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mardi 28 mars 2023

Sécurité du développement de la filière Hydrogène_ Rapport IGED

 Sécurité du développement de la filière Hydrogène Rapport n° 014277-01 (IGED ; Inspection Generale de l’environnement et du développement durable)

Auteurs : Emmanuel Clause – CGE,Bernard Larrouturou – IGEDD,Michel Rostagnat – IGEDD,Isabelle Wallard – CGE

 Plus de questions que de réponses

Si l’on peut penser que les questions liées à la sécurité Hydrogène sont bien maı̂trisées par les grands industriels rompus à la culture du risque et attentifs à assurer la sécurité de leurs processus de production, le développement des usages dans le secteur de la mobilité, et potentiellement dans d’autres secteurs, fait intervenir un grand nombre de nouveaux acteurs, ce qui soulève de nouvelles questions en matière de sécurité et nécessite de nouvelles approches en matière de gestion des risques et de réglementation.

Pour la mobilité, les projets foisonnent mais l’écart reste grand entre les rêves et les réalisations. Annoncée par le gouvernement le 8 septembre 2020, la stratégie nationale de développement de

l’hydrogène décarboné prévoit 7 Md€ de soutien public d'ici à 2030 (dont 4 Md€ pour compenser les coûts de l’hydrogène bas carbone) pour assurer la souveraineté technologique française et déployer

une capacité de 6,5 GW d’électrolyse d’ici à 2030 sur le territoire national. Les usages de cet hydrogène décarboné concernent l’industrie et la mobilité lourde. En revanche, le recours à l’hydrogène pour la mobilité légère et l’équilibre du système électrique n’est pas envisagé à court terme et les questions de transport et de stockage ne sont pas évoquées ; de plus, la stratégie nationale ne prévoit pas d’importation d’hydrogène, conformément au principe de souveraineté énergétique fixé dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) approuvée en avril 2020. La priorité de la stratégie nationale porte donc sur le développement en France de la production par électrolyse.

La mission recommande aussi que l’ensemble des leviers mis en place par l’Etat pour soutenir le développement de la filière soient mobilisés afin d’accroı̂tre la sécurité. Elle préconise d’inclure dans les appels à projets un volet sur la sécurité et de demander aux porteurs des projets aidés sur crédits publics un retour d’expérience en la matière ; d’approfondir les analyses des accidents et incidents liés à l’hydrogène, et d’améliorer leur partage au sein de la profession ; de veiller à maintenir au meilleurniveau l’expertise publique sur la sécurité Hydrogène

Un peu de prospectives-Ordres de grandeurs

Pour la France le scénario « Hydrogène+ » de RTE (Réseau de transport d’électricité), dans lequel les usages de l’hydrogène se développeraient massivement au détriment des autres sources d’énergies

décarbonées, prévoit à l’horizon 2050 une consommation de 130 TWh/an d’hydrogène produit en France par électrolyse ; soit, compte tenu du rendement de l’électrolyse, un appel de l’ordre de 200 TWh/an d’électricité, à comparer à la consommation d’électricité actuelle, soit 439 TWh/an en 2018.

Un tel scénario implique donc une progression très importante de la production nationale d’électricité,notamment renouvelable.

Ces chiffres sont si importants qu’on ne peut pas faire l’hypothèse d’un hydrogène produit en Europe à bas coût uniquement à partir de l’électricité renouvelable excédentaire. Notamment, certains acteurs voyaient jusqu’à récemment le vecteur énergétique hydrogène comme un moyen peu coûteux de stocker des « surplus d’énergie électrique », ce qui permettrait d’augmenter la flexibilité du système énergétique national. Cette perspective apparaı̂t aujourd’hui comme très hypothétique : il est très peu probable qu’elle se concrétise avant la décennie 2040.

Dans ce contexte, pour atteindre les objectifs stratégiques affichés, on ne peut que souhaiter que les Etats européens, et la France en particulier, accélèrent le développement de capacités de production d’électricité bas-carbone, c’est-à-dire renouvelable et nucléaire. Il s’agit clairement d’un autre déterminant clé pour l’avenir de la filière Hydrogène.

 


Production d’hydrogène : des projets industriels très dépendants du financement public

Dans le cadre du plan de relance, l’Etat français a lancé un appel à manifestations d’intérêt (AMI) traité à titre dérogatoire dans le cadre des aides d’Etat susceptibles d’être attribuées à des projets importants d’intérêt européen commun (Piiec), en lien avec la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne.

Dans ce cadre, 15 projets ont été présentés à la Commission en 2021 au titre de la pré-notification :Le projet Masshylia vise à approvisionner en partie la raffinerie TotalEnergies de la Mède,l es projets d’Air Liquide en Normandie et à Dunkerque, le projet Hynovi de Vicat et Hynamics, à Montalieu-Vercieu (38), vise à capturer et utiliser le dioxyde de carbone issu des cimenteries pour le transformer en méthanol

On peut trouver logique la production au plus près d’installations de production d’électricité éolienne ou photovoltaı̈que dispersées, mais on peut aussi s’interroger sur l’intérêt d’investir dans des électrolyseurs connectés à des sources d’énergie intermittentes isolées et qui ne bénéficieront pas d’effets d’échelle. Tout en favorisant la constitution de grosses entités d’électrolyse, la mise en oeuvre de la stratégie française inclut un volet de soutien à des petites installations, ce qui permet de produire de l’hydrogène à proximité d’usages locaux, notamment dans le domaine de la mobilité, ou bien là où le réseau est fragile comme en Guyane.

En réalité, la production devra être faite au plus proche des utilisations industrielles, ce qui a abouti à la définition de 7 grands bassins hydrogène

Utilisation de l’hydrogène pour le stockage d’énergie : Dans les futurs réseaux électriques, l’hydrogène est envisageable pour stocker de l’énergie produite à partir de sources d’énergie intermittentes (éolien, solaire). Ce type de solution est envisagé pour améliorer l’approvisionnement en électricité de zones non interconnectées. Ce rôle de « l’hydrogènevecteur énergétique » pourrait aussi permettre de transporter de l’énergie sur de longues distances, par exemple entre les éoliennes en mer éloignées des côtes et le continent.  ( ??)

Une barge expérimentale pour la production d’hydrogène au pied d’éoliennes en mer est en cours de test au large de Saint-Nazaire . Un des objectifs à terme de ce projet, porté par l’entreprise Lhyfe, est de pallier la difficulté d’acheminement de l’électricité depuis des éoliennes en haute mer : l’alternative serait de transformer l’électricité en hydrogène sur la plateforme offshore et de transporter l’hydrogène par canalisation vers le continent. A terme, il s’agira d’arbitrer entre le coût de la connexion électrique et la perte de rendement liée à la production d’hydrogène. Pour l’instant, il s’agit d’expérimenter la technologie d’électrolyseur dans les conditions des éoliennes en mer.

 Mobilité : utilisation réduite à quelques secteurs

Les gestionnaires sont tous, à ce jour, dans une démarche d’expérimentation, et ils sont conscients que les bus à hydrogène ne présentent pas encore toutes les garanties de fiabilité.  RATP considère que l’hydrogène a vocation à occuper deux segments spécifiques : les bus articulés de 18 m (ce qui représente aujourd’hui 400 bus sur les 4 000 de son parc francilien), que les batteries électriques ne savent pas alimenter une journée entière sans recharge, et les minibus de long parcours en grande banlieue. La RATP estime que, en 2030, les bus à hydrogène représenteront quelques % de sa flotte de bus, qui sera essentiellement constituée à cet horizon de bus biocarburants ou batterie.

Il faut toutefois garder à l’esprit que l’équilibre économique de ces solutions de mobilité n’est aujourd’hui assuré que par un apport substantiel de crédits publics.

Le déploiement des stations de distribution : au dernier trimestre 2022, une cinquantaine de stations sont en service en France 46 . Une part substantielle de ces stations distribuent de l’hydrogène produit sur place – par électrolyse – et les autres sont alimentées par des bouteilles transportées par camion. L’hydrogène est stocké en station en phase gazeus , à des pressions pouvant aller jusqu’à 500 bars voire 1000 bars pour pouvoir alimenter les réservoirs à 350 ou 700 bars placés dans les véhicules. La quasi-totalité des stations stockent une quantité d’hydrogène inférieure à 1 t.En fait la pression dans le réservoir du véhicule et dans le tuyau de remplissage varie au cours du remplissage. De plus, l’hydrogène est refroidi à -40 °C pour éviter d’atteindre des températures trop élevées en fin de remplissage.

En terminant cette description de la dynamique du déploiement des stations à hydrogène, la mission tient à rappeler que l’équilibre économique de ces activités est aujourd’hui assuré par un apport de crédits publics, et que la rentabilité à terme reste encore incertaine

Conclusion sur la mobilité

En conclusion des sections 3.1 et 3.2, la mission souhaite insister sur le fait que, dans le domaine de la mobilité terrestre, l’hydrogène n’a pas vocation à occuper l’ensemble des créneaux, mais seulement quelques-uns. C’est vrai des transports publics urbains où il semble pertinent pour une partie relativement ciblée du transport par bus, et cela semble vrai aussi pour les taxis dans certaines grandes métropoles. L’hydrogène peut aussi être pertinent pour certains segments du transport interurbain par autocars. Il peut l’être aussi pour des engins utilisés sur des sites industriels ou logistiques, lorsqu’ils sont employés de façon intensive et que la brièveté du temps de recharge est un paramètre crucial.

En la matière, on en est encore au stade des expérimentations, même si certaines sont plus avancées que d’autres. Ces zones de pertinence de l’hydrogène ne peuvent pas encore être complètement cernées de façon définitive, d’autant plus que les expérimentations et les projets en cours devront à un moment « réussir le test de leur rentabilité économique », qui n’est pas acquise aujourd’hui.


Des perspectives à clarifier pour le transport maritime et pour les ports ; plus de questions que de réponses

L’alimentation par batterie électrique est exclue dans le cas des navires transocéaniques, compte tenu du volume, du poids et du coût des batteries nécessaires à la tenue en mer pendant plusieurs jours. L’hydrogène pourrait se positionner sur ce marché ( ??). Toutefois, c’est plutôt dans l’assistance portuaire et dans les court- et moyen-courriers (le ferry notamment) qu’il pourrait dans un premier temps trouver sa place (probablement sous la forme liquide à -253 °C) – en concurrence avec d’autres énergies possibles. Dans tous les cas, ces perspectives sont de moyen ou de long terme et il reste de nombreux obstacles à franchir

Plus généralement, il n’existe pas aujourd’hui de consensus international sur le choix d’un combustible neutre en carbone pour le transport maritime : les candidats sont nombreux et beaucoup utilisent l’hydrogène ou ses dérivés (hydrogène, méthanol, ammoniac, GNL avec CCS, e-carburants, biocarburants, …). La priorité actuelle consiste donc à favoriser l’expérimentation d’un certain nombre de ces technologies et d’en tirer le maximum d’enseignements

Face à ces perspectives encore imprécises, les ports maritimes français s’interrogent, et ils manquent encore d’une vision réaliste des besoins. Il est vrai que le bouquet énergétique susceptible d’être demandé par la clientèle est large, comme l’a décrit un récent rapport du CGEDD et du CGE

Un premier pas significatif pourrait être celui de l’alimentation à quai des navires par barge, prévue à Rouen à l’horizon 202563. Autre exemple de réflexion en cours : le port de Bordeaux réfléchit aussi à la façon de mobiliser les quelques 3 000 t/an d’hydrogène fatal produites par un industriel local.

Schématiquement, on peut résumer les questions auxquelles les ports maritimes français font face de la façon suivante :

· Pour décarboner les navires, aussi bien au cours de leur séjour au port que durant leur navigation, quelles énergies les ports devront-ils fournir à quai dans le futur : de l’électricité, de l’hydrogène, d’autres sources d’énergie (biogaz, e-fuels, ammoniac, méthanol, etc.) ?

· Quelles seront dans dix ou vingt ans les principales sources d’énergie apportées dans les ports français par voie maritime (hydrogène, ammoniac, LOHC, autres sources décarbonées…) et quelles capacités de transformation, de stockage et de transport devront être prévues en proximité ?

· Quelles évolutions les ports devront-ils mettre en oeuvre dans leurs relations et leurs interactions avec leur environnement industriel – sachant que les environnements industriels des ports seront particulièrement impactés par le développement de l’hydrogène et qu’ils incluront une très grande part des capacités françaises de production d’hydrogène décarboné

L’entreprise HdF Energy porte le projet Elementa de barge Hydrogène à Rouen, qui consiste à alimenter en électricité*ou éventuellement en hydrogène les navires à quai ; l'intérêt de la barge est qu'elle peut se déplacer facilement d’unnavire à l’autre, ce qui évite au port de coûteux investissements en infrastructures. HdF Energy se positionne aussi sur un projet conjoint avec Fincantieri de conversion des navires à l’hydrogène, projet qui sollicite un soutien public au titre des projets Piiec.

 Le transport interrégional et intra-européen et le stockage d’hydrogène un saut technologique, de qq km à plusieurs centaines voire milliers dont la faisabilité reste à confirmer

Le transport d’hydrogène en France :  il existe déjà en France, depuis quelques décennies, du transport d’hydrogène par canalisation, principalement sur le « réseau privé » appartenant à Air Liquide. L’hydrogène (gris) est transporté à l’état gazeux sur quelques kilomètres ou quelques dizaines de kilomètres, depuis un site de production vers des sites industriels.

Il est difficile d’imaginer une perspective de développement de l’hydrogène décarboné dans laquelle l’adéquation entre les localisations respectives de la production et de la consommation serait suffisamment bonne pour permettre de ne pas avoir besoin de transporter l’hydrogène. Le transport interrégional permettra aussi de mettre en réseau les bassins d’utilisation de l’hydrogène avec les principaux sites de stockage

GRTgaz porte avec des partenaires allemands deux projets expérimentaux de conversion de canalisations existantes pour le transport d’hydrogène : le projet MosaHYc (Moselle Sarre hydrogenconversion) et le projet RHYn (Rhine hydrogen network) sur deux réseaux transfrontaliers de 70 et de 100 km respectivement . Sur la base de ces expériences les acteurs du transport du gaz (en France et en Europe) considèrent qu’ils seront en mesure d’entamer dans un petit nombre d’années le déploiement du transport d’hydrogène par canalisation. Ce déploiement se ferait principalement par conversion de canalisations existantes utilisées aujourd’hui pour le transport du gaz naturel. Les travaux de R&D et les projets d’expérimentation en cours devraient permettre de clarifier avant 2024-2025 les incertitudes qui restent au plan technique et de confirmer la faisabilité de conversion à l’hydrogène d’une grande partie des canalisations existantes utilisées aujourd’hui pour le gaz naturel.

Même si elle reste à confirmer, cette conviction de la faisabilité technique et économique du transport d’hydrogène par canalisation a permis aux acteurs de la filière de préciser la perspective concernant ce qu’ils estiment être nécessaire en matière de déploiement d’infrastructures de transport dans les prochaines années. Ainsi, une forme de consensus émerge depuis peu au sein de la filière sur le besoin de commencer à disposer, d’ici à la fin de la décennie 2020, d’une capacité de transport interrégional par canalisation pour relier entre eux les « bassins Hydrogène » (et les sites de stockage géologique.

Le document « Trajectoire pour une grande ambition Hydrogène » de France Hydrogène donne une estimation de 700 km de canalisations d’hydrogène en France en 2030.

L’idée d’utiliser un mélange de gaz naturel et d’hydrogène n’est pas une piste d’avenir. Cependant, GRDF note que ses homologues dans d’autres pays n’ont pas totalement renoncé à cette piste, et reste en veille sur le sujet

Le transport d’hydrogène intra-européen : ’Allemagne et les Pays-Bas envisagent d’importer massivement de l’hydrogène vert, qui pourrait :

-soit provenir d’autres pays européens et être transporté par canalisation ; on pense notamment à de l’hydrogène qui serait produit  au sud de l’Europe (par exemple en Andalousie) en utilisant de l’électricité d’originesolaire ;

-ou au nord de l’Europe en utilisant de l’électricité d’origine éolienne (par exemple, dans les eaux danoises ou norvégiennes) ;

-soit provenir d’autres régions du monde ; on pense notamment ici à de l’hydrogène vert qui serait produit  en Afrique du nord en utilisant de l’électricité d’origine solaire, puis serait transporté vers l’Allemagne ou le Benelux par canalisation à travers la France ou l’Italie, ou dans des régions plus lointaines et transporté vers l’Europe par voie maritime.

Dans ce cadre du European hydrogen backbone, ces entreprises ont proposé une première vision de ce que pourrait être le réseau de transport d’hydrogène en Europe à l’horizon 2040, avec environ 40 000 km de canalisations (majoritairement converties à partir de canalisations existantes), dont 4 000 km environ en France. La perspective de 700 km de canalisations d’hydrogène en France en 2030 présentée dans la section 4.1.1 s’intègre donc dans la vision du European hydrogen backbon 

Tout en exprimant leur conviction sur l’importance de développer les infrastructures de transport d’hydrogène, en France et en Europe, les interlocuteurs avec qui la mission s’est entretenue sur ces sujets conviennent que la question du rythme auquel il faudra développer ce réseau de transport est aujourd’hui entachée de grandes incertitudes . Plusieurs observateurs notent l’ampleur des incertitudes sur les projections de la demande et de la production d’hydrogène, et soulignent le risque important de « coûts échoués » qui pourrait résulter d’un développement surdimensionné des infrastructures de transport.

La mission note à ce propos qu’elle n’a pas connaissance d’études analysant de façon précise comment se comparent, notamment du point de vue économique, les différentes options possibles en matière de transport intra-européen : vaut-il mieux transporter l’hydrogène sur de longues distances par canalisations, ou privilégier son transport par voie maritime lorsqu’il est possible, ou encore privilégier le transport d’électricité par lignes haute tension ?

Le stockage d’hydrogène

En France, l’opérateur majeur du stockage est l’entreprise Storengy, filiale d’Engie spécialisée dans le stockage souterrain de gaz naturel. Elle dispose en France de 14 sites de stockage souterrain : neuf en nappes aquifères, quatre en cavités salines et un en gisement déplété. L’entreprise Teréga gère aussi 2 sites de stockage souterrain dans le Sud-Ouest. La capacité de stockage de gaz naturel en France est proche de 130 TWh, ce qui représente environ 30 % de la consommation annuelle.

Storengy et Teréga sont engagées, avec leurs partenaires, dans plusieurs projets expérimentaux de stockage souterrain d’hydrogène, tous en cavités salines – plus appropriées au stockage de l’hydrogène que les aquifères. Trois projets sont portés par Storengy, un quatrième par Téréga

L’objectif de Storengy est de stocker 1 TWh d’hydrogène en 2030, et de convertir à l’hydrogène 100 % de ses cavités salines à l’horizon 2050

Il est estimé que les capacités de stockage en cavités salines sur le territoire national sont comprises entre 3 et 5 TWh. Dans son étude sur les futurs énergétiques de la France en 2050, déjà citée, RTE évalue le besoin de stockage d’hydrogène en France à plusieurs dizaines de TWh. Au regard de cette estimation – qui reste à préciser en fonction des scénarios envisagés – les capacités de stockage identifiées sont donc clairement insuffisantes.

Importer ou non de l’hydrogène : sous haute pression allemande !

La stratégie française de septembre 2020 s’inscrivait dans le cadre de la stratégie européenne de juillet 2020, qui ne fixait pas d’objectif concernant les importations d’hydrogène. Mais le plan RePowerEU de mai 2022 fixe désormais des perspectives très différentes, avec un objectif 2050 d’importer en Europe une quantité d’hydrogène décarboné aussi élevée que la quantité d’hydrogène décarboné produite sur le territoire européen. Ce plan impacte clairement les projets des acteurs, en France et dans les autres pays européens, et il crée notamment un effet d’accélération des projets de transport d’hydrogène.

Face à ces nouvelles perspectives, face aux besoins que formuleront les industries lourdes principalesconsommatrices d’hydrogène en France, face aussi aux limites des capacités de stockage souterrain d’hydrogène sur le territoire national, face enfin aux questions que soulèvent certains de ces projets de transport (avec notamment le risque pour la France de devenir un « pays de transit » de l’hydrogène, qui serait transporté par canalisation à travers notre pays en provenance de l’Espagne ou de l’Afrique du nord et à destination de l’Allemagne et du Benelux – avec toutes les questions que cela pose du point de vue de la souveraineté et sur les plans économique et environnemental), la mission estime important que la France précise, dans ce nouveau contexte européen, sa stratégie sur la question d’importer ou non de l’hydrogène et sa vision de l’avenir du transport intra-européen de l’hydrogène

NB : cette question pose accessoirement celle d’une forme de néo-colonialisme qui verrait l’Allemagne importer massivement de l’hydrogène produits dans des pays africains manquant déjà d’électricité, lesquels en auraient bien besoin pour assurer leur développement décarbonné.

L’hydrogène, une molecules dangereuse – remember Hindenburg

L’hydrogène présente certaines caractéristiques qui induisent des risques spécifiques en matière de sécurité. 

- Sa molécule étant la plus petite de toutes les molécules, l’hydrogène gazeux est très léger et il a une diffusivité élevée. Ces caractéristiques se traduisent par des risques de fuites lorsque l’hydrogène gazeux est stocké dans des réservoirs ou circule dans des canalisations. De plus, l’hydrogène a la propriété de fragiliser certains matériaux métalliques, comme l’acier, car il peut pénétrer le cristal métallique et diffuser en son sein. 

-L’hydrogène est un gaz inflammable et explosif. Sa « plage d’inflammabilité » ou « d’explosivité » dans l’air se situe entre 4 % et 75 % ; elle est beaucoup plus étendue que celle du méthane et d’autres gaz. De plus, l’énergie minimale d’inflammation de l’hydrogène est particulièrement faible, inférieure à celle d’une légère décharge électrostatique, ce qui accroı̂t le risque d’incendie ou d’explosion.

- La température de flamme est d’environ 2 000 °C, plus élevée que la température de flamme du méthane. La flamme est invisible – sauf en présence d’impuretés – ce qui crée un risque supplémentaire pour les interventions de secours, d’autant plus qu’elle rayonne peu

L’ampleur du risque est fortement réduite à l’extérieur et en milieu ouvert : à l’air libre, l’hydrogène diffuse et s’élève très rapidement dans l’atmosphère et, si la combustion se produit, les risques de détonation sont très faibles. En revanche, le risque est sensiblement accru en milieu confiné. Ainsi, le stationnement des véhicules à hydrogène dans un parking couvert ou fermé, et leur circulation dans des tunnels, sont des situations à risques, sur lesquelles malheureusement la réglementation estaujourd’hui à peu près muette – ce qui est une des causes de l’attentisme de certains acteurs

Les risques liés au stockage d’hydrogène 

Ayant une molécule très petite, et ayant de plus une viscosité très faible, l’hydrogène stocké dans des réservoirs à l’état gazeux est particulièrement sujet aux fuites. Ce risque est fortement accru du fait que, à cause de sa faible densité énergétique, l’hydrogène gazeux est stocké à très haute pression : à 350, 700 ou 1 000 bars selon les configurations. Une très grande attention doit donc être portée aux matériaux des réservoirs dans lesquels l’hydrogène est stocké et des canalisations dans lesquelles il circule, ainsi qu’à tous les organes de raccordement (vannes, joints, etc.), que ce soit dans les installations industrielles, dans les autres installations fixes telles que les stations-service à hydrogène, ou à bord des véhicules. Cette attention porte non seulement sur la conception et la fabrication de ces équipements, mais aussi sur leur entretien, leur maintenance et leur contrôle.

Les risques liés au transport par canalisation 

Alors que les réservoirs d’hydrogène évoqués ci-dessus sont réalisés en matériaux composites, une partie des canalisations utilisées pour le transport ou la distribution du gaz (par exemple, pour le gaz naturel) sont en acier ou en alliages métalliques. De ce fait, le transport d’hydrogène dans ces canalisations présente des risques spécifiques car il a la particularité de dégrader les métaux. La littérature distingue d’une part la fragilisation par l’hydrogène, qui peut se traduire par un cloquage du métal en surface ou par l’absorption d’atomes d’hydrogène dans l’acier, provoquant la diminution de sa ductilité et une augmentation des contraintes mécaniques, voire des fissurations ; d’autre part l’attaque par l’hydrogène à haute température, qui conduit à une perte de résistance et de ductilité du matériau.

Il faut aussi mentionner ici un risque qui concerne les réservoirs d’hydrogène liquide à très basse température (-253 °C) : le Bleve (autre acronyme issu de l’anglais : « Boiling liquid expanding vaporexplosion »). Ce mot désigne la vaporisation violente à caractère explosif d’un liquide, consécutive à la rupture brutale du réservoir qui le contient : le phénomène peut survenir pour tout liquide cryogénique contenu dans une enceinte rigide et hermétique lorsqu’un apport thermique lui faitdépasser sa température d’ébullition. Le gaz libéré se mélange à l’air ; s’il est inflammable, comme l’est l’hydrogène, il peut former une boule de feu. 

Avant de décrire les principaux risques liés à l’hydrogène, précisons que les bases de données d’accidentologie, telles que la base Aria tenue par le Bureau d'analyse des risques et pollutions industriel  (Barpi) de la DGPR, sont relativement pauvres en ce qui concerne l’hydrogène. Au 1er janvier 2021, Aria recensait 377 accidents impliquant l’hydrogène dans le monde, sur une période de 30 ans, essentiellement dans l’industrie lourde consommatrice d’hydrogène (chimie, raffinage…), dont 251 en France, lesquels ont conduit au décès de 7 personnes. C’est le signe qu’en l’état actuel de ses usages, pour l’essentiel dans de grandes industries, le risque est relativement bien maı̂trisé

 A titre d’exemple, on peut évoquer quelques accidents notables liés à l’hydrogène.

Une explosion a eu lieu en 2019 dans une station-service délivrant de l’hydrogène à Kjørbo en Norvège. Cet accident, qui ne fit heureusement aucune victime, serait dû à un défaut d’étanchéité dans le dispositif de stockage, qui aurait permis une fuite lente puis soudaine.

D’après les estimations, c’est entre 1,5 et 3 kg d’hydrogène qui auraient été impliqués dans l’explosion. L’explosion a été suivie d’un incendie qui s’est propagé au bâtiment.



En 2004, une explosion causée par une fuite de 13 g d’hydrogène dans un laboratoire de l’Ifpen à Solaize (69) a détruit le local sans faire de victime.

Enfin, il faut signaler l’accident qui a tué deux personnes et blessé six autres personnes en mai 2019 dans un centre de recherches en énergies nouvelles de la ville de Gangneung dans la province du Gangwon en Corée du Sud. Selon les sources, l’origine de l’accident est liée à l’explosion d’un réservoir d’hydrogène ou à la défaillance d’un électrolyseur.


Autres risques

-Transport par camion : risque d’explosion des bouteilles 

-Effet de serre : Si l’hydrogène n’a en lui-même aucun effet radiatif, et donc aucune contribution directe à l’effet de serre, des recherches récentes montrent que, de par son influence sur d’autres gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère (le méthane, la vapeur d’eau et l’ozone notamment), son « potentiel de réchauffement global » est élevé

- Feux : Les questions liées aux conditions d’intervention des pompiers lors des accidents qui les ont mobilisés sont aussi des sujets essentiels.

- Electrolyseurs : la mission souligne aussi, sur la base de ses échanges avec certains industriels impliqués dans la fabrication d’électrolyseurs, que les risques liés aux électrolyseurs méritent une attention particulière, et que la « montée en maturité » de ces technologies demandera un suivi attentif. Dans ce domaine, les échanges avec les industriels sont cruciaux

- Risques en milieux  confinés : L’ampleur des risques est très différente selon que l’on considère des usages de l’hydrogène en plein air ou dans des milieux confinés. A l’air libre, la légèreté de l’hydrogène (15 fois plus léger que l’air) le conduit à s’élever rapidement et sa forte diffusivité contribue aussi à disperser et diluer rapidement l’hydrogène. Une flamme d’hydrogène peut se produire à l’air libre, mais le risque de déclencher une détonation est pratiquement nul. 

Les conditions sont très différentes en milieu confiné. La simple présence d’un toit ou d’un auvent couvrant un réservoir ou un véhicule peut contribuer, en cas de fuite, à créer une zone d’accumulation où la concentration de l’hydrogène peut permettre l’inflammation. Dans des conditions défavorables en milieu fermé, la possibilité de déclencher une détonation ne peut être exclue.

La parade la plus efficace contre le risque d’explosion consiste donc à ne pas installer des équipements et ne pas faire stationner des véhicules sous toiture, mais au contraire à l’air libre ou dans un espace pourvu d’une ouverture vers le haut 

Conclusion : L’utilisation de l’hydrogène est maîtrisée dans l’industrie lourde, mais la prise en compte de la sécurité par les nouveaux acteurs est un défi majeur

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