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samedi 19 janvier 2019

Raison de détester l’Eurokom -24 : la destruction du service public à la française


Europe et Eurokom : Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne

La conception française du service public condamnée par l’Eurokom

Dès 1994, le Conseil d’Etat, dans son rapport annuel, prenant acte que le droit français s’élabore sous l’influence du droit communautaire, s’inquiétait et avertissait : « l’avenir de la notion de service public est, si on y prend pas garde, compté […] Tout le système communautaire repose sur le principe de la libre concurrence et peut être difficilement conciliable avec la notion de service public à la française».
Et, en effet, l’action constante de la Commission Européenne depuis maintenant plus de vingt ans heurte de plein fouet ce qui a été parfois qualifié d’idéologie française du service public, laquelle consiste notamment à associer service public et cohésion sociale. Un exemple presque parfait en est la loi d'orientation pour le développement et l'aménagement du territoire du 4 février 1995 qui fait du service public l'un des instruments de la politique d'aménagement du territoire, qui « concourt à la solidarité et a pour but d'assurer l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire ». Par ce texte, les gouvernants français apparaissent comme des créateurs d'obligations de service public, avec la responsabilité de les instaurer et d’assurer leur bon fonctionnement. Et lorsqu’en plus, cette idéologie française lie étroitement service public et monopole d’Etat, avec des entreprises emblématiques comme EDF et la SNCF, dont l’activité même est fortement associée à la construction historique de la nation et à la préservation de son indépendance (Fernand Braudel considérait « les tardives liaisons des chemins de fer » comme l’un des facteurs important de l’unité de la France ; en ce qui concerne EDF, l’importance du parc nucléaire conçu comme essentiel à l’indépendance nationale constitue aussi une particularité nationale assez unique),  la collision avec le programme et l’idéologie de la Commission Européenne sont quasi-inévitables.
Nous connaissons actuellement une situation sociale et politique très tendue dont l’un des nœuds est la conception du service public en France et les menaces qui pèsent sur lui. Il y a comme un parfum de tentative de revanche de la pensée ultralibérale au pouvoir à Bruxelles sur les peuples qui ont refusé d’approuver le traité constitutionnel européen en 2005 (traité de Rome), le 29 mai pour les Français, le 1er juin pour les Néerlandais. La conception restrictive de la notion de service public par l’Union européenne avait déjà joué un grand rôle dans le rejet de ce traité. Dans un article détaillé et quelque peu désespérant, Philippe Herzog retrace un combat perdu pour obtenir de la Commission Européenne en 2004 une directive cadre sur les services publics, finalement refusée au moment même où la Confédération Européenne des Syndicats lui faisait parvenir une pétition de plus de cinq cent mille signatures en faveur d’une telle directive….

Le service d’intérêt général, ou l’ère de la grande hypocrisie

Alors que se développait le procès fait à l’Union européenne de promouvoir un libéralisme excessif et de vouloir détruire le service public « à la française », il devenait impossible de soutenir que la conciliation entre le respect des règles de la concurrence et l’accomplissement des activités d’intérêt général ne présentait pas quelques problèmes. Les autorités européennes avaient beau déplorer une « tendance à la sacralisation des services publics » qui « n’est pas de nature à faciliter la discussion d’un problème aussi complexe que celui du rôle du service public dans la construction européenne » (Ah ces Fançais fétichistes du service public), il leur fallut bien réagir.

 Dans un grand effort de conciliation, le traité d'Amsterdam de 1997 donna pour mission aux institutions communautaires de contribuer à la promotion des services d’intérêt général. Alors naquirent les termes de SIG (Service d’Intérêt Général) et SIEG (Service d’Intérêt Economique Général). La nomenclature ne doit rien au hasard : la Commission a préféré créer un nouveau vocable, qui « ne véhiculerait pas d’idéologie particulière, contrairement à ce qu’on a pu dire du service public », et qui serait plus précise. En réalité, cela restait tout aussi indéfini que « service public », mais permettait de placer la Commission en situation de domination sur les États membres pour la définition des activités de service dérogeant (ou non) au droit de la concurrence.

Ce sont les institutions européennes qui décident ce qui peut être un service public ou pas, plus les citoyens ni leur Etat ! Et suivant l’idéologie de la secte ultra libérale au pouvoir à Bruxelles, c’est la liberté de la concurrence qui passe en premier : « Le droit de l’Union oblige à penser l’exercice de missions d’intérêt général sans le déconnecter du cadre concurrentiel […]. Les services d’intérêt économique général se sont construits en droit de l’Union  principalement sinon exclusivement  en négatif ou en creux, c’est-à-dire comme une exception ou une dérogation à l’application du droit de la concurrence ». (Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'Etat)
La secte libérale agit toujours selon le même principe, la même obsession : il  s'agit de séparer les activités relevant d'un monopole naturel (le réseau) des activités où la concurrence est possible à organiser (les services). Que ces scissions nuisent à l'efficacité (coûts de coordination, de négociations, bataille juridique, création d'un rapport fournisseur/client, perte de relation avec l'usager, utilisation moins optimale du réseau), à la qualité de service et à son progrès (les budgets de recherche transférés à la communication et à la publicité), peu importe ! Il s’agit de démanteler les sociétés mixtes de service public françaises, si efficaces et si bien implantées.

Nous en voyons le résultat. Car la règle de la libre concurrence reste première, et une même activité  ne saurait être régie par des règles distinctes, selon les Etats : concurrence ici, concurrence partout ! Et c’est toujours au nom de cette primauté de la concurrence que nous assistons au démantèlement des grands services publics français et d’entreprises comme La Poste, Electricité de France, Gaz de France, la SNCF… Que cela aboutisse en l’abandon d’une part du très riche réseau ferroviaire français (le rapport Spinetta envisage la suppression de 9000 kilomètres de lignes, soit près d'un tiers du réseau) et à un report des transport sur la route au mépris de la sécurité, de nos engagement climatiques et de l’égalité territoriale ; que cela résulte en la privatisation absurde des concessions hydrauliques, au mépris, là encore, de nos engagements climatiques, du rôle local de gestion de la ressource en eau pour les agriculteurs, les pêcheurs, les autres usagers  et de l’optimisation de l’approvisionnement électrique, peu importe visiblement aux doctrinaires de la secte libérale.
Nous en voyons le résultat. Au démantèlement du service public des transports correspond la fracture territoriale, au démantèlement du service public des télécommunications correspond la fracture numérique, au démantèlement du service public de l’énergie correspondra la pénurie pour les plus pauvres et même pour tous- ceux qui déjà ne peuvent se déplacer et qui pourtant doivent le faire pour leur travail, ceux qui restreignent leur chauffage ou leurs douches.

Le service public en Suisse

Tiens, juste à titre d’exemple, quittons l‘Eurokom pour un pays, comment dire, un pays quasi-communiste – la Suisse. Eh bien, c’est sur l’internet gouvernemental Suisse que l’on trouve l’éloge le plus juste, le plus ébouriffant, le plus lyrique du service public. Extraits :

« Trains circulant à l’heure, courrier distribué ponctuellement, télécommunications de haut niveau: la qualité du service public sur l’ensemble du territoire contribue à l’image de marque de la Suisse et elle est également une condition de la qualité de vie élevée et de la prospérité de l’économie. Ces prestations sont principalement fournies par les entreprises liées à la Confédération - la Poste, les CFF et Swisscom.

Le service public – c’est-à-dire l’approvisionnement de base dans les domaines des transports publics, de la poste et des télécommunications – occupe une position particulière en Suisse. La population veut disposer d’un approvisionnement de qualité dans toutes les régions du pays, y compris dans celles où ces services ne sont pas rentables. L’Etat veille à ce que les prestations soient de qualité et partout disponibles à des prix raisonnables. C’est une condition importante de la qualité de vie élevée dans toute la Suisse et de la prospérité de notre économie. L’approvisionnement de base est principalement assuré par Swisscom, la Poste et les CFF. La Confédération assigne à ces entreprises des objectifs relatifs à l’offre de prestations. Elle leur accorde en même temps une grande liberté de gestion afin qu’elles puissent faire face à la concurrence.
La Poste, les CFF et Swisscom sont organisés en sociétés anonymes dont la Confédération doit détenir la majorité des actions (actuellement: Poste et CFF 100 %, Swisscom 51 %)…

La desserte de base est un ensemble des prestations de base auxquelles la population a droit… En Suisse, c'est à la Confédération de la garantir et de s'assurer que l'ensemble de la population soit desservi avec les prestations importantes. Font notamment partie de la desserte de base en Suisse, l'accès à l'eau potable, l'élimination des eaux usées, les transports publics, la radio et la télévision, l'électricité, les hôpitaux, l'école, la formation, la police, la téléphonie avec connexion internet à haut débit, les services de secours, les pompiers, les bibliothèques, le contrôle aérien, l'élimination des déchets, le réseau routier, les prestations postales, la promotion de la culture et du sport….

Ajoutons-encore que ce grand pays démocratique (oui, grand par sa démocratie !) a lors d’une votation repoussé par une marge majorité (71%) une proposition libérale qui aurait eu pour effet la suppression du service public de la radio….

Oh. Tiens, on va se barrer de l’Eurokom et demander à rejoindre la Confédération Helvétique…

« L’orgueil ancestral des cheminots, l’orgueil ancestral du respect de l’horaire, tellement puissant et ancré au début du XXème siècle que les villageois, dans les campagnes, réglaient leurs horloges sur le passage des trains, avait bel et bien disparu. La SNCF était une entreprise dont j’aurais assisté, de mon vivant, à la faillite et à la dégénérescence complète » (Michel Houellebecq, Sérotonine)

Comme l’illustrait Braudel, comme le montrent les racines historiques profondes de l’idéologie du service public à la française (positivisme, républicanisme, socialisme français, industrialisme des grands corps d’ingénieur), ce sont les services publics qui ont fait la République Française, qui ont fait nos champions industriels, qui ont permis le progrès et la prospérité tout en sauvegardant  l’égalité et la fraternité. Ce sont nos EPIC qui ont fait nos grands succès et qui, en même temps (pardon !) permettaient d’assurer la continuité (service assuré régulièrement), la mutabilité (l’adaptation à l’évolution des besoins collectifs), l'égalité (qui interdit la discrimination entre les usagers), la laïcité, la neutralité

Et c’est tout cela que veut démanteler la secte libérale à la tête de l’Eurokom

C’est pourquoi il faut sortir de cet Eurokom là.



1 commentaire:

  1. aussi sur https://eurokomonaimepas.blogspot.com/2019/01/presentation-de-ce-blog-debattre-de.html

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Commentaires

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