Pages

mercredi 27 mars 2019

Chers amis allemands ou comment ils veulent nous refiler la note de leur transition écologique ratée.


La taxe carbone, le retour ?

Les Gilets Jaunes, après les violences de ces black blocs que la police ne connait pas, sont un peu en baisse dans l’opinion ? Et voilà que repart l’idée de la taxe carbone.

C’est à ça qu’on reconnait le pouvoir macronien : il ne renonce jamais ; donc, amis gilets jaunes, restez mobilisés !

Donc : Après des membres de son ministère, c'est au tour du ministre de la Transition écologique et du délégué général de LREM de défendre une renaissance de cette taxe sur les carburants, pourtant à l'origine de la colère des «gilets jaunes».

Deux mois après l'abrogation de la taxe carbone par le Premier ministre, cet impôt à l'origine de la mobilisation des «gilets jaunes» pourrait faire son grand retour. «C'est sur la table, c'est le moment ou jamais d'en débattre», affirme ainsi le ministre de la Transition écologique ce matin sur Europe 1. François de Rugy a défendu un dispositif qui a «un vrai impact. En 2018 la consommation de carburant a baissé, c'est une première. Cela signifie que c'est possible de diminuer notre consommation en énergies fossiles», a estimé le ministre. À ses yeux, «on peut reprendre cette trajectoire» à condition que l'argent de cet impôt - deux milliards d'euros - «soit à 100% pour la transition écologique». La veille, Brune Poirson, secrétaire d'État à la Transition écologique et solidaire déclarait que cet outil est «efficace» et qu'il «a un vrai impact».
Ben voyons.

En réponse, et pour apporter un autre éclairage,  un très excellent (encore un !)article de Tristan Kamin sur Atlantico intitulé :

Pourquoi les tentations de revenir à la taxe carbone révèlent une fascination mortifère de la France pour le contre-exemple énergétique allemand.

(https://www.atlantico.fr/decryptage/3565967/pourquoi-les-tentations-de-revenir-a-la-taxe-carbone-revelent-une-fascination-mortifere-de-la-france-pour-le-contre-exemple-energetique-allemand-tristan-kamin)

Atlantico : Dans le cadre de l'objectif de réduction des émissions de CO2, 86 députés ont fait paraître une tribune dans Le Figaro exigeant le retour d'une taxe carbone plus transparente. Pourtant, selon un article publié par Forbes, la politique énergétique française conduirait à une hausse des prix de l'électricité qui éloignerait les consommateurs d'une énergie décarbonée, et conduirait ainsi à de mauvais résultats en termes d'émissions de Co2. Cet argument est-il recevable ? 

Tristan Kamin : On a tendance à mal faire la séparation entre « énergie » et « électricité ». Dans certains – nombreux – pays, où le couplage est très fort entre les énergies fossiles et l’électricité, l’amalgame entre les deux n’est guère dérangeant. En France, au contraire, le lien entre les deux est beaucoup plus ténu, la faute (ou grâce) au nucléaire. À titre d’exemple : une taxe carbone de 30 € par tonne de CO2 (le niveau actuellement appliqué aux carburants) appliquée à l’électricité et ses 20 millions de tonnes de CO2 en 2018 représenterait 600 millions d’euros à prélever sur une consommation de 475 milliards de kilowattheures : cela représente 0,13 centimes par kilowattheure, soit moins de 1% du prix actuellement facturé. Ainsi, cette taxe carbone qui a été massivement rejetée par la population lorsqu’appliquée aux carburants est quasiment insignifiante lorsqu’appliquée à l’électricité. Donc non, en France, en théorie, une taxe carbone ne conduit pas à une hausse notable des prix de l’électricité, parce que celle-ci est bas-carbone.

En quoi la taxe carbone pourrait-elle être contre-productive en ce sens ?
Dans mon raisonnement précédent, je considère une taxe dont le montant est lié aux émissions de gaz à effet de serre. En revanche, si l’on taxe l’électricité au nom « du climat » ou « de la transition écologique », mais avec des montants plus ou moins arbitraires et, surtout, sans lien avec les émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique, alors le terme de « taxe carbone » est une usurpation. Alors, en effet, cela peut dissuader le recours à l’électricité bas‑carbone et, au contraire, favoriser l’usage d’énergies fossiles.

Quelle serait la trajectoire politique la plus appropriée dans un objectif de réduction des émissions ? ? 

Je pense qu’il faut raisonner secteur par secteur, et non pas chercher une solution globale qui agirait positivement sur tous. Par exemple, le secteur électrique n’a plus qu’une faible marge de progrès sur ses émissions de gaz à effet de serre, et devrait être passé à l’arrière-plan : il faut simplement s’assurer de continuer à aller dans le bon sens et à long terme, sans se focaliser plus que nécessaire dessus. Le secteur du résidentiel et tertiaire (essentiellement le chauffage des logements, bureaux, commerces, bâtiments publics…) a, lui, une forte marge de progression que je pense facile à faire bouger : remplacement rapide du chauffage au fioul, limitation, voire réduction, du chauffage au gaz naturel, rénovation thermique...

Dans le secteur des transports, en revanche, si la marge de progression est évidemment énorme, réduire les émissions ne s’annonce pas simple. En particulier, il semble nécessaire de développer des alternatives avant de parler de taxer. Car auprès des usagers qui n’ont pas ou peu de marges de manœuvre, une taxe carbone est ressentie non pas comme une mesure incitative mais comme une sanction. On pourrait de la sorte prolonger la réflexion au secteur de l’agriculture, de l’industrie, etc., chacun ayant ses spécificités.

Dans son article, Forbes évoque une pression de l'Allemagne sur la France pour aller en ce sens. Quelle est la réalité de cette pression ? 

Si je ne peux me prononcer sur sa réalité, les motivations sont en tout cas assez transparentes, au-delà de l’aversion idéologique des allemands pour le nucléaire.

Aujourd’hui, l’Allemagne a deux parcs électriques. Son parc de moyens de production pilotable (environ 100 GW) sur lequel elle repose pour s’assurer un approvisionnement en électricité à tout moment, y compris en l’absence de vent et de soleil. Et son parc éolien et solaire (environ 100 GW aussi), dont la production n’est pas pilotable, on la dit « fatale ». Par définition, son parc « pilotable » suffirait à alimenter le pays, et d’un point de vue énergétique et économique, son parc « fatal » la met en situation d’énorme surcapacité. Qui dit surcapacité dit prix de marché bas, et notamment à chaque fois que le vent abonde.

Dans de telles conditions, les charbonniers et gaziers peinent à être rentables, et le solaire et l’éolien le sont grâce à des subventions qui pèsent lourd sur la facture des consommateurs. Or, le parc nucléaire français, composé de réacteurs nucléaires qui produisent, peu importe la météo, une électricité peu coûteuse (compte tenu du fait que le coût d’investissement du parc historique est aujourd’hui amorti), contribue considérablement à tirer vers le bas les prix du marché ouest-européen. On comprend donc l’intérêt de l’Allemagne à inciter la France à réduire la voilure nucléaire.

En plus de cela, la politique allemande semble déterminée faire du pays la plaque tournante du gaz en Europe de l’Ouest, avec notamment au programme un terminal méthanier pour importer du gaz naturel liquéfié depuis l’outre-Atlantique, et un gazoduc (Nord Stream 2) pour importer de Russie. Or, en l’état actuel des technologies, une réduction de la production nucléaire en France serait vraisemblablement compensée, au moins partiellement, par une hausse de la consommation de gaz. Ceci étant dit, le bénéfice potentiel pour l’économie allemande apparaît flagrant.

En résumé, les Allemands insistent fortement pour nous faire réduire la part du nucléaire, parce que cela leur permettrait de pas vendre à prix faible, voire négatif leur énergie excédentaire ( eh oui , lorsque les éoliennes tournent à donf, il faut parfois payer l’Espagne ou l’Angleterre pour qu’elles prennent l’électricité allemande, cf. blog précédent ; par contre, il faut quand même garder un volume équivalent de production pilotable- et en Allemagne, hautement carboné et polluan,t pour quand elles tournent pas…) ; et pour nous faire remplacer notre nucléaire décarboné par un gaz qu’ils se feront joie et grand profit de nous revendre…tant pis pour le climat.

Quelques données sur le « gross » ratage de la transition énergétique allemande. (energiewende)

L’energiewende est :

Mauvaise pour le climat : L'Allemagne est un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde : en 2017, ses émissions de CO2 liées à l'énergie, estimées à 764 Mt, en font le no 1 de l'Union Européenne, loin devant la Grande-Bretagne qui est no 2 avec 398 Mt et la France, no 4 (après l'Italie) avec 320 Mt. Par habitant, c’est encore pire : 8,88 tonnes par habitant, plus du double de la moyenne mondiale, contre 4,37 tonnes en France. Selon les estimations d'octobre 2017 du ministère de l'Environnement, l'Allemagne ne pourra pas atteindre ses objectifs de réduction d'émissions de CO2 de 40 % entre 1990 et 2020.

Mauvaise pour l’économie : En 2017, selon l'Agence internationale de l'énergie, le prix moyen de l'électricité pour les ménages atteignait en Allemagne 343,59 $/MWh contre 188,53 $/MWh en France, 129,00 $/MWh aux États-Unis, 202,41 $/MWh au Royaume-Uni.

Mauvaise pour l’environnement et la santé : L'Allemagne est le premier producteur mondial de lignite, utilisé pour produire 23,1 % de son électricité. Un signe flagrant de la persistance de cette culture charbonnière est que dans les statistiques allemandes l'unité « TEP » (tonne équivalent pétrole) n'est que rarement utilisée : les Allemands lui préfèrent la TEC (tonne équivalent charbon, en allemand : SKE, Steinkohleeinheit).
Conséquence de cette addiction au charbon : un rapport publié en juin 2016 par WWF et trois autres ONG avec le soutien de l'Union européenne évalue à 4 350 décès prématurés l’impact des centrales à charbon allemandes, dont 2 500 décès dans les pays voisins –dont la France. Sans compter la morbidité, notamment asthme et maladies respiratoires.

Mauvaise pour les paysages et la démocratie : Le développement de l’éolien se faisant principalement dans le nord du pays et plus particulièrement dans la mer du Nord et l’électricité étant consommée principalement dans les Länder du sud, la transition doit s’accompagner d’un fort développement des lignes de transport à haute tension. Mais ce développement se heurte à l’opposition des riverains. Dans une étude remise fin mai 2012 à la Chancelière, les quatre gestionnaires de réseaux de transport estiment à 3 800 km la longueur des lignes haute tension à construire et à 4 000 km celle des lignes à moderniser, pour un montant de 20 Md € auxquelles il faut ajouter 12 Md € pour le raccordement de l’éolien marin. Soit un total de 32 Md € à investir pour atteindre l’objectif 2022. Or depuis 2005, seuls 200 km de lignes haute tension ont pu être construites. C'est pourquoi une loi est en discussion pour faciliter les autorisations de construction des lignes haute tension…

Et c’est ce ratage que veut nous faire payer l’Allemagne, en faisant le forcing pour faire diminuer notre production nucléaire électrique, décarbonée et économique…un immense avantage compétitif qu’ils ne supportent pas .

Tiens : mise à jour de 7 avril 2019 : Le Parlement européen s’est exprimé sur une proposition de classification des actifs durables, et a choisi d’empêcher l’énergie nucléaire d’obtenir le sceau d’approbation écologique des marchés financiers.  Chers amis allemands et écolos, merci.....



cf aussi https://vivrelarecherche.blogspot.com/2018/02/transition-energetique-ppe-la.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentaires

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.