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lundi 19 novembre 2012

Debré, Even, cent pour cent inutiles et dangereux

Les professeurs Debré (urologue) et Even (pneumologue) viennent à grand bruit médiatique de publier un livre dans lequel ils affirment l’inutilité ou la dangerosité d’un médicament sur deux. C’est en fait leur pamphlet qui est 100% inutile et dangereux.
Une certaine responsabilité médiatique est aussi en cause. Compte tenu de ce qu’est l’invention puis l’évaluation d’un médicament, du nombre d’experts différents qu’elles requièrent, qui peut croire un seul instant qu’un duo de praticiens retraités puisse avoir un avis pertinent sur 4000 médicaments, en dehors de leur domaine de compétence, en opposition avec les spécialistes concernés, en opposition avec les agences de sécurité sanitaire du monde entier ?
Le Pr Even est surtout connu pour une conférence de presse dans laquelle il prétendit avoir mis en évidence l’efficacité de la cyclosporine dans le Sida, et pour ses dénégations des dégâts du tabagisme passif. Tout le monde peut se tromper, mais persevere diabolicum ! –
Le Pr Debré, s’il se passionne pour l’évaluation médicale, devrait s’intéresser à la manière dont les urologues usent et abusent de l’opération souvent invalidante de la prostate- et parfois même de manière criminelle, cf. le procès des urologues de Toulouse accusés d’avoir faussé des examens pour augmenter le chiffre d’affaire de leur clinique.

Reprenons point par point :

Debré et Even sont-ils diabétologues ? Ils affirment l’inefficacité et la dangerosité des traitements nouveaux( glitazones, gliptines, glinide) pour recommander les médicaments des années 50, sulfamides et la metformine – certes efficaces puisque les sulfamides peuvent induire des comas hypoglycémiques !, mais dangereux et dont l’efficacité décroît au cours du temps, conduisant à une impasse thérapeutique. Pour le diabète de type I, ils prônent un traitement immunosuppressif , dont il est démontré depuis plus de trente ans qu’il n’a que des effets transitoires. Pour le Pr Marre, président de l’association française du diabète, « ce livre est scandaleux et dangereux. Il risque de provoquer des morts et repose sur des affirmations dénuées de preuves…des erreurs de raisonnement, l’ignorance de connaissances élémentaires ».

Debré et Even sont-ils cardiologues ?

En ce qui concerne le cholestérol, ils affirment que les statines «ne servent à rien chez 90 % de ceux à qui on les donne» et remettent même en cause le cholestérol comme facteur de risque. Réponse du Pr. Eric Bruckert (La Pitié-Salpétrière) : « la lecture du chapitre sur le cholestérol montre une impressionnante méconnaissance de ce qu’est un facteur de risque. Les auteurs sortent de leur chapeau une valeur normale bien à eux, qu’ils estiment être dangereuse. Il n’y a aucune justification scientifique à cette norme ». Pour le Pr Helft (La Pitié-Salpétrière) les statines sont des  médicaments importants qui permettent de diminuer significativement la survenue des maladies cardio-vasculaires, la mortalité coronaire et la mortalité totale…Des méta-analyses ayant colligé le résultat de plusieurs dizaines d'études portant au total sur près de 200 000 patients donnent des résultats non contestables).

En ce qui concerne l’hypertension, Debré et Even jugent justifié à partir d'une pression systolique supérieure à 16, dénoncent le gtand nombre de médicaments équivalents (mee-too), affiremnt que toutes les molécules se valent, prônent l’utilisation des médicaments les plus anciens, diurétiques et bêtabloquants et souhaitent le retrait des 39 spécialités associant plusieurs antihypertenseurs dans une même pilule. ? « Aujourd'hui, à partir d'une pression de 14, une prise en charge se justifie. 16, c'est quand j'étais étudiant, relève le Pr Danchin (George Pompidou). De plus, les diurétiques et les bêtabloquants ne sont pas les médicaments les mieux tolérés ». Tous les cardiologues savent bien que les patients ne répondent pas de la même façon à un même médicament, ou que les effets secondaires n’en sont pas les mêmes-ce qui est important pour des traitements à long cours comme celui de l’hypertension. Certains, par exemple, ne supportent pas les inhibiteurs de l’enzyme de conversion qui peut déclencher des crises de toux insupportables – heureusement que l’industrie  développé des antagonistes de l’angiotensine. Les associations se justifient par leur efficacité et pour faciliter l’observance du traitement. L’hypertension, c’est le « tueur silencieux » dénoncé par les cardiologues, car elle peut n’entraîner aucune manifestation jusqu’au jour où se produit un accident vasculaire cérébral. Là encore, le message du duo Debré Even est néfaste et leurs préconisations dangereuses

Debré et Even sont-ils allergologues ? Certes non, car là c’est toute une profession qu’ils dénoncent en  traitant ceux qui utilisent la désensibilisation de “gourous, charlatans, marchands d'illusion”. Réponse du Pr Daniel Vervloet (Marseille) : « En ce qui concerne la désensibilisation en cas d'asthme, même s'il existe des querelles d'experts parfaitement légitimes, toutes les méta-analyses mettent en évidence un effet thérapeutique favorable, même si tous les patients n'en tirent pas bénéfice. Aujourd'hui, les allergologues sauvent des vies chaque année en mettant en œuvre des stratégies de désensibilisation aux venins de guêpes et d'abeilles. Pour ce qui est des allergies alimentaires et en particulier de l'allergie à l'œuf, une grande étude dans le New England Journal of Medicine vient de montrer que la désensibilisation par voie orale, permettait de guérir une telle allergie, de manière à ce que la réintroduction alimentaire ne soit suivie d'aucune réaction. On peut se demander si les propos inexacts tenus dans le livre tiennent au manque de connaissance ou à la mauvaise foi». La fédération française d'allergologie  a décidé de porter plainte devant le Conseil de l'ordre.

Debré et Even sont-ils gynécologues ? Ils jugent que les pilules de troisième et quatrième génération, plus faiblement dosées en oestrogènes ne servent à rien. Eh bien, ce n’est pas l’avis de la majorité des jeunes femmes qui les demandent et des gynécologues qui les prescrivent. Ce n’est pas non plus  l’avis du Pr Maraninchi, directeur général de l'agence de Sécurité Sanitaire estime que « l'existence d'un grand nombre de pilules constitue un bien pour de nombreuses femmes. Il est important qu'elles aient accès à la diversité…certaines associations hormonales ne conviennent pas à certaines femmes ».

Debré et Even  sont-il cancérologues ? Ils affirment que l'avastin, un nouveau médicament qui bloque la formation de vaisseaux sanguins dans les tumeurs, est « inutile et potentiellement dangereux » ; « Dans les cancers colorectaux, ce traitement a apporté des progrès importants, et sa toxicité reste relativement modeste par rapport à d'autres molécules », souligne François Chast (Hotel-Dieu)

On pourrait continuer la liste.
Ainsi, impunément, « deux professeurs retraités peuvent lancer une fatwa contre les médecins irresponsables, les patients inconscients, les agences de surveillance incompétentes et l'industrie pharmaceutique diabolique? » (Elise Soli). Pour la Fédération française d’allergologie,  «non contents d’être diffamatoires, ils sont irresponsables car ils jettent la suspicion sur toute une profession (praticiens, chercheurs, enseignants) et méprisants à l’égard des malades sans considération aucune pour leur santé ». L’UNOF (Union nationale des omnipraticiens français) dénonce les « dangereux raccourcis scientifiques » de ce « pamphlet anti-médicament ». « Votre intervention n’a fait que semer le trouble dans l’esprit de ceux que vous voudriez protéger et que nous devons à nouveau convaincre de l’utilité de leur traitement ». Pour le Pr Maraninchi, directeur de l’agence de Sécurité sanitaire  française, «Ce qui est dangereux dans ce livre, c'est de faire peur à certains malades qui prennent des médicaments qui leur sont utiles ».
Et il a fallu que Mme la Ministre de la Santé  rappelle que les médicaments soignent. S’il doit y avoir une utilité à ce débat, ce serait de rappeler que les médicaments soignent en effet, que c’est parce qu’ils sont actifs qu’ils peuvent être parfois dangereux, et que certains traitements doivent être suivi par les spécialistes concernés, même lorsqu’on se croit guéri.
N’empêche que le mal causé par deux professeurs retraités, qui n’ont guère marqué leur époque, en mal de notoriété, est considérable ;  leur oeuvre leur rapportera beaucoup d’argent, mais causera beaucoup de problèmes aux médecins et à leurs patients.

Les Académies et Sociétés savantes doivent jouer leur rôle et condamner fermement le livre et ses auteurs et leur ôter tout crédit scientifique.