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mardi 22 janvier 2019

Raison de détester l’Eurokom-25. Le paradis de l’optimisation fiscale.


Europe et Eurokom

Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne

Cum-Cum, Roque Luxembourg-Pays-Bas, Double Irish with a Dutch sandwich, no man's land fiscal, rescrits…

Bon, on s’accroche un peu, on essaie de suivre l’imagination poétique des juristes champions de l’optimisation.!

Cum-Cum : spécialement destiné aux investisseurs étrangers possédant des parts dans les entreprises cotées en Bourse en France. Juste avant le versement des dividendes, l’investisseur étranger prête ses actions à une grande banque française. Elle perçoit les dividendes à sa place, sans payer de taxe, et lui reverse le montant quelques jours plus tard. Tout le monde s’y retrouve : l’actionnaire récupère son dividende sans payer de taxe pendant que la banque réalise au passage de petits profits grâce aux frais de transaction. Le perdant de l’histoire est le fisc, et donc l’État français, qui ne perçoit rien : il ne taxe ni la banque ni l’investisseur… Simplissime

Le Cum-ex : attention, une peu plus complexe, et semble-t-il un peu plus illégal. Il s'agit cette fois d'acheter et revendre des actions autour du jour de versement du dividende, si vite que l'administration fiscale n'identifie plus le véritable propriétaire. La manipulation, qui nécessite l'entente de plusieurs investisseurs, permet de revendiquer plusieurs fois le même crédit d'impôt sur les bénéfices attaché au dividende, lésant ainsi le fisc.

Ces pratiques révélées par un consortium international de journalistes, selon un premier et rapide bilan, auraient coûté en 15 ans 24,6 milliards d'euros à l'Allemagne, 17 milliards à la France, 4,5 milliards à l'Italie

Allez, on complique un peu !

Le roque  Luxembourg-Pays-Bas : Une  multinationale place la propriété de la marque dans une fondation basée, par exemple, au Liechtenstein. Cette fondation vend elle-même les droits d'utilisation de la marque à l'une de ses filiales, société holding du groupe, immatriculée aux Pays Bas. Celle-ci facture des redevances pour les droits d'utilisation de la marque aux sociétés franchisées du groupe dans différents pays européens - celles qui réalisent les activités commerciales concrètes et dégagent les marges. De cette façon, une partie des profits est déplacée des sociétés commerciales européennes, où ils ont été réellement produits, vers la société holding néerlandaise. Pour acheter les droits d'utilisation de la marque, la société néerlandaise a contracté un emprunt auprès d'une filiale luxembourgeoise de la fondation au Liechtenstein, et lui paie donc des intérêts avec les redevances. La législation néerlandaise exonère d'impôt les intérêts payés à des bénéficiaires étrangers. La société luxembourgeoise accumule ainsi des profits et a pu négocier un « ruling " avec l'administration fiscale locale pour avoir un taux d'impôt insignifiant.  Ensuite, la société luxembourgeoise utilise ces profits pour verser des dividendes à la fondation, où ceux-ci sont exonérés d'impôt car ils proviennent d'une filiale étrangère…brillant !

Le Double Irish with a Dutch sandwich : La multinationale commence par décider que les clients de différents pays européens, lorsque par exemple ils achètent ses services sur internet, contractent avec une société du groupe qui est localisée en Irlande. C'est donc là que se forment initialement les profits. Toutefois, le groupe établit une autre société en Irlande, cette fois une société holding de droit irlandais dont le centre d'activité est, lui, situé offshore.  Cette société holding détient les droits de la marque et en facture les droits d'utilisation à une société holding néerlandaise, qui les réclame elle-même à la première société irlandaise. La législation irlandaise exonère en effet d'impôts à la source les redevances payées par une société du pays à une société à l'étranger. Ensuite, la législation néerlandaise exonère d'impôts les redevances payées par une société holding nationale à une société étrangère du groupe.De cette manière le bénéfice se déplace sans impôts vers la société holding irlandaise. Comme celle-ci a son centre d'activité offshore, ces profits sont exonérés d'impôts en Irlande….

Le no man's land fiscal : Les recettes des ventes européennes de la multinationale sont collectées de manière à se retrouver dans une même société de droit néerlandais. Celle-ci forme une unité fiscale, taxée globalement, avec une autre société néerlandaise chargée de la gestion des stocks, qui accumule de grosses pertes car elle doit payer au groupe des redevances pour l'utilisation de la marque.
Cette facturation interne permet de payer très peu d'impôts, puisque les profits ont été évacués sous forme de redevances.
Un petit perfectionnement pour les sociétés américaines : le bénéficiaire des redevances est une société néerlandaise vennootschap (société en commandite néerlandaise) dont les détenteurs sont des sociétés du groupe localisées aux Etats Unis. Pour le fisc américain, cette structure doit être taxée aux Pays-Bas. Mais pour le fisc néerlandais, elle doit être taxée aux Etats-Unis. Dans la  pratique cette structure échappe donc à tout impôt….

Le rescrit fiscal Luxembourgeois. Ca, pour le coup, c’est assez simple. En novembre 2014, l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) révèle dans plus de 40 journaux l’existence d’accords fiscaux très avantageux conclus entre des sociétés multinationales et le fisc luxembourgeois via des cabinets d’audit. Ces révélations sont étayées par des documents rapportant plus de 548 accords fiscaux, établis par le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC) entre 2002 et 2010, pour le compte de 343 sociétés et approuvés par l’administration des impôts du Luxembourg. McDonald's  a ainsi mis au point une stratégie d'optimisation fiscale qui lui aurait permis d'éviter de payer environ un milliard d'euros d'impôts entre 2009 et 2013 en Europe. Selon l'enquête de la Commission, la multinationale américaine a transféré au Luxembourg certains bénéfices réalisés en Europe, avant d'expliquer à l‘administration luxembourgeoise que ces revenus ne pouvaient pas être soumis à l'impôt car ils seraient taxés aux Etats-Unis…

Oh attention me faites pas dire ce que j’ai pas dit. Tout ça est parfaitement légal, comme cela a bien été prouvé par La Commission Européenne : « La Commission européenne, qui avait ouvert une enquête en décembre 2015 sur des accords fiscaux consentis par le Luxembourg au géant de la restauration rapide (McDonalds), a finalement jugé mercredi que le traitement fiscal avantageux accordé par le Grand-Duché était légal ». Légal, vous-dis-je. Tout au plus, M. Juncker, président de cette si accommodante Commission Européenne et Premier Ministre du Luxembourg à la grande époque des rescrits fiscaux a-t-il concédé : « Je suis en faveur de la concurrence fiscale, mais elle doit être équitable… J’ai parfois négligé cette   dimension  dans le passé. »

Légal vous dis-je ! Par contre, les lanceurs d’alerte ayant révélé l’existence des rescrits fiscaux à la presse ont été poursuivis par le Luxembourg et condamnés à de la prison avec sursis en première instance fin juin 2016… Et ils ont perdu leur travail et tout espoir d’en retrouver dans le secteur financier…

Que mille fleurs fiscales s’épanouissent ! Et que beaucoup d’argent s’évanouisse !

Chacun de ces pays truqueurs, passagers clandestins de l’Europe, a sa spécialité : montages louches à partir de la propriété intellectuelle pour les Pays Bas, rescrits Luxembourgeois, fiscalité basse en Irlande. Tiens, aussi Malte, et assez logiquement, ses yachts : les propriétaires de bateaux peuvent ainsi bénéficier du « leasing maltais », qui permet notamment d’acheter un yacht en location-vente par le biais d’une société maltaise en se le louant à soi-même avec un taux réduit de TVA pendant une certaine période (5,4 % au lieu des 18 % officiels), à l’issue de laquelle le yacht devient propriété pleine et entière de l’acheteur. Les yachts, mais pas que ! le rabais maltais permet aux entreprises étrangères de réduire l’impôt sur les sociétés de leurs filiales maltaises à un taux effectif d’environ 5 %, bien loin de 33,3 % applicables en France. Depuis l’adhésion de l’île à l’Union européenne en 2004, des centaines de Français ont compris cet avantage et ont délocalisé leur activité là-bas, que ce soit pour le jeu en ligne, la production de cinéma ou… l’assurance

Ce ne sont que quelques exemples  de cette floraison de néologismes et d’innovations fiscales auxquels la politique de l’Eurokom  a permis Comme ne disait pas le Président Mao, que mille fleurs fiscales s’épanouissent ! 

Et que beaucoup d’argent s’évanouisse !

Bref, en 2018 (peut-être l’approche d’élections européennes n’y est-elle pas pour rien), la Commission Européenne a commencé à s’émouvoir. « Pour la première fois, la Commission insiste sur la question de la planification fiscale agressive dans sept pays: la Belgique, Chypre, la Hongrie, l'Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas», a déclaré le commissaire européen à la Fiscalité, Pierre Moscovici. «Ces pratiques peuvent nuire à l'équité et à la concurrence loyale dans le marché intérieur, et elles augmentent le fardeau des contribuables européens »

Notons que le premier reproche que fait le Commissaire Européen (ex-socialiste), c’est l’ « atteinte à l’équité et à la concurrence dans la marché intérieur ! ». Qu’il s’agisse d’un véritable et agressif programme de paupérisation des Etats et des peuples, une attaque agressive contre l’Etat social, conquête historique des peuples européens ne constitue qu’un regrettable ( ?) à coté.

En 2013, la Commission européenne estimait à 2 000 milliards d'euros le montant de l'évasion fiscale dans l'Union européenne. En France, l'État perdrait 60 à 80 milliards d'euros par an, soit en gros 3 % du PIB !

Un exemple du caractère massif de l’optimisation : l’Irlande.  Surprise en 2015 : le pays a soudainement révisé sa croissance de 7,8% (un chiffre qui aurait déjà pu faire pâlir de jalousie la Chine) à 26%. Un bond qui lui a permis de faire passer son ratio de dette publique de 104,5% à 76,9% en l'espace d'un an. Un bond surtout qui ne se retrouve ni dans l'emploi, ni dans la consommation. L'emploi n'a toujours pas retrouvé ses sommets d'avant crise. Et le poids de la consommation ne cesse de diminuer en proportion du PIB, ce qui témoigne de la décorrélation entre le PIB et l'augmentation des revenus des personnes qui résident et travaillent réellement en Irlande. L’explication : l’Irlande, tel un pirate fiscal, a détourné les impôts des autres pays européens.

L’action « résolue » de la Commission européenne. Même pas 3% ! Pitoyable !

Prenons un cas précis et emblématique, Apple. Le taux moyen d’impôt sur les bénéfices dans l’UE est de 21% et un pays comme l’Irlande, dont le taux compte parmi les plus bas du continent, taxe les profits à hauteur de 12,5%. Mais cela ne suffit encore pas pour un client pour Apple. Selon la Commission européenne, Apple a réussi à rabaisser considérablement son imposition après le rescrit mis en place avec le gouvernement irlandais en échange du développement de ses activités dans l’île. Ainsi, en 2014, le taux de taxation en Irlande avait ainsi été de 0,005% selon les calculs des services de la commissaire danoise à la concurrence Margrethe Vestager.

Là, même la très libérale Commission Européenne a jugé que c’était un peu trop. Elle a décidé de sévir et contraint Apple à rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande au titre «d’avantages fiscaux indus» pour la période 2003-2014… que l’Irlande a d’abord refusé.
Qu’arriva-t-il ensuite ? La multinationale a-t-elle changé ses pratiques ? Pas vraiment, répond un rapport commandé par les élus du groupe de la gauche alternative au Parlement européen. En se fondant sur des estimations en l’absence de données fiscales claires et lisibles communiquées par Apple sur la répartition de ses revenus, il conclut que la multinationale a payé un impôt sur ses bénéfices compris entre 1,7 et 8,8% dans les différents pays de l’UE entre 2015 et 2017. Soit un évitement fiscal qui représente un manque à gagner compris entre 4 et 21 milliards d’euros sur la même période… Pitoyable !

Bon, alors  attaquons par un autre côté. Essayons une petiote taxe, pas trop grosse, 3% sur les Gafa. La France avait l’air assez volontaire, l’Allemagne aussi, Le Maire, chaud bouillant, Patatras : outre l’Irlande, le Luxembourg et Malte (tiens, tiens, on les retrouve !),  les trois pays nordiques membres de l’UE (Danemark, Finlande, Suède) ont fait savoir leur opposition au projet de taxation des géants du numérique défendu par la Commission européenne. Ils ont estimé qu’il risquait de nuire à l’économie européenne. Et Patatras bis ! Soumise à une forme assez peu discrète de chantage américain sur la vente de ses voitures aux USA, l'Allemagne n’est plus, mais alors plus du tout partante.
Enterrement et évocation d’une taxe purement française…qui, à supposer qu’elle se fasse, ne fera que renchérir le coût des services des GAFA en France. Le gilet jaune informatisé la paiera, ça lui apprendra à utiliser Facebook ! ¨

Pitoyable ! Lamentable

Il s’agit d’un vol pur et simple de recettes fiscales entre Européens
Extraits d’une interview de Gabriel Zucman (prix du meilleur jeune économiste 2018), Le Monde, 11/062018 :

40 % des profits des multinationales sont enregistrés en Irlande, au Luxembourg, aux Bermudes, à Hong Kong, tous des territoires à fiscalité faible ou nulle. Il s’agit donc de délocalisations artificielles de profits, juste pour payer moins d’impôts. Le résultat est que des paradis fiscaux comme l’Irlande ou le Luxembourg collectent deux à trois fois plus d’impôts sur les sociétés, en pourcentage de leur PIB, que la France ou l’Allemagne ; Malte est à 7 %, contre 2,5 % pour la France….

Ces paradis fiscaux sont au cœur de l’Europe. Il s’agit d’un vol pur et simple de recettes fiscales entre Européens. Il existe un projet d’assiette commune consolidée d’impôt sur les sociétés, malheureusement cela fait plus de quarante ans qu’on en discute…

Que peut-on faire ? La France pourrait reconnaître que la situation est bloquée, et choisir de réformer d’abord sa fiscalité. Un groupe qui fait 10 milliards de dollars de profits dans le monde et qui réalise 10 % de ses ventes en France serait taxé en France sur la base de 10 % de ses profits mondiaux, soit un milliard… C’est simple, et cela rendrait caduque toute cette industrie de l’optimisation fiscale. Cela permettrait aussi d’augmenter nos recettes d’impôts sur les sociétés d’environ 20 %, sans augmenter le taux, juste en réintégrant les profits aujourd’hui déclarés au Luxembourg ou aux Bermudes. L’autre avantage est qu’on passerait d’une concurrence par le bas, par la baisse des taux et des recettes fiscales, à une concurrence par le haut : les choix de localisation des entreprises ne se feraient plus sur les taux, mais sur la qualité des infrastructures ou de la main-d’œuvre du pays. Je crois que le moment est venu pour la France de faire cavalier seul…

Le projet de taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires porté par la France et la Commission européenne relève de la courte vue, c’est beaucoup d’énergie dépensée pour ne résoudre qu’une petite partie du problème….

Les projets de flat tax (impôt à taux unique, proportionnel et pas progressif) se multiplient : Italie, France, Autriche…  On nous explique que les entrepreneurs et les grandes fortunes sont très mobiles, qu’il ne faut donc pas trop les taxer, car ils risquent de partir. Ces flat tax reviennent à dire qu’on va moins taxer ceux qui bénéficient le plus de la mondialisation… Ce n’est politiquement pas soutenable, et je crois que le vote Trump ou le Brexit sont, pour partie, des réactions à ce type de pratique. Il faut, au contraire, concilier l’ouverture et la justice fiscale, pour redistribuer les gains de la mondialisation. Cela passe par la réforme fiscale dont je parlais, qui permet de taxer les multinationales à des taux plus élevés sans risque de délocalisation, et en même temps de baisser les impôts de ceux qui ont perdu dans la mondialisation, par exemple la CSG sur les retraités. Je rappelle qu’en 1985, le taux moyen de l’impôt sur les sociétés, au niveau mondial, était de 49 %, contre 24 % aujourd’hui.


Bon, on a compris, je crois. Les peuples ne supportent plus cela ! Il va falloir sortir de cet Eurokom, vraiment renverser la table !
Il reste peut-être deux, trois ans pour arriver à une solution. Sans cela, la Communauté Européenne va exploser !



1 commentaire:

  1. aussi sur https://eurokomonaimepas.blogspot.com/2019/01/raison-de-detester-leurokom-25-le.html

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