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vendredi 15 janvier 2016

The positivist origins of secularism (laïcité) "à la française" : God is no more public concern


The excellent Quebec periodics Argument published this month (January 2016) on its website an article about secularism and positivism that I submitted  them.  Thanks to them!
http://www.revueargument.ca/article/2016-01-06/658-les-origines-positivistes-de-la-laicite-a-la-francaise--dieu-nest-plus-dordre-public.html

Summary of main points:
 
Québec and Canada have, like many other countries, to deal with the issue of secularism, from reasonable accommodation to unacceptable concessions.  Everywhere,  in France also there is this debate  between Liberals supporting  a  more 'open', more 'modern' secularism, supporters of traditional secularism "à la française" and "uncompromising" Republicans and tenants of the anglo-saxon multiculturalism

According to positivist conception of secularism, secularism is the result of an evolution of mentalities and societies under the law of the three states (Theology, metaphysics, positivist or scientific)
Positivism lays down the principle of a universal evolution of civilization ; inevitably facing not only the results but the methods of modern science, all civilizations will evolve towards a form of secularism.

The separation of the churches and the State (God is no more public concern, but only private matter)) is only one aspect of a more general principle, that of the separation of temporal and spiritual authorities (who acts on opinion), principle which is the real base of freedom - the real anti-totalitarian principle

The theological public order, destroyed, should be replaced; Positivists insist on  the definition and the teaching of a secular morality, which  they think superior to theological morals, for its effectiveness, and also because that man does not do good for fear of divine punishment, but by education and the altruistic feelings culture: "Man is a citizen of  Earth, not Heaven " (Pierre Laffitte) f

For individuals, positivist secularism fulfils the promise of emancipation from the Cartesianism and the Enlightemnts.  It allows the crossing of the great gap, following the word of Auguste Comte, between  slaves of God  and servants of Humanity
No society, wrote Auguste Comte,  can live without a "common social doctrine": "In a population where the necessary involvement of individuals in public order can no longer be determined by the moral, voluntary consent granted by everyone to a common social doctrine, the only remaining  expedient,  to maintain  harmony, is the sad alternative of force or corruption”. Secularism is therefore at the heart of the common social doctrine of the Republic, it is not negotiable, and in this sense the secular State is not neutral: it can process the same way doctrines that accept and those who reject secularism, and a number of other related values (such equality of rights between religions, sex, race, sexual orientation, freedom of expression, including blasphemy, freedom of apostasy...) Freedom of expression must be respected, but certainly some  behaviours contrary to our common social doctrine,  and, of course,  threats, pressures, not to mention violence are not tolerable. It is the role of the polticians  to determine empirically if accommodations are desirable and useful, but they can only be very temporary and very limited; in the France of Jules Ferry, they were limited to sometimes wait for the rehabilitation of the classes to remove the crucifix, recently reminded Mona Ozouf

http://www.revueargument.ca/article/2016-01-06/658-les-origines-positivistes-de-la-laicite-a-la-francaise--dieu-nest-plus-dordre-public.html


mercredi 13 janvier 2016

Les origines positivistes de la laïcité « à la française » : Dieu n’est plus d’ordre public


L’excellente revue québécoise Argument publie ce mois-ci (janvier 2016) sur son site internet un article sur la laïcité et le positivisme que je leur ai soumis (très, voir trop complet !). Merci à eux !


Résumé des principaux points :

Québec et Canada ont, comme beaucoup d’autres pays,  à faire face à la question renouvelée  de la laïcité, d’accommodements raisonnables en concessions inacceptables ;  partout, en France même, le débat oppose républicains « intransigeants » et libéraux partisans d’une laïcité plus « ouverte », plus « moderne », partisans d’une laïcité « à la française » et tenants du multiculturalisme anglo-saxon

Selon la conception positiviste de la laïcité, celle-ci résulte d’une évolution des mentalités et des sociétés selon la loi des trois états. Le positivisme pose le principe d’une évolution universelle des civilisations ; inévitablement confrontées non seulement aux résultats, mais aux méthodes de la science moderne, toutes évolueront vers une forme de laïcité.

La séparation des églises et de l’Etat (Dieu n’est plus d’ordre public) ne constitue qu’un aspect d’un principe plus général, celui de la séparation des pouvoirs temporels et spirituel (qui agit sur l’opinion), principe qui seul peut assurer la liberté —  le principe antitotalitaire par excellence

L’ordre théologique, détruit, doit être remplacé ; aussi, la laïcité suppose-t-elle la définition et l‘enseignement d’une morale laïque, que les positivistes pensent supérieure à la morale théologique, pour son efficacité, et aussi parce que l’homme ne fait plus le bien par crainte  d’un châtiment divin, mais par l’éducation et la culture des sentiments altruiste : « l’Homme n’est plus citoyen du Ciel, mais de la Terre » (Pierre Laffitte)

Pour l’individu, la laïcité accomplit la promesse d’émancipation issue du cartésianisme et des Lumières ; elle permet le franchissement du formidable écart qui sépare, suivant le mot d'Auguste Comte,  « les esclaves de Dieu  des  serviteurs de l'Humanité

Aucune société, pensait Comte, ne peut vivre sans une « doctrine sociale commune » : « Dans une population où le concours indispensable des individus à l’ordre public ne peut plus être déterminé par l’assentiment volontaire et moral accordé par chacun à une doctrine sociale commune, il ne reste d’autre expédient, pour maintenir une harmonie quelconque, que la triste alternative de la force ou de la corruption ».

La laïcité est donc au cœur de la doctrine sociale commune de la République, elle n’est pas négociable, et, en ce sens l’état laïc n’est pas neutre : il ne peut traiter de la même façon les doctrines qui acceptent et celles qui refusent la laïcité, et un certain nombre d’autres valeurs liées ( telle l’égalité des droits entre religions, sexe, race, orientation sexuelle, liberté d’expression, y compris blasphème, liberté d’apostasie…) Si la liberté d’expression doit être respectée, il en va autrement des comportements, menaces, pressions quelconques, sans parler des violences. Il est du rôle du politique d’apprécier empiriquement si des accommodements sont souhaitables et utiles, mais ils ne peuvent être que très temporaires et très limités ; dans la France de Jules Ferry, ils se limitaient à parfois attendre la réfection des classes pour en enlever le crucifix, rappelait récemment Mona Ozouf. 

 

vendredi 8 janvier 2016

Les X et la politique industrielle française


La revue des Anciens élèves de Polytechnique, la Jaune et la Rouge publie (décembre 2015) un numéro axé sur l’insdutrie en France. Le mois qu’on puisse dire, c’est que les point de vues sont variés.
Le retour de la politique industrielle ?

Pour Bernard Esambert (X54), ancien conseiller industriel et scientifique de Georges Pompidou, , « le concept de politique industrielle est de nouveau à la mode » et  « la politique industrielle de Georges Pompidou peut nous éclairer sur les voies à suivre ». Quels sont les grands axes de cette politique ? C’est d’abord une consolidation du tissu industriel, avec de nombreuses fusions qui permettent la constitution des groupes puissants comme Saint-Gobain-Pont-à- Mousson, Thomson, CGE, Rhône- Poulenc, ATO, Creusot-Loire, Babcok- Five, SNIAS, Le Nickel. Une bonne parte des actuels membres du CAC 40 sont nés à cette époque. Parallèlement, la petite et la moyenne industries, source de créativité et de dynamisme et vivier de la grande, ne sont pas négligées avec la création de l’Institut du développement industriel, la nomination, pour la première fois, d’un secrétaire d’État à la Petite et à la Moyenne Industrie.
Le Président lui-même s’implique dans la politique industrielle, et encourage les exportations. Ainsi, pour la première fois, une quinzaine de grands industriels l’accompagnent à Moscou à l’occasion d’un de ses déplacements en Union soviétique. Le politique industrielle pompidolienne, ce sont aussi des  volonté de rattrapage dans les domaines où la France est en retard ( les télécommunications, notamment les commutateurs).  C’est la volonté d’indépendance dans des domaines identifiés comme critiques, et des programmes ambitieux et de  très beaux succès dont nous bénéficions encore aujourd’hui : le nucléaire, pour s’extraie de la dépendance pétrolière, avec Framatome, qui appuyé par EDF, se libère de sa dépendance technique vis-à-vis des licences américaines ;  l’aéronautique, où ,  après bien des ratés, les industries française et allemande s’associent pour donner un successeur au Boeing 727, à la Caravelle et au Trident, et c’est le décollage d’l’Airbus ; C’est enfin le spatial, où, après l’échec de la fusée Europa II en 1972, les Européens se retrouvent sans perspectives et sans lanceurs , et ce sera l’envol d’Ariane.
Au crédit également de la politique pompidolienne, M. Esambert place la création d’un secrétaire d’État à la Petite et à la Moyenne Industrie et aussi le  premier ministère de l’environnement ; l’ordonnance de 1967 sur l’intéressement des salariés ; et surtout, un effort ambitieux de recherche, à la fois public et privé, qui mène le budget global de recherche français à près de 3 % du PIB, objectif encore proposé récemment par  l’agenda de Lisbonne pour l’Europe de la connaissance, et dont nous nous éloignons années après années, renoncement après renoncement.

Bref, pour M. Esambert, la politique industrielle de George Pompidou reste un modèle à méditer
La fin de la politique industrielle ?
Jean Peyrelevade (X58) se montre beaucoup plus négatif sur le rôle de l’Etat dans la politique industrielle : « La France est, dans sa tête, encore colbertiste. Mieux vaudrait que, sans tarder, elle échappe à l’emprise du passé. L’État ne peut plus être un acteur direct du monde industrie. L’Etat peut-il encore, comme acteur direct, participer à la construction d’une économie industrielle ? Autrefois joué par intermittence, ce rôle est devenu impossible. L’État n’a plus aujourd’hui la capacité d’être un acteur direct de l’industrialisation. Cela pour plusieurs raisons.
La première, à elle seule décisive, est qu’il n’a plus d’argent. Que peut-il alors apporter ? Son imperium, sa puissance politique ? Ces arguments, quoi qu’il en coûte aux représentants du souverainisme, n’ont plus de poids… nous n’avons pas besoin d’un État industriel. »

Pour M. Peyrelevade, l’Etat peut et doit assumer trois fonctions. Premièrement, la formation : - il mentionne notamment que malgré nos grandes écoles, les salariés français sont en moyenne moins qualifiés que leurs homologues de la plupart des pays européens développés -  c’est le grand échec de l’enseignement technique. Deuxièmement, encourager l’innovation, la recherche et développement – il considère que le crédit impôt recherche remplit bien cette fonction. Troisièmement : faire en sorte que les entreprises qui investissent trouvent aussi aisément que possible le capital dont elles ont besoin. Il considère que le risque d’investir dans des sociétés jeunes et innovantes est en France mal récompensé : « Les prélèvements sociaux sur les revenus du capital sont supérieurs à ceux sur les revenus du travail, les revenus du capital sont désormais fiscalisés de manière progressive, comme ceux du travail à un taux marginal proche de 70 %, cas singulier »
Bref, que l’Etat traite fiscalement  bien les investisseurs, et tout ira bien. M. Peyrelevade regrette tout de même que l’Eta ne « pense plus le futur » : « L’État a négligé depuis longtemps sa fonction de stratège du futur. Le commissariat au Plan n’a jamais été vraiment remplacé. Il n’existe plus de lieu organisé où les savants, les scientifiques, les représentants de l’appareil productif, les syndicalistes se réunissent pour réfléchir à l’évolution du monde et à l’organisation de la société future »
Franck LIRZIN (03) constate que la politique européenne produit des divergences insoutenables : « l’Europe se trouve dans la situation surprenante d’avoir une balance commerciale à l’équilibre, voire légèrement positive, et des déséquilibres commerciaux internes très importants : par exemple en 2007 + 129 Md€ pour l’Allemagne et – 48 Md€ pour l’Espagne. Pour faire face à cette hétérogénéité, les règles ne devraient pas être les mêmes pour tous les pays. Or, c’est précisément à l’inverse que s’emploient toutes les nouvelles procédures budgétaires et économiques de la zone euro. »

Refaire l’Agence pour l’Innovation Industrielle ?
Bref, non seulement l’évolution internationale rendrait presque inenvisageable toute politique industrielle, mais en plus la politique proprement européenne, purement financière, est anti-industrielle. Pourtant, même ceux qui, comme M. Peyrelevade, veulent réduire l’Etat à un rôle minimal regrette qu’il ait « négligé depuis longtemps son rôle de stratège du futur ».
Si l’on reconnaît à l’Etat a pour rôle de penser le futur de la politique industrielle, il peut tout de même peut-être agir. Une expérience intéressante a été menée avec l’Agence pour l’Innovation industrielle. L’AII n’a existé que deux ans, entre 2005 et 200, pour de tristes raisons de règlement de compte entre sarkozystes et chiraquiens, et parce qu’elle se heurtait à des tracasseries bruxelloises pénibles et incertaines. Néanmoins, elle avait pu initier un certain nombre de grands projets (imagerie médicale, bioraffinerie, filière hydrogène…). D’autre part, Bruxelles exigeait qu’il existe une défaillance de marché, et j‘ai l’impression que l’idée que les marchés puissent être défaillants a quelque peu progressé ces dernières années. Ensuite, si les pays européens remettent à l’honneur la politique industrielle, l’idée finira bien par arriver jusqu’à la Commission Européenne. L’AII a été partiellement intégrée à la BPI, mais l’esprit unique d’innovation industrielle, de prospective, d’initiative, de mobilisation des industriels qui l’animait a, en grande partie disparu, digérée par la culture à prédominance financière de la BPI. L’heure est peut-être venue de recréer une Agence pour l’Innovation Industrielle, avec éventuellement une coordination européenne entre les différents pays.