L’excellente revue québécoise Argument
publie ce mois-ci (janvier 2016) sur son site internet un article sur la
laïcité et le positivisme que je leur ai soumis (très, voir trop
complet !). Merci à eux !
Résumé des
principaux points :
Québec et Canada ont, comme
beaucoup d’autres pays, à faire face à la question renouvelée de la
laïcité, d’accommodements raisonnables en concessions
inacceptables ; partout, en France même, le débat oppose
républicains « intransigeants » et libéraux partisans d’une laïcité
plus « ouverte », plus « moderne », partisans d’une laïcité
« à la française » et tenants du multiculturalisme anglo-saxon
Selon la conception
positiviste de la laïcité, celle-ci résulte d’une évolution des mentalités et
des sociétés selon la loi des trois états. Le positivisme pose le principe
d’une évolution universelle des civilisations ; inévitablement confrontées
non seulement aux résultats, mais aux méthodes de la science moderne, toutes
évolueront vers une forme de laïcité.
La séparation des églises et
de l’Etat (Dieu n’est plus d’ordre public) ne constitue qu’un aspect d’un
principe plus général, celui de la séparation des pouvoirs temporels et
spirituel (qui agit sur l’opinion), principe qui seul peut assurer la liberté —
le principe antitotalitaire par excellence
L’ordre théologique, détruit,
doit être remplacé ; aussi, la laïcité suppose-t-elle la définition et
l‘enseignement d’une morale laïque, que les positivistes pensent supérieure à
la morale théologique, pour son efficacité, et aussi parce que l’homme ne fait
plus le bien par crainte d’un châtiment divin, mais par l’éducation et la
culture des sentiments altruiste : « l’Homme n’est plus citoyen du
Ciel, mais de la Terre » (Pierre Laffitte)
Pour l’individu, la laïcité
accomplit la promesse d’émancipation issue du cartésianisme et des
Lumières ; elle permet le franchissement du formidable écart qui sépare,
suivant le mot d'Auguste Comte, « les esclaves de Dieu
des serviteurs de l'Humanité
Aucune société, pensait Comte,
ne peut vivre sans une « doctrine sociale commune » :
« Dans une population où le concours indispensable des individus à l’ordre
public ne peut plus être déterminé par l’assentiment volontaire et moral
accordé par chacun à une doctrine sociale commune, il ne reste d’autre
expédient, pour maintenir une harmonie quelconque, que la triste alternative de
la force ou de la corruption ».
La laïcité est donc au cœur de
la doctrine sociale commune de la République, elle n’est pas négociable, et, en
ce sens l’état laïc n’est pas neutre : il ne peut traiter de la même façon
les doctrines qui acceptent et celles qui refusent la laïcité, et un certain nombre
d’autres valeurs liées ( telle l’égalité des droits entre religions, sexe,
race, orientation sexuelle, liberté d’expression, y compris blasphème, liberté
d’apostasie…) Si la liberté d’expression doit être respectée, il en va
autrement des comportements, menaces, pressions quelconques, sans parler des
violences. Il est du rôle du politique d’apprécier empiriquement si des
accommodements sont souhaitables et utiles, mais ils ne peuvent être que très
temporaires et très limités ; dans la France de Jules Ferry, ils se
limitaient à parfois attendre la réfection des classes pour en enlever le
crucifix, rappelait récemment Mona Ozouf.
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