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mercredi 28 novembre 2018

Baisser le nucléaire : non tout le monde n‘est pas d’accord !


La production d’électricité ne va pas baisser !

Tiens, un calcul intéressant de l’Ademe ! L’ADEME estimait effectivement en 2014 qu’1 Mo envoyé (bon d’accord, c’est un assez gros message, mais enfin pas irréaliste) correspondait à 15 grammes de CO2 ! Imaginons que vous envoyiez 30 mails par jour à différents destinataires pendant un an, cela correspond à presque 330 kg de CO2, soit plusieurs milliers de km d’essence utilisés en voiture ! Ou bien encore, pour une entreprise de 100 personnes envoyant en moyenne 33 e-mails par jour, 220 jours par an, cela représente 13,6 tonnes eqCO2, soit 13 A/R en avion entre Paris et New York ! Une autre façon de se représenter l’ampleur du problème : Lorsque l'on envoie un e-mail avec une pièce jointe qui pèse environ 1 Mo, cela correspond à la consommation électrique d'une ampoule de 60 Watts pendant 25 minutes !

Et le CO2 n’est pas la seule émission causée par l’envoi d’e-mails. Traduit en données, 1 Mo en pièce jointe dans un e-mail est l’équivalent de 7,5 grammes de fer. Cela est dû aux serveurs des data centers qui requièrent des métaux et des ressources importants pour être fabriqués et entretenus. Enfin, il faut également parler des spams, ces mails intempestifs que l’on reçoit par centaines. Dans le monde entier, les spams utiliseraient autant d’énergie plus de 2 millions de foyers américains annuellement !

L’intérêt de cette étude est de rappeler au grand public que les e-mails, les recherches sur le web et le stockage de documents numériques n’ont rien d’immatériel. L’envoi et la réception d’un e-mail ou la recherche sur le web nécessitent en effet une lourde infrastructure technique : data centers, l’internet, et les équipements des utilisateurs finaux.

Et il n’y a pas que les emails, les recherches internet aussi consomment de l’énergie. Toujours selon l’Ademe, à l’échelle des 29 millions d’internautes français qui effectuent en moyenne 949 recherches par an, les émissions de gaz à effet de serre (GES) induites représenteraient 287 600 tonnes d’équivalent CO2 ! (soit environ 250.000 aller retours Paris New-York en avion !)

Et aussi, et encore plus, le développement du cloud, du « big data », qui vont multiplier les consultations à distances et les échanges de fichiers volumineux. Sans parler des techniques de validation en blockchain, qui sont à la base des divers bitcoin. L’utilisation pour l’instant folklorique (ou délictueuse et risquée) des bitcoins a déjà des conséquences faramineuses : sur les quelque 17 millions de bitcoins en circulation dans le monde, une bonne partie est « made in Islande ».  L’Islande offre des conditions uniques au monde pour la production de cryptomonnaies, en raison de son énergie géothermique bon marché et 100 % renouvelable. Le kWh hors taxes (0,065 euro) y est en moyenne deux fois moins cher que dans l’Union européenne (0,114 euro), selon les données d’Eurostat pour 2016,  Mais l’implantation de fermes de minage dans le paysage islandais a un véritable impact environnemental. Selon le fournisseur d’énergie islandais HS Orka, les data centers islandais spécialisés dans le minage devraient consommer 840 gigawatts/heure en 2018 soit  plus que toute l’électricité consommée par les 330.000 habitants de l’île pour leurs besoins domestiques (700 gigawatts/heure) ! Et hors de cette utilisation très particulière, la technologie des blockchain devraient se développer pour le stockage et la transmission d'informations très sécurisées !

Bon aller : d’autres chiffres ; en 1 heure, 8 à 10 milliards de mails échangés (hors spam), 180 millions de recherches Google.  50 milliards d’objets connectés (Prévision 2020), 15 000 km distance moyenne parcourue par une donnée numérique (mail, téléchargement, vidéo, requête web)…
Et si on ajoute à ça l’électrification des transports et probablement aussi en partie du chauffage, vous croyez vraiment que la consommation d’électricité va diminuer ? Non évidemment, elle va exploser ! Vous croyez que les éoliennes et le solaire vont nous en fournir près de la moitié ? En tous temps ?

N’importe quel idiot, sauf les écolos les plus butés et vivant très bien de l’écologie tels Pascal Canfin, sait bien que non ! Vous croyez qu’il est raisonnable de diminuer la production nucléaire ? N’importe quel idiot, sauf les écolos les plus butés et vivant très bien de l’écologie tels Pascal Canfin, sait bien que non ! Et même pour arriver à 50% de nucléaire ( ce qui est inenvisageable pour la sécurité d’approvisionnement, qui soit dit en passant, deviendra de plus en plus critique),  l’explosion de la demande d’électricité exigera la construction de réacteurs de nouvelle génération. Et beaucoup !

Une leçon taiwanaise : les Taïwanais se prononcent par référendum pour l'énergie nucléaire (24 novembre 2018).

 L'île chinoise de Taïwan forme un état séparé du régime de Pékin de 23 millions d'habitants, disposant d'une économie dynamique et moderne. Son premier partenaire commercial est la Chine.

La nouvelle présidente , Tsai Ing-wen élue en 2017, avait dans son programme la sortie du nucléaire pour 2025 et le développement des énergies renouvelables (solaire et éolien). Le nucléaire, en 2017, avait fourni 14% de l'électricité. Un réacteur , terminé depuis 2014 n'a pas encore démarré. Au début du mois d'août 2018, trois des six réacteurs en service étaient à l'arrêt pour maintenance. Le 11 août, une délégation patronale s'est rendue chez Mme Tsai pour lui faire part de son inquiétude quant à la stabilité du réseau électrique. Elle demanda le redémarrage de certains réacteurs. Refusé !  Un communiqué de la présidence indiqua que tout était en ordre de marche ; l'instabilité provenait d'un réseau trop centralisé et qu’il fallait continuer à investir dans les renouvelables.

Le 15 août, une  panne géante affecta la partie nord de l'île et toucha, durant plusieurs heures sept millions de foyers, soit un tiers de la population Taïwanaise !  Entre autres,le métro de la capitale fut plongé dans le noir. On imagine les répercussions dans un pays moderne, feux de signalisation, informatique, ascenseurs etc...

Le ministre de l'économie démissionna, mais le traumatisme fut profond. Des questions se posèrent quant à l'existence d'un réseau électrique solide indispensable à l'économie et à la défense nationale.
Un mouvement pro-nucléaire puissant se forma, qui, à travers maintes embûches juridiques, obtint finalement la tenue d'un référendum d'initiative populaire afin d'interdire la sortie du nucléaire.

Celui-ci a eu lieu  le 24 novembre. La sortie du nucléaire a été rejetée par 59% des électeurs contre 41% d'avis opposés. La participation et le nombre de votants pro-nucléaires sont conformes à la Constitution locale et rendent le verdict valable juridiquement.

Le gouvernement, après le vote, persiste dans son refus du nucléaire. Les élections locales avaient lieu le même jour et le parti au pouvoir a subi une lourde défaite. Mme Tsai, à la suite des élections locales a annoncé sa démission de la direction de son parti.

Tiens, un avertissement ? Demain, les gilets jaunes de l’électricité !

(Merci à M. Lionel Taccoen et à sa très précieuse Lettre Géopolitique de l'Electricité !)



dimanche 25 novembre 2018

Après les gilets jaunes du fuel, les gilets jaunes électriques


La fermeture de centrales nucléaires, c’est l’assurance d’une explosion du prix de l’électricité

En France, le parc électronucléaire est constitué de 58 réacteurs en activité, répartis dans 19 centrales. Deux de ces réacteurs sont implantés sur la commune de Fessenheim dans le Haut-Rhin (en Alsace). Disposant chacun d’une puissance électrique de 900 MW, ils ont fourni, en cumul, près de 2,4% de la production électrique française en 2015 et 1,6% de celle-ci en 2016. En 2016, la centrale nucléaire de Fessenheim a généré près de 8,4 TWh, soit l'équivalent d'environ 65% de la consommation alsacienne d'électricité. Près de 1 100 personnes travaillent en permanence sur le site (850 salariés d’EDF et près de 250 salariés permanents d’entreprises extérieures). Lors des arrêts pour maintenance, il s’ y ajoute 600 à 2 000 personnes supplémentaires, issues de sociétés prestataires. Au niveau local, la centrale de Fessenheim représente 47,1 millions d’euros en 2016, dont 15,9 millions d'euros au titre de la taxe sur les installations nucléaires, 14,3 millions de redevance voie navigable et 2,1 millions d’euros de taxe foncière. Les investissements moyens dans la centrale (maintenance et amélioration de la sûreté) ont représenté  128 millions d’euros en 2016.

EDF souhaitait poursuivre l’exploitation au-delà de 40 ans, pour une durée minimale de 50 ans. L’Autorité de Sûreté Nationale (ASN) a validé cette prolongation à chacune de ses visites décennales, la dernière d’entre elles ayant été effectuée en 2009/2010 pour le réacteur 1 et en 2011/2012 pour le réacteur 2 de la centrale. Fermer Fessenheim n’est donc pas une question de sécurité !

Fermer Fessenheim, mais le remplacer par quoi ? Un remplacement progressif du nucléaire par de l’éolien stocké coûte donc environ 6 fois plus qu’avec du nucléaire à 60 ans, sans faire rien gagner sur les émissions de CO2 par ailleurs. Avec le photovoltaïque les investissements seraient multipliés par un facteur 5 à 10 par rapport à l’éolien (donc 50 par rapport au nucléaire), à consommation identique ! En passant, lorsqu’on s’inquiète avec un peu de raison du dérapage de la construction de l’EPR, eh bien, l’EPR, son coût il peut dériver encore 5 fois, 10 fois, il sera encore moins cher que les énergies renouvelables, compte-tenu du flux d’électrons qu’il relâchera !

Ce qui veut dire aussi que la fermeture de centrales nucléaires, si elle devait être actée par la PPE, c’est l’assurance d’une explosion du prix de l’électricité. Après les gilets jaunes de l’essence, préparez-vous aux gilets jaunes de l’électricité.

Et aux restrictions autoritaires ! Remember : Le compteur Linky est prévu pour pouvoir vous « effacer » du réseau !

Fermer Fessenheim, mais le remplacer par quoi ? Eh bien, dans l’immédiat, par les centrales au charbon (voire au lignite !) allemandes, les plus polluantes et les carbonnées qui soient. Vive la pollution en Alsace et en France !

Fermer Fessenheim, mais le remplacer par quoi pour les travailleurs d’EDF, pour les habitants de la région ? Ben, on sait pas trop ! Et si ce sont 4, 6 centrales nucléaires de plus qu’on ferme ?

Fermer Fessenheim, c’est un scandale écologique, économique, social, sanitaire, c’est une absurdité idéologique, c’est une magouille pour complaire aux écologistes bigots et rétrogrades et scientifiquement ignares. C’est révoltant et inacceptable, c’est brader le patrimoine technologique français et les efforts de nos parents qui ont construit le nucléaire français.
Et fermer d’autres centrales nucléaires, encore plus ! Le nucléaire est certes hors de prix, mais les alternatives non carbonées sont bien plus chères !

 « Tout le monde est d’accord pour  réduite la part du nucléaire à 50% » Eh bien non !

C’est une des  déclarations de Hulot, qui prend de plus en plus l’aspect d’un prophète sectaire et déjanté bourré de tics, jouant et rejouant l’annonce de l’Apocalypse, manipulant les peurs, jouant sur l’indignation (parfois justifiée), la colère, la culpabilisation,  en perpétuelle séquence émotion, ce qui le dispense de toute raison et de toute argumentation scientifiquement fondée.

Non M. Hulot, tout le monde n’est pas d’accord pour réduire la part du nucléaire à 50% dans la production électrique, et en particulier pas les scientifiques du Giec. Tous les scenarios du GIEC qui permettent de limiter la hausse de la température moyenne du globe à moins de 1.5° en 2100 ; tous ! incluent une augmentation significative de la part du nucléaire ! (de 59-106% d’ici 2030, de 98-501% d’ici 2050. Le respect des objectifs climatiques nécessitera de multiplier par six les capacités nucléaires mondiales. Et pour la France, la recommandation spécifique est de commencer dès maintenant la construction de nouveaux EPR, compte-tenu des délais de mise en route effective  pour des raisons plus administratives que techniques !). Nous sommes déjà exemplaires sur le plan de la décarbonation de l’électricité (mais pas sur celui des transports, du diesel, de l’isolation thermique), pourquoi revenir en arrière et priver la France d’une énergie durable, décarbonnée, économiquement très compétitive,  pourvoyeuse d’emplois durables et qualifiés, bonne pour le climat et la pollution, et dont nous étions les leaders mondiaux, avec une solide expertise !
Et pas plus l’ensemble des scientifiques internationaux qui ont adressé au Pt Macron une lettre pour lui faire part de leur inquiétude devant votre décision d'éloigner la France d'une production nucléaire propre, soulignant que « toute réduction de la production nucléaire en France aura pour effet d'augmenter la production d'électricité par des combustibles fossiles, donc la pollution ».

Et pas plus les dizaines de milliers de citoyens français (~40.000) et les centaines d’organisations représentatives, bons connaisseurs des problématiques énergétiques) , qui ont tenu à participer au Grand Débat sur la PPE ( programmation de la politique énergétique), qui à la grande surprise du rapporteur et du gouvernement, ont contesté  « la cohérence des deux objectifs de décarbonation et de modification du mix (notamment baisse du nucléaire ». Conclusion du rapporteur : « Une offensive forte pour remettre en cause la loi elle-même ainsi que ceux qui l’incarnent ou la pilotent », et notamment la baisse de la production nucléaire. Puisque c’est lui qui le dit !

Et pas plus cette syndicaliste de l’alliance UNSA/CFE-CGC (Mme Autissier), qui signe dans Le Monde du 25 novembre 2018 une tribune justement intitulée, « Non, tout le monde n’est pas d’accord pour réduire la part du nucléaire ». Citations : « Pour réduire la part du nucléaire à 50 % de la production totale à l’horizon de 2030, Ampère préconise la fermeture de 16 réacteurs entre 2020 et 2030, réduisant le parc nucléaire de 63 gigawatts (GW) à environ 50 GW. Pour arriver à 50 % d’électricité nucléaire en 2035, Volt préconise pour sa part la fermeture de 9 réacteurs et un parc nucléaire de 55 GW.

De tels scénarios conduiront inéluctablement à des arrêts d’activité dans nos régions et généreront des pertes d’emplois – avec leurs conséquences sur la vie locale. Le scénario Ampère entraînera la suppression de 70 000 à 120 000 emplois directs, indirects et induits, tandis que le scénario Volt ferait perdre entre 35 000 et 65 000 emplois. En outre, ces scénarios détruiront à terme la filière de recyclage de l’uranium, dont la France est l’incontestable leader, avec des conséquences désastreuses sur l’activité industrielle en Normandie et dans la vallée du Rhône. »
« Alors que la France aspire à promouvoir l’activité industrielle nationale et à faire vivre ses territoires tant malmenés par la désindustrialisation, cherche-t-on à casser une industrie qui se déploie sur l’ensemble du pays ? Rappelons que 40% des emplois de la filière nucléaire sont situés en Rhône Alpe et en Provence Cote d’Azur, un quart en Île de France, 20% en Normandie… La filière fournit des emplois durables, particulièrement aux jeunes générations,.. »

Et pas plus cette syndicaliste CGT (Mme Cailletaud), qui s’exprime dans le même numéro du Monde dans une tribune intitulée la France doit se doter d’un service public de l’énergie, : Sortir du fissile n’est pas climato-compatible. La France, qui a encore des compétences  précieuses en la matière porte une responsabilité particulière. Il est donc plus que jamais d’actualité que la PPE prenne en compte  les réalités techniques et économiques pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux et se débarrasse des points de vue idéologiques.

Trente ans de dérèglementation du secteur de l’énergie ont conduit à la déstructuration, à l’affaiblissement des énergéticiens européens, à la fragilisation de notre sécurité et de notre indépendance énergétique, qui a diminué de deux points de CO2 en 2016 et à l’augmentation des coûts.
Non à la scission d’EDF ! …Garantir simultanément des dividendes élevés et une forte valorisation boursière du titre d’EDF est  peu compatible avec les besoins très lourds et à long terme d’une  entreprise comme EDF… Le caractère stratégique de l’énergie implique d’avoir une vision systémique servie par un pôle public répondant aux besoins et aux enjeux du XXIème siècle » En effet !

Et pas plus la fédération FO mines énergie, au discours particulièrement net, courageux, compétent et argumenté ( eh oui, vivent les corps intermédiaires, malgré leurs défauts !) :

«  FO Énergie et Mines rappelle son désaccord constant avec l’atteinte d’un objectif de 50 % de part du nucléaire dans le mix électrique, lequel ne repose sur aucune considération objective. La définition d’une politique énergétique doit être fondamentalement pragmatique et reposer sur l’analyse de la contribution réelle des différents moyens de produire l’électricité à la lutte contre le réchauffement climatique. La montée en puissance des énergies intermittentes et la réduction de la part du nucléaire n’améliorent en rien le bilan CO2 de notre pays. Comme l’a rappelé la Cour des Comptes, l’accélération du développement des énergies renouvelables intermittentes génère des coûts élevés qui pèsent largement sur les ménages. Elle amplifiera le déficit commercial de notre pays et présente à terme des risques géopolitiques avérés (terres rares quasi exclusivement concentrées en Chine). Elle porte également un risque sur la sécurité d’approvisionnement de notre pays en l’absence de solution économiquement abordable en matière de stockage.

Notre pays peut compter aujourd’hui sur un parc nucléaire performant qui a contribué à faire de la France un des pays européens où l’électricité - hors taxes - est l’une des moins chères d’Europe et sur la troisième filière industrielle de France, qui emploie 220 000 salariés. FO Énergie et Mines considère qu’au point de vue économique, social et environnemental ,la fermeture pour des raisons politiques d’une centrale nucléaire serait une absurdité et un gâchis pour notre pays, sa compétitivité et le pouvoir d’achat des Français. FO s’y opposerait alors de toutes ses forces avec les personnels. »

Le nucléaire reste une énergie d’avenir et il importe en conséquence, pour maintenir les compétences, de lancer parallèlement un programme de construction de nouveaux réacteurs."

« Tout le monde est d’accord pour  réduite la part du nucléaire à 50% » Eh bien non ! (bis)

Cf. sur un ton moins revendicatif mais sur le fond aussi critique la tribune de l‘expert Jacques Percebois, Coresponsable du pôle Transitions énergétiques à la Chaire Économie du Climat (Paris-Dauphine), qui s’exprime sur le très officiel et très gouvernemental Connaissance des énergies. Citation :
« La presse a évoqué hier trois scénarios envisagés par le gouvernement quant à l’évolution du nucléaire en France. Le scénario retenu sera officialisé la semaine prochaine lors de la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Dans les trois cas, il est prévu de fermer entre 11 et 14 réacteurs avant fin 2035 (en incluant les 2 tranches de Fessenheim dont l’arrêt est déjà acté) sur les 58 réacteurs en activité. Dans les trois cas, la part du nucléaire devrait baisser à 50% de la production d’électricité mais à des dates un peu différentes : 2035 dans le scénario « Hulot/Rugy » et le scénario dit « intermédiaire », et 2040 dans le scénario « Bercy ».

Dans les trois cas, la part des renouvelables devrait atteindre 40% de la production d’électricité contre 18% environ aujourd’hui, mais là encore à des dates un peu différentes : 2030 dans le premier scénario, 2032 dans le second et 2034 dans le troisième.
La vraie divergence entre ces scénarios ne tient pas aux dates, assez proches, de réduction de la part du nucléaire mais au fait que seul le troisième scénario envisage de façon explicite de construire de nouveaux réacteurs : 4 EPR, 2 vers 2034-2035 et 2 vers 2040-2041.

Dans les deux premiers scénarios, on donne l’impression que le nucléaire est à échéance plus ou moins lointaine condamné à disparaître en France. Seul le troisième maintient le cap nucléaire tout en réduisant la voilure.
Plusieurs questions devront être explicitées :

Sur quelle base d’évolution de la demande d’électricité ces scénarios ont-ils été construits ? Maintient-on l’hypothèse d’une demande d’électricité stable, voire en baisse ? Quid des nouveaux besoins liés à la mobilité électrique et aux objets connectés ? (NB un message électronique avec pj standard équivaut à la consommation d'une ampoule de 60W pendant 25 minutes- et les besoins des blogs chain font déjà exploser les besoins en serveurs...)

Quels réacteurs seront fermés ? Si ce sont les plus anciens, cela concerne les réacteurs dits « moxés ». Si tel est le cas, ne risque-t-on pas de mettre en péril le retraitement du combustible donc toute la filière « aval » du cycle ? La France a choisi le cycle fermé du combustible avec recyclage de l’uranium et du plutonium, ce qui permet d’économiser de l’uranium et de réduire le volume des déchets à stocker.

Si l’on veut maintenir les compétences dans le nucléaire, renvoyer à 2035 la construction de nouveaux réacteurs n’est-il pas trop tardif ?

ll faudra aussi se prononcer sur le choix de l’après EPR : maintient-on le cap de la « Génération IV » (les RNR) ? Le projet Astrid est-il abandonné, repoussé ? Qu’en est-il des nouvelles technologies du type SMR (Small Modular Reactors) ? Un regard sur ce qui se fait à l’international, en Russie, en Chine et aux États-Unis sera nécessaire à ce niveau si l’on veut rester dans la course. Mais le veut-on ?

Comme on le voit, beaucoup de questions demeurent en suspens et devront être débattues en rappelant que la lutte contre le réchauffement climatique est une priorité à la réalisation de laquelle le nucléaire contribue fortement en France.



mardi 20 novembre 2018

Raisons de détester l’Eurokom-17 : la politique des transports


Europe et Eurokom

Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne.

Transports maritimes : la grande crainte des ports bretons exclus du « réseau central ».

Voici ce que prévoit le Commission Européenne en cas de Brexit dur ( sans accord) : le traffic avec l’ Irlande, lorsque le « pont terrestre » britannique serait fermé, serait entièrement dérouté vers Zeebrugge, Anvers et Rotterdam. Fin des liaisons entre Brest, Roscoff et l’Irlande, fin de l’histoire des brittany ferries fondés sous l’impulsion d’Alexis Gourvennec et de la chambre de commerce et d'industrie de Morlaix,

La Commission Européenne explique que ces ports bretons (Roscoff, Brest) sont certes proches de l’Irlande, mais  moins bien connectés avec le reste du marché européen que leurs concurrents et n’appartiennent pas au « réseau central », autrement dit le groupe des grands ports entre lesquels l’Union européenne tente de développer et rationaliser le transport maritime.
Et ça ne serait pas bon non plus pour Dunkerque, Calais et Le Havre. Eux non plus n’appartiennent pas au fameux réseau central. Le Conseil économique et social européen (CESE), organe consultatif, s’est rangé du côté de la Commission . « Brest et Roscoff ne remplissent pas les critères de base pour devenir membres du réseau central », estime le rapporteur Stefan Back, directeur de la fédération suédoise des entreprises de transport. Un tel changement de catégorie, qui en principe n’est pas prévu avant 2023, décuplerait l’accès aux fonds européens. En raison de sa taille et de sa position dans les corridors maritimes, Rotterdam a reçu, à lui seul, plus de cinq fois plus de subventions européennes que tous les ports français, soulignait récemment la sénatrice du Pas-de-Calais, Cathy Apourceau-Poly

En fait le Brexit a bon dos, et Brexit ou pas , on voit bien que le « réseau central » s’imposera pour « rationnaliser les flux maritimes ». Au grand jeu du lobbying européen, le Benelux l’a emporté par  K.O (par chaos aussi) sur la France, et les ports français sont en grande menace d’être sacrifiés ; Roscoff, Brest, mais aussi Le Havre, Dunkerque et Calais au profit de Zeebrugge, Anvers et Rotterdam.
On se demande bien de quelle « rationalisation » il s’agit lorsqu’on sait que, de plus, le terminal de Zeebruges  pour les conteneurs est géré par le Chinois Cosco ( qui possède le Pirée) et que  le port d Anvers a été intégré dans le plan chinois des nouvelles routes de la soie- donc servira de terminal préférentiel aux exportations chinoises ! De même, il est évident que restreindre ainsi, sur des bases géographiques aberrantes, les ports autorisés, augmentera le trafic par camion au détriment du trafic maritime. C’est une aberration économique, sociale, écologique, géographique, politique, c’est contraire aux intérêts français ; bref, c’est européen !
La ministre des Transports, Élisabeth Borne, s’est réveillée très tardivement et  a assuré au président de la Région Bretagne avoir, peut-être, sous condition, obtenu quelques fonds européens pour améliorer la les connexions des ports français. Sans promettre de miracle, dit(elle, ce qui prouve qu’elle ne se fait guère d’illusion. Au jeu vicié et vicieux du lobbying, le gouvernement français a été aussi mauvais que d’hab. Les habitants de notre façade maritime, un des grands atouts de la France si gaspillé apprécieront.

Libéralisation des transports routiers : un scandale social et écologique
La libéralisation du transport routier a été l'une des préoccupations majeures de la politique européenne des transports depuis très longtemps et a été poursuivie inexorablement qu’elle qu’en soient les conséquences.
Le règlement 3572/90 et la directive 96/26 du 29 avril 1996 harmonisent les dispositions d'accès à la profession. Le principe de libre accès est admis depuis le 1er janvier 1993. L'accès à la profession est soumis à des critères qualitatifs qui remplacent le critère quantitatif que constituait le contingentement communautaire. Les entreprises doivent seulement prouver qu'elles sont qualifiées par rapport à trois critères : honorabilité, capacité financière et capacité professionnelle du transporteur. L'équivalence des diplômes est reconnue. Parallèlement, la Communauté a libéralisé les transports internationaux. Le règlement 4058/89/CEE libéralise les prix des transports de marchandises, libéralisation effective depuis le 1er janvier 1990. La liberté totale de prestation de services est effective depuis le 1er janvier 1993. Le règlement 881/92/CEE du 26 mars 1992 remplace l'ancien système basé sur des autorisations bilatérales et des quotas. L'autorisation communautaire d'effectuer des services de transports internationaux est délivrée, pour une période renouvelable de cinq ans, par l'Etat membre dans lequel le transporteur est établi.
La libéralisation des échanges a constitué un facteur majeur d’accroissement du transport routier. Le mode de transport routier domine dans la circulation intra-européenne du fret. Sa part de marché s'élève à 49% en 2014 et a considérablement entamé celle du frêt ferroviaire.  En 2001, les rails ne transportaient plus que 8 % des marchandises contre 20 % en 1970. Conséquence : l'augmentation du trafic poids lourds engendre des problèmes de congestion et de pollution de plus en plus nombreux, notamment sur les grands axes, les goulets d'étranglement (en particulier les régions montagneuses - Alpes et Pyrénées) et les zones urbaines. Cette croissance exponentielle et non maîtrisée du transport routier est contraire à toute logique de développement durable et responsable. Et elle n’est pas près de s’arrêter
On voit les effets de la libéralisation du transport routier de marchandise, il était donc urgent de poursuivre dans les mêmes erreurs pour le trafic passager. Et c’est ainsi que  l'ouverture à la concurrence des lignes régulières d'autocar en France a été décrétée en 2015 (les bus Macron), et qu’elle s’effectue aussi au détriment des trains, même des TGV. Contrairement aux discours mirifiques de l’époque, elle peine à trouver sa rentabilité et la conséquence en est que les dessertes ne se font que sur les trajets  les plus rentables, et nullement en faveur des régions désertées qui en auraient le plus besoin. Pour être très claor, déclaration du patron de Flixbus en France « On n'est pas un service public. On n’ouvre pas les lignes pour la beauté du geste. Dans un pays comme la France on est obligé de passer par Paris » (L’Express, 14/11/2018).
 A noter que c’est précisément pour privilégier leurs transports ferroviaires que les Etats dans les années 70 freinaient la libéralisation des transports routiers !
Et la raison de ce scandale écologique que constitue le développement incontrôlé du frêt routier, on la connait : les utilisateurs professionnels des infrastructures routières ne les paient pas à leur juste prix. Mais quoi qu’il arrive et quoi qu’en puisse être les conséquences, l’Europe continue sa politique incontrôlée de libéralisation des transports. C’est à ça qu’on la reconnait !
Une course infinie au dumping social. Les nouveaux forçats de la route
Et, en ce qui concerne le transport routier, il faut quand même parler des conséquences sociales, du nouveau peuple des forçats de la route. Les différences salariales entre les travailleurs de l’Ouest et ceux de l’Est sont immenses. Un chauffeur polonais gagne en moyenne 602 euros brut par mois, quand un français reçoit 2478 euros. Quatre fois moins. Aujourd’hui, la Pologne est devenue leader européen du transport international, devant la France et l’Allemagne. Trente-deux mille entreprises y ont fleuri, et 3,2 millions de poids-lourds y sont répertoriés.
L’ensemble des travailleurs de la route doit faire face à un féroce « dumping social », une interminable course au moins-disant salarial dont les limites semblent sans-cesse repoussées. Les travailleurs de l’Ouest subissent pertes d’emplois et baisses de salaires. Quant aux travailleurs de l’Est, déjà paupérisés, ils sont confrontés à une nouvelle concurrence : l’arrivée de conducteurs encore plus vulnérables en provenance de pays extérieurs à l’UE. Une véritable explosion si l’on en croit les chiffres obtenus par Investigate Europe : le nombre d’ « attestations » – documents qui autorisent les chauffeurs extra-communautaires à travailler dans l’UE – a augmenté de 286 % entre 2012 et 2017.(multinationales.org/Le-quotidien-intenable-des-routiers-forcats-de-l-industrie-automobile)
Libéralisation du transport ferroviaire ; l‘idéologie libérale portée à stupidité maximale
C’est l’idéologie libérale poussée à sa plus extrême fanatique qui a ici présidé aux packs ferroviaires successifs, dont le quatrième impose la libéralisation du trafic voyageurs. Certes, on n’est pas allé  au point de la Grande-Bretagne, qui avait privatisé même le réseau de chemin de fer, et qui a dû revenir en arrière et le renationaliser, tant les catastrophes dues au manque d’entretien se multipliaient (Ladbroke Grove 35 morts et 558 blessés, Hatfield, 4 morts et 70 blessés… en cause : la vétusté des rails). Pour le trafic, ce n’est guère mieux : prix six fois supérieurs à la moyenne en Europe, retards, service déplorable, grèves monstres. Conséquences : près des trois quart des britanniques sont en faveur de la renationalisation du ferroviaire.
En fait pendant longtemps, en Europe, rien n’a bougé. Les Etats n’étaient guère pressés d’appliquer la libéralisation du trafic ferroviaire- peut-être se disaient-ils qu’il y avait quand même sûrement une bonne raison si, à un moment ou à un autre, ils avaient tous décidé de nationaliser les chemins de fer… La commission Européenne, organe central du libéralisme le plus fanatique identifia le problème : « Les obligations de service public, qui viennent restreindre la liberté commerciale des entreprises, ne sont ni précisément définies, ni négociées ». Ca présente le mérite de la clarté : sus donc aux services publics ! Et ce fut le funeste 4ème paquet ferroviaire de 2016.
On a pu déjà observer en France que la séparation du réseau et de l’exploitation, mantra et préliminaire obligatoire de toutes les politiques de libéralisation allait dans le même sens qu’en Angleterre, avec la dégradation des voies et du service en banlieue, et la catastrophe de Bretigny (7morts, 70 blessés) dont Réseau ferré de France et la SNCF se rejettent la responsabilité. Mais il était urgent de continuer, et le gouvernement Macron l’a fait avec sa brutalité caractéristique : ce furent les ordonnances ferroviaires de 2018 « afin de faire évoluer le groupe public ferroviaire pour l'adapter à l'arrivée de la concurrence et améliorer sa performance «  et de définir « les conditions de l'ouverture à la concurrence, dans le cadre de la transposition des textes européens issus principalement du  quatrième paquet ferroviaire ». Ordonnances fièrement signées publiquement par Macron après 3 mois de grève  de la SNCF, la plus longue de son histoire ; avec un comportement odieux de l’exécutif faisant appel à toutes les démagogies ( mensonges et manipulation sur la dette, sur le statut des agents) et visant à humilier des syndicats déjà plus très affaiblis. Cette décrédibilisation des pouvoirs intermédiaires et de la négocation sociale, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour prévoir qu’elle se paiera très cher.
C’est assez pittoresque, pour rester gentil, mais, en fait, on ne sait même pas trop comment libéraliser. Ainsi, Guillaume Pepy préfère l'open accès, où sur une ligne donnée tous les opérateurs sont autorisés à opérer. A l’inverse, les rapporteurs, Hervé Maurey et Louis Nègre soutenaient un système de franchise : des lots de voies ferrées attribuées, normalement par appel d'offre. Parmi les lignes d'une même franchise, certaines peuvent être rentables et d'autres moins. Facile, non ! Ainsi, expliquaient-ils, la politique d'ouverture à la concurrence doit éviter que certaines sociétés se partagent la lucrative ligne Paris-Lyon alors que la SNCF devrait assumer des lignes rurales déficitaires. Le plan ferroviaire présenté par Pepy a tranché le débat de manière radicale par la suppression massive de « petites lignes » qui ne seront plus desservies, ni par ce qu’on n’ose même plus appeler service public, ni par sa mirifique concurrence. Tant pis pour ceux qui en avaient besoin, tant pis pour les petites communes et leurs habitants, tant pis pour l’aménagement du territoire, tant pis pour l’égalité territoriale, tant pis pour l’environnement….
Et le pire reste à venir : L'ouverture à la concurrence de l'exploitation des lignes de transport en commun en Île-de-France est programmée en 2024 pour les lignes de bus, 2029 pour les tramways, 2039 pour les lignes de métro et RER existantes. Les lignes nouvelles, mises en service à partir de 2020, seront mises en concurrence par l'autorité organisatrice Île-de-France Mobilités dès leur ouverture : tramways T9 et T10, CDG Express, ligne 15 sud du Grand Paris Express34,35, etc.
La « revitalisation » des chemins de fer était présenté comme l'un des axes majeurs de la politique commune des transports. La Communauté Européenne, tout à son idéologie libérale, a misé sur une réforme de structure des entreprises nationales, et sur l'introduction d'opérateurs privés. En fait, le trafic ferroviaire, voyageur et plus encore frêt n’a cessé de diminuer au »profit » de la route. C’est un plein succès, et par conséquent, la Commission a décidé de continuer dans la même voie. Répétons-le : c’est à cette caractéristique que l’on reconnait la politique européenne.
Les transports ont été parmi le premier secteur a subir une libéralisation dogmatique et idéologique. C’est un échec complet, social, environnemental, de baisse de la qualité voire d’abandon du service public, de l’aménagement du territoire, de l’égalité territoriale.
Il est temps de sortir ce cette Europe-là.


mardi 6 novembre 2018

Raisons de détester l’Eurokom-16 : la farce de l’Europe sociale


Europe et Eurokom

Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne

Une grande avancée : le socle européen des droits sociaux-Bullshit !

Dans l’article 3 de son traité, l’union a notamment pour but de promouvoir le bien-être de ses peuples tout comme une économie sociale de marché hautement compétitive qui tend entre autre au plein emploi et au progrès social. Dès son arrivée en 2015, le Président de la Commission Européenne, J.C Juncker avait proclamé sa volonté d’obtenir le triple A pour une Europe sociale. De fait, un socle Européen des droits sociaux a été proclamé au sommet social de Göteborg en novembre 2017.

Eh bien, le voici : obligation d'établir un contrat de travail écrit ;  limitation de la durée de travail hebdomadaire ; protection sociale de la maternité ; interdiction d'exposition aux radiations ; interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans et réglementation du travail des 15-18 ans (durée de travail, travail de nuit, repos obligatoires, etc.) ; la protection contre les agents chimiques, physiques et biologiques ; encadrement du travail sur écran d'ordinateur ; encadrement des travaux exposant à l'amiante. Par ailleurs, La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée en 1989, engage à garantir une protection sociale, un revenu minimum et une retraite.
Génial. ! Quel progrès. !

Face à une telle vacuité, la CGT a fait remarquer que parmi les instruments disponibles pour garantir que l’Europe soit sociale, le Conseil européen a choisi le moins contraignant et le moins ferme, à savoir la " proclamation ". En revanche, quand il s’agissait d’instaurer les politiques d’austérité, c’était  un traité ».  Force Ouvrière soulève le point que des questions aussi cruciales que le droit de grève et la liberté de négociation collective ne figurent pas dans le socle de droits sociaux européens ! En effet – et elles sont même remises en cause, voir plus lon. Et  le sujet de la négociation collective est d’autant plus sensible que plusieurs délégués ont tiré la sonnette d’alarme sur sa décentralisation en cours ou déjà effectuée dans leurs pays de façon à faire primer les accords d’entreprise sur les accords de branches, ce qui, comme dans la loi Macron, revient sur un siècle de conquêtes syndicales et met les entreprises en concurrence sur le moins-disant social à l’intérieur d’une même branche, y compris sur des éléments essentiels du contrat de travail !

Mais comment la Commission européenne pourrait-elle au nom des droits sociaux aller à l’encontre de ce qu’elle réclame au nom de son ultralibéralisme ?

En ce qui concerne la limitation du temps de travail hebdomadaire, banco ont dit le CGT, alliée à la très révolutionnaire CFE-CGC. Dans la dernière et 6ème ordonnance Macron, le gouvernement français a mis fin au volontariat pour les forfaits jours. C’est la première fois en droit français que le consentement du salarié n’est plus requis en cas d’application d’un régime dérogatoire au temps de travail. Donc, constatant que cette  réglementation issue de la loi « Travail » expose les salariés en « forfaits-jours » à des durées de travail déraisonnables et prive également ceux assujettis à des astreintes d’un véritable temps de repos, la CGT et la CFE-CGC font cause commune pour mieux encadrer le forfait en jours et permettre aux salariés soumis aux astreintes de bénéficier d’un vrai temps de repos. Suite à des réclamations antérieures , le Comité européen des droits sociaux a déjà demandé solennellement au gouvernement français de corriger la législation sur les « forfaits- jours » et les astreintes (décisions du 12 octobre 2004, du 8 décembre 2004 et du 23 juin 2010). Suite à la dernière ordonnance Macron, qui aggrave encore la situation, CGT et CFE-CGC ont à nouveau saisi la CEDS. Parions que, comme d ’habitude, il ne se passera rien. Quand elle pourrait être utile, l’Europe sociale n’intervient pas.

La réalité (selon FO, pourtant pas la plus allergique à l’Europe des centrales)  est que l’austérité reste la priorité et que la politique néo-libérale continue de détruire la vie des populations et des travailleurs ; le pacte de stabilité et de croissance est une camisole de force qui empêche beaucoup de pays d’investir dans les services publics, les emplois et la croissance ; et, par conséquent,  le pilier européen des droits sociaux est très en retard

Arrêt Vicking et Laval : remise en cause du droit de grève.

Pour certains spécialistes du droit du travail, enfin de ce qu’il en reste, ces deux décisions de le Cour européenne de justice ont créé une vraie sidération – et il y a de quoi !
Dans ces deux affaires, des syndicats avaient engagé une action collective pour lutter contre des pratiques de dumping social.

Dans l’arrêt Viking, les syndicats finlandais entendaient s’opposer à un changement de pavillon d’un navire dont le but était principalement de remettre en cause les conditions de travail existantes en passant de l’application d’une convention collective finlandaise à une convention collective estonienne.
Dans l’arrêt Laval, les syndicats suédois souhaitaient contraindre une entreprise lettone, ayant détaché des travailleurs lettons pour la réalisation d’un chantier en Suède, à respecter les conditions salariales définies par les conventions collectives suédoises.

Quelle fut la décision de la Cour Européenne de Justice ? Dans l’affaire Laval, la CEJ a considéré que dans le cadre de la directive travailleurs détachés directive 96/71, elle ne pouvait que  disqualifier l’action collective suédoise avec pour conséquence un amoindrissement de la protection des travailleurs détachés en Suède et de la capacité des organisations syndicales à agir dans ce domaine. L’arrêt Viking fut encore plus gratiné : il conduit à un encadrement restrictif du droit de grève, en instaurant un contrôle judiciaire sur les actions collectives lorsqu’elles ont pour objet ou pour conséquence de limiter une liberté garantie par l’Union européenne, notamment la liberté d’établissement. Sont concernées les actions collectives visant des opérations que l’on qualifiera de transnationales (délocalisations, établissement d’une filiale ou d’un établissement dans un Etat de l’Union européenne, réalisation de contrats de prestations de service, avec des salariés détachés, etc). Par ces arrêts, la Cour européenne engage même les juridictions nationales à opérer un contrôle des motifs du recours à la grève et de la proportionnalité de l’action. L’action collective ne devrait intervenir qu’en dernier recours.

Plus précisément la Cour Européenne de Justice a considéré que le droit de grève n’est licite que si «  l’atteinte qu’il porte à la liberté des échanges est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général » !

Outre ce contrôle de l’opportunité même de déclencher un mouvement de grève, les juges nationaux devraient également contrôler si les revendications formulées sont légitimes. ( et notamment si elles ne sont pas contraires aux directives de la secte ultra libérale).

C’est à une remise en cause sans précédent du droit de grève qu’ a conduit l’ « Europe sociale » !

Travailleurs détachés, contrats zero heures, mini-jobs : nouvelles figures du dumping social

J’ai consacré le blog précédent au problème des travailleurs détachés et à la façon dont la directive européenne  a conduit à un véritable dumping social, à une mobilité massive et forcée, tirant profit des différences de niveau de vie à l’intérieur de la pseudo-Communauté et déstabilisant le marché du travail des pays d’accueil, créant une concurrence par le dumping social ?  Là où on aurait pu au contraire rêver à une mobilité volontaire, encouragée et enrichissante, accordant à chaque travailleur détaché le meilleur des conditions du pays d’accueil ou de départ, c’est au contraire l’exploitation sans frontières qui a été mise en œuvre par la secte libérale qui domine à la Commission européenne. Et les rodomontades de Macron n’y ont pas changé grand-chose.

Le contrat zéro heure (Zero-hour contract) est un type de contrat de travail. Il s'est développé dans l'Union européenne, comme au Royaume-Uni et même en France (contrat de vacation à l’Université, par exemple). Sa caractéristique principale est que l'employeur ne mentionne dans le contrat aucune indication d'horaires ou de durée minimum de travail. Le salarié est rémunéré uniquement pour les heures travaillées, il doit pouvoir se rendre disponible à n'importe quel moment de la journée. En 2015, au Royaume-Uni, on recense environ 1,5 million de contrats avec quelques heures par mois et 1,3 million de plus sans aucune heure travaillée2. Plus d'un employeur sur dix y a recours dans le pays. Dans ce contrat tous les avantages sont du côté de l'employeur. Il ne l'oblige pas à fixer un temps de travail minimal et un salaire minimum. L'employé lui doit s'engager à être disponible pour travailler selon les besoins de son employeur. Il n'est bien souvent averti du travail qu'il doit effectuer que quelques heures avant sa prise de service. Il pourrait théoriquement refuser les heures de travail proposées10. Seules les heures travaillées sont rémunérées.Le nombre d'heures rémunérées étant très variable, les travailleurs ne peuvent pas prévoir un budget mensuel précis ou organiser leur emploi du temps.

L’Europe sociale ne voit aucun inconvénient à ces contrats zero heures qui nous ramène plus de cent ans en arrière, avec le travail à la tâche. En 2016, le parlement de Nouvelle-Zélande  a voté à l'unanimité une interdiction des contrats zéro heure.

Ils sont plus de sept millions en Allemagne à avoir des minijobs. Ces contrats à temps très partiel (50 heures par mois au maximum pour un Smic à 8,84 euros de l’heure) sont sans cotisations obligatoires pour le salarié, tandis que l’employeur règle une cotisation forfaitaire variable selon le type d’emploi. Pas de points retraite, pas d’allocations chômage, pas  de sécurité sociale !

L’Europe sociale ne voit aucun inconvénient au mini jobs mini couverture sociale.

Les sociétés boites aux lettres et l’optimisation légale du moins disant fiscal- l’affaire Polbud

La Conférence européenne des Syndicats nourrit de vives inquiétudes à propos de l’arrêt rendu le 25 octobre 2017 dans l’affaire Polbud, la Cour de justice de l’Union européenne ayant jugé que transférer le siège social d’une entreprise dans un autre État membre dans le but de bénéficier d’une législation fiscale plus avantageuse n’est pas constitutif d’un abus. Ainsi, la CJUE a déclaré le tourisme fiscal acceptable tout comme la création de sociétés boîtes aux lettres et le contournement des règles relatives à la fiscalité et à la sécurité sociale et des droits des travailleurs. Un État membre ne peut empêcher une entreprise de transférer son siège même si ce transfert débouche sur la création d’une structure de type boîte aux lettres ou est motivé par des raisons fiscales ou de contournement des règles. Il n’y a aucune obligation de lier l’endroit du siège social à celui des activités économiques. La mobilité des capitaux semble être considérée comme bien supérieure aux droits sociaux fondamentaux ou à d’autres valeurs ancrées dans le traité.

Comment s’en étonner ?  « Le droit de l’Union accorde une place structurelle aux Etats membres ; mais il s’agit d’une place subordonnée dans la mesure où les Etats renoncent à leur souveraineté dans le domaine économique et monétaire ; et, en particulier, l’institution du marché européen conduit à envisager la fonction sociale des Etats comme une dérogation d’interprétation restrictive aux libertés économiques garanties aux personnes privées ». (Alain Supiot, Professeur au Collège de France, nouvelles figures de l’allégeance)

Il faut sortir de cet Eurokom là !