes écologistes, remarquable par son habilité à tirer des profits des subventions à tous niveaux de la vie politique . Alors que le coût du MégaWatt heure solaire est de 200 €, le prix de rachat imposé à EDF a varié entre 314 € et 580 € suivant les installations, extraordinaire rente de situation aux dépens des consommateurs. On aurait pu au moins éviter de faire pire que l’Allemagne, qui a imposé un prix de rachat à parité avec le prix moyen de l’électricité (ce qui faisait que les spéculateurs du solaire n’avaient au moins pas intérêt à revendre leur production, mais simplement à l’utiliser).
Cette erreur provient de ce que l’on a subventionné larga manu, sans se préoccuper d’avoir au préalable créé une filière industrielle. Cela n’avait rien d’impossible ou d’inéluctable, ainsi que le prouve le succès relatif de l’entreprise française Solaire direct, qui a d’emblée visé un marché international avec beaucoup de détermination.
Face aux défis nécessaires et importants du solaire, le ministère du redressement industriel ne devra pas se contenter d’une stratégie défensive. Les enjeux climatiques et énergétiques exigent la mise en place d’une véritable politique de recherche et de développement. Il faudra notamment développer la production massive d’énergie solaire, par des centrales à concentration pour le solaire thermique, et aussi par d’autres systèmes permettant de coupler le solaire à l’électrique, ou à d’autres formes nouvelles comme l’hydrogène. Un exemple particulièrement intéressant, dans une région qui pourrait assez rapidement devenir un modèle et un laboratoire du solaire, la Corse, est le projet de centrale élaborée « à trackers » des sociétés Exosun et Compagnie du vent.