Une leçon américaine sur l’inanité de la concurrence
Lionel Taccoen, Géopolitique de l’électricité
-Les Dindons de la Farce. Aux
Etats-Unis, les Etats choisissent librement leur régulation de l’électricité.
Une vingtaine d’Etats ont gardé le système historique d’entreprises publiques à
monopoles. Une autre vingtaine a choisi la concurrence. Le reste a opté pour
des choix intermédiaires. Les factures
sont, en moyenne, un quart plus élevées dans les Etats à concurrence.
Les Dindons de la
Farce sont, comme en Europe, les Etats bénéficiant de productions bon marché
(nucléaire et/ou hydraulique) et ayant instauré la concurrence. Ainsi les habitants du New Hampshire (60%
de nucléaire), enclavé dans des Etats refusant l’atome et idéalisant les renouvelables mais accros au
gaz, supportent des factures déconnectées du nucléaire, parmi les plus élevées
des Etats Unis. En sens inverse, l’Etat de Washington (hydraulique et
nucléaire) a gardé ses entreprises publiques. Ses factures sont moitié de
celles du New Hampshire et procurent à l’usine géante de Boeing et à ses
sous-traitants un précieux élément de compétitivité dans sa rivalité avec
Airbus.
La
concurrence en électricité a été instaurée dans l’Union Européenne suivant
l’idéologie de l’Etat minimum chère à l’Ecole de Chicago, dont les vertus
paraissent aujourd’hui douteuses. Contrairement aux télécommunications, la Cour
de Justice de l’Union Européenne ne s’est jamais prononcée sur le principe de
la concurrence en électricité. Trois faits nouveaux sont apparus depuis 1996 :
l’absence de gain de compétitivité, l’apparition d’une société digitale faisant
de l’électricité un besoin vital et la guerre d’Ukraine prouvant que
l’électricité est nécessaire à la défense nationale.
Tout cela fait de l’électricité un bien public, que le père de l’économie de marché et apôtre de la concurrence, Adam Smith, plaçait sous l’autorité de l’Etat hors concurrence.
Une solution serait
comme aux Etats Unis, de laisser les Etats membres libres de choisir leur
régulation de l’électricité. On obtiendrait alors une concurrence entre
systèmes électriques et non entre fournisseurs, situation que la Commission
apprécie dans le domaine fiscal.
On rappelle que la libre circulation de l’électricité dans l’Union Européenne relève d’une directive de 1990, distincte de la législation de la concurrence, et qu’il convient de garder.
https://www.geopolitique-electricite.fr/index.html
Tribune : Pour la souveraineté énergétique de la France, réformons le marché européen de l'électricité ou quittons-le»
Dans ce texte collectif, signé par plus de 22.000
personnes, dont Arnaud Montebourg et Julien Aubert, des artisans, commerçants,
chefs d'entreprise et élus locaux appellent le ministre de l'Économie à faire
valoir les intérêts français dans le cadre du marché européen de l'électricité.
Extraits :
« Ce marché (le marché européen de l’électricité) est entré dans une phase de dysfonctionnement massif sous le choc de la crise, et l'Union européenne ne semble pas à ce stade résolue à prendre des mesures efficaces pour le contrecarrer. »
« Il est urgent de revoir complètement les règles de fonctionnement du marché européen, ou bien, faute d'une réelle réforme, d'en sortir….La mise en cause de nos intérêts vitaux, à travers la fragilisation de pans entiers de notre économie mais aussi de nos collectivités, le justifie totalement. L'argument des interconnexions électriques ne tient pas : les échanges d'électricité pourraient tout à fait se poursuivre sur la base d'un système de prix différent. »
« Certes, notre filière nucléaire a été affaiblie par de mauvaises décisions nationales, qui placent la France en situation d'être parfois importatrice. Mais le parc nucléaire, que plusieurs générations de Français ont financé et construit, nous fournit encore une électricité à un coût très avantageux, bien en deçà des prix exorbitants pratiqués par les fournisseurs. Alors que le prix du MWh au tarif ARENH est de 42 €, les Français devraient bénéficier de prix reflétant le coût réel de l'électricité produite en France. Nos artisans ne devraient pas être en situation de demander des aides, mais de pouvoir vivre tout simplement de leur travail. »
« En restant dans ce marché européen de l'électricité, les Français sont spoliés deux fois : une première fois comme consommateurs d'énergie, contraints de payer des prix injustifiés ; une seconde fois comme contribuables, appelés à subventionner la survie de leurs entreprises. Ces aides sont nécessaires face à l'urgence, mais elles ne peuvent constituer une réponse durable, dans un contexte où le prix des énergies fossiles est appelé à augmenter.
Des centaines de milliers d'emplois, la capacité d'investissement de nos collectivités locales et la cohésion sociale de notre pays sont en jeu. À l'occasion des prochaines négociations européennes en 2023, il est indispensable que le gouvernement français défende les intérêts de notre économie avec la plus grande fermeté : ou bien le marché européen de l'électricité est drastiquement réformé, ou bien la France doit en sortir immédiatement. Oui, une Europe de l'énergie est possible ! Mais elle doit se bâtir dans le respect des équilibres vitaux et du profil énergétique de chaque pays. »
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