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samedi 11 février 2023

Commission Schellenberger-Paroles de syndicalistes (2)-M. Jacky Chorin, FO

Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France -réunion 30, 25 janvier 2023

CM. Jacky Chorin, représentant de la Fédération nationale de l’énergie et des mines (FNEM-FO), ancien administrateur EDF

Une politique absurde de la concurrence imposée par l’Europe au profit de l’Allemagne

« Après avoir écouté nombre des intervenants devant votre Commission, FO constate que beaucoup d’entre eux rejoignent les syndicats pour considérer que la concurrence est absurde dans l’électricité. Yves Bréchet, ancien Haut-Commissaire à l’énergie atomique, a ainsi indiqué que « cest une erreur fondamentale de penser que lon peut faire un marché dun bien non stockable », ajoutant qu’« on a fabriqué un outil qui est un outil de spéculation pure. On a fait gagner de largent à des gens qui nont pas produit un électron ».

De même, plusieurs intervenants, notamment Henri Proglio, estiment que cette concurrence a été l’outil de la Commission européenne et de l’Allemagne pour casser EDF et la découper en morceaux, afin de fragiliser le nucléaire et l’hydraulique. FO partage cette analyse. EDF a été, en effet, une véritable obsession de la Commission, comme en témoigne sa mise en demeure de 2015 contre la France sur l’hydraulique, au motif qu’EDF n’avait pas perdu encore assez de parts de marché.

Il est vrai aussi que les gouvernements français successifs ont aussi une lourde responsabilité dans ce désastre. Ils ont d’abord voté la concurrence en Europe et, quand les prix ont augmenté, ils ont mis en place des mesures ouvertement contraires aux engagements pris, suscitant en retour des réactions de la Commission. »

Le désastre de la loi NOME : Arenh, TRV, industrie

C’est par exemple à la fin du second mandat de Jacques Chirac, fin 2006, qu’a été créé le tarif réglementé et transitoire d’ajustement au marché (TARTAM), tarif de retour au marché pour les entreprises, qui devaient faire face déjà à une hausse des prix de l’électricité. Les mêmes avaient pourtant voté l’ouverture des marchés en 2004. La conséquence a été redoutable : la Commission a menacé d’intenter des procès contre la France et le gouvernement Fillon s’est finalement incliné sans combattre, avec la loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME) de 2010.

Ce texte institue cette machine infernale contre EDF qu’est l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH) en créant de toutes pièces une concurrence factice, puisqu’EDF est contrainte d’aider ses concurrents, qui plus est avec un prix bloqué à 42 euros du fait de la Commission européenne. En conséquence, Jean-Bernard Lévy l’a rappelé, la dette augmente mécaniquement de 3 à 4 milliards par an.

Cette loi a aussi prévu deux autres dispositions structurantes et désastreuses applicables à partir de 2016. La première a mis fin aux tarifs jaune et vert pour les industriels, rejetés dans la main invisible du marché. Ces entreprises sont victimes de ce lien, dénoncé par tous, établi au niveau européen entre le marché du gaz et celui de l’électricité.

La seconde concerne le mode de calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) pour les consommateurs domestiques et les TPE : avec le principe de contestabilité, le niveau des TRVE n’est plus fixé en fonction du coût de production d’EDF, mais de la capacité des fournisseurs alternatifs à concurrencer EDF. Il s’agit là d’une absurdité, dénoncée par l’Autorité de la concurrence. Les promoteurs de la concurrence avaient prétendu que celle-ci ferait diminuer les prix, le résultat est inverse : on augmente les prix que la concurrence subsiste.

Comme je l’ai déjà indiqué, la CRE propose d’accroître les TRVE de 100 %, alors que les coûts du mix électrique français ont très faiblement augmenté. Même si le gouvernement limite la hausse à 15 %, celle-ci sera reportée sur les années suivantes.

Le nécessaire retour à la souveraineté passe par la maitrise du marché

Pour sortir de cette impasse qui broie notre pays, la seule solution consiste à reprendre notre souveraineté et à revenir à une fixation des tarifs en fonction du coût du mix électrique français, pour tous les Français. Du reste, l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), trop souvent oublié, indique que le marché intérieur « n’affecte pas le choix d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie ».

Les Allemands ont décidé de promouvoir une Energiewende fondée sur un mix fossiles/EnR qui fragilise toute l’Europe. Mais ils ne doivent pas demander à notre pays, qui a opéré des choix judicieux, de compenser la perte de compétitivité des industriels allemands en augmentant les prix payés par les Français. En effet, si le choix de la France en faveur du nucléaire ne se traduisait pas par des prix le prenant en compte, l’adhésion des Français à cette énergie indispensable pour respecter notre trajectoire bas carbone et la sécurité d’approvisionnement de notre pays risquerait de se fragiliser.

Par ailleurs, nous contestons vigoureusement les propos de Bruno Le Maire selon lequel, « si on était sortis aujourd’hui du marché européen de l’énergie, nous n’aurions pas eu l’électricité allemande dont nous avons eu besoin pour faire tourner les fours des boulangers ». Les interconnexions ont existé bien avant le marché européen ; elles existent aussi avec des pays qui sont en dehors de l’Union. De plus, à l’exception de la période récente, la France est structurellement exportatrice d’électricité. Il est inutile de faire peur aux Français en faussant sciemment le débat : ce sont bien les pays alentour qui ont besoin la plupart du temps de notre électricité et non l’inverse.

Le retour à un tarif de l’électricité fondé sur le coût du mix français est donc le point majeur pour assurer notre souveraineté énergétique. L’État touche aujourd’hui les limites de ce qu’il peut faire en termes de bouclier tarifaire, simplement parce que nous appliquons des règles de marché absurdes. Il est donc urgent de modifier ces règles et de suspendre l’ARENH, suspension explicitement prévue par le Code de l’énergie en cas de circonstances exceptionnelles.

Non à la politique allemande des ENR contre le nucléaire

Mais il nous faut aller plus loin encore. La Commission a fait de la promotion des énergies renouvelables (EnR) intermittentes l’alpha et l’oméga de la politique européenne, au point que des objectifs toujours plus élevés sont proposés. Paradoxalement, la France va être condamnée à une amende de 500 millions d’euros pour ne pas avoir respecté ses objectifs en matière d’EnR, alors qu’elle est bien plus vertueuse que la plupart des autres pays européens en matière d’émissions de CO2. Cette plaisanterie doit cesser. Notre objectif commun consiste à protéger la planète et non à implanter des éoliennes partout, avec des moyens de production non pilotables qui n’assurent pas la sécurité d’approvisionnement de notre pays.

La Commission européenne s’est alignée là encore sur les positions anti-nucléaires allemandes, mais nous ne pouvons en rester là et il faut maintenant mettre en avant des objectifs de moyens de production bas carbone, dont le nucléaire est l’élément principal et non des objectifs fondés sur les seules EnR.

Au demeurant, le manque de résistance du gouvernement sur ce sujet s’explique sans doute par le fait que la conversion pro-nucléaire du Président de la République est récente. Lors de son premier mandat, Emmanuel Macron a mis ses pas dans les orientations désastreuses de François Hollande, en fermant Fessenheim, en arrêtant le projet Astrid, en faisant voter une loi pour fermer quatorze réacteurs d’ici 2035, certes avec une échéance reportée de dix années, et en maintenant l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique.

Certes, le Président a fait volte-face dans son discours de Belfort il y a un an. FO soutient évidemment l’annonce d’un programme d’EPR 2, souhaitant qu’il soit mené jusqu’à quatorze réacteurs. Nous voulons également le prolongement des centrales existantes et rejetons la fermeture de centrales pour des raisons politiques. Pour autant, nous avons perdu cinq ans et la gestion de ce dossier lors du premier mandat a fragilisé notre filière nucléaire. Je rappelle qu’il s’agit là de la troisième filière industrielle de France avec 220 000 travailleurs. Vous me permettrez, à ce sujet, d’avoir une pensée pour les salariés de Fessenheim, qui ont assuré jusqu’au bout un service public exemplaire et qui ont été sacrifiés sur l’autel d’une idéologie prétendument verte.

Stopper la mise en concurrence de concessions hydrauliques

Ensuite, l’hydraulique est, de loin, la première énergie renouvelable de France, verte et pilotable. Sur ce point, le bilan des gouvernements successifs est également mauvais, puisque les investissements sont bloqués alors qu’EDF estime pouvoir développer trois à cinq gigawatts supplémentaires en dix ans. Depuis 2006, les gouvernements se sont inscrits dans l’ouverture à la concurrence demandée par l’Europe. Il y a là encore matière à scandale, car il est essentiel de maintenir l’hydraulique au sein d’une EDF intégrée avec une optimisation amont-aval telle qu’elle existe aujourd’hui, plutôt que d’initier une nouvelle destruction-désoptimisation de l’entreprise comme le prévoyait le projet Hercule.

Lorsque la loi française de 2015 a permis de prolonger certaines concessions existantes contre des travaux, la Commission a refusé le projet EDF de la Truyère pourtant fondé sur des objectifs de transition énergétique, au motif que cela n’était pas permis par la directive Concessions. Un important potentiel hydroélectrique, énergie renouvelable, n’est pas exploité uniquement pour des raisons idéologiques.

Il importe donc de régler rapidement cette question dans l’intérêt général et de renoncer à la mise en concurrence des concessions hydroélectriques, tout en préservant l’intégrité d’EDF, qui passe par le rejet du plan Hercule et du Grand EDF. Il faut reconstruire un service public ; les salariés n’en peuvent plus de toutes ces décisions erratiques, qu’elles viennent de l’Europe ou de la France.

L‘écoeurement des salariés

Malgré cette casse programmée et les milliards d’euros dépensés pour détricoter ce système intégré qui fonctionnait parfaitement, les salariés ont continué à assurer un service public de qualité dans des conditions de plus en plus difficiles. Mais quand ils voient les résultats de ce gâchis, ils sont écœurés.

Travailler pour des concurrents qui s’en mettent plein les poches grâce à l’ARENH sans prendre aucun risque ne doit plus être l’avenir du service public de l’électricité, si nécessaire à notre pays. Voir les entreprises mettre la clé sous la porte en raison de la hausse faramineuse des tarifs électriques, alors que le coût du mix électrique français est resté pratiquement stable n’est pas soutenable. L’État assaille EDF d’injonctions contradictoires, le paroxysme étant la décision inique du gouvernement d’augmenter le plafond de l’ARENH alors qu’EDF avait soldé ses positions, ce qui a entraîné une perte de 10 milliards d’EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement).

Aujourd’hui, nous avons véritablement besoin d’un État qui soit à l’écoute, qui retrouve la voie du service public et qui dise enfin à EDF ce qu’il attend d’elle, par exemple au travers d’un contrat de service public qui devrait être débattu au Parlement.

C’est pourquoi FO demande les éléments suivants :

- la suspension immédiate de l’ARENH avant son abandon pur et simple ;

- la fin de la concurrence dans les concessions hydroélectriques pour débloquer les investissements nécessaires ;

-la transformation des objectifs de moyen de production renouvelables en objectifs incluant toutes les énergies bas carbone ;

- l’application sans délai de la relance du nucléaire annoncée à Belfort ;

- l’instauration d’un tarif de l’électricité fondé sur le coût du mix électrique français.

Force Ouvrière soutient en outre la proposition de loi de nationalisation d’EDF émise par le député Brun, garantissant le caractère intégré d’EDF, premier pas vers le retour à l’EPIC.

Nous sommes en désaccord avec l’OPA lancée sur EDF : nous voulons une loi de nationalisation. Nous sommes en effet contre le statut de société anonyme, qui ne protège en rien le caractère intégré de l’entreprise publique. FO souhaite en réalité une nationalisation démocratiquement choisie par le parlement, avec à la clef un contrat de service public définissant enfin les attentes de l’État et de la représentation nationale vis-à-vis d’EDF.

Aujourd’hui, EDF connaît le plus mauvais des deux mondes : d’une part, la logique financière liée à la cotation ; et d’autre part l’augmentation de l’AREHN, qui s’est traduite par 10 milliards de perte d’EBITDA. Cela n’est plus possible.

Nous voulons refonder le service public de l’électricité à travers un vrai débat national. À cet égard, nous saluons la constitution de cette commission, qui nous permet de mener un débat politique sur une vraie loi de nationalisation.

Sur le gaz : revenir aux contrats de long terme

M. Jacky Chorin. Le gaz est de moins en moins présent en Europe. La Commission européenne ne croyait que dans les vertus du marché a fait tout ce qu’elle a pu pour casser les contrats à long terme (contrats take or pay) et a supprimé le monopole d’importation de Gaz de France. Comme M. Grillat l’a évoqué plus tôt, les monopoles d’importation ont été brisés mais les monopoles d’exportation ont été maintenus. La Commission avait ainsi poussé à son paroxysme une vision libérale qui est allée in fine à l’encontre des intérêts des Européens. Désormais, les contrats à long terme et les achats groupés qui devraient constituer une hérésie pour la Commission européenne reviennent en grâce.

À une époque, des organisations syndicales se sont battues pour fusionner EDF et Gaz de France, mais le choix politique a été différent. La loi du 9 août 2004 a ouvert le capital d’EDF et Gaz de France à hauteur de 30 %. Deux ans après, Gaz de France a été absorbé par Suez, qui a imposé son mode de fonctionnement. À l’époque, les députés croyaient à la création d’un champion national. Mais le gaz a été très peu été développé et la filière d’exploration production a été vendue. Aujourd’hui, le géant du gaz s’appelle Total.

Sur Fessenheim

L’État voulait fermer Fessenheim, la troisième centrale la plus sûre de France, mais ne voulait pas le dire dans un texte officiel, car il aurait alors dû régler des indemnités.  l’ASN fixe les règles les plus exigeantes du monde, en imposant le meilleur standard, le plus proche de l’EPR, lors de ses visites décennales. Aucun autre pays du monde n’est aussi rigoureux que nous. Il est objectivement stupide de dire que Fessenheim était la centrale la plus vieille centrale de France.

vendredi 10 février 2023

Réforme du Marché Européen de l’Electricité : le plan polonais

Réforme du marché de l’électricité : la Pologne érige le nucléaire en priorité

Les États membres de l’Union européenne devraient avoir « le droit » de subventionner « sans restriction » les centrales électriques fournissant de l’électricité pilotable lorsque l’éolien et le solaire ne sont pas disponibles, explique la Pologne dans un document officieux diffusé en amont des propositions de réforme des règles du marché de l’électricité de l’Union.

 « Nous devons garantir un contexte de règlementation positif pour investir dans toutes les technologies zéro émission et à faibles émissions.  La neutralité technologique devrait être la pierre angulaire de la réforme », précise Varsovie dans le document, faisant référence à un principe de l’UE prévoyant que les lois et les règlements ne devraient pas être biaisés en faveur d’une technologie spécifique… Cela est particulièrement important pour les projets d’énergie nucléaire »,

Les marchés de capacité « sont actuellement considérés comme un instrument temporaire de dernier recours et nécessitent un processus d’approbation complexe », constate le document officieux polonais. Au lieu de cela, ils « devraient être traités comme une caractéristique permanente » du marché de l’électricité de l’UE, « et les États membres devraient avoir le droit de les mettre en œuvre sans restriction ».

Enfin, la Pologne tient visiblement à pouvoir garder du charbon pour ses mécanismes de capacitésb : «  la réforme devrait maintenant aller plus loin et inclure « une extension transitoire de la dérogation à la limite d’émission de 550 g de CO2/kWh après 2025, afin de limiter le volume de gaz naturel consommé par le secteur de l’électricité et de garantir la capacité de charge de base »

https://www.euractiv.fr/section/energie/news/reforme-du-marche-de-lelectricite-la-pologne-erige-le-nucleaire-en-priorite/

Remarques : 1)  On aimerait  voir la France défendre le nucléaire avec autant de visibilité et de vigueur que la Pologne. D’ailleurs de nombreux pays attendent que la France se batte vraiment et prenne sa place logique de cef de file du nucléaire européens. Ils attendent…

2) Face aux attaques incessantes et aux délires antinucléaires  d’une Commission au service de l’Allemagne, la Pologne ne cesse de réaffirmer, pour toutes les mesures,  que le mix électrique est de la responsabilité des Etats. On s’attendrait à voir la France défendre le même  principe  avec la même vigueur. On attend



Extraits :

Encourager l’investissement dans les pilotables

« Des modifications de la structure du marché devraient être introduites de manière à encourager la sécurité de l’approvisionnement en incitant la production existante présentant les caractéristiques souhaitées à rester en exploitation et en déclenchant des investissements dans de nouvelles capacités de production sans aggraver les conditions des unités à un stade avancé du processus d’investissement.

Seuls les États membres dont la situation d’approvisionnement est sûre, y compris des ressources pilotables suffisantes, peuvent garantir la sécurité de l’approvisionnement au niveau européen. Ainsi, chaque État membre devrait être responsable de l’adéquation de sa production, à moins qu’il ne décide d’opter pour une solution régionale. »

Mécanismes de capacité : une solution de long terme que les Etats doivent pouvoir mettre en œuvre de manière illimitée

Avec une part croissante de sources d’énergie renouvelables intermittentes dans le système électrique, il est nécessaire de disposer de sources d’approvisionnement stables et pilotables pour couvrir la demande à tout moment. Les marchés à court terme n’offrent pas suffisamment d’incitations pour de tels investissements à forte intensité de capital et à long terme.

Les mécanismes de capacité se sont révélés efficaces pour remédier à cette défaillance du marché, en offrant des incitations au déploiement de capacités de production stables et flexibles, de stockage d’énergie (y compris par pompage hydroélectrique) ou de solutions DSR. Néanmoins, ils sont actuellement considérés comme un instrument temporaire de dernier recours et nécessitent un processus d’approbation complexe. Au lieu de cela, les mécanismes de capacité devraient être traités comme une caractéristique permanente du marché de l’électricité multi-produits, et les États membres devraient avoir un droit illimité de les mettre en œuvre.

Neutralité technologique, liberté d’investir dans le nucléaire par tous moyens adaptés

La neutralité technologique devrait être la pierre angulaire de la réforme. Nous devons garantir un environnement réglementaire positif pour investir dans toutes les technologies à émissions nulles et faibles. Cela est particulièrement important pour les projets nucléaires, qu’il s’agisse de grands projets ou de PRM (petits réacteurs modulaires), qui se caractérisent par des coûts d’investissement initiaux élevés et des périodes de construction assez longues, ainsi qu’une longue exploitation (jusqu’à 80 ans). Il importe également que la réforme offre aux États membres la flexibilité nécessaire pour soutenir les investissements conformément à leurs stratégies nationales. Les projets à long terme à forte intensité de capital dans le secteur de l’énergie nucléaire peuvent nécessiter des approches adaptées.

 Contrôle du marché

Afin de garantir la compétitivité des offres et des résultats du marché et de décourager les abus de pouvoir de marché, le marché au comptant devrait être complété par des méthodes efficaces d’atténuation du pouvoir de marché.

Tout le Pouvoir aux Etats-Membres, le minimum à la Commsiion

En règle générale, les décisions relatives à la conception détaillée de mécanismes particuliers dans le cadre susmentionné devraient appartenir aux États Membres, en tenant compte de leur responsabilité en matière de sécurité de l’approvisionnement en électricité, des circonstances nationales spécifiques, des bouquets énergétiques particuliers  et de leurs trajectoires de transition..

Quelques vues « hétérodoxes » sur le marché européen de l’électricité

Une leçon américaine sur l’inanité de la concurrence

Lionel Taccoen, Géopolitique de l’électricité

 

-Les Dindons de la Farce.  Aux Etats-Unis, les Etats choisissent librement leur régulation de l’électricité. Une vingtaine d’Etats ont gardé le système historique d’entreprises publiques à monopoles. Une autre vingtaine a choisi la concurrence. Le reste a opté pour des choix intermédiaires. Les factures sont, en moyenne, un quart plus élevées dans les Etats à concurrence.

 

Les Dindons de la Farce sont, comme en Europe, les Etats bénéficiant de productions bon marché (nucléaire et/ou hydraulique) et ayant instauré la concurrence. Ainsi les habitants du New Hampshire (60% de nucléaire), enclavé dans des Etats refusant l’atome et  idéalisant les renouvelables mais accros au gaz, supportent des factures déconnectées du nucléaire, parmi les plus élevées des Etats Unis. En sens inverse, l’Etat de Washington (hydraulique et nucléaire) a gardé ses entreprises publiques. Ses factures sont moitié de celles du New Hampshire et procurent à l’usine géante de Boeing et à ses sous-traitants un précieux élément de compétitivité dans sa rivalité avec Airbus.

 

La concurrence en électricité a été instaurée dans l’Union Européenne suivant  l’idéologie de l’Etat minimum chère à l’Ecole de Chicago, dont les vertus paraissent aujourd’hui douteuses. Contrairement aux télécommunications, la Cour de Justice de l’Union Européenne ne s’est jamais prononcée sur le principe de la concurrence en électricité. Trois faits nouveaux sont apparus depuis 1996 : l’absence de gain de compétitivité, l’apparition d’une société digitale faisant de l’électricité un besoin vital et la guerre d’Ukraine prouvant que l’électricité est nécessaire à la défense nationale.

 

Tout cela fait de l’électricité un bien public, que le père de l’économie de marché et apôtre de la concurrence, Adam Smith, plaçait sous l’autorité de l’Etat hors concurrence. 


Une solution serait comme aux Etats Unis, de laisser les Etats membres libres de choisir leur régulation de l’électricité. On obtiendrait alors une concurrence entre systèmes électriques et non entre fournisseurs, situation que la Commission apprécie dans le domaine fiscal.

 

On rappelle que la libre circulation de l’électricité dans l’Union Européenne relève d’une directive de 1990, distincte de la législation de la concurrence, et qu’il convient de garder.

https://www.geopolitique-electricite.fr/index.html

Tribune : Pour la souveraineté énergétique de la France, réformons le marché européen de l'électricité ou quittons-le»

Dans ce texte collectif, signé par plus de 22.000 personnes, dont Arnaud Montebourg et Julien Aubert, des artisans, commerçants, chefs d'entreprise et élus locaux appellent le ministre de l'Économie à faire valoir les intérêts français dans le cadre du marché européen de l'électricité.

https://www.lefigaro.fr/vox/politique/pour-la-souverainete-energetique-de-la-france-reformons-le-marche-europeen-de-l-electricite-ou-quittons-le-20230207

Extraits :

« Ce marché (le marché européen de l’électricité)  est entré dans une phase de dysfonctionnement massif sous le choc de la crise, et l'Union européenne ne semble pas à ce stade résolue à prendre des mesures efficaces pour le contrecarrer. »

« Il est urgent de revoir complètement les règles de fonctionnement du marché européen, ou bien, faute d'une réelle réforme, d'en sortir….La mise en cause de nos intérêts vitaux, à travers la fragilisation de pans entiers de notre économie mais aussi de nos collectivités, le justifie totalement. L'argument des interconnexions électriques ne tient pas : les échanges d'électricité pourraient tout à fait se poursuivre sur la base d'un système de prix différent. »

« Certes, notre filière nucléaire a été affaiblie par de mauvaises décisions nationales, qui placent la France en situation d'être parfois importatrice. Mais le parc nucléaire, que plusieurs générations de Français ont financé et construit, nous fournit encore une électricité à un coût très avantageux, bien en deçà des prix exorbitants pratiqués par les fournisseurs. Alors que le prix du MWh au tarif ARENH est de 42 €, les Français devraient bénéficier de prix reflétant le coût réel de l'électricité produite en France. Nos artisans ne devraient pas être en situation de demander des aides, mais de pouvoir vivre tout simplement de leur travail. »

« En restant dans ce marché européen de l'électricité, les Français sont spoliés deux fois : une première fois comme consommateurs d'énergie, contraints de payer des prix injustifiés ; une seconde fois comme contribuables, appelés à subventionner la survie de leurs entreprises. Ces aides sont nécessaires face à l'urgence, mais elles ne peuvent constituer une réponse durable, dans un contexte où le prix des énergies fossiles est appelé à augmenter.

Des centaines de milliers d'emplois, la capacité d'investissement de nos collectivités locales et la cohésion sociale de notre pays sont en jeu. À l'occasion des prochaines négociations européennes en 2023, il est indispensable que le gouvernement français défende les intérêts de notre économie avec la plus grande fermeté : ou bien le marché européen de l'électricité est drastiquement réformé, ou bien la France doit en sortir immédiatement. Oui, une Europe de l'énergie est possible ! Mais elle doit se bâtir dans le respect des équilibres vitaux et du profil énergétique de chaque pays. »

Réforme du marché européen de l’électricité : la contribution de Terra Nova

 Décorréler les prix de l’électricité de ceux du gaz : mission impossible ?

Note de Terra Nova et Nicolas Goldberg, Antoine Guillou

 https://tnova.fr/economie-social/finances-macro-economie/decorreler-les-prix-de-lelectricite-de-ceux-du-gaz-mission-impossible/

A) Résume : « Depuis le début de la crise énergétique, les propositions fleurissent pour détacher les prix de l’électricité de ceux du gaz. Selon Nicolas Goldberg et Antoine Guillou, l’heure n’est pas au grand retour arrière mais à cerner correctement les problèmes et à les corriger. »

Premier problème : les marchés de gros font ce pour quoi ils sont faits (assurer l’équilibre entre la production et la consommation à l’instant t) mais ils n’envoient pas les bons signaux d’investissement.

Second problème : les marchés de détail reportent sur le consommateur final la volatilité des prix de gros dont ils devraient les protéger.

Pour corriger ces défaillances, il faut donner davantage de visibilité aux opérateurs via des « contrats pour différence », généraliser les contrats de long terme (PPA) et mettre en place une régulation beaucoup plus exigeante à l’égard des fournisseurs sur les marchés de détail avec des règles prudentielles à respecter au même titre que pour les banques. »

Le problème, c’est moins les marchés de gros que les graves défauts du marché de détail

 B) Les problèmes du marché de détail

« Dans la crise actuelle, les marchés de gros ont renvoyé un signal de fort coût de l’équilibrage en raison de l’envolée des prix du gaz et des difficultés d’approvisionnement en France (notamment du fait de la baisse de disponibilité de son parc nucléaire). Soumis à ces différentes pressions, le marché de détail a révélé l’étendue de ses défauts, qui étaient déjà connus pour beaucoup mais jusqu’ici restés relativement sans conséquences tant que le prix du marché de gros était bas : »

1) Un certain nombre de fournisseurs ont été mis en faillite car ils n’avaient pas de couvertures suffisantes pour faire face à la situation: soit ils avaient misé sur un marché baissier, soit ils ne disposaient pas de la trésorerie nécessaire pour supporter la hausse des prix ou le risque auquel cela les exposait. Ces faillites de fournisseurs qui ont voulu parier inconsidérément avec le risque ont contraint leurs clients à retrouver en urgence un nouveau fournisseur qui ne pouvait leur proposer que des prix très désavantageux »

2)  « Certains fournisseurs qui étaient pourtant correctement couverts ont abusé le système en se séparant volontairement de leurs clients finaux (suspensions d’offres, non reconduction de contrat, annonces de hausses de prix parfois abusives…) pour pouvoir revendre l’énergie qu’ils avaient achetée en avance sur les marchés afin d’empocher la plus-value. Les clients ainsi abandonnés ont dû rejoindre un fournisseur de dernier ressort (EDF en France) qui a lui-même dû acheter à prix d’or l’énergie nécessaire pour fournir ces nouveaux clients (situation qu’il ne pouvait pas anticiper) » ;

3) « Les renouvellements de contrats ont très fortement exposé les clients aux variations des prix de gros de marché, les fournisseurs s’approvisionnant majoritairement sur ce marché de gros, sans autre couverture long terme que le nucléaire régulé dans le cas de la France  »

4) Pire encore, cette crise révèle en France les failles du système incomplet de régulation du nucléaire via l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH), et ses effets pervers. Consistant à ce qu’EDF vende aux fournisseurs concurrents une partie de sa production nucléaire à un prix fixe de 42€/MWh, les droits à ce nucléaire régulé, dits « droits ARENH », sont calculés pour chaque concurrent d’EDF en fonction de la taille de son portefeuille. Ces droits ARENH étant calculés uniquement sur la période d’été, certains fournisseurs avaient tout intérêt à gagner des clients pendant l’été pour les pousser vers la sortie une fois l’automne venu, par exemple en proposant des prix très compétitifs à la souscription en été avant de remonter les prix une fois l’hiver arrivé. En effet miroir, tout client particulier revenant chez EDF (environ 100 000 par mois depuis la fin de l’été 2022) oblige l’opérateur historique à lui vendre à prix régulé alors que les marchés s’envolent. La situation est tout aussi catastrophique pour les entreprises ne trouvant plus de fournisseur compte tenu du risque de crédit, devant ainsi souvent se retourner vers l’opérateur historique (qui n’est toutefois plus tenu de leur proposer un tarif règlementé depuis leur extinction pour les professionnels fin 2015).

Plus que le fonctionnement des marchés de gros, c’est d’abord cette régulation inadaptée du marché de détail, dont les objectifs sont à revoir, qui entraînent des situations inacceptables avec des consommateurs livrés à la volatilité des prix du marché de gros, suscitant du même coup des demandes d’intervention de la part des pouvoirs publics. Cette conclusion nous amènera à une série de propositions : nous avons besoin de réformes sur les marchés de détail pour nous assurer que les consommateurs soient protégés contre les échecs ou les abus de certains fournisseurs peu compétents ou peu scrupuleux

C) Principes et Propositions pour les marchés de détail

Principe : « Parallèlement, il faudra dans tous les cas renforcer la régulation du marché de détail en instaurant un système de règles prudentielles applicables aux fournisseurs d’électricité. Ces derniers présentent en effet des similitudes avec les banques dans la mesure où ils fournissent un service indispensable aux consommateurs et au fonctionnement de l’économie, et où ils sont exposés aux variations, potentiellement très importantes, des prix du marché de gros, eux-mêmes fortement corrélés aux prix du gaz fossile importé. Il convient donc de s’assurer de leur viabilité, en les obligeant à respecter un certain nombre de critères de solidité financière »

Propositions

1) « Le contrôle à intervalles réguliers du taux de couverture des fournisseurs au regard de leur portefeuille par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), à évaluer en fonction de leurs actifs disponibles. Ces couvertures chez les fournisseurs pourraient être assurées par des contrats de long terme, une trésorerie suffisante dédiée, des moyens de production détenus en propre, etc. Comme pour les banques, des « stress tests » réguliers pourraient être réalisés »

2) La réforme du système de fournisseur de dernier recours, dont le financement devrait être mutualisé entre tous les fournisseurs comme une assurance puisqu’au final, c’est bien de cela qu’il s’agit ;

3) L’assouplissement des règles sur les contrats de long terme à destination des consommateurs directs (en permettant en particulier aux clients les plus consommateurs, dits de haut de portefeuille, de s’engager au-delà de trois ans) ou de regroupements de fournisseurs pour fourniture aux clients finaux.

Remarque : on peut regretter que n’ait pas été repris une proposition plus dure parfois avancée par Nicolas Goldberg : pas de fournisseurs alternatifs sans production propre à un niveau de couverture minimal à fixer (30% ?)

D) Les Problèmes du marché de gros

Les marchés de gros de l’électricité ne donnent aucun signal d’investissement et finissent par organiser un risque de pénurie

La défaillance majeure du marché de détail n’exonère toutefois pas les marchés de gros européens de toute critique. Ces derniers sont en effet myopes : ils ne voient pas au-delà du court terme.  Il n’est aujourd’hui possible d’avoir de la visibilité sur les prix que pour trois ans au maximum. Or les moyens de production d’électricité, quels qu’ils soient, mettent plus de trois ans pour se déployer, en particulier en France au vu des fortes contraintes réglementaires (10–15 ans pour des parcs éoliens offshore ou du nucléaire, 5 ans pour des parcs photovoltaïques…).

Le marché seul n’incite donc pas à investir dans de nouvelles capacités électriques, tant les prix sont volatiles et valables uniquement sur le court terme, comme nous le dénonçons déjà depuis longtemps

Une myopie aggravée par le dogmatisme européen

« La Commission européenne, sur la base de la théorie économique qui a présidé à la création du marché dans les années 1990, a souhaité historiquement supprimer, pour le gaz comme pour l’électricité, le développement de tout contrat à long terme. Elle considérait en effet ce type de contrat comme une entrave à la concurrence et au bon fonctionnement du marché. Ainsi, tout contrat d’une durée supérieure à quatre ans est aujourd’hui soumis à une enquête pour vérifier qu’il ne constitue pas une entrave au bon fonctionnement du marché. De ce fait, des contrats d’engagement sur le long terme, comme Exeltium en France qui s’est développé sans soutien de l’Etat, ont mis plus de cinq ans à être mis en place en raison des enquêtes dont ils ont fait l’objet, même lorsque les volumes concernés étaient relativement faibles »

« La théorie qui sous-tendait la libéralisation des années 1990 et selon laquelle le lien entre le marché de détail et le marché de gros par l’intermédiaire des fournisseurs suffirait à donner les bons signaux d’investissements est en réalité très fortement mise à mal »

Remarque : Cela  revient à dire selon l’analyse présentée par le PSIRU d’Oxforde que « Le problème n’est donc pas que le marché de gros de l’électricité  fonctionne selon un modèle totalement inapproprié (marché de gros des matières premières) pour le marché de gros de l’électricité et que «les coûts supplémentaires imposés par la concurrence - duplication des fonctions, perte d’économies d’échelle - peuvent augmenter les prix »

Cf sur ce blog https://vivrelarecherche.blogspot.com/2022/12/reponse-de-la-commission-europeenne-la.html, https://vivrelarecherche.blogspot.com/2022/12/une-nouvelle-conception-des-marches-de.html

E) Les solutions préconisées pour le marché de gros : principes et propositions

Principes

1) Des objectifs en termes de mix énergétique relèvent bien du droit communautaire et les Etats doivent accepter a minima une forme de coordination dans le cadre de l’Union, avec des convergences d’objectifs et des critères de sécurité d’approvisionnement partagés.

Remarque non, absolument non  . Il est temps d’en revenir à la fixation simplement d’objectifs de réduction de gaz à effet de serre, les Etats étant responsables de leur mix énergétique. Toute autre solution qui ignore les fortes différences de conditions géographiques et historiques des Eats expose à un très grand risque d’explosion de l’Europe, comme le montre les tensions incessantes et de plus en plus graves entretenues par l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, occasionnellement associés à d’autres états sur la question nucléaire   

2) Les incitations publiques doivent pouvoir pleinement jouer leur rôle dans l’orientation de l’investissement de long terme dans la production décarbonée additionnelle… Seuls des soutiens publics forts et des contrats de long terme (PPA) permettront aux Etats membres d’accélérer leur transition énergétique et à l’Union européenne de se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles, que la crise actuelle a de nouveau très fortement soulignée ;

3) Dans ce contexte, les contrats à long terme (PPA privés ou via des dispositifs de soutien public) ne doivent pas être considérés comme une entrave au bon fonctionnement du marché, mais comme un outil pour encourager l’investissement et protéger les consommateurs finaux d’une volatilité trop forte, les marchés de court terme pouvant en même temps poursuivre leur existence pour permettre l’équilibrage du réseau au meilleur coût.

Propositions

1) Capter la rentre intramarginale

Face à la situation actuelle, sous la pression des Etats, la Commission européenne a annoncé un mécanisme visant à limiter les surprofits des producteurs d’électricité : la captation des revenus de vente d’électricité au-delà de 180€/MWh…. Toutefois, ce mécanisme est trop timide et n’est prévu que pour être provisoire : fixé à 180 €/MWh, ce plafond de revenus est trop élevé. Rappelons qu’en France, le bouclier tarifaire a été mis en place en octobre 2021 dès que les prix avaient atteint 85 €/MWh sur les marchés de gros, ceux-ci ayant plutôt évolué ces dernières années autour de 50 €/MWh. Il faut d’ailleurs noter que la France a souhaité abaisser le plafond de revenus proposé par la Commission européenne pour les producteurs d’électricité à 100 €/MWh.

2) Instaurer un plancher de revenu

Pour avoir un meilleur partage des risques entre les producteurs et les consommateurs, il manque au mécanisme européen un plancher de revenus sécurisant les exploitants contre un retournement du marché à l’avenir. En effet, si les revenus des producteurs d’électricité sont plafonnés pour éviter les surprofits lorsque les prix de marchés sont élevés, il semblerait juste et logique que les producteurs soient en retour protégés avec un plancher de revenus contre les chutes des prix de marché qui entraîneraient pour eux de lourdes pertes, comme cela a été le cas entre 2015 et 2018. En miroir d’un plafond de revenus, il faudrait ainsi un plancher de revenus pour que le producteur d’électricité soit assuré de pouvoir couvrir ses coûts et conserver ainsi un système suffisamment incitatif à la réalisation des investissements dans la production d’électricité décarbonée dont nous avons besoin.

Ce principe de régulation n’est d’ailleurs pas si novateur : c’est aussi celui des « contrats pour différence » (Contracts for difference ou CfD) dont bénéficient déjà les énergies renouvelables en France et en Europe.

Notons qu’il est aussi similaire au principe de « couloir de prix » proposé en 2019 par le gouvernement français pour réguler les revenus du parc nucléaire existant à l’issue de l’expiration du dispositif ARENH, dans un projet de réforme depuis avorté.

Notre proposition consisteà étendre ce système de régulation à l’ensemble des moyens de production décarbonés

3) Protéger les consommateurs dans le cadre d’un bouclier tarifaire largement repensé, reflétant les coûts globaux du système et ciblé sur les ménages qui en ont le plus besoin, contrairement au dispositif actuel, généralisé, très coûteux et finalement peu efficace du point de vue budgétaire

4) Permettre le financement de la partie « plancher » du dispositif, c’est-à-dire les revenus versés aux producteurs lorsque les prix de marché sont inférieurs

5) Etendre la visibilité des marchés de gros au-delà de trois ans afin de permettre les échanges de couvertures à long terme.

Fig1) Le modèle actuel de marché

Ce que donnerait le modèle grec ( modèle dual) cfhttps://vivrelarecherche.blogspot.com/2023/02/la-necessite-de-faire-evoluer-le-modele.html, https://vivrelarecherche.blogspot.com/2023/02/les-propositions-de-la-grece-pour-la.html

Remarques 1) Cette réforme minimale du marché de gros se heurte toujours au  même problème qu’il ne résout pas  : comment fixer justement les prix planchers et prix plafonds en conciliant la protection du consommateur et les nécessités d’investoissements? Est-il possible de le faire au niveau européen alors que les situations nationales en matière de mix énetgétiqe et de situations sociales sont tellement différentes ? Or un tel système ne peut fonctionner qu’au niveau européen (sinon fuites de subventions- on retombe dans les reproches justement adressés à la pseudo solution espagnole.)

Il vaudrait mieux supprimer les rentes inframarginales comme le permet la solution grecque

Remarque 2) Selon la philosophie générale de Terra Nova, le dispositif de bouclier est réservé aux seuls ménages en très grande difficultés et est complètement aveugle aux problèmes des classes  moyennes qui verraient leurs revenus considérablement amputés. Les classes moyennes se verraient ainsi financer un bouclier dont elles n’obtiendrait aucun bénéfice. C’est un choix politique extrêmement dangereux ( dans la continuité d ‘autres, telles la politique familiale)

Remarque 3) le principal problème n’est toujours pas traité : le manque d’investissement dans des productions pilotables. Aucune solution pérenne n’est possible sans que ce problème soit traité. Il faut donc que les services supérieurs rendus au système électrique et à la socitété par des production pilotables décarbonées ( nucléaire, hydraulique) soient reconnus et que les externalités négatives des ressources intermittentes soient pris en charge par les producteurs desdites ressources.

Cela peut passer par la priorité d’injection sur le réseau du nucléaire ( l’hydraulique étant plutôt réservé à la capacité) ( une solution adoptée par exemple par l’Ontario et/ou par une taxe "intermittence" sur les énergies renouvelables prenant en compte les coûts de stockage, flexibilité, système rseau et extension du réseau) selon un mécanisme similaire à la taxe carbone qui frappe les énergies fossiles

Remarque 4 Si la réforme du marché de détail est importante et intéressante, celle des marchés de gros est nettement insuffisante, pourtant on peut craindre que ce soit celle a minima adoptée par la Commission. Elle ne resoudra rien !

samedi 4 février 2023

Commission Schellenberger : Philippe Knoche, PDG d’Orano

Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France- Commission Schellenberger

Sur Orano :  Plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, ont perdu leurs compétences en matière de recyclage. Je suis donc extrêmement fier des équipes du nucléaire français, d’Orano en particulier, qui portent ces technologies. Elles ont besoin de visibilité et d’anticipation, car les industriels s’accommodent mal des stratégies de stop & go ou clignotantes. Nous sommes résilients aux crises, qu’il s’agisse de la crise Covid-19 – nous produisions alors à 80/90 % de notre capacité – ou du drame de la guerre en Ukraine. De véritables forces existent dans l’industrie nucléaire française, en particulier du côté de ces équipes, et ce malgré le désert que nous avons traversé.

Sur l’abandon d’Astrid et le futur des réactuers neutrons rapides : un decéiosn résultant des choix politiques, pas scientifiques

Sur la forme, nous avons effectivement été associés à cette prise de décision. Sur le fond, j’y ai été associé dans des conditions qu’il convient de préciser. À l’époque, Areva sortait de restructuration. L’entreprise n’était pas réellement financeur du programme Astrid, ou seulement de manière marginale, et ce sont surtout des équipes du CEA et d’Areva – aujourd’hui passées chez Framatome – qui travaillaient sur le sujet. Dès lors que l’État a annoncé de fortes réductions des budgets du CEA, et dès lors qu’EDF a annoncé ne pas pouvoir financer au niveau souhaitable en raison de contraintes financières découlant du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), il était impossible pour Areva – puis Framatome et Orano – de financer ces recherches et développements, étant entendu que nous étions nous-mêmes sous pression économique. Toute traversée du désert vous confronte à des choix. En l’absence de carburant, il convient d’abandonner certains véhicules en se concentrant sur les autres : c’est le choix qui a été opéré.

Néanmoins, cela n’enlève rien à l’avantage des réacteurs rapides dans la gestion du cycle nucléaire. Nous avons simplement dû procéder, sous contrainte budgétaire, à des arbitrages en termes de recherche et développement (R&D).

Aujourd’hui, plusieurs sortes de réacteurs rapides existent, avec des maturités technologiques et des enjeux extrêmement différents. L’avancement technologique sur les réacteurs à sodium, dont la France a été leader mondial, est tout à fait différent de ce que l’on observe sur les autres types de réacteurs. Près de cinquante start-up dans le monde – notamment aux États-Unis – travaillent sur les réacteurs avancés, dont dix qui ont été sélectionnées et cinq que nous fournissons et qui sont aidées par le gouvernement américain, ce soutien consistant à favoriser l’émergence de plusieurs entreprises de conception de réacteurs. Nous fournissons également deux start-up sélectionnées et financées à hauteur de plusieurs milliards de dollars pour construire leur premier prototype. L’un d’eux est un réacteur au sodium, élaboré par l’entreprise TerraPower de Bill Gates, qui développe également un autre réacteur rapide à sels fondus, alimenté par du combustible liquide, qui ne présente absolument pas le même degré de maturité technologique – il n’en a jusqu’ici existé qu’un seul fonctionnel durant trois ans.

Sur les SMR à combustible très enrichis : pas assez d’investissements, l’Europe à la traine

M. le président Raphaël Schellenberger. Dans le débat public, la discussion autour des SMR élude la question du combustible et de son niveau d’enrichissement. Certains projets reposent sur des niveaux d’enrichissement non usuels et particulièrement élevés au regard de la réglementation. Comment appréhendez-vous cet enjeu ?

 

M. Philippe Knoche. Les réacteurs précités peuvent utiliser des combustibles enrichis jusqu’à 20 % en uranium, contre 5 % pour le combustible classique. Ces réacteurs présentent l’avantage de fonctionner beaucoup plus longtemps sans besoin de recharge et/ou d’être beaucoup plus compacts.

 

Il s’agit d’un horizon complet d’innovation que les États-Unis ont cherché à atteindre en levant ce seuil de 5 % qu’ils avaient eux-mêmes imposé de manière informelle depuis plusieurs décennies. En termes d’enrichissement, le passage de 5 à 20 % ne requiert par d’autres technologies que celles déjà utilisées pour le passage de 0,7 à 5 %. Les usines doivent être adaptées, mais sans rupture technologique. Des installations dédiées sont à prévoir pour l’entreposage, le transport et la déconversion, pour lesquelles les barrières technologiques ont toujours été maîtrisées ; si certaines installations ont été arrêtées depuis vingt ans et ont été détruites, nous disposons toujours des procédés.

 

Le marché n’existe pas actuellement, mais les matières enrichies à 20 %, uniquement d’approvisionnement russe, alimentent des réacteurs de recherche, des réacteurs à but médical ou des prototypes de réacteurs avancés, qui cherchent désormais de nouvelles sources d’approvisionnement. Si les États-Unis ont dégagé un budget de 700 millions de dollars sur ce type de sujet, aucun fonds dédié n’existe au titre de France 2030, qui se concentre sur la conception de réacteurs et non sur le cycle associé. Pour notre part, nous avons publiquement indiqué que nous travaillions sur des combustibles commerciaux enrichis à 6, 7 ou 8 %, sachant que certains clients pourraient vouloir allonger les cycles des réacteurs existants, ainsi que sur des combustibles enrichis jusqu’à 20 %, de manière à soutenir les réacteurs de recherche.

 

M. le président Raphaël Schellenberger. Avec vos installations d’envergure industrielle, jusqu’à quel niveau êtes-vous autorisés à enrichir l’uranium ?

 

M. Philippe Knoche. Nous enrichissons jusqu’à 5 %, mais seules de faibles modifications sont nécessaires pour passer à 6 %, tandis que le cadre réglementaire est relativement adapté à 8 %. Nous devons en revanche soumettre des dossiers aux autorités compétentes en fonction des pays.

 

George Besse = trois centrales nucléaire de plus !


M. le président Raphaël Schellenberger. Vous avez réalisé un important investissement industriel en fermant l’usine Eurodif et en ouvrant l’usine Georges-Besse II. Un chiffre m’a particulièrement marqué : vous êtes passés d’un besoin de puissance de 2 500 mégawatts pour la première à 50 mégawatts pour la seconde. Autrement dit, Orano a rendu l’équivalent de trois tranches nucléaires au réseau national. Pouvez-vous préciser à quelle date est intervenu ce changement ?

M. Philippe Knoche. l’arrêt d’Eurodif – intervenu en 2010, 2011 ou 2012 – fut particulièrement visible à l’époque. En revanche, je confirme que ce changement n’est pas anodin par rapport à l’analyse de la demande, de même qu’il n’est pas anodin en termes géographiques, dans la mesure où le sud-est est très demandeur de génération électrique. À ma connaissance, EDF et RTE étaient tout à fait intéressés de récupérer cette production électrique. J’ignore toutefois comment cette nouvelle donne a été prise en compte dans les simulations d’évolution de la consommation, puisque je ne travaillais pas sur ces sujets à ce moment. Quoi qu’il en soit, il est vrai que l’évolution technologique entre les deux usines est tout bonnement incroyable. Pour prendre une image parlante, Orano intervient généralement sur des objets aussi technologiques qu’une Formule 1 électrique et aussi grands qu’une cathédrale. Dans le cas présent, nous sommes passés d’une technologie à dimension de cathédrale à une technologie très modulaire, très numérisée et très économe en énergie.

M. le président Raphaël Schellenberger. C’est comme si nous avions construit, en 2012, trois tranches nucléaires de 900 gigawatts dans le parc national. Or cela n’a pas été pris en compte dans l’évolution des scénarios, ce qui peut masquer certaines réalités de construction de ces scénarios.

M. Philippe Knoche. De manière générale, les systèmes complexes sont difficiles à vulgariser, et l’on préfère parfois se focaliser sur quelques symboles, alors que la réalité est souvent plus complexe et doit être présentée dans la nuance. À nous de l’expliquer.

Sur l’approche intégrée et les forges du Creusot et l’EPR d’Olkiluoto

L’approche stratégique One-Stop Shop est la capacité à vendre à la fois de l’uranium, du combustible et des réacteurs. Si Areva a été démantelé pour des raisons d’exécution et de mise en œuvre, le producteur d’uranium canadien Cameco a récemment racheté la société américaine Westinghouse, tandis que les Russes ont toujours vendu des réacteurs avec le combustible et les matières associés. Inversement, les Britanniques ont échoué. Il s’agit bien d’une question de mise en œuvre et de capacité, pour une entreprise, à délivrer ce qu’elle a promis. Celle-ci est indépendante de la question relative à la fabrication de cuves, qui induit des enjeux de savoir-faire industriel et de mise à niveau.

 

J’ai dû gérer la situation du Creusot, qui était confronté à l’évolution de la réglementation et du savoir-faire industriel. Nous avons été les premiers à souligner que nos forges n’appliquaient pas les meilleures techniques industrielles du moment. Depuis, de grands forgerons mondiaux ont admis ne pas maîtriser ce type d’opérations aussi bien qu’espéré. Désormais, grâce aux investissements réalisés au Creusot et bien décrits par Bernard Fontana, Framatome a le savoir-faire industriel, maîtrise ces opérations et dispose d’outils industriels complètement rénovés, sachant qu’ils n’avaient pas été renouvelés depuis la construction du parc

 

Professionnellement, il fut très traumatisant de construire dans ces conditions : design inachevé, Supply Chain et base technologique et industrielle qui n’avaient pas été à la même phase de la construction depuis vingt ans, compétences perdues, construction à l’international sans construction préalable en France, etc. Tous les critères de dysfonctionnement étaient réunis. Néanmoins, notre concurrent américain a rencontré des difficultés encore plus grandes. La France ne doit donc pas "jeter le bébé avec l’eau du bain". L’EPR est un produit construit pour soixante ans, reconnu extrêmement sûr par les autorités de sûreté, et même s’il n’est pas le seul réacteur capable de répondre à la demande, les équipes qui ont traversé le désert en construisant le réacteur méritent le respect.

 

M. Antoine Armand, rapporteur. Vous ne partagez donc pas l’avis de M. Proglio selon lequel l’EPR serait inconstructible.

 

M. Philippe Knoche. L’EPR est constructible, puisqu’il tourne, mais il est indéniable que de nombreux objets sont plus simples à construire. Sa construction en Chine semble toutefois plus facile que dans le monde occidental, où les grands projets sont difficiles à faire avancer. Lorsque mes amis allemands me charrient sur le temps de construction de l’EPR, qui est évidemment dramatique et qui n’est pas à reproduire, je leur rappelle que l’EPR est entré en fonction avant l’aéroport de Berlin, dont la construction a débuté lors de la chute du Mur en 1989/1990….

 

Sur la disponibilité du combustible

 

Rappelons à nouveau que 100 grammes d’uranium équivalent à 1 tonne de pétrole. Les stocks disponibles chez les clients et aux différents niveaux de la chaîne représentent plusieurs années de consommation. Si l’une des sources d’approvisionnement représentant 20 à 30 % venait à défaillir, nos autres sources d’approvisionnement et nos deux ans de stocks nous permettraient de gérer une décennie et nous donneraient le temps de nous retourner. Il s’agit bien entendu de chiffres moyens, et les clients n’aborderont pas pareillement la situation suivant leur niveau de stocks.

 

Si nous sommes vigilants aux aspects géopolitiques, nous savons aussi que les réserves d’uranium naturel se trouvent à 40 % dans des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce qui constitue un amortisseur non négligeable. Par ailleurs, l’équilibre entre intérêt économique de court terme et intérêt de stabilité de long terme fait que nous étions tout à fait d’accord avec la mise sous cocon de la mine McArthur au Canada : dès lors que les conditions de marché sont mauvaises, il est préférable de conserver une réserve sûre pour le long terme. Quoi qu’il en soit, la diversité de nos sources d’approvisionnement – tant en termes géographiques que de partenaires mondiaux ou de technologies – nous permet d’être sereins par rapport à notre sécurité à court terme, pour cet hiver comme pour le prochain.

 

Vous avez évoqué à juste titre le développement du nucléaire, étant entendu que nous aurons besoin de cinq à dix fois plus d’électricité décarbonée d’ici 2050, avec au moins un facteur deux pour le nucléaire selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Il est donc vrai que nous aurons besoin de plus de ressources, mais les réserves et ressources d’uranium sont aujourd’hui estimées à un siècle, y compris avec l’agrandissement du parc nucléaire. À long terme, je n’anticipe pas de hausse du prix de l’uranium aussi forte que celle ayant récemment affecté d’autres ressources naturelles ; historiquement, la livre d’uranium oscille entre 20 et 120 dollars, pour un prix actuel de 50 dollars. Bien entendu, l’augmentation de la demande à horion 2030/2040 conduira à une consommation accrue d’uranium, ce qui nécessitera l’ouverture de nouvelles mines. Cela dit, pour un électricien opérant une centrale nucléaire, passer de 20 à 50 dollars la livre d’uranium ne révolutionnera pas le coût de son mégawattheure

 

Boucler le cycle du combustible , le budget du CEA est insuffisant.

 

M. Antoine Armand, rapporteur. Est-il un peu insuffisant ou faudrait-il vraiment aller plus loin pour traiter correctement la question de la fermeture du cycle – je ne parle pas de l’industrialisation d’un RNR – et être près dans un pas de temps déterminé ?

 

M. Philippe Knoche. Je ne connais pas parfaitement le budget du CEA, mais Orano confie l’essentiel de sa R&D d’aval du cycle au CEA. En outre, l’essentiel de notre budget de R&D porte sur l’aval du cycle, puisque les technologies d’enrichissement et de conversion sont nucléaires. Nous disposons aussi de budgets d’exploration et de jumeaux numériques, mais l’aval du cycle concentre bien l’essentiel de notre budget de R&D, à hauteur de plus de 100 millions d’euros, soit 3 % de notre chiffre d’affaires. Or nous devrions idéalement doubler cet ordre de grandeur. L’aval du cycle représente aujourd’hui 2 ou 3 euros par mégawattheure, mais nous devrions probablement, dans les années à venir, doubler ce montant pour renouveler notre approche. Chaque année, nous investissons 1 % de la valeur d’une usine en maintenance, ce qui n’est pas viable sur une quinzaine d’années. D’importants efforts financiers sont donc à prévoir.

Par ailleurs, une partie du budget nucléaire du CEA est consacrée au démantèlement, et toute augmentation du budget du CEA lui permettrait d’investir davantage dans la recherche.

 

Nous savons démanteler !


M. Philippe Knoche. Je suis ravi d’entendre, madame Laernoes, que vous ne souhaitez pas la mort du nucléaire. Si j’ai bien compris votre propos, vous cherchez avant tout à savoir si nous savons démanteler des centrales nucléaires et si nous avons suffisamment provisionné pour ce faire. Je vous confirme donc que nous savons démanteler des réacteurs nucléaires. Nous avons d’ailleurs terminé, avec nos équipes américaines et l’appui de nos équipes européennes, le démantèlement des parties principales du réacteur américain de Vermont Yankee, quatre ans après que le projet nous a été confié. Il s’agit du deuxième réacteur que nous démantelons aux États-Unis, après celui de Cristal River, avec des budgets comparables à ce qui existe en France, mais avec beaucoup moins de complexité qu’en Europe. Nous allons par exemple découper la cuve en cinq à dix pièces, alors que l’Europe nous impose – du fait des filières de déchets et d’un ensemble de contraintes – de la découper en dizaines voire centaines de pièces. Je confirme donc que nous savons démanteler des réacteurs et qu’il est possible de procéder plus simplement ailleurs, étant entendu que nous procédons selon la réglementation propre à chaque pays.