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samedi 14 juillet 2018

Raisons de détester l’Eurokom 8 : A la fin, c’est toujours l’Allemagne qui gagne

Europe et Eurokom

Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne.

Nous serons tous sacrifiés à l’Automobile Allemande

Volkswagen (avec Audi et Porsche), Mercedes et BMW représentent près de 80 % du marché mondial de l'automobile "premium". Mais cette industrie accumule les scandales dont l’emblématique Dieselgate aux multiples rebondissements : le groupe Volkswagen, de 2009 à 2015, a utilisé différentes techniques visant à réduire frauduleusement les émissions polluantes (de NOx et de CO2) de certains de ses moteurs diesel et essence lors des tests d'homologation. Plus de 11 millions de véhicules de ses marques Volkswagen, Audi, Seat, Škoda et Porsche sont concernés à travers le monde. L'affaire, sans équivalent dans l'histoire automobile, est révélée en septembre 2015 par l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) et a entraîné la démission du président du directoire du groupe, Martin Winterkorn. James Liang, ancien haut responsable de Volkswagen USA, est aujourd’hui en prison. A cela s’ajoute le monkey gate- les singes utilisés pour démontrer l’innocuité des rejets.

Peut-on se fier à une industrie qui multiplie les scandales depuis deux ans ? A une technologie qui, malgré les progrès annoncés en matière de dépollution sur les moteurs les plus récents, accumule un si lourd bilan ? Le crépuscule du diesel est annoncé, en Allemagne, le pourcentage de véhicules diesel est en chute libre (38,8 % des nouvelles immatriculations) et certaines villes ont programmé l’interdiction du Diesel à court terme. Les Chinois sont de plus en plus exigeants en matière de pollution et de réchauffement climatique et développent des véhicules électriques et le président Trump, qui s’énerve de voir le déséquilibre entre important de véhicules allemands aux US et exportations de véhicules américains en Europe menace de yaxer ces importations. 

L’automobile allemande, deutsche qualitat ou pas, est menacée, et l’Allemagne avec. Alors, lorsqu’à Sofia le 30 avril 2018, les Européens se réunissent pour tenter de taxer enfin les Gafa sur leur chiffre d’affaire réel dans chaque pays afin de limiter leurs optimisations fiscales, eh bien l’Allemagne dit non !  Pas question de risquer d’irriter les USA et d erisquer de les voir taxer les précieuses voitures allemandes. Et lorsque les taxes US deviennent effectives, l’Allemagne propose, sans consulter la Commission de Bruxelles et es partenaires européens…une baisse générale et internationale des taxes sur les voitures.

Bravo, bien joué : les voitures allemandes de luxe pourront continuer à être exportées, tandis que les voitures françaises de moyenne gamme seront davantage soumises à la concurrence asiatique. Génial. Et c’est ainsi que les allemands font de la politique européenne !

Vive le charbon allemand et merde au climat !

La décision de Mme Merkel en 2011 de sortie du nucléaire a évidemment renforcé le charbon et la très polluante et très inefficiente lignite pour compenser l’intermittence des énergies renouvelables – La production des centrale à houille couvre 17% du mix énergétique, et les centrales à lignite 23.1%. Bilan : les Allemands se moquent de leurs engagements climatiques et de ceux de l’Europe, leurs dégagements de gaz à effets de serre augmentent – il génèrent deux fois plus de GES par habitant que les Français et sont parmi les plus grands émetteurs mondiaux. Et, au gré des vents, les épisodes de pollutions s’accroissent, à l’est ou à l’ouest de l’Allemagne.

Vive non seulement le charbon, maos aussi la lignite ! L’Humanité du 6 juin 2018 raconte copmment, dans les trente dernières années, près de trente mille personnes ont dû quitter leurs villages et près de trois cent villages ont été détruits pour permettre l’extension de la mine géante de charbon de Garzweiler. Et ça ne s’arrête pas , bien au contraire :  l’électricien RWE, propriétaire de la mine accélère : le village de Keyenberg, ses fermes classées, ses mille habitants, ses églises historiques, tout va disparaitre et être sacrifié au charbon allemand. L’Allemagne s(est engagée à sortir du charbon en 2030 ? Les charbonniers allemands font comme s’ils n’avaient pas entendue, planifient leurs exploitations jusqu’en 2045 au moins, continuent à ouvrir de nouvelles mines- quitte à réclamer une indemnisation si l’Etat se décide un jour à arrêter leur exploitation. D’ailleurs, ils ont raison, puisque la ferlmeture du nucléaire a entriané une augmentation de la consommation de charbon.

Bref, l’Allemagne se moque dans les grandes largeurs du chaos climatique et de la pollution, et personne ne le lui reproche !

 L’immigration, c’est quand et comment ça arrange l’Allemagne

Dans un blog précédent (L’Eurokom, son immigration, sa démographie), je rappelais comment en 2015, Angela Merkel avait décidé d’ouvrir très grand « Wir Shaffen das » ! les portes de l’immigrations en proposant d’accueillir un million d’émigrés et de réfugiés- compte-tenu de la démographie allemande, le patronat était très demandeur d’immigrés dociles et travailleurs, qu’il espérait facile à former. Les agressions sexuelles en meute de la Noël 2016, la déception du patronat quant à la facilité d’adaptation et à la volonté de travail de leur recrues, la colère d’un peuple allemand qui n’avait guère était consulté, et la politique a changé. Plus question d’accepter en Allemagne des immigrés ayant d’abord traversé un autre pays européen – les « dublinés ». C’est facile, quand on est un pays central, et que du coup, on laisse l’Italie se débrouiller face à une vague migratoire inédite- et que même de généreux bateaux allemands vont récupérer auprès des passeurs libyens des immigrés qu’ils ramènent dans les ports italiens.

L’immigration, c’est quand et comment ça arrange l’Allemagne.

L’euro, c’est comment ça arrange l’Allemagne !

Pendant la réunification allemande entre 1990 et 2001, les pays européens, dont la France au premier chef, dans le cadre du serpent monétaire, ont accepté de payer des taux d’intérêts plus élevés que leur seule situation l’autorisait : ils ont ainsi participé au financement de cette réunification. La contrepartie, dans l’idée de Mitterrand avait une contrepartie, l’acceptation par l’Allemagne d’une monnaie commune et unique, l’euro, d’une unification monétaire prélude à une unification économique plus importante devant apporter puissance et prospérité.
De monnaie commune, il n’y eut pas : l’euro est une monnaie allemande, faite pour servir les intérêts allemands. L’euro n’est pas fait pour soutenir l’activité économique dans la zone euro, , il n’est pas fait pour faciliter les exportations françaises, italiennes, espagnoles – il est pile poil réglé pour les intérêts de l’industrie allemande. L’euro n’est pas là pour faciliter la convergence des économies européennes ; bien au contraire, faute de transferts massifs ( comme entre les différents états US), il en accentue la divergence ; l’euro renforce l’industrie allemande et participe à la désindustrialisation de la France, de l’Espagne, de l’Italie.

Faute de transferts budgétaires massifs d'un pays à l'autre, la divergence des économies est appelé à croître-et de transferts massifs, il semble désormais clair qu'il n'y aura pas.

Surtout l’euro sert d’abord à ce qui constitue l’objectif principal de l’Allemagne, compte-tenu du grand problème allemand, le problème démographique : la protection des avoirs des retraités allemands. L’euro est une monnaie de vieux épargnants soucieux de préserver leur capital-retraite. De retraités allemands ; car pour les retraites en France, en Espagne, en Italie, pour ne rien dire de cette boucherie économique absolue que fut le « plan d’aide » à la Grèce. Lequel plan fut d’abord un plan d’aide à l’euro : pour un temps, les Allemands eurent vraiment peur pour l’euro, pour un euro qui sert si bien leurs intérêts.

En fait l’Allemagne a voulu exercer une domination monétaire sur l’ensemble de la zone euro, parce qu’elle n’a confiance en personne pour gérer « sa » monnaie. Fréderic Lordon a parlé de cet hégémon monétaire qui, pour fonctionner exige différentes conditions : 1) veiller à ne pas laisser sa balance courante devenir par trop excédentaire, voire la maintenir déficitaire, pour soutenir l’activité dans la zone, équilibrer les autres balances et éviter les crises de change (ou bien, en régime de monnaie unique, les ajustements meurtriers de la « dévaluation interne ») ; 2) assurer la fonction névralgique de fournisseur en dernier ressort de la liquidité internationale. S’établir confortablement dans la position du prêteur international en dernier ressort suppose en effet une « complexion monétaire » telle que celle des Etats-Unis, entièrement décontractés avec l’idée de création monétaire, aisance et coudées larges auxquelles le système financier mondial doit d’avoir été sauvé du désastre à plusieurs reprises depuis 1987, et encore depuis 2007-2008.

Or l’Allemagne a une phobie furieuse de la création monétaire - une majorité d’Allemands désire que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe impose l’arrêt du programme de rachat de dettes souveraines de la BCE (OMT) lors de la crise des dettes souveraines de 2010-2013.- le premier opposant étant le président de la Bundesbank !

Bref l’Allemagne a voulu tous les avantages de la direction de l’euro sans en assumer aucun des devoirs. « C’est avec cette force lancée droit devant elle, sans but ni raison autre que le maintien à tout prix de sa raison monétaire à elle, avec cette force dont on se demande alors ce qu’elle fait embarquée dans cette aventure collective qui fondamentalement ne lui convient en rien, puisque le partage de la souveraineté monétaire était dès le début voué à lui être une plaie vive, c’est avec cette force aveugle et sans projet au-delà d’elle-même, donc, que les Européens s’obstinent à vouloir une monnaie partagée » (Frédéric Lordon)



dimanche 8 juillet 2018

Vive la Coopération franco-chinoise !


Donfeng et la Volvo Race

La Volvo Race , c’est  à l'origine la mythique Whitbread Round the World Race fondée en 1973. Dans son format actuel,  elle compte 9 étapes, représente environ 120 jours de mer et a la réputation d’être la course la plus extrême à la voile autour du monde en équipage et avec escale : 45.000 miles soit environ 83.000 kilomètres, 4 océans, 6 continents avec 12 villes escales...

Le bateau chinois de Dongfeng, skippé par le Français Charles Caudrelier, s'est imposé dimanche1er juillet comme le grand vainqueur de la 13e édition de la Volvo Ocean Race, au terme d'une dernière étape pleine de suspense, bouclée à La Haye. Devant des dizaines de milliers de personnes rassemblées sur la digue, Dongfeng est devenu le premier bateau battant pavillon chinois à remporter une épreuve nautique de cette importance.

La victoire s’est jouée de très peu entre entre MAPFRE, Team Brunel et Dongfeng Race Team. Grâce à une prise de risque stratégique maximale au moment de négocier les zones interdites à la navigation en Mer du Nord, Dongfeng Race Team a décroché dimanche à La Haye sa première victoire d’étape depuis le départ d’Alicante en octobre et du même coup remporté l’édition 2017-2018 de la course autour du monde en équipage.!

En s’engageant en 2014 dans la Volvo Ocean Race, Dongfeng, le fabricant de voitures et de camion, actionnaire également de Peugeot-Citroën, avait un double projet : développer sa communication à l’international et former des marins chinois. C’est à des Français, Bruno Dubois, directeur du Team, et Charles Caudrelier, le skipper, que la mission a été confiée. .oers de la première participation en 2014, l’équipage franco-chinois avait déjà obtenu une troisième place qui avait surpris – d’autant que le bateau avait dématé au large du Cap Horn et avait du se détourner vers Ushuaïa ; ; à la deuxième participation, c’est une victoire !

Bravo à cette collaboration franco-chinoise victorieuse et à l’équipage ( franco-chinois, mais pas seulement- quelques anglais !, une hollandaise, une Suisse ) : Charles Caudrelier, skipper,  Marie Riou, Jérémie Beyou, Pascal Bidégorry, Kevin Escoffier, Chen Jinhao, Fabien Delahaye, Franck Cammas, Liu Xue, Jack Bouttell, Daryl Wislang, Justine Mettraux, Stu Bannatyne, Carolijn Brouwer.

La Chine démarre le premier EPR

Le 7 juin 2018,  la Chine a démarré le premier réacteur nucléaire de dernière génération  EPR de la planète à Taishan. Il entrera en service commercial cet été, notamment pour alimenter la mégapole de Canton, dans la dynamique province du Guangdong qui fait figure d’« atelier du monde ». Le second réacteur de Taishan doit être raccordé au réseau en 2019.

L’EPR comporte des éléments de sûreté bien plus importants que les réacteurs de génération 2, notamment une double enceinte de béton et un réceptacle sous la chaudière nucléaire pour récupérer les éléments hautement radioactifs en cas de fonte du cœur. Ce sont ces éléments de sûreté, une exploitation plus informatisée, une baisse des coûts de maintenance et une très forte puissance (1 650 MW électrique, 4 500 MW thermique) qui en font ses principaux atouts

Ces deux EPR avait été vendus par Areva à la Chine en 2007. Ils sont le fruit d’une coopération franco-chinoise lancée dès le début des années 1980, qui a d’abord débouché sur la construction de quatre « tranches » de deuxième génération sur les sites de Daya Bay et Ling Ao. Elle s’est prolongée dans le cadre de la Taishan Nuclear Power Joint Venture Company Limited, une coentreprise détenue à 70 % par China General Nuclear Power Corporation (CGN) et à 30 % par EDF.

Le premier béton avait été coulé à Taishan en 2009, soit presque deux ans après Flamanville et quatre ans après le finlandais d’Olkiluoto. Parti le dernier, l’EPR chinois arrive le premier bien qu’ayant aussi connu quelques retards : des malfaçons ont été détectées en 2015 sur la cuve des réacteurs, un élément central pour la sûreté. Conçues par Areva, les chaudières de Taishan ont toutefois été fabriquées en Chine par Dongfang Electric Corporation et n’ont pas connu les concentrations anormales de carbone sur le fond et le couvercle détectées sur la cuve de Flamanville, qui a été forgée dans l’usine Framatome (ex-Areva NP) du Creusot. Les Chinois ayant mieux travaillé, curieusement, ils ont été davantage freinés car leur position de pionnier service du réacteur : « Dans la mesure où aucune unité de génération d’énergie avec la technologie EPR n’a été mise en opération commerciale dans le monde, Taishan doit conduire plus d’expériences et de vérifications du design et de l’équipement. »

 Ces retards doivent être relativisés : les EPR, des réacteurs à eau pressurisée, sont conçus pour fonctionner au moins soixante ans

La Chine est l’un des rares pays à prendre au sérieux ses engagements climatiques et, grâce à un effort gigantesque (voyez le développement des scooters et véhicule électriques) à contenir puis diminuer ses dégagements de gaz à effets de serre. Le nucléaire civil  joue un rôle primordial important dans cette stratégie, o ù la France, pionnière en ce domaine, joue un rôle encore important et ancien- voir mon précédent blog (Le nucléaire franco-chinois : histoire d’un extraordinaire succès)

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samedi 7 juillet 2018

Fukushima et la campagne de la peur

Nous avons assisté ces derniers temps à des attaques déchaînées d’un certain nombre d’écologistes contre le nucléaire français, notamment avec le rapport de la Commission présidée par Mme Pompili ( dont le compte-rendu a été dénoncé par les élus républicains) et le chantage à la démission quasi-permanent de Hulot- alors que le nucléaire constitue pourtant l’un de nos principaux atouts en terme de lutte contre le chaos climatique et la précarité énergétique, pour notre économie, pour la sécurité et la continuité de l’approvisionnement électrique, et pour l’indépendance nationale.

Dans cette campagne de la peur, Fukushima est utilisé comme l’argument massue. Revenons donc sur ce qui s’est passé et sur le bilan, 7 ans après.

Les faits : le plus important séisme mesuré au Japon

Le vendredi 11 mars 2011 à 14 h 46 min 23 s heure locale, a eu lieu le plus important séisme mesuré au Japon. Son épicentre se situe à 130 km à l'est de Sendai, chef-lieu de la préfecture de Miyagi, à environ 300 km au nord-est de Tokyo. Cinquante-et-une minutes plus tard, un tsunami provoqué par le tremblement de terre aborde la côte orientale. La vague atteint une hauteur estimée à plus de 30 m par endroits, parcourant jusqu'à 10 km  l'intérieur des terres, ravageant près de 600 km de côtes et détruisant partiellement ou totalement de nombreuses villes et zones portuaires.

La centrale nucléaire de Fukushima Daini est située à 145 km de l’épicentre. L'installation, ayant été bâtie pour résister à un séisme de magnitude 8 et à un tsunami de 5,7 mètres de haut, est entièrement inondée. Le tsunami a eu pour conséquences une dégradation des prises d’eau en mer conduisant à la perte de la source froide, puis à la perte des Diesels de secours des réacteurs 1 à 4. Ceux-ci, à la suite de la perte d’autres systèmes de sécurités ne sont plus refroidis et les cœurs des réacteurs 1,2 et 3 fondent et le « corium » formé perce la cuve et s’épand sur le socle en bêton (non, il ne traverse pas la terre comme dans le syndrome chinois !).

Entre le 11 et le 15 mars, les toits des réacteurs 1,2 et 3 explosent  les uns après les autres, ces explosions sont provoquées par de l’hydrogène rejeté volontairement pour faire baisser la pression malgré la charge du nuage engendré en radionucléides. Le 15 mars, les travailleurs du site sont évacués, seuls 50 restent sur place pour stabiliser la situation. En même temps, un ordre d’évacuation initialement de 2km, puis très rapidement de 20 km autour de la centrale est donné.

A noter : A Fukushima même, les réacteurs 5 et 6, construits postérieurement aux quatre premiers réacteurs, sur une plate-forme située à une dizaine de mètres plus haut, n'ont quant à eux pas été atteints. Une autre centrale nucléaire Onagawa, plus proche de l’épicentre que Fukushima (80 km) n’a subi aucun dommage.

Bilan et conclusion : le nucléaire japonais redémarre

Depuis 2011, la situation à Fukushima est suivi par l’ UNSCEAR, Comité Scientifique des Nations Unies pour l’Etudes des Rayonnements Ionisants créé en 1955 par l’Assemblée Générale des Nations Unies et composé d’experts scientifiques nommés par les Etats Membres- son rôle est un peu comparable à celui du GIEC pour le climat. Bilan : 7 ans après :
Hormis six décès dus à des accidents de chantier survenus sur le site de la centrale, l’accident de Fukushima n’a  fait aucun mort..  Alors quand les media annoncent, comme ils le font souvent, que le séusme, le tusnami et Fukushima ont fait 18.400 morts environ, nous ne sommes pas loin de la Fake news et de la manipulation. C’est le tremblement de terre et le tsunami qui sont responsables des morts.

L’accident de Fukushima n’ a pas a eu des conséquences sanitaires importantes.

 C’est ce qu’établissent les enquêtes sanitaires conduites dans la région et notamment la grande enquête initiée par l’ONU et à laquelle participent des laboratoires d’universités japonaises, dont celle de la Préfecture de Fukushima. Les premières conclusions, publiées en février 2016 (et disponibles en français sur Internet) indiquent que les contaminations ont été dans l’ensemble très limitées et que l’on ne s’attend pas (dans les années à venir, au cours desquelles la surveillance sanitaire sera maintenue ) à une augmentation observable des maladies, ni auprès des travailleurs ayant reçu les plus fortes doses de radioactivité, ni, a fortiori, auprès des populations riveraines qui ont été rapidement évacuées des régions contaminées. Rappelons que l’enquête a porté sur les 2 millions de personnes habitant la Préfecture de Fukushima au moment de l’accident avec des évaluations particulières sur près de 565 000 d’entre elles, ainsi que des bilans thyroïdiens effectués sur 368 000 enfants. Les statistiques sanitaires sont en tout point comparables à celles des autres régions du Japon non touchées par les retombées de l’accident. Concernant les femmes enceintes, les mêmes constats sont portés sur les fausses couches, les naissances prématurées et les malformations qui ne traduisent, dans la région étudiée, aucune recrudescence par rapport aux moyennes nationales

L’accident de Fukushima a eu des conséquences environnementales limitées.

L’accident a dispersé l'équivalent d'environ 10 % de l'accident de Tchernobyl. La pollution maritime a été importante les premiers jours dans un rayon de 30 km mais a considérablement décru au bout d’un mois. Dès début 2012, les poulpes et mollusques étaient jugés consommables. Pour les poissons au sommet des chaines alimentaires, ce fut un peu plus long, mais la situation est aujourd’hui rétablie. L’ UNSCEAR conclut   « De manière générale, les expositions des écosystèmes terrestres et aquatiques (eaudouce et eau de mer) ont été trop faibles pour que l’on observe des effets aigus. Les éventuels effets seront transitoires par nature, du fait de leur faible durée »

 Les villages évacués ont été rouverts à la population et 95 % du site de Fukushima lui-même est accessible sans combinaison spéciale.

Encore une confusion souvent entretenue : les cent vingt mille déplacés, ce sont aussi pour la plus grande partie des déplacement dus aux conséquences du plus terrible tsunami que le Japon ait connu.

Avant l’accident de Fukushima, le pays comptait 54 réacteurs disponibles, tous ont été arrêtés et très peu ont été remis en route-. Cela a eu une conséquence, : l’électricité nucléaire (29% de l’ensemble en 2010) a été remplacée, en 2014, par le gaz (+17,2%), le charbon (+6%), le pétrole (+2,6%) et les renouvelables non hydrauliques (+2,2%).
En conséquence de quoi, remplaçant essentiellement le nucléaire par du gaz et du charbon, le Japon a complètement renoncé à ses engagements climatiques : au lieu de diminuer, les émission de gaz à effets de serre ont augmenté : le Japon est avec l’Allemagne l’un des pays industrialisés les plus émetteurs de CO2, à 9 tonnes par habitant, soir le double de la France. Et l‘augmentation du charbon au lieu de sa diminution prévue a augmenté la pollution-

Si bien que l’arrêt du nucléaire a fait plus de morts que Fukushima ;

L’absurdité n’ayant qu’un temps, et compte-tenu du coût de l’énergie essentiel pour l’économie du  Japon et son indépendance énergétique, le Japon a décidé de relancer son nucléaire -39 réacteurs sont considérés comme satisfaisant aux nouvelles dispositions de sûreté.. Seize sont prêts à redémarrer.

C’est une bonne nouvelle pour la lutte contre le dérangement climatique et la pollution, et pour l’économie mondiale

voir le très intéressant site de Lionel Taccoen www.geopolitique-electricite.fr/


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mercredi 4 juillet 2018

Eloge du Service Public 3) quelques principes


La Commission Européenne (Eurokom) et la secte libérale qui y détient le pouvoir en veulent visiblement aux services publics français, et particulièrement à notre façon d’administrer les monopoles naturels (autoroutes, chemin de fer,  réseau téléphonique, énergie hydraulique, aéroports, gazoducs) par des sociétés étatiques. Cet Eurokom a un credo, un véritable acte de foi,  c’est la concurrence libre et  totale, et le service public n’y a guère sa place. Après l’exemple Suisse dans un premier blog, le contre-exemple Anglais dans un second blog, voici quelques principes sur lesquels se sont bâtis les services publics.

Le positivisme juridique de Leon Duguit :

Dès les débuts de la République, la question des services publics se pose. A une époque où « les tardives liaisons des chemins de fer » construisent l’unité française (Braudel), Gambetta préconise la nationalisation par rachat des Chemins de fer d’Orléans, puis des principales lignes de chemin de fer Le courant positiviste, alors influent, par la voie de Pierre Laffitte l’appuie en distinguant des fonctions 1) uniformes, 2) régulières, 3) de nécessité non immédiates et 4) pour lesquelles il est impossible de fixer le prix du service rendu, telles l’Etat civil, la  construction des routes,  l'hygiène générale, la police… Ces fonctions doivent être instituée par l'État avec une rétribution fixe. Les fonctions dans lesquelles le service personnel est rendu à l'individu d'une manière précise et déterminée, au moyen de matériaux qui doivent être usés ou consommés » n’ont généralement pas le caractère de service public. Mais « l'opportunité de rendre publique ou privée l'institution de certaines fonctions peut varier avec la situation historique. … Les chemins de fer,  par exemple, me paraissent incontestablement devoir être directement administrés par l'État »

La notion de service public prendra une autre affaire avec Léon Duguit (1859-1928), assistant de Durkheim, alors professeur de science sociale à Bordeaux. C’est à partir d’un service ferroviaire interrompu que Duguit prend la tête d’un syndicat d’habitants lésés et obtient l’autorisation d’agir en justice pour obtenir le maintien du service. Pour Duguit, le droit n’est pas une simple technique normative, mais « « La notion de droit contient la notion de société tout entière. La science du droit est science sociale ». « Les gouvernants modernes ne doivent plus seulement à leurs gouvernés la police et la justice proprement dites, mais encore ce que certains publicistes appellent d’un mot commode la culture, à savoir l’enseignement, l’assistance, l’hygiène, la protection du travail, les transports, etc., etc. Il va de soi que cette multiplicité et cette variété des activités publiques entraînent à leur suite une extrême complexité et diversité dans l’organisation des services publics ».

Finalement l’Etat devient presque pour Duguit un aggrégateur de service public ; un service public qu’il définit ainsi :  « toute activité dont l’accomplissement doit être réglé, assuré et contrôlé par les gouvernants, parce qu’il est indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale et qu’il est de telle nature qu’il ne peut être assuré complètement que par l’intervention de la force gouvernante »  ou encore, « l’activité que les gouvernants doivent obligatoirement exercer dans l’intérêt des gouvernés ».

Les lois de Rolland

Poursuivant les travaux de Léon Duguit, Louis Rolland (1877-1956)  en arriva à définir un corps central de principes qui doivent s'appliquer à l'exploitation d'un service public, aujourd’hui connu sous le nom de « lois de Rolland ». Schématiquement, elles concernent la continuité (service assuré régulièrement), la mutabilité (l’adaptation à l’évolution des besoins collectifs), l'égalité (qui interdit la discrimination entre les usagers), la laïcité, la neutralité et la réserve dans l’expression de leurs opinions que doivent respecter les collaborateurs du service public, la primauté de l'intérêt général ou collectif sur les intérêts individuels, la gratuité pour les services administratifs, mais pas pour les SPIC (Services Publics Industriels et Commerciaux).

François Trévoux  et la notion économique de service public

François Trévoux (1900-1989) a étudié le développement de la réglementation de l’industrie électrique aux États-Unis à travers notamment l’étude de la réglementation des tarifs et du contrôle financier des entreprises de services publics. Cette expérience le conduit à compléter les conceptions juridiques de Duguit et Rolland, par des considérations plus économiques qu’il définit dans un article  de la Revue d’économie politique de  1938.  Cinq critères sont alors retenus :

- Le premier est celui de la grande taille :« lorsque, par sa taille, une entreprise touche à un grand nombre de travailleurs ou de clients (banque), on craint que sa disparition n’ébranle l’ensemble de l’économie. Les dimensions de l’entreprise, même si elle n’exerce pas une activité essentielle, la rendent un service public ».

- Le second renvoie à une situation de monopole légal ou de fait (sinon il s’agirait de socialiser les déficits des grandes entreprises).

- Le troisième souligne la réunion du caractère de monopole avec celui de la nécessité (logement, alimentation)

- Le quatrième s’attache à la position désavantageuse du consommateur vis-à-vis des conditions du vendeur, ce qui rend nécessaire une réglementation visant à rétablir un équilibre (Trévoux se réfère ici à Tugwell et à Commons).

- Le cinquième  se rapporte à la forte interdépendance économique dans nos sociétés.et à un pouvoir systémique  : l’idée est que « nombre d’activités sont devenues économiquement indispensables des services publics économiques : que vienne en effet à se ralentir ou à se verrouiller un des maillons de la chaîne, toute la vie de la communauté risque d’en être affaiblie, voire arrêtée » (nécessité de la continuité). Pour étayer son propos, Trévoux donne l’exemple de la grève générale des livreurs de charbon à Lille en novembre1936, à propos de laquelle l’État a eu recours à l’armée.

Trévoux prône une nouvelle organisation économique déployée autour du service public, reposant sur quatre principes : 1)  limitation de la concurrence de façon assez souple, par exemple au moyen d’un programme concerté de création d’entreprises et de construction de nouvelles usines, 2 ) assurer un certain standard minimum de service, la bonne qualité du produit, 3) diversification et aménagement rationnel des prix de façon à obtenir le plus grand profit global au moyen d’une forte production et d’un faible profit unitaire, 4) l’industrie doit fonctionner sans arrêts, être toujours susceptible et prête à satisfaire tout accroissement de la demande.

Rappelons que François Trévoux n’est nullement un théoricien socialiste, mais faisait partie des libéraux qui ont fondé la célèbre société du Mont Pèlerin…

Marcel Boiteux : le cas de l’électricité

Marcel Boiteux, né en 1922, normalien,  a travaillé avec les deux Prix Nobel français d’économie, Allais et Debreu. Spécialiste de la tarification des services publics, il écrit plusieurs publications faisant référence sur le sujet, puis,  au cours des années 1950, il rebâtit la tarification de l'électricité, après avoir réalisé la tarification de la SNCF et de la FNTR (1946-1949) avant de devenir durant 20 ans PDF d’EDF (de 1967 à 1987).  Dans  « État et Services Publics », Économie publique/Public economics , 08/2001/2, Il discute librement de la politique de libéralisation imposée par la Commission .

Réguler les monopoles est une mission impossible, sauf à faire du monopole un service public :

 En France,  les entreprises de services publics établissent de justes tarifications et ne se comportent pas comme des monopoles abusifs. Ses "serviteurs", les agents des services publics, jouissent d'un statut qui les protège des dérives du politique tout en régissant leur recrutement, leur rémunération et leur promotion.

Ces entreprises de service public posent un problème : elles restent des monopoles publics à une époque où l'obsession est à la privatisation et à la concurrence. La problématique est alors la suivante. Si l'on privatise les monopoles, ils se consacreront à gagner le maximum d'argent pour honorer leurs devoirs vis-à-vis de leurs actionnaires. Il faut donc les empêcher d'abuser de leur position par un système de régulation. Mais réguler les monopoles est très difficile sans l'introduction de la concurrence. Or la concurrence n'est pas aisément conciliable avec les missions de service public…

Les solutions américaine et anglaise : deux échecs. La solution américaine traditionnelle, qui consistait à mettre en place des commissions de surveillance, ne s'est pas avérée probante : ces commissions, par manque d'information, ont fixé des plafonds de prix tantôt trop hauts, tantôt trop bas et, sous la pression des lobbies, ont laissé se créer des subventions croisées qui favorisaient abusivement certains clients. Dans l'exemple anglais, récent, on a privatisé par grands morceaux et instauré un régulateur. Au stade actuel, le résultat n'est pas très brillant : la productivité a certes fait de grands progrès mais essentiellement au profit des actionnaires et des dirigeants, très peu à celui des clients !
Ces semi-échecs montrent que, sans l'aide du marché et de la concurrence, la régulation d'un monopole est extrêmement difficile, notamment parce que le régulateur doit faire face à une asymétrie de l'information qui l'empêche d'adapter parfaitement son action à l'entreprise qu'il est chargé de réguler.

Guérir des maladies que nous n'avons pas ?

La solution française : régner pour mieux réguler ; l'entreprise a pour rôle non pas de gagner le maximum d'argent mais d'assumer une mission d'intérêt général. Elle est alors nécessairement publique et le régulateur est à sa tête. Ainsi, j'étais le régulateur d'EDF.
Des remèdes pour un système sain ? Finalement, la problématique est simple : ou l'entreprise est privée et a le devoir de gagner le maximum d'argent, ce qui l'incite à une bonne gestion, mais il faut alors trouver un système pour l'empêcher de rançonner sa clientèle ; ou l'entreprise est publique, investie d'une mission d'intérêt général, et elle régule ses propres troupes, mais elle n'est plus poussée dans sa gestion par la recherche du profit.
Ce système de régulation par la tête n'a pas si mal fonctionné en France. Faut-il alors absolument que le système français épouse le modèle anglo-saxon sous prétexte qu'il a été nécessaire ailleurs pour guérir des maladies que nous n'avons pas ?

Les activités de réseau sont nécessairement monopolistiques

Réseaux de fils électriques, réseaux de conduite de gaz ou d’eau, réseaux de chemins de fer, réseau  postal sont foncièrement des activités monopolistiques car ce sont  en effet, des activités à rendement croissant. Pour distribuer deux fois plus de kwh sur une zone d’un kilomètre carré, la dépense passe de 100 à 140 si l’on est seul. Elle double de 100 à 200 si l’on s’y met à deux. On a donc intérêt opérer seul le plus tôt possible, donc à constituer un monopole. Et, si l’on vous en empêche pour maintenir deux compétiteurs face à face, le coût du service augmente considérablement.

Le caractère de service public des activités de réseaux tient aussi à une autre raison. Pour implanter leurs réseaux, les entreprises de la catégorie sont amenées à emprunter des voies publiques ou leur sous-sol. Et, lorsqu’il s’agit de traverser des propriétés privées, la collectivité intervient par voie d’expropriation et d’indemnisation chaque fois que le promoteur du réseau et la victime de son implantation ne peuvent parvenir à un accord qui satisfasse les deux parties. Qu’elle autorise l’usage de la voie publique, ou qu’elle exproprie, la collectivité est amenée à invoquer l’intérêt général.

Troisième raison : on se sait pas calculer leur vrai coût : ainsi, sur un réseau maillé où les kilowattheures vont dans tous les sens, on ne sait pas calculer un tarif inattaquable. Quand des kilowattheures vont de Dijon à Lyon, 40 % font le trajet direct, 40 % passent par Genève et le reste fait le tour par Paris, Bordeaux et Montpellier : à trois cent mille kilomètres à la seconde, cela n'a aucune importance. L'électricité est répartie entre les lignes selon les lois de Kirchhoff et cela change constamment ; il est impossible de suivre son cheminement et donc très difficile de facturer convenablement l'utilisation du réseau. Il faut donc recourir à des tarifs forfaitaires… qui seront contestés par ceux qui penseront être pénalisés.

L’électricité est un service public

Rendement croissant, monopole naturel, redistribution et égalité de traitement, obligation de fournir et continuité du service, on est bien là devant un service public, un service public remplaçant des initiatives qui, si elles étaient restées privées, auraient été trop coûteuses et trop inégalitaires. Ajoutons des missions générales - comme l'indépendance énergétique – des obligations individuelles telles que l'obligation de desservir associée à une certaine péréquation des tarifs. Avec l'obsession française d'égalité, cela pose des problèmes énormes : desservir les Antilles ou la Réunion aux mêmes tarifs que les Champs-Elysées entraîne des déficits que des entreprises en situation de concurrence n'assumeraient pas, et pour lesquels il est pratiquement impossible de calculer des compensations équitables.

Les obligations de service public, quand elles sont poussées à ce niveau, paraissent difficiles à marier avec la concurrence.

dimanche 1 juillet 2018

Eloge du Service Public 2) Le contre-exemple de l’Angleterre


La Commission Européenne (l’Eurokom) et la secte libérale qui y détient le pouvoir en veulent visiblement aux services publics français, et particulièrement à notre façon d’administrer les monopoles naturels (autoroutes, chemin de fer,  réseau téléphonique, énergie hydraulique, aéroports, gazoducs) par des sociétés étatiques. Cet Eurokom a un credo, un véritable acte de foi,  c’est la concurrence libre et  totale. Après un premier blog dans lequel je décrivais un pays parfaitement exemplaire en termes de services publics… La Suisse  (Eloge du Service Public 1) Un pays sovieto-communiste…. la Suisse), voici maintenant le contre-exemple, l’Angleterre.

Le désastre de l’eau- un ministre libéral- conservateur en colère
Il arrive que les membres du Cabinet anglais perdent leur flegme légendaire. Le 1er mars 2018, lors de la Conférence annuelle de Water UK, qui regroupe les industriels désormais privatisés de l’eau, le ministre conservateur de l’environnement, Michael Gove a ainsi grondé: les gens qui sont dans cette salle doivent changer d’attitude… le grand public est de plus en plus inquiet et je le comprends. » .Et de menacer de donner au régulateur, l’Ofwat, « tous les pouvoirs nécessaires » (tiens, il ne les avait pas, un oubli peut-être ?)
C’est un ministre conservateur qui s’exprime ainsi, pas un socialiste genre Corbyn. !

Un exemple éclairant, Thames Water, gère l’eau de la région de Londres -15 millions d’abonnés- pardon de client) dont les principaux actionnaires sont des fonds du Royaume uni, du Canada, du Koweit et d’Abou Dhabi qui possèdent l’entreprise à travers un montage juridique complexe de cinq sociétés. Complexe et efficace : entre 2006 et 2015, Thames River a versé 1.2 milliards à ses actionnaires et O pounds, 0 pense, O nickel d’impôt sur les bénéfices au fisc anglais. Par contre, entre2012 et 2014, Thames River a déversé des milliards… de litres d’eau d’égoûts dans la nature et été condamné pour cela à 20 millions de livres d’amende- un record.

Depuis 1989, le gestion de l’eau est privatisée et confiée à des 18 entreprises qui ont des monopoles régionaux et elles sont quasiment inexpugnables ( l’Etat peut révoquer la licence en prévenant…25 ans à l’avance !) De 2007 à 2016, ces 18 monopoles privés ont reversé 95% de leurs profits à leurs actionnaires ! Ainsi que le constate le ministre (conservateur !) ces entreprises « évitent leurs impôts comme leurs responsabilités sociales ». Les actionnaires se gavent, les investissements sont inexistants, les prestations se dégradent, et pourtant les prix ont été fortement augmentés (plus 40% depuis la privatisation !). Qu’attendre d’autre d‘un monopole naturel confié à des monopoles privés ? ( la situation française est bien différente, avec un rôle encore important de l’Etat et des collectivités locales)

Les désastres des services publics concédés- effondrement d’un géant,  Carillion 

Le lundi 15 janvier 2018l’entreprise de BTP et de services Carillion a été placée en liquidation. Carillion n’a pas survécu à un week-end de négociations désespérées avec le gouvernement britanniques, conséquence d’une dette faramineuse de 1.5 milliards d’euros pour 5. 4 milliards  de chiffre d’affaire, de retards désespérants sut plusieurs chantiers, et d’avertissements sur résultats en série. Le cours de Bourse a été divisé par plus de dix dans la dernière année et a notamment dévissé de 39 % après l’annonce d’une provision pour 845 millions de livres (952 millions d'euros) sur des  contrats ayant mal tourné au Royaume-Uni et des projets en échec dans le golfe Persique et au Canada.

Carillion est une entreprise vieille de 200 ans, était le principal et très dominant concessionnaire/prestataire des services publics britanniques, et comptait 43 000 salariés dont 19 000 au Royaume-Uni. Quelques 30 000 sous-traitants pourraient faire une croix sur 1 milliard de livres, selon les estimations du Daily Telegraph -de quoi faire planer le spectre d’un effet domino sur tout un pan des services publics anglais.

Carillion fait partie de ces entreprises qui, ces dix dernières années, ont connu une croissance rapide en assurant selon les règles du privé la fourniture de services publics ; et Carillion a eu beaucoup de « succès » : construction d’autoroutes, de ponts, de lignes ferroviaires mais aussi  d'hôpitaux, de prisons, de sites militaires, dont il assure aussi la maintenance, gérance de bâtiments et d’ infrastructures pour le compte de l'Etat. Parmi les services publics concédés, mentionnons la livraison quotidienne de repas à 32.000 écoles britanniques. Carillion était le numéro un de la maintenance des bases militaires, un prestataire-clé de l’entretien du réseau ferré et responsable de la propreté de centaines d’hôpitaux au Royaume-Uni. Juste avant sa faillite, Carillion venait d’emporter, en consortium avec Kier et Eiffage, deux gros contrats de tunnels pour 1,4 milliard de livres pour le nouvelle ligne TV Londres Birmingham.

La Première Ministre Theresa May a annoncé que l’Etat assurerait la continuité des services publics et  que tous les salaires seront payés pendant les 48 prochaines heures. L'Etat continuera en outre de les payer dans certains cas, le temps pour l'administrateur de désigner un nouveau prestataire ou pour l'Etat de reprendre la prestation de service public en propre. On espère que les enfants des écoles auront de quoi manger et que les ordures ne s’amoncelleront pas dans les hôpitaux du National Health Service(NHS), déjà en triste état.

C’est une catastrophe qui coûtera beaucoup d’argent à l’Etat britannique- où ‘on voit que l'Etat finalement ne gère pas si mal que ça ses services publics et que les partenariats publics privés, invention de nos géniaux nouveau administrateurs, peuvent facilement tourner à la catastrophe – nous en avons eu quelques avertissements en France.

La faillite de Carillion montre clairement les limites d'une telle sous-traitance du public au privé. L’hebdomadaire New Statesman constate : “Jeremy Corbyn ( le nouveau leader travailliste en rupture avec la politique sociale libérale de Blair) tient là une occasion en or pour faire valoir sa thèse sur les coûts de la privatisation » et la solution de la renationalisation.

Le désastre du rail.

En 1993, le secrétaire d'Etat britannique au Transport John MacGregor vantait les bienfaits de la privatisation : «Je ne vois aucune raison pour laquelle les tarifs devraient augmenter plus rapidement avec des entreprises privées. Au contraire, ils seront plus flexibles et baisseront.». 25 sociétés ont mis la main sur le rail anglais, dont certaines détenues partiellement ou en totalité par des entreprises étrangères, comme la Deutsche Bahn (Allemagne) ou Keolis, filiale de la SNCF.

 Eh bien, la réponse a été donnée : entre 1995 et 2015, le prix d'un billet de train au Royaume Uni a augmenté en moyenne de 117%. Le prix des billets annuels a augmenté de 27% entre 2010 et 2017 selon des calculs du Labour. Selon les estimations, les Anglais dépenseraient environ six fois plus que les Européens en moyenne pour leurs déplacements en train (14% de leur revenu mensuel, contre 2 % pour les usagers français). A noter que l'Etat octroie aussi des subventions aux lignes déficitaires pour un montant de 4,6 milliards d'euros en 2015-2016, ce qui constitue pour les Britanniques une double peine : des billets à des prix exorbitant d'un côté et une partie de leurs impôts réservée aux compagnies privées de l’autre.

De plus, comme le préconise le rapport Spinetta pour la France, un grand nombre de lignes ont été supprimées au Royaume-Uni. Donc moins de lignes, des tarifs plus élevés, retard et service déplorable qui suscitent l’indignation des usagers. . En 2016, quatre trains sur cinq du réseau banlieue sud de Londres Southern Rail, étaient en retard - pour l’anecdote, le train de 7 heures 29 sur la ligne Brighton-Londres n'est pas arrivé une seule fois à l'heure en 2014. Et, pour protester contre les restrictions économiques, les grèves s’enchaînent (33 jours de grèves pendant l'année 2016) pire qu’au temps du service public !

En ce qui concerne le rail, l’entretien des voies, après une première  privatisation est revenu dans le giron du service public après deux accidents mortels survenus l'un en octobre 1999 à Ladbroke Grove qui avait fait 35 morts et 558 blessés, et l'autre à Hatfield, en octobre 2000 qui avait fait 4 morts et 70 blessés. En cause : le manque d’investissement. (Cf le remarquable, comme souvent film de Ken Loach, The Navigators, insîré par l'échec de la Connex South Central et de la Connex South Eastern, qui perdirent leur franchise à cause de leur mauvais fonctionnement et de la piètre qualité de leur service).

Bilan en 2015- 2016 :  Les opérateurs se sont partagé 327 millions d’euros de bénéfices et 58% des Britanniques estiment que la privatisation du rail est un échec ( et encore peut-on suppoer que les 32% restant les autres ne le prennent pas !) et souhaitent la renationalisation

L’association We Own It résume ainsi la situation : «  Il est évident que la privatisation n'a pas fonctionné, elle a plutôt amené de la fragmentation et de l'inefficacité. L'argent gaspillé en subventions  aujourd'hui pourrait être mieux utilisé et servir à améliorer le service et réduire le prix  des billets dans le futur. »

Et il faudrait encore ici parler du désastre de la santé publique,  la privatisation rampante du NHS, le National Health Service, naguère fierté britannique, étranglé par manque de moyen, accumulant scandales sanitaires et crimes divers, et progressivement remplacé par des assurances privées- mais il faudrait pour cela un livre complet.

La leçon des échecs anglais parait assez claire : remplacer un monopole naturel et public par un monopole  privé, c’est l’assurance d’enrichir les actionnaires au détriment des usagers, et des salariés ; privatiser un service public, c’est privatiser les bénéfices réalisés au détriment des usagers, des salariés, de l’investissement, de la communauté nationale ou locale, et socialiser les pertes.

Est-ce vraiment cette politique, celle de la secte libérale au pouvoir à Bruxelles, que veulent les citoyens des pays d’Europe ?

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