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jeudi 30 mars 2023

Le syndrome éolien reconnu . Près de 100.00 euros accordés par le Cour d’Appel de Toulouse

 NB  sur le sujet du syndrome éolien, cf

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/01/petits-problemes-avec-leolien-7.html

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2022/12/debat-acceleration-des-enr-adresse-m.html

Si la Cour de Cassation (Cass, ch. civ 3, 17/09/2020, n°19-16937) se montre réticente à l’indemnisation des voisins de champs éoliens, en considérant que « nul n’a de droit acquis à la conservation de son environnement et que le trouble du voisinage s’apprécie en fonction des droits respectifs des parties » et en refusant d’indemniser « une dépréciation des propriétés concernées évaluée entre 10 % et 20 % » car cette dépréciation ne dépassait pas « les inconvénients normaux du voisinage, eu égard à l’objectif d’intérêt public poursuivi par le développement de l’énergie éolienne », en revanche, la Cour d’Appel de Toulouse se montre plus généreuse.

En 2020 (CA Toulouse, 9/03/2020, n°17/04106), elle avait déjà accordé une indemnisation conséquente aux voisins d’un parc éolien, et elle vient (CA Toulouse, 8/07/2021, n°20/01384) de confirmer sa position pour un parc éolien situé dans le Tarn.

Le couple a commencé à ressentir divers troubles de santé en 2013, pour lesquels ils ont consulté des médecins : nausées, troubles du sommeil, douleurs thoraciques et abdominales, anomalies du rythme cardiaque… Leur médecin traitant ne relevait aucun antécédent, et leur a conseillé de déménager, ce qu’ils ont fait en mai 2015. Leurs symptômes ont disparu début 2016.

Le couple a assigné les deux sociétés exploitantes du parc devant le TGI de Castres, afin d’engager leur responsabilité et d’obtenir la réparation de leurs préjudices, au titre des troubles anormaux du voisinage.

Les premiers juges, après avoir ordonné une expertise acoustique, ont rejeté les demandes des requérants, et ce en dépit du fait qu’ils avaient reconnu la réalité des troubles invoqués, mais ne reconnaissaient pas leur caractère anormal, et retenaient que le lien de causalité n’était ni direct, ni certain.

Les requérants ont fait appel devant la Cour d’Appel de Toulouse, qui a partiellement fait droit à leurs demandes.

http://www.itineraires-avocats.fr/2021/11/18/eoliennes-un-trouble-anormal-du-voisinage-qui-coute-cher/

Extrait des motivations

https://www.charente-maritime.gouv.fr/contenu/telechargement/63691/377917/file/contribution_82_Web_1.pdf

Impact sonore

 

Du point de vue des faits, la Cour a souligné qu’actuellement, les très basses fréquences et infrasons n’étaient pas réglementés ; seules les bandes d’octaves de 125Hz à 4000 Hz le sont. Or, les éoliennes émettent de très basses fréquences, qui ont été mesurées dans le cadre d’une l’expertise judiciaire.

 

L’expert a ainsi retenu, de même que la Cour :

 

« qu’une réelle gêne sonore peut être ressentie par M. et Mme Y. Cette gêne, caractérisée par l’émergence sonore, est constatée dans les infrasons, les très basses et les basses fréquences (plages de fréquence allant de 6,3 Hz à 200 Hz). La gêne se manifeste quelle que soit la direction du vent. Elle est plus importante en période nocturne, par vent portant de Nord-Ouest et augmente avec la vitesse du vent ‘. ‘Aucune émergence n’est constatée de jour dans les situations de vent contraire. »

 

Dans le cadre de l’expertise, toutes les parties avaient consenti aux mesures sans bridage, et des éléments relatifs au bridage de l’éolienne la plus proche de la propriété des demandeurs n’ont été produits qu’en fin d’expertise. Les sociétés exploitantes contestaient de fait les mesures de l’expertise en raison de la possibilité de brider les éoliennes. La Cour a cependant relevé que :

« Toutefois, l’importance de l’émergence sonore est telle que selon l’expert, il est permis de douter des effets du bridage isolé ».

Impact visuel

Sachant que le parc éolien est distant de la propriété des époux Fockaert de 700m à 1300m et que trois des premières éoliennes sur six sont visibles mais seulement en partie supérieure et particulièrement au niveau des pales tournantes et depuis l’extérieur, sur la terrasse, ce que confirment par ailleurs les photographies prises sur les lieux en été c'est-à-dire en présence de feuillage occultant, et que, malgré la coupe en 2013 du bois qui, dans l’étude d’impact à l’origine du projet, avait été considéré comme un important écran visuel et une mesure d’évitement, l’impact visuel apparaît certain mais modéré, la vue depuis la propriété sur ce site rural de qualité demeurant partiellement sauvegardée. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les nuisances sonores et visuelles sont avérées et de nature à constituer un trouble du voisinage.

Syndrome éolien : c’est la partie la plus intéressante

M. et Mme Fockaert n’ont jamais été décrits comme des opposants systématiques à l’implantation d’éoliennes à proximité de leur propriété, leur acquisition en 2004 ayant été effectuée en connaissance du projet consacré par arrêté préfectoral du 7 mars 2005 réalisé à la suite d’une étude d’impact. Le Dr Gonzales désigné en qualité de sapiteur a ainsi décrit les doléances de M. et Mme Fockaert dans son rapport du 25 avril 2018 annexé à celui de Mme Singler-Ferrand.

Les premiers troubles dénoncés par les appelants ont débuté en 2013. Ils ont diminué progressivement à la suite de leur déménagement en mai 2015 pour disparaître totalement début 2016.

Concernant M. Fockaert : il a commencé à consulter à compter d’ avril 2013, jusqu’en 2015 ; il s’est plaint de fatigue, maux de tête persistants, oppressions douloureuses sur les oreilles, vertiges, nausées, troubles du sommeil, tachycardies fréquentes, malaises vagaux, anomalies du rythme cardiaque. Il a été traité par antalgiques et anxiolytiques. Les examens cardiologiques et O.R.L., n'ont révélé aucune anomalie et son médecin traitant n’a dénoncé aucun antécédent. C'est lui qui suspectant la présence des éoliennes pour expliquer cette symptomatologie et alors que les symptômes s’amendaient à chaque déplacement de plusieurs jours, a proposé un déménagement qui a été bénéfique puisque les symptômes ont régressé pour disparaître complètement à compter de janvier 2016.

Mme Fockaert : a présenté à peu près les mêmes symptômes ; elle a consulté à compter de la même date avril 2013 où elle a été admise en urgence pour des douleurs thoraciques et abdominales subies depuis quelques semaines ; ses doléances sont les mêmes : nausées, oppressions thoraciques et abdominales, oppressions au niveau des oreilles, troubles du sommeil, syndrome dépressif. Le médecin traitant ne note aucun antécédent. Il n'a été décelé aucune anomalie cardiaque et O.R.L. et le bilan gastrique de juin 2013 montrait une gastrite réactive modérée. Elle a été traitée par antalgiques, antibiotiques et anti-inflammatoires depuis 2014. 

Afin de vérifier le retentissement de la présence des éoliennes sur la santé et donc le lien de causalité entre ces troubles et les nuisances sonores décrites plus haut, le Docteur Gonzales s'est fondé sur les publications scientifiques de l'académie nationale de médecine (9 mai 2017) et de l’ANSES (mars 2017) concernant l'évaluation des effets sanitaires des basses fréquences sonores et infrasons dus au parc éolien. Ce rapport reconnaît en ces termes, l’existence d'un « syndrome des éoliennes ›› qui altère la qualité de vie de certains riverains : le syndrome des éoliennes réalise une entité complexe et subjective dans l’expression clinique de laquelle interviennent plusieurs facteurs. Certains relèvent de l'éolienne elle-même, d'autres des plaignants, d'autres encore du contexte social, financier, politique, communicationnel...Le syndrome des éoliennes, quelque subjectifs qu'en soient les symptômes, traduit une souffrance existentielle, voire une détresse psychologique, c'est-à-dire une atteinte de la qualité de vie qui, toutefois, ne concerne qu'une partie des riverains. Le rapport identifie les symptômes relevant du syndrome éolien : il s’agit de symptômes très divers, d'ordre général (troubles du sommeil, fatigue, nausées), neurologiques (céphalées, acouphènes, troubles de l'équilibre, 14/18 vertige), psychologiques (stress, dépression, irritabilité, anxiété), endocriniens (perturbation de la sécrétion d'hormones stéroïdes), cardiovasculaires (hypertension artérielle, maladies cardiaques), sociaux comportementaux (perte d'intérêt pour autrui, agressivité, déménagement, dépréciation immobilière). Ces symptômes sont majoritairement de type subjectif ayant pour point commun les notions de stress, de contrariété, de fatigue. Trois facteurs concourent aux doléances exprimées : les nuisances visuelles, les nuisances sonores (qui est le grief le plus souvent allégué dû essentiellement aux basses fréquences et infrasons lesquels bien que inaudibles à l'oreille humaine peuvent valablement être ressentis), facteurs psychologiques associés ou non aux nuisances visuelles et sonores, ils jouent un rôle dans leur ressenti….

En l’espèce, selon le Dr Gonzales, eu égard au délai d’exposition, 2008 à 2015, à la symptomatologie décrite pour chacun d’eux (douleurs épigastriques, acouphènes, palpitations, troubles du sommeil, retentissement psychologique), atténuée puis disparue avec l’éloignement du site, sans antécédent recensé, on peut considérer que M. et Mme Fockaert ont présenté un « syndrome des éoliennes » entraînant une altération de leur santé au sens de la définition de l’OMS cité dans le rapport de l’Académie Nationale de Médecine comme un « état de bien être physique, mental et social ».

 Pour rapporter la preuve contraire et l’absence de conséquences sanitaires des émissions sonores des éoliennes, les intimées ne produisent qu’un article du journal Le Figaro du 19 janvier 2015 signé du Pr Tran Ba Huy, ce qui ne constitue pas une preuve scientifique sérieuse et actualisée publiée dans une revue idoine. De même doit être écarté l’argument suivant lequel les clients du gîte ne sont pas affectés par le fonctionnement des éoliennes dès lors que le Dr Gonzales a précisé que la durée d’exposition était un facteur important dans l’apparition du syndrome des éoliennes. Et alors qu’elles soulignent que la situation a radicalement évolué depuis le bridage de l’éolienne n°1 en 2016 elles n’en fournissent aucune justification. L’expert a fixé la date de consolidation au 1 janvier 2016, sans persistance er d’aucune séquelle.

La perte de leur bien En effet, comparativement à ce qu’ils ont investi pour l’achat et la rénovation du site (313 650€) par rapport à la valeur moyenne de ce bien en l’état, estimée par deux professionnels de l’immobilier (285 000€) la perte de valeur s’établit à 28 650€

Les frais L’obligation dans laquelle ils se sont trouvés de quitter les lieux a engendré des frais de déménagement puis des frais de déplacement pour l’entretien et la surveillance du site qui doivent en conséquence être indemnisés durant la seule période réclamée de juin 2015 à décembre 2016 (579 jours = 19 mois) à hauteur de la somme de (500€ pour le déménagement et 500€/mois X 19 mois =) 10 000€.

Le pretium doloris : Evalué par l’expert à 2/7 pour tenir compte de l’hospitalisation en urgence, du suivi médical, de la réalisation d'examens complémentaires, de la prise de traitements ponctuels et du retentissement psychologique, ce poste de préjudice sera indemnisé à hauteur de 4000€ pour chaque époux.

Le préjudice moral : M. et Mme Fockaert avaient investi dans ce lieu pour y résider à l’année et pour Mme Fockaert y exploiter 3 gîtes ruraux : il s’agissait donc non seulement de leur lieu de vie mais également du domicile professionnel de cette dernière. Ils ont dû renoncer à ce projet dans sa configuration initiale. Ils subissent donc un préjudice moral lié à la perte de leur lieu de vie qu’il convient d’indemniser à hauteur de 10 000€ pour chacun d’eux

Evidemment, la cabinet Gossement  appelle  « relativiser la portée de cette jurisprudence isolée « : « La portée de cet arrêt inédit, qui n'a pas été porté devant la Cour de cassation, a néanmoins été très discutée. A ce jour, aucun texte ni aucune autre juridiction n'a reconnu l'existence de ce « syndrome » aux contours incertains. »

https://blog.gossement-avocats.com/blog/environnement/eolien-la-ministre-de-la-transition-ecologique-ne-reconnait-pas-la-notion-de-syndrome-eolien-et-refuse-d-encadrer-l-emission-des-ultrasons-reponse-ministerielle

La suite...En juillet 2021, la cour d’appel de Toulouse reconnaît le syndrome éolien qui a rendu malade un couple de Tarnais et condamne l’exploitant du Parc à lui verser 128 000 € de dédommagement. Une première en France. Mais tant que la situation n’a pas changé à 700 m de sa propriété, le couple doit rester locataire à 17 km de là.




mardi 28 mars 2023

Parc éolien off shore Centre Manche 1 à 44,9 eur/MW.h le miracle ?

 Tout le ban et l’arrière ban du lobby éolien se sont hautement félicité de cette nouvelle :

Le ministère de la Transition énergétique a annoncé lundi (27 mars) qu’une société détenue en partie par EDF était lauréate de l’appel d’offres du plus grand parc éolien offshore français, situé au large des côtes normandes.  Le projet, dit « Centre Manche 1 », représente 1 GW de puissance installée, soit l’équivalent d’environ la consommation électrique de 800 000 foyers. Sa mise en service est attendue en 2031 et la construction devrait débuter d’ici à 2026-2027

En retenant Eoliennes en Mer Manche Normandie (EMMN), société conjointe d’EDF Renouvelables et Maples Power, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) confirme la mainmise d’EDF sur le secteur, partie prenante de cinq des huit projets éoliens offshores au large des côtes hexagonales. EMMN a proposé un prix du MWh compétitif de 44,9 euros, bien loin des sommets atteints par l’électricité ces derniers mois.

Un prix qui, même s’il ne reflète pas la totalité du coût du système électrique, « témoigne de la forte réduction des coûts de la filière », avance Maxence Cordiez, ancien directeur des Affaires européennes au Commissariat à l’énergie atomique, sur Twitter.

« À titre de comparaison, les appels d’offres pour l’éolien à terre et pour le solaire photovoltaïque sortent aujourd’hui à des prix environ 50% plus élevés », d’autant que les prix sur ce marché avoisinait plutôt les 140-150 euros le MWh,

L’éolien off-shore moins cher que l’éolien terrestre ? de quoi effectivement s’inquiéter et s’interroger :

Le commentaire de la CRE : pas très rassurant

Le tarif pour l 'électricité produite , proposé par le producteur à l 'Etat, représente 70%% des critères de sélection. Aujourd ' hui cesprix offerts par les candidats sont très bas. Y voyez-vous un risque?

 R: Les prix bas sont une bonne nouvelle pour les finances publiques , sous réserve que cela soit soutenable pour les porteurs de projets. Dans le cas de l 'appel d 'offres Normandie , on a mobilisé une procédure dite anormalement basses, pour vérifier que les quatre offres à des prix bas étaient soutenables. Et après analyse, on est arrivé à la conclusion que oui. Pour la suite, nous souhaitons avoir plus d ' éléments d ' analyse dans les cahiers des charges. On souhaite en effet augmenter les points de robustesse des offres, car on a constaté que plusieurs offres étaient risquées, pour des raisons différentes , techniques ou de montage financier.

NB : alors oui, on peut avoir des doutes, demander à la CRE comment elle est arrivée à cette conclusion et même se dire qu’une fois de plus EDF va servir de vache à lait pour la transition énergétique, au détriment des Français pénalisés deux fois, en tant que contribuables et en tant que consommateurs

Eolien en mer :EDF écrase le marché, les concurrents dénoncent des prix cassés

Dans un article au vitriol, la Tribune pointe https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/eolien-en-mer-les-concurrents-d-edf-ont-ils-vraiment-une-chance-de-gagner-956792.html

L’électricien tricolore, bientôt 100% public, a décroché le développement de son cinquième parc d’éoliennes en mer, sur huit en développement en France. Et ce, grâce à un prix extrêmement agressif de 44,9 euros/MW.. De quoi faire grincer des dents ses compétiteurs. Ces derniers dénoncent un risque réel pour le supply du cahier des charges des appels d’offres.

Sur le prix : EDF est parvenu à écraser ses compétiteurs l’espagnol Iberdrola, Ocean Winds, la coentreprise entre Engie et le portugais EDPR, TotalEnergies en binôme avec l’allemand RWE, le britannique Shell, ainsi que le suédois Vattenfall en affichant un prix très  compétitif de 44, 90 euros le mégawattheure, selon un proche du dossier. 60 euros si l’on ajoute le coût de raccordement au réseau électrique

Réactions rapportées par l’article de La Tribune

Ce niveau de prix extrêmement bas a suscité de nombreuses critiques : « On se tire une balle dans le pied au niveau de la France, de l’Europe, des développeurs et de la supply chain… " Avec des prix aussi bas, dans le meilleur des cas, si le projet est faisable, c’est en étranglant la supply chain qui rencontre déjà d’énormes difficultés . Les trois grands turbiniers présents en Europe (Siemens-Gamesa, le danois Vestas et l’américain General Electric perdent beaucoup d’argent et c’est la même chose pour les installateurs en mer…. Nous sommes dans une situation paradoxale où l’on risque de faire couler le navire alors qu’il y a un marché très porteur »

« Nous sommes tous très embêtés sur le niveau de prix de cette attribution. Nous avons énormément poussé les curseurs, mais nous ne pouvions pas atteindre ce niveau. Nous sommes pourtant un acteur compétitif, avec des appels d’offres remportés dans plusieurs régions du monde # énergéticien, dont le portefeuille de projets est particulièrement conséquent…Ces 45 euros le mégawattheure envoient un signal prix difficilement viable »

« Avec un prix si bas, le développement du parc éolien en mer normand aurait-il réellement des risques d’être compromis ? Le fait que le capital d’EDF soit bientôt entièrement détenu par l’Etat écarte cette éventualité. En revanche, ses compétiteurs, dont la plupart sont cotés en Bourse et donc rapidement sanctionnés par les investisseurs en cas de projets risqués, ne peuvent  s’empêcher de s’interroger sur l’équation financière de cette offre et sa rentabilité. » EDF va devenir 100 pour cent étatique et peut certainement  avoir un raisonnement qu’on ne peut pas avoir. Peut-être qu’ils envisagent aussi de renégocier le prix ultérieurement » 

« La pertinence de ces appels d’offres se pose vraiment. Est-ce que ce secteur est ouvert à d’autres participants qu’EDF ? Nous n’avons pas de problème si le gouvernement souhaite lui attribuer systématiquement le développement de ces parcs, mais il faut que les règles soient claires »

NB : lors d’une  audition publique sur les innovations technologiques de l’éolien offshore de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix scientifiques et  technologiques (2 février 20220) , certains participants s’inquiétaient :  « les  turbiniers européens  sont en mauvais état économique parce qu’ils se sont fait prendre à la course à la taille sans pouvoir rentabiliser leurs efforts de développement.  Le développement rapide de l’éolien off shore européen est pour eux  une question de survie.  Par contre les  turbiniers Chinois sont en pleine forme et il y a un vrai risque qu’ils balaient tout, comme pour le photovoltaïque »

Avec de tels appels d’offres, l’industrie éolienne européenne n’a plus besoin d’ennemis…et sera balayée avant d’être née.

Aide  d‘Etat clandestine, détournement de fonds public, abus de biens sociaux, concurrence déloyale ?… les concurrent évincés d’EDF ne devraient pas manquer d’arguments pour fragiliser  et attaquer juridiquement le résultat de l’appel d’offre.

Le moins qu’on puisse dire  est le contribuable sera appelé à subventionner chèrement un programme éolien off-shore insensé (40 GW, 50 parcs éoliens couvrant des milliers de kilomètres carrés marins) ; un programme inutile voire nuisible pour l’objectif de décarbonation de l’électricité (car exigeant un back-up fossile), ruineux pour les consommateurs, dangereux pour la sécurité d‘approvisionnement électrique, néfaste à l’économie locale, ravageur pour nos paysages littoraux et leur riche biodiversité,

Energies renouvelables : comment l'administration a raté l'allocation de près d'un gigawatt d'éoliennes ou le faux couac ?

 Energies renouvelables : comment l'administration a raté l'allocation de près d'un gigawatt d'éoliennes ou le faux couac ?

En raison d'un couac administratif, le ministère de la transition énergétique a pourvu seulement 6 % du dernier appel d'offres sur les éoliennes en France.

 L'image qui vient à l'esprit de Mattias Vandenbulcke, directeur de la stratégie de France énergie éolienne (FEE), est celle de « la maison qui rend fou » , dans le dessin animé des Douze travaux d'Asterix , diffusé en 1976, où le héros gaulois, accompagné d'Obélix, tous deux partis à la recherche du « laisser-passer A38 » , se perd dans les bureaux, les étages, les circulaires et les formulaires de la bureaucratie romaine. La métaphore dit l'incompréhension et l'exaspération des acteurs des énergies renouvelables après la confirmation par le ministère de la transition énergétique d'un raté majeur lors du dernier appel d'offres sur les éoliennes terrestres : l'Etat devait attribuer, fin mars, l'équivalent de 925 mégawatts à des producteurs d'électricité, il n'en a pourvu que 54, soit moins de 6 %. Un résultat jugé catastrophique par la filière. Selon nos informations, le même scénario devrait se reproduire, dans quelques jours, avec l'appel d'offres sur l'énergie solaire où 925 mégawatts, censés être mis en service d'ici trois ans, sont également en jeu. Des puissances non négligeables à l'échelle de la France : en 2022, les nouvelles installations d'éoliennes et de panneaux solaires avaient représenté respectivement 1 900 et 2 600 mégawatts

La raison principale ? Une modification sibylline dans la rédaction du cahier des charges des appels d'offres conduisant à l'invalidation, d'emblée, de trois-quart des soixante dossiers de parcs éoliens terrestres, faute de répondre à un critère réclamé par l'administration. « L'issue de cet appel d'offres est inacceptable » , reconnaît l'entourage de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

Colère de tout le lobby éolien qui exige de la CRE une rectification rapide





La réalité : ce que n’ont pas vu ou pas voulu voir  les margoulins de l’éolien

Une garantie financière plus étendue pour assurer que les projets aillent à terme

l 'exigence, pour les promoteurs, de disposer d'une garantie financière plus étendue afin de les inciter à aller au bout de leurs projets. Soit un surcoût dérisoire à l'échelle des sommes engagées. Une ligne d'une annexe qu'il fallait avoir remplie correctement pour ne pas être exclu mais que la majorité des développeurs n'ont pas vu dans l'accumulation des demandes administratives.

Une tentative de margoulin pour faire augmenter les prix

Pour inciter les producteurs à proposer des prix les plus bas, le gouvernement, sur la recommandation de la CRE, a décidé de ne pas indiquer de montant plafond. L'objectif était d'éviter que les candidats fixent leur prix au plus près de cette somme pour maximiser leurs gains. Les candidatures se faisaient donc, pour la première fois, en aveugle. Or, les producteurs ont proposé des tarifs élevés, plus importants que ceux escomptés par les pouvoirs publics. A cause de la hausse du coût des matières premières et des taux d'intérêt, justifient les entrepreneurs de l'éolien. A cause de l'inflation, certes, répond la CRE, mais aussi parce que certains ont « tenté leur chance » en proposant des montants supérieurs à leurs coûts de construction. D'où le fait que sur les douze dossiers ayant franchi le premier écueil administratif, quatre seulement ont réussi la deuxième étape, financière, et ont donc été retenus

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/27/energies-renouvelables-comment-l-administration-a-rate-l-allocation-de-pres-d-un-gigawatt-d-eoliennes_6167189_3234.html



Sécurité du développement de la filière Hydrogène_ Rapport IGED

 Sécurité du développement de la filière Hydrogène Rapport n° 014277-01 (IGED ; Inspection Generale de l’environnement et du développement durable)

Auteurs : Emmanuel Clause – CGE,Bernard Larrouturou – IGEDD,Michel Rostagnat – IGEDD,Isabelle Wallard – CGE

 Plus de questions que de réponses

Si l’on peut penser que les questions liées à la sécurité Hydrogène sont bien maı̂trisées par les grands industriels rompus à la culture du risque et attentifs à assurer la sécurité de leurs processus de production, le développement des usages dans le secteur de la mobilité, et potentiellement dans d’autres secteurs, fait intervenir un grand nombre de nouveaux acteurs, ce qui soulève de nouvelles questions en matière de sécurité et nécessite de nouvelles approches en matière de gestion des risques et de réglementation.

Pour la mobilité, les projets foisonnent mais l’écart reste grand entre les rêves et les réalisations. Annoncée par le gouvernement le 8 septembre 2020, la stratégie nationale de développement de

l’hydrogène décarboné prévoit 7 Md€ de soutien public d'ici à 2030 (dont 4 Md€ pour compenser les coûts de l’hydrogène bas carbone) pour assurer la souveraineté technologique française et déployer

une capacité de 6,5 GW d’électrolyse d’ici à 2030 sur le territoire national. Les usages de cet hydrogène décarboné concernent l’industrie et la mobilité lourde. En revanche, le recours à l’hydrogène pour la mobilité légère et l’équilibre du système électrique n’est pas envisagé à court terme et les questions de transport et de stockage ne sont pas évoquées ; de plus, la stratégie nationale ne prévoit pas d’importation d’hydrogène, conformément au principe de souveraineté énergétique fixé dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) approuvée en avril 2020. La priorité de la stratégie nationale porte donc sur le développement en France de la production par électrolyse.

La mission recommande aussi que l’ensemble des leviers mis en place par l’Etat pour soutenir le développement de la filière soient mobilisés afin d’accroı̂tre la sécurité. Elle préconise d’inclure dans les appels à projets un volet sur la sécurité et de demander aux porteurs des projets aidés sur crédits publics un retour d’expérience en la matière ; d’approfondir les analyses des accidents et incidents liés à l’hydrogène, et d’améliorer leur partage au sein de la profession ; de veiller à maintenir au meilleurniveau l’expertise publique sur la sécurité Hydrogène

Un peu de prospectives-Ordres de grandeurs

Pour la France le scénario « Hydrogène+ » de RTE (Réseau de transport d’électricité), dans lequel les usages de l’hydrogène se développeraient massivement au détriment des autres sources d’énergies

décarbonées, prévoit à l’horizon 2050 une consommation de 130 TWh/an d’hydrogène produit en France par électrolyse ; soit, compte tenu du rendement de l’électrolyse, un appel de l’ordre de 200 TWh/an d’électricité, à comparer à la consommation d’électricité actuelle, soit 439 TWh/an en 2018.

Un tel scénario implique donc une progression très importante de la production nationale d’électricité,notamment renouvelable.

Ces chiffres sont si importants qu’on ne peut pas faire l’hypothèse d’un hydrogène produit en Europe à bas coût uniquement à partir de l’électricité renouvelable excédentaire. Notamment, certains acteurs voyaient jusqu’à récemment le vecteur énergétique hydrogène comme un moyen peu coûteux de stocker des « surplus d’énergie électrique », ce qui permettrait d’augmenter la flexibilité du système énergétique national. Cette perspective apparaı̂t aujourd’hui comme très hypothétique : il est très peu probable qu’elle se concrétise avant la décennie 2040.

Dans ce contexte, pour atteindre les objectifs stratégiques affichés, on ne peut que souhaiter que les Etats européens, et la France en particulier, accélèrent le développement de capacités de production d’électricité bas-carbone, c’est-à-dire renouvelable et nucléaire. Il s’agit clairement d’un autre déterminant clé pour l’avenir de la filière Hydrogène.

 


Production d’hydrogène : des projets industriels très dépendants du financement public

Dans le cadre du plan de relance, l’Etat français a lancé un appel à manifestations d’intérêt (AMI) traité à titre dérogatoire dans le cadre des aides d’Etat susceptibles d’être attribuées à des projets importants d’intérêt européen commun (Piiec), en lien avec la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne.

Dans ce cadre, 15 projets ont été présentés à la Commission en 2021 au titre de la pré-notification :Le projet Masshylia vise à approvisionner en partie la raffinerie TotalEnergies de la Mède,l es projets d’Air Liquide en Normandie et à Dunkerque, le projet Hynovi de Vicat et Hynamics, à Montalieu-Vercieu (38), vise à capturer et utiliser le dioxyde de carbone issu des cimenteries pour le transformer en méthanol

On peut trouver logique la production au plus près d’installations de production d’électricité éolienne ou photovoltaı̈que dispersées, mais on peut aussi s’interroger sur l’intérêt d’investir dans des électrolyseurs connectés à des sources d’énergie intermittentes isolées et qui ne bénéficieront pas d’effets d’échelle. Tout en favorisant la constitution de grosses entités d’électrolyse, la mise en oeuvre de la stratégie française inclut un volet de soutien à des petites installations, ce qui permet de produire de l’hydrogène à proximité d’usages locaux, notamment dans le domaine de la mobilité, ou bien là où le réseau est fragile comme en Guyane.

En réalité, la production devra être faite au plus proche des utilisations industrielles, ce qui a abouti à la définition de 7 grands bassins hydrogène

Utilisation de l’hydrogène pour le stockage d’énergie : Dans les futurs réseaux électriques, l’hydrogène est envisageable pour stocker de l’énergie produite à partir de sources d’énergie intermittentes (éolien, solaire). Ce type de solution est envisagé pour améliorer l’approvisionnement en électricité de zones non interconnectées. Ce rôle de « l’hydrogènevecteur énergétique » pourrait aussi permettre de transporter de l’énergie sur de longues distances, par exemple entre les éoliennes en mer éloignées des côtes et le continent.  ( ??)

Une barge expérimentale pour la production d’hydrogène au pied d’éoliennes en mer est en cours de test au large de Saint-Nazaire . Un des objectifs à terme de ce projet, porté par l’entreprise Lhyfe, est de pallier la difficulté d’acheminement de l’électricité depuis des éoliennes en haute mer : l’alternative serait de transformer l’électricité en hydrogène sur la plateforme offshore et de transporter l’hydrogène par canalisation vers le continent. A terme, il s’agira d’arbitrer entre le coût de la connexion électrique et la perte de rendement liée à la production d’hydrogène. Pour l’instant, il s’agit d’expérimenter la technologie d’électrolyseur dans les conditions des éoliennes en mer.

 Mobilité : utilisation réduite à quelques secteurs

Les gestionnaires sont tous, à ce jour, dans une démarche d’expérimentation, et ils sont conscients que les bus à hydrogène ne présentent pas encore toutes les garanties de fiabilité.  RATP considère que l’hydrogène a vocation à occuper deux segments spécifiques : les bus articulés de 18 m (ce qui représente aujourd’hui 400 bus sur les 4 000 de son parc francilien), que les batteries électriques ne savent pas alimenter une journée entière sans recharge, et les minibus de long parcours en grande banlieue. La RATP estime que, en 2030, les bus à hydrogène représenteront quelques % de sa flotte de bus, qui sera essentiellement constituée à cet horizon de bus biocarburants ou batterie.

Il faut toutefois garder à l’esprit que l’équilibre économique de ces solutions de mobilité n’est aujourd’hui assuré que par un apport substantiel de crédits publics.

Le déploiement des stations de distribution : au dernier trimestre 2022, une cinquantaine de stations sont en service en France 46 . Une part substantielle de ces stations distribuent de l’hydrogène produit sur place – par électrolyse – et les autres sont alimentées par des bouteilles transportées par camion. L’hydrogène est stocké en station en phase gazeus , à des pressions pouvant aller jusqu’à 500 bars voire 1000 bars pour pouvoir alimenter les réservoirs à 350 ou 700 bars placés dans les véhicules. La quasi-totalité des stations stockent une quantité d’hydrogène inférieure à 1 t.En fait la pression dans le réservoir du véhicule et dans le tuyau de remplissage varie au cours du remplissage. De plus, l’hydrogène est refroidi à -40 °C pour éviter d’atteindre des températures trop élevées en fin de remplissage.

En terminant cette description de la dynamique du déploiement des stations à hydrogène, la mission tient à rappeler que l’équilibre économique de ces activités est aujourd’hui assuré par un apport de crédits publics, et que la rentabilité à terme reste encore incertaine

Conclusion sur la mobilité

En conclusion des sections 3.1 et 3.2, la mission souhaite insister sur le fait que, dans le domaine de la mobilité terrestre, l’hydrogène n’a pas vocation à occuper l’ensemble des créneaux, mais seulement quelques-uns. C’est vrai des transports publics urbains où il semble pertinent pour une partie relativement ciblée du transport par bus, et cela semble vrai aussi pour les taxis dans certaines grandes métropoles. L’hydrogène peut aussi être pertinent pour certains segments du transport interurbain par autocars. Il peut l’être aussi pour des engins utilisés sur des sites industriels ou logistiques, lorsqu’ils sont employés de façon intensive et que la brièveté du temps de recharge est un paramètre crucial.

En la matière, on en est encore au stade des expérimentations, même si certaines sont plus avancées que d’autres. Ces zones de pertinence de l’hydrogène ne peuvent pas encore être complètement cernées de façon définitive, d’autant plus que les expérimentations et les projets en cours devront à un moment « réussir le test de leur rentabilité économique », qui n’est pas acquise aujourd’hui.


Des perspectives à clarifier pour le transport maritime et pour les ports ; plus de questions que de réponses

L’alimentation par batterie électrique est exclue dans le cas des navires transocéaniques, compte tenu du volume, du poids et du coût des batteries nécessaires à la tenue en mer pendant plusieurs jours. L’hydrogène pourrait se positionner sur ce marché ( ??). Toutefois, c’est plutôt dans l’assistance portuaire et dans les court- et moyen-courriers (le ferry notamment) qu’il pourrait dans un premier temps trouver sa place (probablement sous la forme liquide à -253 °C) – en concurrence avec d’autres énergies possibles. Dans tous les cas, ces perspectives sont de moyen ou de long terme et il reste de nombreux obstacles à franchir

Plus généralement, il n’existe pas aujourd’hui de consensus international sur le choix d’un combustible neutre en carbone pour le transport maritime : les candidats sont nombreux et beaucoup utilisent l’hydrogène ou ses dérivés (hydrogène, méthanol, ammoniac, GNL avec CCS, e-carburants, biocarburants, …). La priorité actuelle consiste donc à favoriser l’expérimentation d’un certain nombre de ces technologies et d’en tirer le maximum d’enseignements

Face à ces perspectives encore imprécises, les ports maritimes français s’interrogent, et ils manquent encore d’une vision réaliste des besoins. Il est vrai que le bouquet énergétique susceptible d’être demandé par la clientèle est large, comme l’a décrit un récent rapport du CGEDD et du CGE

Un premier pas significatif pourrait être celui de l’alimentation à quai des navires par barge, prévue à Rouen à l’horizon 202563. Autre exemple de réflexion en cours : le port de Bordeaux réfléchit aussi à la façon de mobiliser les quelques 3 000 t/an d’hydrogène fatal produites par un industriel local.

Schématiquement, on peut résumer les questions auxquelles les ports maritimes français font face de la façon suivante :

· Pour décarboner les navires, aussi bien au cours de leur séjour au port que durant leur navigation, quelles énergies les ports devront-ils fournir à quai dans le futur : de l’électricité, de l’hydrogène, d’autres sources d’énergie (biogaz, e-fuels, ammoniac, méthanol, etc.) ?

· Quelles seront dans dix ou vingt ans les principales sources d’énergie apportées dans les ports français par voie maritime (hydrogène, ammoniac, LOHC, autres sources décarbonées…) et quelles capacités de transformation, de stockage et de transport devront être prévues en proximité ?

· Quelles évolutions les ports devront-ils mettre en oeuvre dans leurs relations et leurs interactions avec leur environnement industriel – sachant que les environnements industriels des ports seront particulièrement impactés par le développement de l’hydrogène et qu’ils incluront une très grande part des capacités françaises de production d’hydrogène décarboné

L’entreprise HdF Energy porte le projet Elementa de barge Hydrogène à Rouen, qui consiste à alimenter en électricité*ou éventuellement en hydrogène les navires à quai ; l'intérêt de la barge est qu'elle peut se déplacer facilement d’unnavire à l’autre, ce qui évite au port de coûteux investissements en infrastructures. HdF Energy se positionne aussi sur un projet conjoint avec Fincantieri de conversion des navires à l’hydrogène, projet qui sollicite un soutien public au titre des projets Piiec.

 Le transport interrégional et intra-européen et le stockage d’hydrogène un saut technologique, de qq km à plusieurs centaines voire milliers dont la faisabilité reste à confirmer

Le transport d’hydrogène en France :  il existe déjà en France, depuis quelques décennies, du transport d’hydrogène par canalisation, principalement sur le « réseau privé » appartenant à Air Liquide. L’hydrogène (gris) est transporté à l’état gazeux sur quelques kilomètres ou quelques dizaines de kilomètres, depuis un site de production vers des sites industriels.

Il est difficile d’imaginer une perspective de développement de l’hydrogène décarboné dans laquelle l’adéquation entre les localisations respectives de la production et de la consommation serait suffisamment bonne pour permettre de ne pas avoir besoin de transporter l’hydrogène. Le transport interrégional permettra aussi de mettre en réseau les bassins d’utilisation de l’hydrogène avec les principaux sites de stockage

GRTgaz porte avec des partenaires allemands deux projets expérimentaux de conversion de canalisations existantes pour le transport d’hydrogène : le projet MosaHYc (Moselle Sarre hydrogenconversion) et le projet RHYn (Rhine hydrogen network) sur deux réseaux transfrontaliers de 70 et de 100 km respectivement . Sur la base de ces expériences les acteurs du transport du gaz (en France et en Europe) considèrent qu’ils seront en mesure d’entamer dans un petit nombre d’années le déploiement du transport d’hydrogène par canalisation. Ce déploiement se ferait principalement par conversion de canalisations existantes utilisées aujourd’hui pour le transport du gaz naturel. Les travaux de R&D et les projets d’expérimentation en cours devraient permettre de clarifier avant 2024-2025 les incertitudes qui restent au plan technique et de confirmer la faisabilité de conversion à l’hydrogène d’une grande partie des canalisations existantes utilisées aujourd’hui pour le gaz naturel.

Même si elle reste à confirmer, cette conviction de la faisabilité technique et économique du transport d’hydrogène par canalisation a permis aux acteurs de la filière de préciser la perspective concernant ce qu’ils estiment être nécessaire en matière de déploiement d’infrastructures de transport dans les prochaines années. Ainsi, une forme de consensus émerge depuis peu au sein de la filière sur le besoin de commencer à disposer, d’ici à la fin de la décennie 2020, d’une capacité de transport interrégional par canalisation pour relier entre eux les « bassins Hydrogène » (et les sites de stockage géologique.

Le document « Trajectoire pour une grande ambition Hydrogène » de France Hydrogène donne une estimation de 700 km de canalisations d’hydrogène en France en 2030.

L’idée d’utiliser un mélange de gaz naturel et d’hydrogène n’est pas une piste d’avenir. Cependant, GRDF note que ses homologues dans d’autres pays n’ont pas totalement renoncé à cette piste, et reste en veille sur le sujet

Le transport d’hydrogène intra-européen : ’Allemagne et les Pays-Bas envisagent d’importer massivement de l’hydrogène vert, qui pourrait :

-soit provenir d’autres pays européens et être transporté par canalisation ; on pense notamment à de l’hydrogène qui serait produit  au sud de l’Europe (par exemple en Andalousie) en utilisant de l’électricité d’originesolaire ;

-ou au nord de l’Europe en utilisant de l’électricité d’origine éolienne (par exemple, dans les eaux danoises ou norvégiennes) ;

-soit provenir d’autres régions du monde ; on pense notamment ici à de l’hydrogène vert qui serait produit  en Afrique du nord en utilisant de l’électricité d’origine solaire, puis serait transporté vers l’Allemagne ou le Benelux par canalisation à travers la France ou l’Italie, ou dans des régions plus lointaines et transporté vers l’Europe par voie maritime.

Dans ce cadre du European hydrogen backbone, ces entreprises ont proposé une première vision de ce que pourrait être le réseau de transport d’hydrogène en Europe à l’horizon 2040, avec environ 40 000 km de canalisations (majoritairement converties à partir de canalisations existantes), dont 4 000 km environ en France. La perspective de 700 km de canalisations d’hydrogène en France en 2030 présentée dans la section 4.1.1 s’intègre donc dans la vision du European hydrogen backbon 

Tout en exprimant leur conviction sur l’importance de développer les infrastructures de transport d’hydrogène, en France et en Europe, les interlocuteurs avec qui la mission s’est entretenue sur ces sujets conviennent que la question du rythme auquel il faudra développer ce réseau de transport est aujourd’hui entachée de grandes incertitudes . Plusieurs observateurs notent l’ampleur des incertitudes sur les projections de la demande et de la production d’hydrogène, et soulignent le risque important de « coûts échoués » qui pourrait résulter d’un développement surdimensionné des infrastructures de transport.

La mission note à ce propos qu’elle n’a pas connaissance d’études analysant de façon précise comment se comparent, notamment du point de vue économique, les différentes options possibles en matière de transport intra-européen : vaut-il mieux transporter l’hydrogène sur de longues distances par canalisations, ou privilégier son transport par voie maritime lorsqu’il est possible, ou encore privilégier le transport d’électricité par lignes haute tension ?

Le stockage d’hydrogène

En France, l’opérateur majeur du stockage est l’entreprise Storengy, filiale d’Engie spécialisée dans le stockage souterrain de gaz naturel. Elle dispose en France de 14 sites de stockage souterrain : neuf en nappes aquifères, quatre en cavités salines et un en gisement déplété. L’entreprise Teréga gère aussi 2 sites de stockage souterrain dans le Sud-Ouest. La capacité de stockage de gaz naturel en France est proche de 130 TWh, ce qui représente environ 30 % de la consommation annuelle.

Storengy et Teréga sont engagées, avec leurs partenaires, dans plusieurs projets expérimentaux de stockage souterrain d’hydrogène, tous en cavités salines – plus appropriées au stockage de l’hydrogène que les aquifères. Trois projets sont portés par Storengy, un quatrième par Téréga

L’objectif de Storengy est de stocker 1 TWh d’hydrogène en 2030, et de convertir à l’hydrogène 100 % de ses cavités salines à l’horizon 2050

Il est estimé que les capacités de stockage en cavités salines sur le territoire national sont comprises entre 3 et 5 TWh. Dans son étude sur les futurs énergétiques de la France en 2050, déjà citée, RTE évalue le besoin de stockage d’hydrogène en France à plusieurs dizaines de TWh. Au regard de cette estimation – qui reste à préciser en fonction des scénarios envisagés – les capacités de stockage identifiées sont donc clairement insuffisantes.

Importer ou non de l’hydrogène : sous haute pression allemande !

La stratégie française de septembre 2020 s’inscrivait dans le cadre de la stratégie européenne de juillet 2020, qui ne fixait pas d’objectif concernant les importations d’hydrogène. Mais le plan RePowerEU de mai 2022 fixe désormais des perspectives très différentes, avec un objectif 2050 d’importer en Europe une quantité d’hydrogène décarboné aussi élevée que la quantité d’hydrogène décarboné produite sur le territoire européen. Ce plan impacte clairement les projets des acteurs, en France et dans les autres pays européens, et il crée notamment un effet d’accélération des projets de transport d’hydrogène.

Face à ces nouvelles perspectives, face aux besoins que formuleront les industries lourdes principalesconsommatrices d’hydrogène en France, face aussi aux limites des capacités de stockage souterrain d’hydrogène sur le territoire national, face enfin aux questions que soulèvent certains de ces projets de transport (avec notamment le risque pour la France de devenir un « pays de transit » de l’hydrogène, qui serait transporté par canalisation à travers notre pays en provenance de l’Espagne ou de l’Afrique du nord et à destination de l’Allemagne et du Benelux – avec toutes les questions que cela pose du point de vue de la souveraineté et sur les plans économique et environnemental), la mission estime important que la France précise, dans ce nouveau contexte européen, sa stratégie sur la question d’importer ou non de l’hydrogène et sa vision de l’avenir du transport intra-européen de l’hydrogène

NB : cette question pose accessoirement celle d’une forme de néo-colonialisme qui verrait l’Allemagne importer massivement de l’hydrogène produits dans des pays africains manquant déjà d’électricité, lesquels en auraient bien besoin pour assurer leur développement décarbonné.

L’hydrogène, une molecules dangereuse – remember Hindenburg

L’hydrogène présente certaines caractéristiques qui induisent des risques spécifiques en matière de sécurité. 

- Sa molécule étant la plus petite de toutes les molécules, l’hydrogène gazeux est très léger et il a une diffusivité élevée. Ces caractéristiques se traduisent par des risques de fuites lorsque l’hydrogène gazeux est stocké dans des réservoirs ou circule dans des canalisations. De plus, l’hydrogène a la propriété de fragiliser certains matériaux métalliques, comme l’acier, car il peut pénétrer le cristal métallique et diffuser en son sein. 

-L’hydrogène est un gaz inflammable et explosif. Sa « plage d’inflammabilité » ou « d’explosivité » dans l’air se situe entre 4 % et 75 % ; elle est beaucoup plus étendue que celle du méthane et d’autres gaz. De plus, l’énergie minimale d’inflammation de l’hydrogène est particulièrement faible, inférieure à celle d’une légère décharge électrostatique, ce qui accroı̂t le risque d’incendie ou d’explosion.

- La température de flamme est d’environ 2 000 °C, plus élevée que la température de flamme du méthane. La flamme est invisible – sauf en présence d’impuretés – ce qui crée un risque supplémentaire pour les interventions de secours, d’autant plus qu’elle rayonne peu

L’ampleur du risque est fortement réduite à l’extérieur et en milieu ouvert : à l’air libre, l’hydrogène diffuse et s’élève très rapidement dans l’atmosphère et, si la combustion se produit, les risques de détonation sont très faibles. En revanche, le risque est sensiblement accru en milieu confiné. Ainsi, le stationnement des véhicules à hydrogène dans un parking couvert ou fermé, et leur circulation dans des tunnels, sont des situations à risques, sur lesquelles malheureusement la réglementation estaujourd’hui à peu près muette – ce qui est une des causes de l’attentisme de certains acteurs

Les risques liés au stockage d’hydrogène 

Ayant une molécule très petite, et ayant de plus une viscosité très faible, l’hydrogène stocké dans des réservoirs à l’état gazeux est particulièrement sujet aux fuites. Ce risque est fortement accru du fait que, à cause de sa faible densité énergétique, l’hydrogène gazeux est stocké à très haute pression : à 350, 700 ou 1 000 bars selon les configurations. Une très grande attention doit donc être portée aux matériaux des réservoirs dans lesquels l’hydrogène est stocké et des canalisations dans lesquelles il circule, ainsi qu’à tous les organes de raccordement (vannes, joints, etc.), que ce soit dans les installations industrielles, dans les autres installations fixes telles que les stations-service à hydrogène, ou à bord des véhicules. Cette attention porte non seulement sur la conception et la fabrication de ces équipements, mais aussi sur leur entretien, leur maintenance et leur contrôle.

Les risques liés au transport par canalisation 

Alors que les réservoirs d’hydrogène évoqués ci-dessus sont réalisés en matériaux composites, une partie des canalisations utilisées pour le transport ou la distribution du gaz (par exemple, pour le gaz naturel) sont en acier ou en alliages métalliques. De ce fait, le transport d’hydrogène dans ces canalisations présente des risques spécifiques car il a la particularité de dégrader les métaux. La littérature distingue d’une part la fragilisation par l’hydrogène, qui peut se traduire par un cloquage du métal en surface ou par l’absorption d’atomes d’hydrogène dans l’acier, provoquant la diminution de sa ductilité et une augmentation des contraintes mécaniques, voire des fissurations ; d’autre part l’attaque par l’hydrogène à haute température, qui conduit à une perte de résistance et de ductilité du matériau.

Il faut aussi mentionner ici un risque qui concerne les réservoirs d’hydrogène liquide à très basse température (-253 °C) : le Bleve (autre acronyme issu de l’anglais : « Boiling liquid expanding vaporexplosion »). Ce mot désigne la vaporisation violente à caractère explosif d’un liquide, consécutive à la rupture brutale du réservoir qui le contient : le phénomène peut survenir pour tout liquide cryogénique contenu dans une enceinte rigide et hermétique lorsqu’un apport thermique lui faitdépasser sa température d’ébullition. Le gaz libéré se mélange à l’air ; s’il est inflammable, comme l’est l’hydrogène, il peut former une boule de feu. 

Avant de décrire les principaux risques liés à l’hydrogène, précisons que les bases de données d’accidentologie, telles que la base Aria tenue par le Bureau d'analyse des risques et pollutions industriel  (Barpi) de la DGPR, sont relativement pauvres en ce qui concerne l’hydrogène. Au 1er janvier 2021, Aria recensait 377 accidents impliquant l’hydrogène dans le monde, sur une période de 30 ans, essentiellement dans l’industrie lourde consommatrice d’hydrogène (chimie, raffinage…), dont 251 en France, lesquels ont conduit au décès de 7 personnes. C’est le signe qu’en l’état actuel de ses usages, pour l’essentiel dans de grandes industries, le risque est relativement bien maı̂trisé

 A titre d’exemple, on peut évoquer quelques accidents notables liés à l’hydrogène.

Une explosion a eu lieu en 2019 dans une station-service délivrant de l’hydrogène à Kjørbo en Norvège. Cet accident, qui ne fit heureusement aucune victime, serait dû à un défaut d’étanchéité dans le dispositif de stockage, qui aurait permis une fuite lente puis soudaine.

D’après les estimations, c’est entre 1,5 et 3 kg d’hydrogène qui auraient été impliqués dans l’explosion. L’explosion a été suivie d’un incendie qui s’est propagé au bâtiment.



En 2004, une explosion causée par une fuite de 13 g d’hydrogène dans un laboratoire de l’Ifpen à Solaize (69) a détruit le local sans faire de victime.

Enfin, il faut signaler l’accident qui a tué deux personnes et blessé six autres personnes en mai 2019 dans un centre de recherches en énergies nouvelles de la ville de Gangneung dans la province du Gangwon en Corée du Sud. Selon les sources, l’origine de l’accident est liée à l’explosion d’un réservoir d’hydrogène ou à la défaillance d’un électrolyseur.


Autres risques

-Transport par camion : risque d’explosion des bouteilles 

-Effet de serre : Si l’hydrogène n’a en lui-même aucun effet radiatif, et donc aucune contribution directe à l’effet de serre, des recherches récentes montrent que, de par son influence sur d’autres gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère (le méthane, la vapeur d’eau et l’ozone notamment), son « potentiel de réchauffement global » est élevé

- Feux : Les questions liées aux conditions d’intervention des pompiers lors des accidents qui les ont mobilisés sont aussi des sujets essentiels.

- Electrolyseurs : la mission souligne aussi, sur la base de ses échanges avec certains industriels impliqués dans la fabrication d’électrolyseurs, que les risques liés aux électrolyseurs méritent une attention particulière, et que la « montée en maturité » de ces technologies demandera un suivi attentif. Dans ce domaine, les échanges avec les industriels sont cruciaux

- Risques en milieux  confinés : L’ampleur des risques est très différente selon que l’on considère des usages de l’hydrogène en plein air ou dans des milieux confinés. A l’air libre, la légèreté de l’hydrogène (15 fois plus léger que l’air) le conduit à s’élever rapidement et sa forte diffusivité contribue aussi à disperser et diluer rapidement l’hydrogène. Une flamme d’hydrogène peut se produire à l’air libre, mais le risque de déclencher une détonation est pratiquement nul. 

Les conditions sont très différentes en milieu confiné. La simple présence d’un toit ou d’un auvent couvrant un réservoir ou un véhicule peut contribuer, en cas de fuite, à créer une zone d’accumulation où la concentration de l’hydrogène peut permettre l’inflammation. Dans des conditions défavorables en milieu fermé, la possibilité de déclencher une détonation ne peut être exclue.

La parade la plus efficace contre le risque d’explosion consiste donc à ne pas installer des équipements et ne pas faire stationner des véhicules sous toiture, mais au contraire à l’air libre ou dans un espace pourvu d’une ouverture vers le haut 

Conclusion : L’utilisation de l’hydrogène est maîtrisée dans l’industrie lourde, mais la prise en compte de la sécurité par les nouveaux acteurs est un défi majeur