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mercredi 13 janvier 2016

Les origines positivistes de la laïcité « à la française » : Dieu n’est plus d’ordre public


L’excellente revue québécoise Argument publie ce mois-ci (janvier 2016) sur son site internet un article sur la laïcité et le positivisme que je leur ai soumis (très, voir trop complet !). Merci à eux !


Résumé des principaux points :

Québec et Canada ont, comme beaucoup d’autres pays,  à faire face à la question renouvelée  de la laïcité, d’accommodements raisonnables en concessions inacceptables ;  partout, en France même, le débat oppose républicains « intransigeants » et libéraux partisans d’une laïcité plus « ouverte », plus « moderne », partisans d’une laïcité « à la française » et tenants du multiculturalisme anglo-saxon

Selon la conception positiviste de la laïcité, celle-ci résulte d’une évolution des mentalités et des sociétés selon la loi des trois états. Le positivisme pose le principe d’une évolution universelle des civilisations ; inévitablement confrontées non seulement aux résultats, mais aux méthodes de la science moderne, toutes évolueront vers une forme de laïcité.

La séparation des églises et de l’Etat (Dieu n’est plus d’ordre public) ne constitue qu’un aspect d’un principe plus général, celui de la séparation des pouvoirs temporels et spirituel (qui agit sur l’opinion), principe qui seul peut assurer la liberté —  le principe antitotalitaire par excellence

L’ordre théologique, détruit, doit être remplacé ; aussi, la laïcité suppose-t-elle la définition et l‘enseignement d’une morale laïque, que les positivistes pensent supérieure à la morale théologique, pour son efficacité, et aussi parce que l’homme ne fait plus le bien par crainte  d’un châtiment divin, mais par l’éducation et la culture des sentiments altruiste : « l’Homme n’est plus citoyen du Ciel, mais de la Terre » (Pierre Laffitte)

Pour l’individu, la laïcité accomplit la promesse d’émancipation issue du cartésianisme et des Lumières ; elle permet le franchissement du formidable écart qui sépare, suivant le mot d'Auguste Comte,  « les esclaves de Dieu  des  serviteurs de l'Humanité

Aucune société, pensait Comte, ne peut vivre sans une « doctrine sociale commune » : « Dans une population où le concours indispensable des individus à l’ordre public ne peut plus être déterminé par l’assentiment volontaire et moral accordé par chacun à une doctrine sociale commune, il ne reste d’autre expédient, pour maintenir une harmonie quelconque, que la triste alternative de la force ou de la corruption ».

La laïcité est donc au cœur de la doctrine sociale commune de la République, elle n’est pas négociable, et, en ce sens l’état laïc n’est pas neutre : il ne peut traiter de la même façon les doctrines qui acceptent et celles qui refusent la laïcité, et un certain nombre d’autres valeurs liées ( telle l’égalité des droits entre religions, sexe, race, orientation sexuelle, liberté d’expression, y compris blasphème, liberté d’apostasie…) Si la liberté d’expression doit être respectée, il en va autrement des comportements, menaces, pressions quelconques, sans parler des violences. Il est du rôle du politique d’apprécier empiriquement si des accommodements sont souhaitables et utiles, mais ils ne peuvent être que très temporaires et très limités ; dans la France de Jules Ferry, ils se limitaient à parfois attendre la réfection des classes pour en enlever le crucifix, rappelait récemment Mona Ozouf. 

 

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