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mercredi 30 janvier 2019

Pacta sunt servanda (2) Le traité de Marakech


Pourquoi Pacta sunt servanda ? Parce que ça fait deux fois en moins d’un mois qu’on nous fait le coup, avec le Traité franco-allemand d’Aix la Chapelle, sujet d’un blog précédent  et avec le traité de Marrakech sur les migrations- sujet de ce blog. Quel coup ? Et bien celui-ci : C’est un traité que nous signons, bon d’accord, il n’a pas été vraiment discuté, ni au Parlement, ni devant l’opinion publique, mais c’est pas bien grave, c’est un traité pour rien, un traité qui ne change rien, un traité qui n’engage à rien ! Vraiment ?
Pacta sunt servanda, c’est l’ adage universel des relations internationales, les traités doivent être respectés. Alors, il est peut-être bon d’aller un peu voir ce qui se cache derrière – et rappeler qu’en tout état de cause, il est inadmissible de signer ainsi des traités engageant le pays en catimini- même Jupiter n’avait pas ce pouvoir !
Et il y a quand même des points assez inquiétants…
Le « grand remplacement » et le rapport des Nations Unies sur l’immigration de remplacement
Le fait que l’ONU veuille imposer aux pays européens un «  grand remplacement »  de leur population par l’immigration est-elle une fake news sans consistance relayée par les réseaux d’extrême droite, comme le clament à l’envie les hordes de chevaliers blancs de la contre désinformation au service des media main stream ?
Ben, faut voir ! Ce qui existe très officiellement, c’est un court rapport publié en 2000 de la division de la population des nations unies sur les migrations de remplacement.
Ce rapport, disons-le tout de suite, est purement scientifique.
Il indique que, entre 1995 et 2050, la population du Japon et celle de quasiment tous les pays d’Europe va diminuer. Dans de nombreux cas, dont ceux de l’Estonie, la Bulgarie et l’Italie, les pays vont perdre entre un quart et un tiers de leur population. Le vieillissement de la population sera généralisé et l’âge médian atteindra des niveaux sans précédents. Par exemple, en Italie, l’âge médian passera de 41 ans en 2000 à 53 ans en 2050. Le rapport de support potentiel, c’est-à-dire le nombre de personnes en âge de travailler (15-64 ans) par personne de plus de 65 ans, diminuera souvent de moitié, de 4 ou 5 à 2.

Dans les 50 prochaines années, les projections indiquent qu'en raison de la faible fécondité et de l’accroissement de la longévité, les populations de presque tous les pays développés seront moins nombreuses et plus âgées. En revanche, la population des Etats-Unis augmentera de près d’un quart. La variante moyenne des projections des Nations Unies indique que, parmi les pays étudiés, c’est l’Italie qui subira la plus grande perte relative de population, moins 28 pour cent entre 1995 et 2050. La population de l’Union européenne dépassait celle des Etats-Unis de 105 millions en 1995, mais lui sera inférieure de 18 millions en 2050.

Le rapport s‘efforce ensuite d’évaluer l’apport d’immigration qui serait nécessaire si l’on suite maintenir la population totale des pays européens, ou bien, pour maintenir la population en âge de travailler.
En ce qui concerne la population totale, pour l’Union européenne, une continuation des niveaux d’immigration observés dans les années 1990 suffirait presque à éviter une diminution de la population totale, tandis que pour l’Europe dans son ensemble, il faudrait deux fois le niveau d’immigration observé dans les années 1990. L’Italie et le Japon auraient besoin d’une forte augmentation de leur nombre d’immigrants. Par contre, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis pourraient maintenir leur nombre d’habitants en recevant moins d’immigrants que par le passé.

Le nombre d’immigrants nécessaires pour éviter le déclin de la population en âge de travailler est supérieur au nombre d’immigrants nécessaires pour éviter un déclin de la population totale. Dans quelques cas, notamment ceux de la République de Corée, de la France, du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, ces chiffres sont de deux à quatre fois plus élevés. En proportion de la taille de leur population, l’Italie et l’Allemagne auraient besoin du plus grand nombre d’immigrants pour maintenir leur niveau de population active. Chaque année, l’Italie aurait besoin en moyenne de 6.500 immigrants par millions d’habitants et l’Allemagne de 6000
Si les flux d’immigration atteignaient ces niveaux, les immigrants d’après 1995 et leurs descendants formeraient une fraction impressionnante de la population totale en 2050, de 30 à 39 pour cent dans les cas du Japon, de l’Allemagne et de l’Italie. ( Si ça, c’est pas du « grand remplacement » ?)

On le voit,  ce rapport purement scientifique vise à répondre à la question « les migrations de remplacement : s'agit-il d'une solution au déclin et au vieillissement des populations? » Et la réponse est plutôt que la migration de remplacement est plus utile en tant qu'outil analytique ou hypothétique et qu’elle «  est largement perçue comme une façon irréaliste de lutter contre le vieillissement de la population. »
En ce qui concerne l’effondrement de la population active, une solution efficace à privilégier serait le recul de l’âge de la retraite. En ce qui concerne la diminution de la population globale, dans une étude critique du rapport, le jeune démographe québécois Christophe Marois souligne la forte dépendance des chiffres en fonction de la fécondité : Pour le Québec, une simple hausse de la fécondité de 1.55 (tuax actuel) à 1.75 enfants par femme suffirait à maintenir la population totale sans augmentation de l’immigration, qui pourrait être maintenue à son niveau actuel ; une baisse à 1.4 devait par compte entrainer une forte augmentation du niveau d’immigration à 70 000 par ans.

On ne peut donc pas dire que la tonalité générale du rapport encourage ou  incite les pays à recourir à une « immigration de remplacement » - ce serait même plutôt le contraire ! Répétons-le, si l’on souhaite maintenir la population active en Allemagne ou en Italie par le seul moyen de l’immigration de remplacement, cela signifie qu’en 2050,  30 à 39 pour cent de la population sera d’origine immigrée.
Ce n’est certes pas une perspective encourageante, même si elle n’a naguère guère semblé effrayer Angela Merkel et le patronat allemand. !

Le pacte de Marrakech

Venons-en au pacte de Marrakech, ou « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ». Disons-le tout de suite, la lecture de ce genre de littérature est déprimante au plus haut point, tant est elle génère l’impression très prégnante que l’on cherche à vous rouler dans une farine diplomatique. Napoléon disait qu’une Constitution doit être courte et obscure- de façon à laisser la plus large interprétation possible au pouvoir en place- eh bien, c’est la même chose, en pire - long, obscur et surtout contradictoire.

Donc d’un côté, le Pacte de Marrakech ne remet pas en cause la souveraineté des États en matière de politique migratoire, qui est réaffirmée dès le Préambule, et même élevée au rang de « principe directeur » du texte. Il rappelle  (a) que les États ont la prérogative de déterminer qui ils admettent sur leur territoire. Il ne prescrit ainsi aucun objectif d’augmentation du nombre de migrants dans un pays donné. Il ne remet pas en cause (b) la capacité des États à distinguer entre migrants réguliers et irréguliers dans la mise en œuvre de leurs politiques, le cas échéant en réservant aux migrants réguliers le bénéfice de certaines prestations (merci !). (c) En ce qui concerne l’immigration irrégulière,  les États sont incités à coopérer en matière de contrôle des frontières « en prévenant la migration irrégulière » ; le pacte prévoit de renforcer l’information des migrants sur les risques liés à la migration irrégulière afin de la décourager et rappelle par ailleurs l’obligation des pays d’origine de réadmettre leurs ressortissants. Il appelle même, dans l’un de ses premiers articles, à (d)  « lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d’origine ».

Dont acte ; continuons !

Ainsi, les États « sont encouragés à garantir des voies de migration régulière »  et s’engagent à  faciliter et à garantir des migrations sûres, ordonnées et régulières, (contradiction avec le point d ?). Ils s’engagent « à faire en sorte que tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire, puissent exercer leurs droits de l’homme en leur assurant un accès sûr aux services de base … et à renforcer les systèmes de prestation de services accessibles aux migrants, étant entendu que les nationaux et les migrants réguliers sont susceptibles de bénéficier d’une gamme de services plus étendue, tout en veillant à ce que toute différence de traitement soit fondée en droit  ( en droit de qui, de quoi ? contradiction avec  le point b ?). Ils s’engagent à« promouvoir le respect mutuel des cultures, des traditions et des coutumes entre les communautés d’accueil et les migrants » (contradiction avec la doctrine française de l’assimilation- rappelons que la France a été condamnée par l’ONU à propos de ces lois limitant le port du voile islamique.  A « permettre la participation des migrants à la vie politique de leur pays d’origine, y compris aux processus de paix et de réconciliation, aux élections et aux réformes politiques » (compte-tenu des situations politiques, ça risque parfois de poser des problèmes).

C’est déjà un peu plus inquiétant, bourré d’injonctions doublement ou triplement contradictoires, à se faire des nœuds dans le cerveau. Continuons.

Les Etats « s’engagent aussi « à encourager un débat public fondé sur l’analyse des faits afin de faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues ». « Nous nous engageons également à encourager un débat public ouvert, fondé sur l’analyse des faits et associant l’ensemble de la société, le but étant que la question des migrants et des migrations soit abordée de façon plus réaliste, humaine et constructive. « 

Les Etats s‘engagent à « promouvoir une information indépendante, objective et de qualité, y compris sur Internet, notamment en sensibilisant les professionnels des médias aux questions de migration et à la terminologie afférente, en instituant des normes déontologiques pour le journalisme et la publicité et en cessant d’allouer des fonds publics ou d’apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l’intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants, dans le plein respect de la liberté de la presse »
Les Etats s’engagent à « favoriser les campagnes de sensibilisation à l’intention des communautés d’origine, de transit et de destination, le but étant d’amener le public à considérer les effets positifs qu’ont des migrations sûres, ordonnées et régulières, sur la base d’éléments tangibles et de faits, et de mettre un terme au racisme, à la xénophobie et à la stigmatisation à l’égard de tous les migrants »
Oui, il y a ça dans le Pacte de Marrakech. Et cela peut je crois, tout à fait légitimement soulever des  inquiétudes quant à liberté d’opinion et d’expression et à la liberté de la presse, sans compter que ça commence à ressembler à un appel à organiser un lavage de cerveau en faveur du Grand Remplacement.

Malgré un flot de circonlocutions et de circonvolutions, l’idée générale du pacte est tout de même assez évidente : l’immigration va connaître un essor important et inéluctable, les Etats signataires sont invités à faire de leur mieux afin que cela se passe aussi bien que possible, et toute approche défensive envers le phénomène migratoire est blâmée et les pays signataires sont invités à renoncer à toute tentative en ce sens.

Alors reste cette remarque finie, mille fois répétée par les bons commentateurs autorisés, et qui me rend mille fois furieux :  « Le pacte n’est pas juridiquement contraignant. Rien dans le pacte ne permettra donc de contraindre un État à appliquer ces instruments s’il ne peut pas ou ne veut pas les appliquer au vu du contexte national »

Ah Oui ? Dans le Pacte de Marrakech figure 46 fois l’expression «  nous nous engageons » en 51 pages. Et ça n’engagerait à rien ? Moi, je sais pas, il y a peut-être là une incompréhension formidable entre le charabia diplomatique et le sens commun ; parce que (atavisme corse ?), si je dis à quelqu’un je m’engage à , et ben, pour moi, c’est beaucoup plus fort que n’importe quel pacte ….

Et pourquoi signer des pactes s’ils ne nous engagent à rien ? Peut-être la réponse est-elle dans Saint Augustin : « A force de tout voir on finit par tout supporter... A force de tout supporter on finit par tout tolérer... A force de tout tolérer on finit par tout accepter... A force de tout accepter on finit par tout approuver ! » Il s’agirait bien de nous faire entrer de force dans l’esprit et le cœur le caractère inéluctable et bénéfique du «Grand Remplacement ? ( ce que ne faisait pas le fameux rapport des Nations Unies)

Pacta sunt servanda, et l’on peut légitimement s’en inquiéter.

Mentionnons enfin que 13 officiers généraux opposés à l’adhésion de la France au pacte de Marrakech ont adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron. Réaction du ministère de la défense ;  « ils ne répondent pas à leurs obligations statutaires et s’exposent de ce fait à des sanctions disciplinaires, dont nous apprécierons l’opportunité dans les jours à venir ». Vive la démocratie Macronienne, 

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