Pour le rapport : https://www.academie-technologies.fr/blog/categories/publications-de-l-academie/posts/l-hydrogene-le-nouvel-eldorado-vert
Résume_Introduction
« Les objectifs de réduction drastique des
émissions de CO2, voire de neutralité carbone en 2050, provoquent dans de
nombreux pays dont la France un regain d’intérêt pour la production d’hydrogène décarboné. De nouveaux
usages de cet hydrogène sont envisagés tels que la substitution à l’hydrogène carboné dans l’industrie, l’injection jusqu’à 20 % dans les réseaux
de gaz naturel, la transformation en
méthane ou en carburants liquides (e-fuels et notamment carburants de
synthèse pour le transport aérien), la
production d’électricité par conversion dans des piles à combustible (PAC)
stationnaires (alimentation d’écoquartiers ou de bâtiments) ou embarquées dans
des véhicules. L’hydrogène est parfois évoqué comme un vecteur de stockage
d’énergies solaires et éoliennes intermittentes. Ces différents usages viendront en concurrence compte tenu du
potentiel limité de production d’hydrogène décarboné en France, hors recours à l’électricité nucléaire.
L’Académie analyse les problématiques de production, stockage, distribution,
et risques associés pour en déduire les usages prometteurs et en écartant certains au regard des critères
économiques et de faisabilité comme par exemple le stockage massif d’hydrogène
à partir d’énergies renouvelables pour produire in fine de l’électricité »
Commentaire : l’hydrogène, ça peut servir à
beaucoup de choses : décarboner certaines industries, remplacement partiel
ou total du méthane et/ou synthèse d’autres hydrocarbures, mobilité, stockage
d’énergie.
Dès l’introduction, l’Académie prévient : - 1) il faut que l’hydrogène soit, par son
mode de production, décarbonné ; 2)
l’hydrogène comme stockage des énergies intermittentes, ça le fait pas ;
3) si on veut beaucoup d’hydrogène pour beaucoup d’usages, il faut du
nucléaire !
Quelques données caractéristiques sur l’hydrogène
La France produit et utilise 922
000 tonnes d’hydrogène par an et dispose de plusieurs réseaux privés de
transport d’hydrogène, de plus de 300 km de longueur. La production mondiale,
en croissance, avoisine les 70 millions de tonnes.
Plus de la moitié de la
production annuelle française d’hydrogène, qui est d’environ 900 000 t, est de
l’hydrogène fatal, c’est-à -dire qu’il est produit en association avec des
processus industriels qui n’ont pas la production d’hydrogène comme
objectif : industriel du chlore (6%), cokeries (14%), Raffineries (40%)
L’hydrogène présente une grande
mobilité qui induit une possibilité plus importante de fuite que le
méthane ; par ailleurs, il peut se recombiner avec beaucoup d’éléments et et fragiliser des
contenants métalliques ou minéraux ; c’est un inconvénient pour le transport et le
stockage, mais qui n’est pas rédhibitoire…
L’hydrogène peut exploser pour une
concentration ddans l’air comprise entre 4 % et 75 %, condition qui ne peut être rencontrée que dans
un volume restreint du fait de la grande
légèreté et de la grande vitesse de diffusion de l’hydrogène qui se traduit par
une dilution rapide dans l’air.
La combustion de l’hydrogène crée
une flamme très chaude, plus de 2000°C, mais quasiment invisible en plein jour.
Cet aspect est évidemment à prendre en compte dans les opérations de secours.
Cependan l’hydrogène présente aussi des caractéristiques très favorables en
termes de sécurité : le faible rayonnement de sa flamme, ce qui en cas
d’incendie limite fortement le risque de propagation par effet de rayonnement
thermique ; une absence de toxicité (en cas de contact, d’inhalation…) ; sa
diffusion élevée. Il se dilue quatre fois plus vite dans l’air que le gaz
naturel et douze fois plus vite que les vapeurs d'essence, ce qui réduit les
risques d’accumulations explosives.
Tout ceci n’empêche pas son utilisation, par exemple, les voitures à
hydrogène sont homologuées en France depuis décembre 2011
La densité de l’hydrogène gaz à
température et pression ambiante est presque 10 fois moins que celle du
méthane, celle de l’hydrogène liquide est presque 10 fois moins que celle de
l’essence, mais l’hydrogène n’est liquide qu’à très basse température (vers
-250°C, à une vingtaine de degré du zéro absolu).
Le pouvoir calorifique de
l’hydrogène est élevé en masse, plus de deux fois celui du méthane. Par contre,
le pouvoir calorifique en volume est environ trois fois plus faible que celui
du méthane (important pour les réservoirs). Ceci veut dire que pour une
canalisation de gaz de même diamètre, il faut un débit volumique d’hydrogène 3
fois supérieur à celui du méthane pour obtenir la même capacité calorifique.
La compression de l’hydrogène gaz
à 700 bars permet d’atteindre une densité de 58 kg/m3 (moins de 10% de celle de
l’essence) mais consomme 5% du pouvoir énergétique de l’hydrogène ; la liquéfaction de l’hydrogène permet
d’augmenter la densité (71 kg/m3), mais au prix d’un coût énergétique important
(entre 20 et 50% du pouvoir énergétique initial) et d’une température proche du
zéro absolu.
La consommation annuelle
d’hydrogène en France aujourd’hui est d’environ 922 000 tonnes, obtenues par
vaporeformage d’hydrocarbures. Pour le vaporeformage du méthane cela correspond
à l’émission d’environ 9 Mt de CO2 (à comparer avec un total d’environ 320 Mt
de CO2 émises en France).
• Le coût de l’hydrogène obtenu
par vaporeformage est de l’ordre de 1,5 €/kg à 2 €/kg. Le coût de l’hydrogène obtenu par électrolyse
est de l’ordre de 5 à 8 €/kg.
• La production annuelle de 1 Mt
d’hydrogène par électrolyse consommerait environ 12 % de la production
d’électricité aujourd’hui.
Comment produire de l’hydrogène décarboné ?
L’essentiel de l’hydrogène est actuellement produit par vaporeformage
d’hydrocarbures. Les procédés sont matures, mais fortement émetteurs de CO2.
Les procédés de production par électrolyse (alcaline, ou avec membranes
échangeuses de protons “PEM” sont matures, mais sensiblement plus coûteux que
le vaporeformage. L’hydrogène produit
par électrolyse n’est un vecteur décarboné que si la production d’électricité
l’est également…
Economie de la production
d’hydrogène :
Production par électrolyse
Actuellement, le seul procédé disponible permettant de produire de
l’hydrogène décarboné en quantité industrielle est l’électrolyse de l’eau, à la condition que l’électricité elle-même
soit décarbonée. Trois principaux procédés coexistent : 1) l’électrolyse de
l’eau avec ajout d’une solution alcaline (généralement KOH). Le rendement est un peu supérieur à 70 % ; 2) l’électrolyse
avec membrane échangeuse de protons (PEM) (rdt60% prévu d’évoluer vers 70% ;
3) l’électrolyse à haute température
(PCFC ou SOEC), nécessite des températures élevées, pas très flexible, mais a
un meilleur rendement si l’on peut récupérer et valoriser la chaleur. Certains
de ces électrolyseurs pourraient être couplés avec des réacteurs nucléaires à
cogénération, ou des centrales solaires à concentration. Pas mature, développements
sont à long terme.
Coûts :
En résumé : coûts : 2,5 à 9,5 €/kg d’hydrogène ; installations matures
(alcalin), en cours de maturation (PEM), industriellement prospectives
(SOEC) : les déterminants principaux de l’évolution des coûts sont,le prix de l’électricité, pour 75 % si le taux de charge est suffisant (4 000h
environ au minimum), l’amortissement des installations (fonction du taux de
charge).
Selon un inventaire des dispositifs installés en 2017 la consommation
d’électricité des technologies alcalines et PEM est de 55 à 70 kWh/kg d‘H2
produit, et de 41 à 43 kWh/kg pour les technologies à haute température (qui
nécessitent une source de chaleur, souvent considérée comme fatale et donc non
comptabilisée.
Stockage des énergies
renouvelables : l’Académie remet les choses au point !
L’hydrogène produit par électrolyse (ou potentiellement à terme par les
technologies plasma) pourrait permettre d’absorber – ou de compenser – les
périodes de découplage entre production et consommation résultant de
l’introduction dans le réseau d’énergies renouvelables intermittentes. Cette
forme de « stockage d’électricité » permettrait le stockage de grandes
quantités d’énergie sur de longues durées.
L’Académie analyse les problématiques de production, stockage,
distribution, et risques associés pour en déduire les usages prometteurs et en écartant certains au regard des critères
économiques et de faisabilité comme par exemple le stockage massif d’hydrogène
à partir d’énergies renouvelables pour produire in fine de l’électricité.
L’utilisation massive d’hydrogène comme stockage intermédiaire d’énergie
électrique intermittente (éolien et solaire) dans la chaîne
Power-to-Gas-to-Power se heurte à des
obstacles rédhibitoires tenant aux volumes considérables des stockages
d’hydrogène requis et au faible facteur de charge des électrolyseurs et
piles à combustible de la chaîne « conversion-stockage-conversion » qui obère considérablement les coûts.
En 2018, la France a connu onze pas horaires de prix négatifs de
l’électricité, contre plus de cent quarante pour l’Allemagne. Ces périodes
peuvent se multiplier à mesure de l’augmentation de la part des EnR dans le mix
électrique. Elles ne permettent
cependant pas de justifier l’hypothèse parfois avancée d’un stockage d’énergie
alimenté uniquement par une électricité fatale. Le coût d’investissement des
électrolyseurs est élevé et ils ne peuvent se contenter de fonctionner
exclusivement dans les périodes de surplus d’électricité ; la rentabilité
de la production d’énergie intermittente implique qu’elle soit vendue en
moyenne à un prix égal à son coût de production actualisé (Leverage Cost of
Electricity), ce qui est retenu dans les évaluations ci-après.
Il convient donc de prendre en compte les coûts réels de revient de
l’électricité renouvelable proposés par la Cour des comptes en 2018, portant le
kg d’hydrogène entre 7 à 9,5 €. S’ajoutent, le cas échéant, des coûts de
stockage (compression, réservoirs…) de 0,5 à 1 €/kg.
En partant de l’hypothèse,
souvent avérée, que ce sont des solutions thermiques qui pallient la
variabilité des renouvelables, elles produisent entre 0,429 t CO2éq/MWh pour le
gaz et 0,986 t CO2éq/MWh pour le charbon. La tonne de carbone évitée par des piles à
combustible revient dès lors entre 1200 et 1900 € (gaz), 500 et 800 €
(charbon).
Dans tous les cas, le
stockage d’une électricité renouvelable variable sous forme d’hydrogène
entraine des pertes de conversion de 70 %, à terme peut-être seulement 40 ou 50
%. Dans un environnement disposant de larges réseaux de gaz ou d’électricité les perspectives de rentabilité pour ces solutions semblent très
lointaines, à des niveaux de coût carbone bien supérieurs à ce qu’ils sont
actuellement.
L’ordre de grandeur n’y est
pas ! Produire la
moitié de l’hydrogène actuellement consommé en France (922 kt) nécessiterait
près de 50 TWh d’électricité ; cet hydrogène pourrait alternativement alimenter
une dizaine de millions de véhicules électriques légers, soit environ le tiers
du parc ; l’hydrogène pourrait également être utilisé pour décarboner certaines
industries ou pour produire du gaz et des carburants de synthèse. Ces différents usages pourraient requérir
près de 300 TWh d’électricité ce qui dépasse de très loin les excédents d’électricité
intermittente d’un mix 100 % renouvelable. Les différentes filières
électricité, gaz et hydrogène sont interdépendantes et une approche systémique
de la production et des usages de l’hydrogène est nécessaire.
Une décarbonation du système
énergétique fondée essentiellement sur les énergies renouvelables
intermittentes et l’hydrogène ne semble faisable ni économiquement, ni même
physiquement. C’est la raison pour laquelle certains pays
(Allemagne, Japon) envisagent d’importer massivement l’hydrogène de pays bien
dotés en énergie renouvelable à l’instar de leurs importations actuelles de gaz
naturel. Cette dépendance énergétique assumée n’est pas dans la tradition
française, et pose des questions géostratégiques majeures. Une alternative sera, pour les pays qui l’accepteront, le recours à
l’énergie nucléaire couplée avec l’hydrogène pour réduire drastiquement les
usages énergétiques d’hydrocarbures. L’évaluation de ce système couplé reste à
faire ; le coût de la tonne de carbone évité devrait être sensiblement
inférieure à celui d’un système « tout hydrogène » ; la part du nucléaire et de
l’hydrogène y seront significatifs.
.
Production de l’hydrogène
par reformage d’hydrocarbures avec capture et stockage du CO2
La production mondiale d’hydrogène
est à 96 % réalisée par reformage d’hydrocarbures ou carbo-réduction de l’eau
par du charbon avec émission de CO2. En
continuité de la production actuelle d’hydrogène à partir de méthane ou de
charbon, de grands projets associent la production d’hydrogène issu des
énergies carbonées avec le stockage du CO2 de façon à produire de l’hydrogène
appelé parfois hydrogène bleu pour
indiquer qu’il n’émet pas de CO2 durant le cycle complet de fabrication. Le
coût de la capture du CO2 est de l’ordre de 10 à 20 € par tonne de CO29 (100 à
200 € par tonne d’hydrogène) ; le coût de la capture est donc inférieur à la
valeur d’échange des permis d’émission sur le marché des EU-ETS et constitue
une opération rentable.
Les procédés de capture de CO2 sont utilisés très largement dans
l’industrie. Ils sont efficaces même s’ils sont sans doute améliorables. Le
passage de l’H2 gris à l’H2 bleu se pose surtout en termes de stockage du CO2.
La recherche dans ce domaine a été très active dans les années 2000 en
particulier avec les EPIC comme l’IFPEN et le BRGM et un pilote a été réalisé,
grâce à TOTAL, autour du gisement épuisé de Lacq. Il y a par ailleurs un savoir-faire national, et déjà largement
présent à l’export, en stockage souterrain de gaz (Storengy, Teregua,
Geostock). Néanmoins, les projets de recherche se font en dent de scie car
le stockage du CO2 n’a pas actuellement de business model et que les activités
ayant trait au sous-sol ont peu de soutiens politiques en France.
Pour le développement de la
filière hydrogène, comme pour la continuité d’autres industries, on ne pourra
sans doute pas faire l’impasse sur la capture du CO2. Plusieurs pays et
plusieurs sociétés privées investissent sérieusement dans la recherche pour
développer la production l’hydrogène bleu, donc en stockant le CO2. L’Académie
souhaite que la France n’abandonne ni la recherche, ni son savoir-faire, dans
ce domaine.
Torche à plasma :
un troisième mode de production possible est la décomposition thermique du
méthane par torche à plasma qui produit du carbone ( valorisable) et non du
CO2. Le procédé est généralement considéré encore comme expérimental, mais la
Russie y croit beaucoup, avec un programme extrêmement ambitieux. La Russie,
qui est le premier fournisseur de gaz naturel de l’Allemagne et de l’Europe se
prépare à la décarbonisation de l’Union européenne. Elle propose dans un
premier temps d’incorporer 20% d’hydrogène produit en Russie au gaz naturel,
puis de fournir tous les besoins
européens en hydrogène produit par
décomposition thermique du méthane (Thermal Decomposition of Methane (TDM,
i.e. proche de la torche plasma décrite précédemment) pour laquelle la Russie
anticipe des prix très inférieurs à l’électrolyse de l’eau, et à la pyrolyse du
méthane.
Hydrogène natif : C’est une curiosité méconnue, mais il y a beaucoup d’émanations d’hydrogène sur le
globe, connues depuis longtemps sur les rides médio-océaniques, en particulier
grâce aux travaux de l’Ifremer, mais aussi onshore par exemple en Russie, en
Oman et aux États-Unis Deux accumulations ont été forées (par hasard), une au
Kansas (en cherchant des hydrocarbures) l’autre au Mali (en cherchant de
l’eau). Celle du Mali, est exploitée de façon relativement artisanale par
Hydroma (ex-Petroma Inc) pour faire de l’électricité en le brulant, et ce en
petite quantité, environ 1200 m3 jour. L’hydrogène est quasiment pur.
L’accumulation est à 110 m de profondeur et le maintien de la pression en tête de puits malgré 5 ans de production
suggère fortement une recharge continue Ces évolutions récentes montrent
que contrairement à ce que certains imaginaient des systèmes hydrogène fonctionnent avec
génération/migration/accumulation. Comme pour les hydrocarbures, les
indices en surface sont une preuve que de l’hydrogène est généré en profondeur,
mais la détermination des conditions géologiques pour une accumulation
nécessite encore du travail, les types de couvertures possibles en particulier
restent peu connues en dehors du sel et de certaines roches volcaniques qui
sont celles, au demeurant parfaitement étanches, de l’accumulation du Mali.
Les premières données de flux mesurés en Russie, au Kansas et au Brésil au
travers des zones d’émanations donnent des valeurs entre 50 et 800 kg/jour/km2.
Elles montrent donc un potentiel global réel et considérable. ( l(hydrogène est
formée par décomposition de l’eau par certaines roches métalliques chaudes
(NB : Lavoisier produisait son hydrogène en faisant passer de l’eau dans
un anin de fusil chauffé à blanc !)
Et la cogénération
nucléaire ? Curieusement,
l’Académie le mentionne juste en passant, peut-être parce qu’elle considére la
technique comme non mature et non développée, et donc difficile à chiffrer et
évaluer. Pourtant,
techniquement, cela ne pose aucun problème et représente une optimisation
intelligente pour les réacteurs à très haute température (VHTR ) qui ont été
d’emblée destinés à la cogénération d’électricité et d’hydrogène. Les VHTR
peuvent être construits de façon modulaire (SMR), dotés de sûreté passive et
d’une efficacité thermique élevée. Leur construction modulaire permet des coûts
d’opération et de maintenance modérés.
Plusieurs prototypes sont en cours d’évaluation : au Japon, le HTTR ; en
Chine, le HTR10 ; aux États-Unis, General Atomics évalue un SMR/EM2 (850°C) à
neutrons rapides, de rendement élevé (53%), pouvant opérer pendant 30 ans avec
le même combustible.
Et les surgénérateurs comme
Astrid pourraient aussi faire de la cogénération hydrogène électricité.
Commentaire de l’Académie : « Malheureusement, les
technologies plus disruptives comme la technologie plasma de production
d’hydrogène à partir de méthane sans générer de CO2, les travaux sur la
génération microbienne d’hydrogène ou
l’exploration de l’hydrogène natif restent
des niches délaissées en France par les pouvoirs publics qui financent la
recherche. Les TRL plus bas de ces technologies devraient pourtant justifier un
plus grand soutien public »
Il paraît réaliste de prévoir que la production d’hydrogène sera assurée 1)
par électrolyse d’eau par de
l’électricité d’origine nucléaire permettant d’assurer un facteur de charge
élevé des électrolyseurs, 2) par électrolyse d’eau par de l’électricité
intermittente, 3) par vaporeformage avec
capture et stockage du CO2 (CCS). Le savoir-faire français dans ce domaine
est notable, permettant d’envisager le développement d’une filière
industrielle. Mais elle ne se développera en France que si elle est admise par
la société, et si la pénalité pour la tonne de carbone émise (prix de l’EU-ETS)
augmente significativement.
La grande bagarre de la labellisation de
l’hydrogène …et comme d’habitude c’est l’Allemagne qui…
Autrement dit, c’est la question
des certificats d’origine. Il existe déjà une directive européenne (UE 2018/2001) qui
introduit un système de garantie d’origine de l’hydrogène similaire à celui qui
est applicable aux énergies renouvelables. Selon
ce système, un certificat de garantie d’origine (GO) est émis par un
producteur, certifié par un organisme désigné par l’État et utilisé pour
prouver les caractéristiques de l’électricité ou du gaz vendu par le
fournisseur au consommateur final.
Cependant, ce
système requiert une classification des différentes filières de production ;
celle-ci ne fait pas l’objet d’un accord.
Et voilà, c’est là où le bât blesse !
Le système de certification CertifHy G retient trois types d’hydrogène : l’hydrogène gris issu des hydrocarbures
sans capture de CO2, l’hydrogène bleu
issu de sources non renouvelables mais
avec un faible impact C02 (réduction de 60% d’émissions de CO2 par rapport au
reformage de méthane) et l’hydrogène
vert dont la production respecte le plafond de CO2 de l’hydrogène bleu, et
est issu d’énergies renouvelables. C’est typiquement l’hydrogène issu de
l’électrolyse si une part significative de l’électricité est d’origine
renouvelable…
Electrolyse dont on a vu qu’elle constitue une aberration thermodynamique
et industrielle et économque. Et bien sûr, grâce à l’activité des ONG anti nuc,
de l’action discrète du lobby gazier et de la nullité et de la lâcheté d’une
bonne partie des parlementaires et
fonctionnaires européens …si l’on s’en
tenait à une définition basée sur l’impact en termes d’émission de GES, l’hydrogène
issu de l’électrolyse à partir d’électricité nucléaire devrait être considéré
comme vert. Mais le nucléaire n’est pas qualifié de renouvelable, et son
électrolyse produite de l’hydrogène bleu, et non vert. Et certaines
associations non gouvernementales plaident pour que cette qualification lui
soit retirée et qu’il soit considéré comme gris. C’est un sujet qui peut avoir des conséquences commerciales
substantielles. (note gentiment l’Académie. En effet !)
(Sur la question du nucléaire et de la taxonomie (verte) européenne, voir par exemple sur ce
blog https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/06/les-institutions-europeennes-et-le.html)
Autres problèmes de la classification existante : Le procédé à base de
torche plasma peut pâtir de la même approche étroite de la notion de
renouvelable ; il sera considéré comme bleu et non vert, bien qu’il n’émette
aucun CO2, parce qu’il utilise le méthane comme matière première.
Avec cette définition, la production d’hydrogène vert, comme d’hydrogène
bleu peut émettre – et en pratique émettra puisque les mélanges sont autorisés
- 40% du CO2 qui aurait été émis par une production par vaporeformage (SMR)
sans capture. Compte tenu du rendement de conversion et des pouvoirs
calorifiques respectifs, on montre que, par unité d’énergie contenue,
l’hydrogène vert émet 65% du CO2 émis par le gaz naturel ! (Ce serait beaucoup moins avec un
électrolyseur alimenté par une centrale nucléaire…mais le nucléaire, bis
repetita, par essence et malédiction, n’est pas vert !)
Enfin et surtout, cette classification actuelle ne tient pas compte de
l’acheminement de l’hydrogène vers son point d’utilisation et plus globalement d’une analyse de cycle de vie
complète (laquelle, là encore favoriserait le nucléaire !)
Eh, bien, cela ne convient encore pas aux Allemands qui proposent dans la
stratégie hydrogène 2020, une autre classification. L’hydrogène vert est obtenu
par électrolyse de l’eau par de l’électricité renouvelable (hors nucléaire). L’hydrogène bleu est
produit par reformage avec captage et utilisation/stockage du CO2. L’hydrogène
gris est produit par reformage sans captage l’Hydrogène turquoise ( !!!) est
aussi produit par craquage du méthane à haute température (pyrolyse, torche à
plasma – la technique eusse)
On voit que les Allemands s’orientent vers la consommation de beaucoup,
beaucoup de gaz !
Et là, ça énerve quand même un peu nos académiciens. Citation :
« Ce bref résumé met en lumière, s’il en est encore besoin, que la classification de l’impact des activités
humaines à la seule jauge de « renouvelable » qui exclut l’énergie nucléaire
non émettrice de CO2, ou même « émetteur de gaz à effet de serre » n’est pas seule pertinente.
Électrolyseurs et piles à combustible contiennent des métaux non renouvelables
et l’analyse du cycle vie d’un produit doit être systématiquement faite de A à
Z. «
Certains acteurs économiques
ou politiques peuvent trouver des avantages à faire classer des filières comme
vertueuses ou non. Il est relativement facile de simplifier la vision d’un
processus, pour atteindre des objectifs partisans. C’est beaucoup plus complexe
de faire une analyse complète et exhaustive du cycle de vie. Par exemple le coût environnemental d’un
hydrogène transporté par camion, liquéfié et transporté par bateau, puis
regazéifié, comprimé et transporté par camion (projet australo-japonais) n’est
pas celui de sa fabrication.
L’Académie souhaite que la classification des différents
types d’hydrogène soit exclusivement basée sur une analyse CO2 émis pendant le
cycle de vie et jusqu’au point de distribution..
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