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jeudi 29 octobre 2015

DBV Technologies and Viaskin® : a great success


In a recent post (Allergies: Epidemic in sight, Research needed or the allergies_ Les allergies_ épidémie en vue, recherche indispensable), I mentioned the challenge posed by the explosion of allergies and the need for research to understand the cause and find remedies. I would like to mention a superb french success in an area which has not so much: Viaskin® from DBV technologies, a promising technology in the treatment of food allergies
Viaskin® Peanut :

In July 2010, DBV launched the first clinical trial of Viaskin® Peanut in the United States. Viaskin® Peanut is a patch, which applies to the upper arm, designed to treat allergies to peanuts and peanut-containing products desensitizing patients. Early October 2015, results from phase 2 clinical (study Olfus) confirmed the hopes of the company and of patients. In 12 months of treatment with Viaskin Peanut 250 μg, answering patients rate is passed to 70% from 50% compared to the shorter initial study – which was already not bad.  'Responder' patients have been defined by their ability to reach a dose reactive protein of peanut equal to or greater than 1000 mg of protein of peanut or by an increase of ≥ 10 times the initial reactive dose. Viaskin peanuts desensitization works well, it works even better, what is important, in children from 4 to 11 years. Safety is perfect, no serious adverse effects were observed, which is reflected in the excellent rate of adherence to treatment (96%), a parameter also very important to successful desensitization.

The early hopes placed in Viaskin ® Peanut are therefore confirmed, making it the most effective treatment and best tolerated to treat peanut allergy. Efficacy in children is an important asset; more it desensitizes early, better it is. "Viaskin could become a revolutionary treatment for children with Peanut Allergy." (Dr. James R. Baker, Director of Fare, main food allergic patients association in the United States)

Viaskin® - EPIT ® technology

 Viaskin® is an electrostatic patch which uses electrostatic forces to keep the dry active principle (Antigen) on the surface of the patch which is in contact with the skin. It is easy to use, can be self-administered, requires no special preparation of the skin and is not invasive. It is based on EPIT® technology (Epicutaneous immunotherapy). EPIT® targets epidermal Langerhans cells that have the potential to induce an immune response, while posting a profile highly tolerogenic. Applying the allergen directly at the level of the lymph through the Langerhans cells, EPIT® activates (Tregs) regulatory T cells able to regulate the Th2 reaction to the allergen. EPIT® safety relates to the lack of passage of allergens into the bloodstream, while its effectiveness is attributable to activity present in the lymph node. Administration of the allergen by Viaskin® results in its release into the superficial layer of the skin, avoiding any passive passage in the dermis, the lymphatic system or bloodstream. The epicutaneous immunotherapy can treat patients without inducing systemic allergic reactions such as anaphylaxis, extremely serious and sometimes fatal. The safety profile of the method and immunomodulation induced by EPIT® could allow the treatment of allergies very early in life.

This technology had to be implemented in a practical way, and this is what does the Viaskin® patch. Viaskin®, an innovative pharmaceutical process, uses an electrospray for spraying layers of homogeneous protein, fine and dry on the patch, allowing it to deliver proteins through intact skin. The Viaskin® patch contains the antigen in dry form, which provides an optimal preservation of its chemical properties. It creates a condensation chamber with the skin which increases the skin's natural moisture and solubilizes the antigen, allowing it to penetrate into the upper layers of the epidermis. The antigen is then close to antigen-presenting Langerhanss cells, without going into the bloodstream.

 A significant public health issue.  And Europe?

 Approximately 3 to 5% of Americans suffer from food allergies, and the situation is worsening, with a growing proportion of children affected: up to 8% of children have a food allergy. Patients developing this type of allergy are particularly at risk to major disruption in their daily lives and early treatment of allergies may prevent the progression of the disease or the development of poly-allergies. However, no approved treatments are currently on the market for young allergic children.

That predicts a beautiful deserved success for Viaskin® Peanut and little brothers less advanced: Viaskin® Milk, for the treatment of allergy to milk cow,  and Viaskin® Egg, for the treatment of allergy to eggs, and for the company DBV Technologies. And a question: why market introduction of such innovative treatments seems to be more difficult in Europe than in the USA, even when the inventor company is European ? There is, in the field of therapeutic innovation, something that does not work well

DBV Technologies et Viaskin® : un beau succès


Dans un billet récent (Allergies : Epidemic in sight, Research needed ou Les allergies_ épidémie en vue, recherche indispensable), j’ai mentionné le défi que représentent l’explosion des allergies et la nécessité de la recherche pour en comprendre la cause et trouver des remèdes. Aussi l’occasion est–elle belle de mentionner un superbe succès français dans un domaine qui n’en compte pas tant : Viaskin, de la société DBV technologies, une technologie prometteuse dans le traitement des allergies alimentaires
Viaskin® Peanut :
En juillet 2010, DBV a lancé le premier essai clinique du Viaskin® Peanut aux États-Unis. Viaskin® Peanut  est un patch, qui s’applique au haut du bras, destiné à traiter les allergies aux cacahuètes et produits contenant de l’arachide en désensibilisant les patients. Début octobre 2015, les résultats de phase clinique 2 (étude Olfus) ont confirmé les espoirs de la société et des malades. En 12 mois de traitement supplémentaires avec Viaskin Peanut 250 μg, le taux de patients répondeurs est passé à 70% par rapport à 50% par rapport à l’étude initiale plus courte – ce qui était déjà pas mal. . Les patients ‘répondeurs’ ont été définis par leur capacité à atteindre une dose réactive de protéine d'arachide égale ou supérieure à 1 000 mg de protéines d'arachide ou par une augmentation de ≥ 10 fois la dose réactive par rapport à la dose réactive initiale. La désensibilisation par Viaskin peanuts fonctionne bien, elle fonctionne même encore mieux, ce qui est important, chez les enfants de 4 à 11 ans. L’innocuité est parfaite, aucun effet indésirable grave n’a été observé, ce qui se reflète dans l’excellent  taux d’observance du traitement (96%), un paramètre aussi très important pour réussir la désensibilisation.

Les premiers espoirs placés dans Viaskin® Peanut sont donc confirmés, ce qui en fait le traitement le plus efficace et le mieux toléré pour soigner l’allergie aux arachides. L’efficacité chez les enfants est un atout important ; plus on désensibilise tôt, mieux c’est. « Viaskin pourrait devenir un traitement révolutionnaire pour les enfants souffrant d’allergie à l’arachide. » (Dr James R. Baker, Directeur de Fare, principale association de patients allergiques alimentaire aux Etats-Unis)

La technologie Viaskin® - EPIT®

Viaskin® est un patch électrostatique qui  utilise les forces électrostatiques pour maintenir le principe actif sec (antigène) sur la surface du patch qui est mise en contact avec la peau. Il est facile à utiliser, peut être auto-administré, ne nécessite pas de préparation spéciale de la peau et n’est pas invasif. Il est basé sur la technologie EPIT® (Epicutaneous immunotherapy ou Immunothérapie épicutanée). EPIT® cible les cellules épidermiques de Langerhans qui ont le potentiel d’induire une réaction immunitaire, tout en affichant un profil hautement tolérogénique. En appliquant l’allergène directement au niveau du ganglion lymphatique par le biais des cellules de Langerhans, l’EPIT® active des cellules T régulatrices (Tregs) spécifiques capables de réguler à la baisse la réaction Th2 à l’allergène. L’innocuité de l’EPIT® s’explique par l’absence de passage des allergènes dans la circulation sanguine, tandis que son efficacité s’explique par l’activité présente dans le ganglion lymphatique. L’administration de l’allergène par Viaskin® entraîne la libération de celui-ci dans la couche superficielle de la peau, en évitant tout passage passif dans le derme, le système lymphatique ou la circulation sanguine. L'immunothérapie épicutanée permet ainsi de traiter les patients sans induire de réactions allergiques systémiques, telles que l’anaphylaxie, extrêmement grave et parfois mortelle. Le profil d’innocuité de la méthode et l’immunomodulation induite par EPIT® pourraient permettre le traitement des allergies très tôt dans la vie.

Cette technologie, il fallait la mettre en œuvre de façon pratique, et c’est ce que fait le patch Viaskin®. Viaskin®, processus pharmaceutique innovant, utilise un électrospray pour pulvériser des couches de protéines homogènes, fines et sèches sur le patch, ce qui lui permet de délivrer des protéines par l’intermédiaire de la peau intacte. Le patch Viaskin® contient l’antigène sous forme sèche, ce qui, assure une préservation optimale de ses propriétés chimiques ; il crée une chambre de condensation avec la peau qui  augmente l’hydratation naturelle de la peau et solubilise l’antigène, lui permettant ainsi de pénétrer dans les couches supérieures de l’épiderme. L’antigène se trouve alors à proximité des cellules présentatrices d’antigène les plus tolérogéniques, les cellules de Langerhans., et ce, sans passage dans la circulation sanguine.

Un enjeu considérable de santé publique. Et l ’Europe ?

Environ 3 à 5% des américains souffrent d’allergie alimentaire, et la situation s’aggrave, avec une proportion de plus en plus élevée d’enfants touchés : jusqu’à 8% des enfants présentent une allergie alimentaire. Les patients développant ce type d’allergie sont tout particulièrement à risque de connaître des perturbations importantes dans leur vie quotidienne et le traitement précoce des allergies pourrait prévenir la progression de la maladie ou le développement de poly-allergies. Or, aucun traitement approuvé n’existe actuellement pour le jeune enfant allergique.

De quoi prédire un beau succès mérité  pour Viaskin® Peanut et ses petits frères moins avancés : Viaskin® Milk, pour le traitement de l’ allergie au lait de vache et Viaskin® Egg, pour le traitement de l’allergie aux œufs, et à la société DBV Technologies. Et une question : pourquoi la mise sur le marché de tels traitements innovants semble-telle plus difficile en Europe qu’aux USA, même lorsque la firme inventrice est Européenne. Il y a là, dans le domaine de l’innovation thérapeutique, quelque chose qui ne fonctionne pas bien.
 
 
 

jeudi 22 octobre 2015

Imprimantes 3D, chirurgie et prothèses : une révolution


Une main de super héros
En France, un petit garçon a bénéficié de l'aide d'un réseau international bénévole qui fabrique des prothèses de main pour les enfants à l’aide de technologies d’impression 3D.  Ses parents ont fait appel à e-Nable, fondation américaine chapeautant un réseau de bénévoles qui a déjà fourni quelque 1500 prothèses de main, essentiellement à des enfants, dans 37 pays du monde. C'est la première fois que Maxence porte une prothèse. «Depuis qu'il est né, on a fait le choix de ne pas l'appareiller avec une prothèse médicalisée. Là, il va avoir une main colorée aux couleurs de son choix, de super héros (avec un grand «M» dessus pour «superMax»), qu'il pourra enlever à sa guise. Ce sera ludique pour lui dans la cour de récré avec les copains», explique sa mère, Virginie Contegal.
Très facile d'usage, la prothèse de Maxence s'attache à son avant-bras avec du velcro. Ce modèle permet aux jeunes utilisateurs de réaliser des gestes simples nécessitant d'avoir deux mains, comme attraper un ballon, tenir son goûter dans une main et une bouteille d'eau dans l'autre, conduire un vélo ou faire de la balançoire, explique e-Nable sur son site internet. La prothèse fonctionne sur le modèle d'une pince car les doigts ne sont pas articulés. Autre limite: elle ne supporte qu'un poids de quelques kilos, et ne permet donc pas de se suspendre ou de faire le poirier.

Grâce à la technologie d'impression en 3D, ce type de prothèse ne coûte que 50 à 200 euros, selon la taille de la main. Elle est donc facile à remplacer si l'enfant la casse ou la perd, ou lorsqu'elle devient trop petite. C'est important car de nombreux enfants ne sont pas équipés en raison du coût des appareils fabriqués industriellement.
Une vertèbre sur mesure

Des chirurgiens d'un hôpital de Pékin ont implanté pour la première fois une vertèbre imprimée en 3D, chez un jeune garçon de douze ans. C'est une première mondiale. Liu Zhongjun, chef du service orthopédique, a réalisé cette opération pour remplacer la deuxième vertèbre cervicale de Minghao, 12 ans. Suite à une blessure au cou survenue lors d'un match de football, les médecins ont découvert une tumeur cancéreuse au niveau de la vertèbre, qui devait être remplacée.

En lieu et place d'un implant en titane, qui aurait été implanté lors d'une opération standard, les chirurgiens ont décidé d'installer une vertèbre imprimée en 3D. L'avantage par rapport à une prothèse classique: elle épouse parfaitement la forme de la colonne de Minghao, car elle a été imprimée à l'identique de la vertèbre originale. L'opération, qui a duré cinq heures, a été un succès. Cette nouvelle prothèse a permis une convalescence plus courte et devrait donner in confort plus important. «Si nous avions utilisé la technologie classique, la tête du patient aurait du être maintenue par des broches dans une structure pendant au moins trois mois » explique Liu Zhongjun. «Grâce à l'impression 3D, nous avons pu simuler les contours de la vertèbre, et ainsi la rendre plus solide et mieux adaptée qu'une prothèse traditionnelle.» Auparavant, des implants imprimés avaient déjà été utilisés pour remplacer des disques vertébraux, mais c'est la première fois qu'une vertèbre est créée.
Une opération simulée

A Louisville (USA), les chirurgiens pédiatriques se sont trouvés confrontés à une opération cardiaque extrêmement difficile.  Le cœur de Roland, âgé de 1 an, et atteint d’une anomalie cardiaque, était tel  qu'il n'existait aucun consensus parmi les chirurgiens quant à la façon d'aborder l'opération. En outre, les images en 2 dimensions issues des scanners, habituellement utilisées pour explorer un organe à opérer, n'étaient ici pas suffisantes. Que faire ? Erlie Austin, le chirurgien de Louisville a alors eu l’idée de faire appel à l’impression 3D auprès des ingénieurs de la JB School of Engineering de Louisville. Pour visualiser plus facilement les anomalies du cœur, ce dernier a été imprimé une fois et demi plus gros que l’organe réel. Imprimée en 3 parties, la réplique de l'organe a permis de préparer le geste chirurgical optimal pour l'opération. "Je savais exactement ce que je devais faire" affirme Erle Austin, qui pouvait prendre le cœur dans sa main et l'explorer à l’œil nu. 

Le modèle de l’imprimante utilisée est le makerbot replicator 2x, un modèle récent qui permet de fabriquer des objets en thermoplastique. Il a fallu 20 heures pour obtenir ce cœur – une video de l’impression est disponible sur le site de l’Université de Louisville
Un certain nombre d’économistes pensent que nous entrons dans une phase de stagnation séculaire en raison d’un manque de demande et d’un manque d’innovation technique, et d’un manque de progrès de productivité.  D’autres (Philippe Aghion, par exemple), leur répondent que c’est peut-être que nous ne savons pas correctement mesurer l’innovation. De fait, lorsqu’on voit les progrès des sciences de la vie et de la médecine (la multiplication par un million en quelques années de la vitesse de déchiffrement de l’ADN, c’est pas un progrès de productivité, ça ?), on se dit que si les économistes ne voient pas les progrès, c’est qu’ils n’accordent qu’un faible prix à la santé et à la vie humaine. Changez de lunette, de méthode ou les deux !



lundi 19 octobre 2015

Allergies : Epidemic in sight, Research needed


An epidemic extension

In the Black book of allergies (L’archipel, Paris), the allergologue Pierrick Hordé speaks of an epidemic in explosion. WHO anticipated that half of the Western population in 2050  will be victims of allergies of all kinds (respiratory, food, professional). There are today in Europe 150 million allergic people. Moreover, symptoms (rhinitis, conjunctivitis, exemas) are not necessarily taken into account and allergic rhinitis evolve almost half the times to asthma, still too often underdiagnosed. However, recalls Mr. Horde, in the 1970s,  there were little discussions  about allergies. It has become a phenomenon of civilization and such an explosion has to be explained by environmental factors and lifestyle changes.
 
The air pollution plays an important role, particularly in allergy to pollen where pollen and particulate form what Mr. Hordé called an "explosive cocktail". Fine particles increase the irritability of the mucous membranes; in addition they attach to pollen and make them explode, thus facilitating their deepest penetration in the bronchi and the leaching of allergens. Often overlooked, indoor pollution is five to seven times greater than outdoor pollution and represents a real scourge on public health; ANSES spoke of 2,000 deaths in France and WHO of 4.3 million annual deaths compared to 3.7 to air pollution. The pollutants involved are volatile organic compounds, particularly formaldehyde and other aldehydes, present in paints, adhesives, wood agglomerates, detergents etc, mites and very often, tobacco residues _ thus,  prohibition of smoking in car is a good decision. Dr. Hordé also called to be wary of products and supposed aor purification devices that often worsen the situation: candles, incense, oils, aerosols also often contain harmful volatile organic compounds and he denounced a lack of regulation and often misleading ones. The only and true measurement consists in the daily ventilation of dwellings. Cosmetics must also be monitored, (and bio cosmetic labels provide no guarantee as to allergies! – peanuts allergens are natural as well as poison ivy)). UHT sterilization methods, preferable, are now more often used. Schools are a point obviously important, critical and disturbing. Inserm has conducted a study on the quality of the air inside 108 primary schools in 6 cities: 30% of the children are exposed to levels of major air  pollutants  higher than values guides recommended by WHO and ANSES - and this exposure is associated with increased asthma and rhinitis among schoolchildren. Many improvements are possible on the living environment. Authorities still  need to take the measure of the severity of the allergic outbreak and this is an area a bit neglected, perhaps because involving very complicated research.
Immunologists and allergologues_ take allergy seriously
One point is quite symbolic: in France, the allergy is not a medical specialty recognized and taught as such, unlike in most European countries; on the contrary, Immunology (notice the difference allergologue/immunologist, the iste is immediately more serious than the logue) with well recognized scientific basis - and it must be said that, since Pasteur, the France has a beautiful and strong tradition in this area of Immunology. Immunology deals with very serious problems: vaccines, releases of transplantation, autoimmune diseases, rheumatoid arthritis. In all these areas, huge progress has been made - in the last, drugs more effective and better tolerated than antibodies, such as the filgotinib of Galapagos are developing. On the other hand, the allergy would deal with small harms , poorly defined, affecting very different organs, often in relationships with the environment, which simplifies nothing; It is exploded between pulmonologists, pediatricians, dermatologists, the oto-rhino-laryngologues...).
Except that allergies get worse in severity and number of persons concerned, to become the threatening epidemic I mentioned at the beginning of this blog. Immunology relies on a strong basic research, the allergy seems to be based on more or less assessed empirical practices. So, it is time that the allergology becomes a discipline recognized that can rely on a basic powerful search, to work better together immunologists and allergologists and give the means to seriously fight the extension of the announced allergy epidemic and of better care for the many allergic.
We do not well understand the links between Immunology and allergy. Apart from the environment, the development of hygiene which resulted in early childhood reduced contact with many allergens, at a point where the immune system educates seems to play an important role in the allergy epidemic. This was already suggested by studies showing that children raised in farms in contact with animals would then become less allergic. A recent study of 650 children followed from birth to five years (Du Toit and al.) New England Journal of Medicine, 372, 803, 2015) shows that even in the case of allergens very powerful as the peanut, early exposure between four and eleven months allows to significantly reduce the number of people suffering from allergies. even when infants seem to be sensitized to peanuts. There is therefore an age window during which diversify food and contacts allows natural desensitization.

mardi 13 octobre 2015

Prix Nobel 2015 : Une première chinoise


De l’armoise au paludisme
Une grande première pour la Chine, et une double première : le premier prix Nobel scientifique, et le premier Nobel décerné à une chinoise, Youyou Tu, 84 ans, récompensée pour la découverte d’un médicament contre le paludisme, l’artémisine.
C’est une longue histoire, d’ailleurs déjà récompensée par le prestigieux prix Lasker en 2011, une très longue histoire même puisqu’elle trouve son origine dans un manuel de médecine traditionnelle chinoise (Des formules d’urgence à garder à porter de main -Zhouhou beijifang 後備 ) écrit au IVème siècle par le médecin et alchimiste Ge Hong 葛洪 (283-343). Une longue histoire aussi pour le Dr Youyou Tu, diplômée de pharmacie de l’Université de Pékin en 1955, et qui suivit ensuite une formation de deux  ans à la médecine traditionnelle chinoise ; puis, de 1965 à 1978,  elle devient professeur assistante à l'Académie chinoise de médecine traditionnelle de Pékin (professeur titulaire en 1985).
Dès ses débuts, le Dr Youyou Tu se consacre donc à l’exploitation de la pharmacopée chinoise traditionnelle par les méthodes de la recherche médicale occidentale. En 1950, l’OMS  se propose l’ambitieux projet d’éradiquer le paludisme. Après un succès limité, la maladie reprend de plus belle dans de nombreuses régions du monde, notamment en Chine, où la chloroquine - le traitement anti-paludique de référence- perd son efficacité. A une situation chinoise qui devient préoccupante s’ajoute ce qui se passe chez les voisins et alors alliés nord-vietnamiens. Les Nord-Vietnamiens en guerre construisent un extraordinaire réseau de tunnels qui leur permettent de s’abriter des bombardements américains et de s’infiltrer au sud. Seulement, ces tunnels sont remplis d‘eau stagnante, asile de choix pour les moustiques vecteurs du paludisme ; au point qu’il est rapporté que le paludisme tue plus que les bombes américaines.
Le programme 523
Mao Zedong décide de monter un projet médical et militaire secret appelé "523" (comme la date à laquelle il a été lancé, le 23 mai 1967), dont le but est de trouver un remède dans la médecine traditionnelle chinoise contre le paludisme, et qui permettrait de damner le pion aux USA où des scientifiques s'acharnent sans grands succès dans le même but. Youyou Tu est choisie pour diriger ces recherches, et ne sera pas pour autant épargnée par le régime et  la folie maoïste. Elle est envoyée dans la province de Hainan, une région du sud du pays relativement épargnée par la maladie. Elle ne reverra pas sa fille de 4 ans pendant six mois et son mari sera banni du pays (envoyé dans un camp de travail) pendant qu'elle mène ses recherches sur le terrain. "Le travail était ma priorité, j'étais prête à sacrifier ma vie personnelle", raconte-t-elle au New Scientist.
Assistée par trois personnes, elle épluche plus de 2.000 recettes de remèdes traditionnels et teste plus de 380 extraits de plantes d’abord sur des souris puis sur elle-même. Un extrait d’Artémisine (la plante chinoise Artemisia annua) se montre efficace pour faire baisser la fièvre et  réduire le nombre de parasites dans le sang. Le nombre d’extraits testés est faible pour une découverte de cette ampleur ; c’est que cette découverte ne doit rien au hasard, car les tisanes d’artémisine étaient réputées actives contre le paludisme dans le Hainan. S’ensuit alors un long travail de purification et d’isolement du principe actif, pendant lequel l’équipe chinoise finit par comprendre pourquoi leurs extraits pourtant de plus en plus purs perdaient de leur activité ; c’est que le principe actif qu’ils recherchent est sensible à la chaleur et dégradée par des extractions à chaud, normalement plus efficaces. Ils devront reprendre un mode d’extraction à froid, finalement assez proche de la recette traditionnelle (macération de la plante dans de l’eau pendant deux jours, après  écrasement au pilon).
La structure chimique de l’artémisine est décrite sans ambiguïté en 1979 par son spectre de diffraction des rayons X. Il s’agit d’une structure extrêmement complexe, et qu’aucun chimiste n’ aurait pu imaginer :  une lactone sesquiterpènique avec deux atomes d'oxygène liés par un pont peroxyde au-dessus d'un cycle à sept atomes de carbone (cf. le tableau ci-dessus) de plus  elle possède sept centres d'asymétrie autorisant un grand nombre de stéréoisomères… mais Artemisia annua n'en synthétise qu'un seul. Chimiste émérite,  Dr TouYou Tu a exprimé à plusieurs reprises sa fierté d’avoir découvert, en partant de la médecine traditionnelle de son pays, une molécule aussi originale, un antipaludéen de structure complètement nouvelle, ce qui de plus lui donne une activité sur les souches résistantes aux médicaments déjà connus.
La nature, chimiste extraordinaire
 La complexité structurale de la molécule d'artémisinine rend sa synthèse artificielle particulièrement difficile, et totalement prohibitive quant aux coûts. Un autre défi à relever a été sa production en quantité suffisante pour traiter un grand nombre de patients, et à un coût acceptable. Il faut 30 à 35 tonnes de plantes fraîches entières pour produire 2,5 à 3 tonnes de feuilles sèches d’où sont extrait environ 1,3 % d'artémisinine. Le laboratoire français Sanofi Pasteur a joué un rôle important dans cette partie de l’histoire ; avec l'arrivée de nouvelles générations d'armoise donnant un plus grand pourcentage de substance active et l'optimisation de la chaine de production, Sanofi Pasteur a annoncé, en 2013, qu’il était capable de produire de manière reproductible de l'artémisinine au prix de revient de 350 à 400 USD le kilogrammes. Renonçant à une synthèse totale, les chimistes thérapeutiques ont cependant  préparé des dérivés semi-synthétiques comme l'artésunate, l'artéméther et l'artéether, plus stables.
Ce n'est qu'après le constat, au début des années 1990, de l'aggravation des phénomènes de résistance du parasite envers les médicaments classiques comme la chloroquine ou l'amodiaquine que les laboratoires pharmaceutiques ont commencé à s'y intéresser, et il fallut attendre 2001 pour que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare l'artémisinine « le plus grand espoir mondial contre le paludisme ». Actuellement, l'artémisinine est considérée comme un traitement très efficace contre le paludisme, maladie qui touche près de 200 millions de personnes par an. Les résultats recensés dans certains pays d'Afrique qui testent des traitements à base de cette substance sont "spectaculaires.  Selon Médecins sans frontières (MSF), l'artésunate, dérivé de  l'artémisinine, réduit la mortalité de cas de paludisme sévère de 39 % chez les  adultes et 24 % chez les enfants. Mais déjà des résistances sont apparues, essentiellement en raison de pratiques médicales défectueuses  (utilisation de tisanes au lieu du produit pur, doses insuffisantes, médicaments trafiqués, absence de traitement par un autre antiupaludéen), essentiellement en Asie ; un gâchis scandaleux, une erreur à ne pas répéter ailleurs ; mais  le combat est déjà à reprendre.
Le prix Nobel 2015 de médecine a également récompensé l'Irlandais William C. Campbell et le Japonais Satoshi Omura pour leur mise au point d'un traitement contre les infections dues à des vers nématodes. Il s’agit également d’une molécule naturelle, l’avermectine, celle-là synthétisée par des bactéries, et "dont les dérivés ont radicalement diminué la prévalence de la cécité des rivières et la filariose lymphatique", a précisé le comité Nobel. La bactérie productrice a été isolée  en 1978, à l’Institut Kitasato d’un échantillon de sol provenant de la préfecture de Shizuoka. L’activité anti parasitaire a été découverte dans les laboratoires de  Merck Sharp and Dohme, où la souche avait été envoyée pour screening selon un procédé assez classique.
Bref, un excellent Prix Nobel de Médecine 2015 récompensant des chimistes pour les découvertes de médicaments majeurs pour des maladies parasitaires surtout présentes chez les pays peu développés – tandis que le Prix Nobel de chimie récompense de plus en plus souvent des biologistes - il serait peut-être  temps de créer un vrai Prix Nobel de biologie ! Peut-on espérer également que ces prix Nobel relancent l’intérêt sur les molécules naturelles, une recherche plus longue, difficile, ingrate qui a été quasiment abandonnée par la plupart des grands laboratoires. Seulement, la Nature reste encore le chimiste le plus imaginatif et efficace, capable de synthétiser des molécules extraordinaires, surprenantes et d’une complexité inouïe. Des molécules qui émerveillent toujours le Pr YouYou Tu !
 

 

lundi 12 octobre 2015

Filibanserin : Chercheurs et Margoulins


L’Agence américaine des médicaments (FDA), a donné son accord mardi 18 août à la commercialisation du Flibanserin, le premier « Viagra féminin », du groupe Sprout Pharmaceuticals, destiné aux femmes non ménopausées souffrant d’un manque de désir sexuel.
C’est une molécule qui a eu une vie pour le moins agitée. La FDA l’avait déjà rejeté une fois en 2010 lorsqu’il avait été présenté par  le laboratoire allemand Boehringer. Après ce refus, Boehringer Ingelheim, l’avait vendu à la firme américaine Sprout.   Sprout a présenté une nouvelle demande en 2013, accueillie par un nouveau refus. L’agence avait noté que la faible différence d’efficacité avec le placebo ne justifiait pas les risques encourus.
Trois essais cliniques ont été menés aux Etats-Unis et au Canada sur 2.400 femmes non ménopausées et âgées de 36 ans en moyenne, qui souffraient de ce syndrome de faible désir sexuel. Seulement 10 % d’entre elles ont fait part d’une amélioration significative de leur satisfaction dans leurs relations sexuelles. Le produit "n’a apparemment pas amélioré les performances sexuelles", précise la FDA. Le Flibanserin peut provoquer de la somnolence, une importante chute de tension artérielle et même des syncopes. Ces effets secondaires augmentent avec la prise d’alcool ou de certains médicaments. Le Filibanserin ou Addyi avait été originellement développé comme antidépresseur ; c’est une molécule qui agit sur les voies de la sérotonine, dans le système nerveux central- donc un mécanisme qui n’a rien à voir avec celui du Viagra ou ses analogues.
La décision de la FDA a été acquise par un vote de dix huit contre six, après un lobbying intense et encore jamais vu des laboratoires Sprout. Un groupe féministe, Even the Score, largement subventionné par Sprout, a accusé la FDA de sexisme pour avoir rejeté par deux fois l’approbation du Flibanserin, rappelant que le Viagra est commercialisé depuis 1998 pour soigner les dysfonctionnements sexuels masculins et que 24 molécules avaient été approuvées dans cette indicationpour les hommes contre zéro pour les femmes – ce qui est grossièrement faux ,  ce chiffre de 24 comprenant les formes génériques du Viagra et des médicament à base de testostérone, non approuvés par la FDA. En plus de ses campagnes dans la presse, Sprout a financé, organisé, préparé le témoignage de dizaines de patients devant la FDA ainsi que des manifestations devant l’agnce pendant la procédure d’examen. Le Dr Caleb Alexander, co-directeur  du  Johns Hopkins Center for Drug Safety a parlé “d’une  campagne de plaidoyer sans précédent par son ampleur et la composition et la façon dont ont été  enrôlé  décideurs et les groupes de défense ». Le prestigieux journal Nature (27 aout 2015) a accusé la FDA de faire preuve de « vulnérabilité » pour avoir ainsi cédé à une campagne d’intimidation et changé sa décision, sans que rien de nouveau n’ait été apporté par Sprout concernant le manque d’efficacité et les effets secondaires. Un autre groupe féministe, la New View Campaign, menée par la psychologue et thérapeute Leonore Tiefer, accusé les groupes pharmaceutiques de « médicaliser le sexe » pour gagner de l’argent
Et de fait, Sprout a l’intention de gagner beaucoup d’argent, justifiant les craintes des membres de la FDA qui craignaient une large utilisation y compris hors  prescriptions, compte-tenu du savoir faire évident de Sprout en terme de manipulation de l’opinion. Le groupe a en effet commencé d’annoncer  qu’Addyi pouvait traiter « la forme la plus commune de dysfonction sexuelle féminine, qui affecte environ une femme sur dix aux US »…
Pendant que des margoulins conçoivent le développement de médicament comme une action de propagande sur l’opinion publique,  jettent le discrédit sur l’industrie pharmaceutique, mettent les patients en danger et subvertissent le fonctionnement des agences de régulation,  la recherche pharmaceutique ne cesse de diminuer, comme l’illustre encore la fermeture du centre de recherche de Glaxo (GSK)en France,  aux Ulis.

samedi 10 octobre 2015

Vichy, une histoire qui ne passe pas : Hoffmann, Aron, Lottman, Paxton

Mort ce mois-ci de Stanley Hoffmann, historien franco américain né à Vienne en 1928, études à Sciences Po et avec Raymond Aron. Stanley Hoffmann a préfacé La France de Vichy de Paxton en ces termes : « sur deux points capitaux, l'apport de Paxton est révolutionnaire » : il n'y a pas eu double jeu de la part de Vichy, et le régime n'a pas joué l'effet de « bouclier » en épargnant certaines souffrances aux Français ». D’autre part, Onfray, dans sa dernière série de cours de l’Histoire de la Philosophie consacrée notamment à Jankelevitch, Misrahi, Dufreigne cite à plusieurs reprises l’historien Herbert Lottman, auteur d’une superbe biographie de Camus, de Modigliani, et également Pétain (Fayard, 1984), L'Epuration (Fayard, 1986), La Chute de Paris, juin 1940 La Fabrique, 2013), La Dynastie Rothschild (Le Seuil, 1995) ou encore De Gaulle/Pétain: règlements de comptes. Et surtout peut-être La Rive Gauche (Le Seuil, 1981)), superbe histoire des intellectuels français du Front populaire à la guerre froide, que j’ai eu le bonheur de relire cet été. Donc trois historiens, Robert Aron, Paxton, Herbert Lottman (1927-2014), qui ont écrit de histoires de Vichy bien différentes, à partir des mêmes témoignages, des mêmes archives, et des conclusions assez antagonistes ; l’occasion d’une réflexion sur l’histoire et les historiens.
Paxton contre  Aron
Donc, pour Paxton, le supposé double jeu de Vichy n’a jamais existé.  Au contraire, Pétain, Laval et Darlan ont toujours recherché la collaboration avec l'Allemagne nazie, et multiplié les signes et les gages de leur bonne volonté à s'entendre avec le vainqueur, allant souvent spontanément au-devant des exigences allemandes. Loin d'avoir protégé les Français, le concours de Vichy a permis aux Allemands de réaliser plus facilement tous leurs projets — pillage économique et alimentaire, déportation des Juifs, exil forcé de la main-d'œuvre en Allemagne. Avec leur peu de troupes, de policiers et de fonctionnaires, jamais les Allemands n'auraient pu gérer un pays développé aussi vaste sans le concours actif du gouvernement, de l'administration et de la police. Les rares contacts officieux et sans suite avec Londres, fin 1940, démesurément gonflés et surinterprétés après la guerre par les partisans de Vichy, ne pèsent rien au regard de la réalité de la Collaboration, indéfectiblement poursuivie jusqu'à l'été 1944 inclus. »
Les historiens Henry Rousso et Jean-Pierre Azéma ont défendu, face aux attaques de Paxton, la remarquable Histoire de Vichy de Raymond Aron. Pétain aurait bien joué un rôle de  bouclier des Français, et  aurait su jouer double jeu avec Hitler. Ils mettent notamment l'accent sur la conclusion de Robert Aron : « négociations secrètes, télégrammes clandestins, mesures dilatoires, impossibles à percevoir par l’opinion, ne cessent de réduire la collaboration proclamée ». Plus sévère encore, Marc Ferro a critiqué les chiffres et la méthode de Paxton. Ainsi, selon Paxton : « Environ 45 000 volontaires s'engagent en 1944 dans l'odieuse Milice, en partie peut-être pour échapper au STO, en partie par fanatisme, en partie aussi pour aider à défendre « l'ordre public ». Si l'on y ajoute les effectifs de police et la garde militaire, il est vraisemblable qu'en 1943-1944 il y a autant de Français travaillant à écraser le désordre que de résistants ». Et Ferro de faire remarquer : « Laissons ces chiffres, pris aux Archives, mais qui n'ont aucun sens : tous les Français qui résistent ne résistent pas nécessairement dans un réseau ou une unité enrégimenté... Un paysan ou un fonctionnaire qui aide des résistants ne figure pas sur les rôles des réseaux ni des unités militaires de la Résistance. Surtout, ce que la plupart redoutent, ce n'est pas la révolution : c'est d'être fusillés par les Allemands… « . Et ce jugement sévère de Ferro sur Paxton : «  Il fait des erreurs d'appréciation », « son analyse se base sur des chiffres tirés des archives et interprétés sans tenir compte du contexte. ».
Plus sévère encore,  l'historien Pierre Laborie avance que Paxton a « minimisé le poids de l'Occupation ». et que son 'argumentation repose sur des erreurs grossières  : « Dans l'édition de 2005 de La France de Vichy, page 12, Paxton écrit que jusqu'en 1943, il n'y a eu que 40 000 soldats allemands (des « vieux ») ; les forces nouvelles seraient arrivées plus tard, et elles auraient été placées sur les côtes. C'est une grossière erreur, gênante en raison du commentaire qui l’accompagne, et malheureusement répétée au cours des éditions, en dépit des démarches effectuées pour attirer l’attention de l’éditeur sur la bévue. Les seules troupes de sécurité (maintien de l’ordre) représentaient 100 000 hommes fin 1941, 200 000 en 1943. À leurs côtés, les troupes d’opérations comptaient 400 000 hommes en 1942-43 et ces effectifs seront portés à environ un million d’hommes au début de 1944. On peut regretter que le respect légitime ( ??) à l’égard du grand historien de Vichy conduise à rester silencieux devant un point contestable de son travail et à lui attribuer une sorte de statut de « vache sacrée » qu’il n’a certainement jamais revendiqué ».
Enfin,  les historiens Léon Poliakov, Gerald Reitlinger et Alain Michel considèrent, contrairement à Pacxton,  que le régime de Vichy, bien qu'antisémite, a cherché à amortir l'impact de la déportation des Juifs de France, et réussi à le faire.
Et, en effet, il faut bien que le masochisme français soit bien ancré pour que Paxton et ses épigones aient bénéficié d’une telle audience ; sans compter le terrorisme de certains groupes d’intellectuels pour qui s’opposer à Paxton, c’est collaborer avec les nazis français et allemands…
Avec Herbert R. Lottman (1927-2014), nous avons encore quelque chose de tout à fait différent. Que ce soit dans ses livres littéraires, notamment  sur Camus, ou historiques (Pétain (Fayard, 1984), L'Epuration (Fayard, 1986), La Rive Gauche (Le Seuil, 1981), nous avons beaucoup mieux qu’une « minutie toute anglo-saxonne », comme l’a écrit je ne sais plus quel critique ; nous avons une accumulation étonnante de faits et de témoignages, tous vérifiés, certifiés,  mais tous organisés et interprétés par une connaissance véritable du contexte et des mentalités, et une véritable empathie pour ses sujets, en particulier la France et les Français. Et bien que Lottman ne dissimule pas ses sympathies politiques (socialistes et démocratiques), l’ensemble forme un tableau sans doute le plus proche possible de ce que peut être une vérité historique et permet à chacun de se faire sa propre idée, même si Lottman donne la sienne ; sur l’Epuration par exemple : « les Français n’ont pas à rougir de leur épuration » ;  ça peut se discuter dans le détail ( relire Aron et Amouroux !) ; si l’on compare en d’autres temps ou en d’autres lieux, pourquoi pas ?
Lottman, un grand monsieur, ou Lottman plutôt que Paxton
Avec sensiblement  les mêmes archives et les mêmes témoignages, Aron, Paxton et Lottman ne lisent pas la même chose ; là où le premier interprète faits, discours et archives en tenant compte de l’action qu’il a vécu au plus près, que le troisième se rapproche du premier par un travail acharné et une véritable empathie, il semble que le second ne comprenne pas ce qu’il lit ou trouve, faute de l’interpréter, ou, pire,  ne comprenne que ce qu’il a  décidé de comprendre selon une opinion prédeterminée. Ainsi sans doute en va-t-il en tous domaines ; et reprenant la conception d’Auguste Comte sur l’opposition / conciliation entre la spécialisation dispersive des érudits et l’esprit de généralité nécessaire à ceux qui veulent avoir une vue philosophique de leur discipline, on pourrait distinguer les généralistes qui veulent trancher de tout sans savoir grand chose (guère dangereux, car faciles à démonter), les érudits incapables de comprendre leur sujet en raison de leurs œillères (plus dangereux car crédibles), et les érudits capables de s’élever à une véritable connaissance et de la transmettre, grâce à une expérience vécue ou des vertus d’empathie.
Bref, pour donner envie de lire Lottman plutôt que Paxton,
Quelques extraits de La Rive Gauche, à propos d’un personnage cité à plusieurs  reprises par Onfray lors de ses cours de l’Université Populaire de l’été 2015, le lieutenant Heller, patron de la censure allemande en France pendant l’Occupation :
« Heller n’affronta de danger réel qu’à son retour en Allemagne, après la libération de Paris…Il apprit par un ami à Berlin que quelqu’un, au ministère de la Propagande, l’avait dénoncé comme défaitiste. Il s’était en effet opposé, en aout 44, à un projet qui tendait à rassembler en Allemagne des otages français. Il avait vu une liste d’écrivains français connus pour leur hostilité au Reich – des noms connus comme ceux de Mauriac et d’Eluard,- à l’Institut Allemand et au quartier général du SD, avenue Foch, et il était parvenu à s’emparer de ladirte liste, et à la détruire dans les deux cas. A présent, un rapport circulait sur Heller, rapport des plus sévères.. »
« Il éprouvait une gratitude particulièrement vive envers Paulhan : » c’est par lui que je suis devenu un autre homme ». Il se souvient d’avoir, craignant pour la sécurité de l’écrivain, fait les cent pas sous les fenêtres de ce dernier, rue des Arènes, pour être là en cas d’incident. De temps en temps, il jetait un coup d’œil sur une maison toute proche, où habitait Jean Blanzat, l’un des plus proches amis de son protégé, et où se cache quelques temps Mauriac »
«  Céline arriva un jour au bureau  de Heller à l’Institut Allemand, et griffonna un NRF sur la porte. « Voyons, déclara-t-il, tout le monde sait que tu es un agent de Gallimard et le secrétaire particulier de Jean Paulhan ». Céline tira deux lunettes de motocyclistes de sa poche, donna l’une à Heller et l‘autre à Marie Louise, la future Mme Heller, en leur disant «  elles vous rendront bien service quand les villes allemandes s’en iront en flammes et en fumées ».
Une dernière à propos de l’intervention d’un Pasternak, déjà en disgrâce en URSS, et intervenant au Congrès International des écrivains pour la défense de la culture, organisé par les communistes en 1935 à Paris. Donc, Pasternak, expédié à Paris sur ordre exprès de Staline : « Je comprends qu’il s’agit ici d’un rassemblement d’écrivains en vue d’organiser la résistance au fascisme. Je n’ai qu’une chose à dire : ne vous organisez pas ! L’organisation est la mort de l’art. Seule compte l’indépendance personnelle. En 1789, en en 1848, en 1917, les écrivains n’étaient organisés ni pour, ni contre. Ne le faites pas, je vous en supplie, ne vous organisez pas »… Selon Malraux, son intervention se résumait à peu près en ceci : « Parler politique ? futile, futile…Politique ? Allez campagne, mes amis, allez campagne cueillir fleur des champs »
Editeurs, rééditez Lottman plutôt que Paxton !
 
 

mercredi 7 octobre 2015

Mort de François Dagognet : François Dagognet et le Positivisme


Un hommage d’abord, et un petit correctif à la notice nécrologique du Monde. Citation :  « Elève de Georges Canguilhem, marqué également par la pensée de Gaston Bachelard, François Dagognet a consacré à chacun d’eux un ouvrage. Sa double formation philosophique et scientifique l’a conduit logiquement à des travaux d’épistémologie de la médecine (La Raison et les remèdes, PUF, 1964, rééd. 1984) et de la biologie (Le Catalogue de la Vie, PUF, 1984)… Au premier regard, la diversité des thèmes abordés par François Dagognet semble devoir donner le tournis. Au fil d’une bonne cinquantaine de volumes – publiés principalement aux Presses universitaires de France, à la Librairie philosophique J. Vrin, chez Odile Jacob et aux Empêcheurs de penser en rond – il est question des techniques, de sciences, d’industrie, d’éthique, d’esthétique, de droit, de politique, d’économie et bien sûr de métaphysique...

Oui, mais pourquoi ne pas parler aussi de l’influence d’Auguste Comte, que Dagognet a souvent commenté. Avec Michel Serres et Allal Sinaceur, il a réédité et commenté les 45 premières leçons du Cours de philosophie Positive. Dans Suivre son chemin, il affirmait que le philosophe ne doit pas être  un spécialiste, mais qu'il est ou doit être, selon les remarques d'Auguste Comte, « le spécialiste des seules idées générales. Il lui faut aussi, tâche impossible, parcourir la physique, la métaphysique, la morale, la politique, l'esthétique, la psychologie ». Il a aussi dirigé Heurs et malheurs du positivisme comtien, et participé à un Auguste Comte aux PUF. Médecin, François Dagognet a beaucoup publié sur sa discipline initiale de formation et un article consacré à sa philosophie médicale s’intitule : François Dagognet: un nouveau positivisme pour la médecine. De formation scientifique, ayant une connaissance générale des méthodes et résultats des diverses sciences, et ayant étudié en profondeur une science particulière, François Dagognet répondait parfaitement  à ce que préconisait Comte pour les philosophes : un cas pas si fréquent.

Se référant à un entretien avec François Dagognet,  Le Monde rappelle encore cette citation : « Le monde des objets, qui est immense, est finalement plus révélateur de l’esprit que l’esprit lui-même. Pour savoir ce que nous sommes, ce n’est pas forcément en nous qu’il faut regarder. Les philosophes, au cours de l’histoire, sont demeurés trop exclusivement tournés vers la subjectivité, sans comprendre que c’est au contraire dans les choses que l’esprit se donne le mieux à voir. Il faut donc opérer une véritable révolution, en s’apercevant que c’est du côté des objets que se trouve l’esprit, bien plus que du côté du sujet. »

Là encore, cette attitude envers la psychologie est assez caractéristique du Positivisme. Comte dénie à la psychologie le statut de science en pointant une impossibilité épistémologique: « Vous voulez observer votre cerveau, mais avec quoi l’observerez-vous » ? Ou, dans une autre version : « On ne peut pas à la fois être au salon et dans la rue. ». Pour Comte, si l’on peut connaître l’esprit humain, c’est par ses réalisations qui sont les sciences, les arts, l’histoire ; bref, toutes ses créations, y compris les objets chers à François Dagognet, qui se disait « matériologue » par  opposition aux matérialistes, et qui a  pu aussi trouver chez Comte, au moins esquissée,  l’idée d’un matérialisme qui serait aussi un spiritualisme.