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vendredi 3 mai 2019

Politique et stratégie de l’aluminium


Comme souvent, signalons ici l’excellente  Lettre Géopolitique de l'Electricité (www.geopolitique-electricite.fr/) de M. Lionel Taccoen qui dans son numéro d’Avril 2019 publie un dossier complet et passionant sur l’aluminium. Pourquoi l’aluminium et l’électricité ? Et bien, c’est que compte tenu de son mode de production, on a pu écrire que « l'aluminium, c'est de l'électricité solide ».

Aluminium : Une industrie stratégique de plus en disparition en Europe. Vers la grande dépendance !

C’est le chimiste français Sainte-Claire Deville qui présente en 1854 à l'Académie des sciences le premier lingot d'aluminium obtenu, à l'état fondu, par voie chimique (réduction de la bauxite par le sodium). Napoléon III se fait faire un service de table en aluminium, qui vauit alors davantage que sa vaisselle d’or. La découverte, en 1886, de la production de l'aluminium par électrolyse permet de développer son utilisation et sa remarquable légèreté, sa résistance à la corrosion, sa malléabilité permettant des mises en forme variées  en font un matériau très utilisé dans l'industrie et l'artisanat malgré la technicité de sa mise en œuvre. C'est un produit industriel important, sous forme pure ou alliée, notamment dans l'aéronautique, les transports et la construction. Sa nature réactive en fait également un catalyseur et un additif dans l'industrie chimique. Dans cette histoire de l’aluminium, la France a joué un rôle important avec Pechiney, dont on sait par quelle stupidité de la politique européenne de la concurrence a entrainé sa prise de contrôle par Alcan, alors que c’est le contraire qui aurait dû se produire (cf https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/01/raison-de-detester-leurokom-22-la-mort.html)

L’aluminium est aussi un métal du XXIème siècle ! Vingt-cinq millions de tonnes produits en 2000, soixante-cinq en 2018, cent huit prévus en 2050. La croissance la plus rapide est attendue en Asie, mais l’Europe restera encore longtemps le second marché mondial. Il est de plus en plus indispensable dans les transports. Dans l’automobile : en 1990, chaque voiture en comportait 40 à 80 kg. Aujourd’hui ce chiffre est passé à 150 kg. En 2025, ce sera 250kg. L’aviation n’existerait pas sans aluminium. Il est largement présent dans le bâtiment et les travaux publics. Il est omniprésent dans les emballages et sa  légèreté le fait employer dans bien d’autres branches. Cette production, en forte hausse, dénommée « aluminium primaire » s’ajoute au recyclage du métal utilisé pour des objets dont l’utilisation est terminée. Le taux de recyclage est important : près de la moitié en France.

Les importations dans l’Union européenne de produits en aluminium ont augmenté de 28% entre 2013 et 2017, passant de 7,1 millions de tonnes à 9,1 millions de tonnes… Dans l’Union, sur les 26 fonderies en activité en 2008, 16 sont encore opérationnelles et un certain nombre d’entre elles sont menacées de fermeture …Il semble que les Etats membres de l'UE ont jeté l'éponge. Désormais près des trois quarts de leurs besoins en aluminium primaire, pourtant de plus en plus nécessaire à une économie moderne,  sont importés. La Fédération des Consommateurs Européens de l’Aluminium (FACE) écrit sous le titre « Empêcher la faillite de l’industrie européenne de l’aluminium « Depuis vingt ans, nous avertissons que la politique actuelle conduit au déclin inexorable d’un secteur correspondant à un million d’emplois indirects

Le Vice Président de la Commission Européenne a averti récemment que, en ce qui concerne l’aluminium, l'Union Européenne courrait le risque de nouvelles dépendances de l'extérieur aussi lourdes que celles relatives au pétrole et au gaz. 

Et c’est en fait déjà le cas. Le russe Rusal, longtemps premier producteur mondial, fournit aujourd’hui environ 30% des importations européennes. L’inconvénient est que l’Union européenne déjà notablement dépendante de la Russie pour son gaz, ajoute l’aluminium. Un autre est la proximité de cette grande entreprise avec le pouvoir politique russe, qui provoqua début 2018 des sanctions américaines contre Rusal et, aussi contre ses clients européens. Autrement dit, nous dépendons, pour 30% de notre aluminium, soit de la Russie, soit des Etats-Unis et de leur humeur de confrontation avec la Russie -via les sanctions qu’ils imposent aux clients d’entreprises proches du Kremlin.

Et une autre menace arrive, celle de la Chine. En quelques années, la Chine est devenue, et de loin, le premier producteur mondial d’aluminium primaire, avec plus de la moitié du total de la planète. Elle commence à exporter, beaucoup, et comme d’habitude à des prix plus ou moins subventionnés qui vont lui permettre de balayer ce qu’il reste de tous ses concurrents.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Une politique aberrante de l’électricité !

« Il ne faut pas s’étonner que les entreprises de fabrication d’aluminium primaire quittent le continent en masse, délocalisant leurs fonderies dans les pays où l’énergie est bon marché, la main d’œuvre peu coûteuse et l’accès à l’Union européenne aisé… . Le premier coupable sont les coûts sur le long terme de l’électricité qui font de la production d’aluminium dans l’Union Européenne la plus chère au monde… Le comble a été atteint avec les prix de l’électricité dus à la taxe carbone et à la politique climatique. »
En fait explique Lionel Taccoen, « le marché de l’électricité est déboussolé par la coexistence d’une composante libérale avec concurrence pour les productions non renouvelables et d’une composante d’économie administrée avec subventions, essentiellement pour le solaire et l’éolien. Une conséquence est qu’il est devenu impossible d’investir dans de nouvelles centrales ou dans des installations de stockage d’électricité sans subventions…La transition énergétique a affaibli financièrement les compagnies d’électricité en subventionnant les renouvelables dont l’électricité est prioritaire sur le réseau »

Ou plus exactement une politique absurde de transition énergétique en ce qui concerne l’électricité, qui consiste à diminuer la part du nucléaire et de forcer EDF à subventionner des concurrents producteurs…qui ne produisent pas grand chose et réalisent leurs bénéfices en revendant le courant ( nucléaire) qu’EDF est  contraint de leur céder à bas prix. C’est d’autant plus absurde que l’électricité en France, grâce au nucléaire, est hautement décarbonée et que les principales, et de loin, causes d’émission de gaz à effet de serres sont les transports et le chauffage.

A contrario, le succès de la fonderie de Dunkerque démontre que seule l’électricité abondante, peu couteuse et décarbonnée que fournit le nucléaire peut sauver l’industrie de l’aluminium. Alors que l’Espagne ferme ses dernières fonderies d’aluminium, l’usine française de Dunkerque, alimentée par la centrale nucléaire de Gravelines et reprise au début de 2019 par un nouveau propriétaire (Liberty Aluminium) est assurée de son avenir. Elle est devenue la plus importante fonderie d’aluminium de l’Union européenne, en produisant à elle seule en 2018, 13,5% de l’aluminium de l’Union (284 000 tonnes). La production d’un kWh nucléaire français n’émet que de 5 à 6 grammes de CO2, ce qui en fait l’une des électricités mondiales la plus respectueuse du climat . La centrale nucléaire de Gravelines comprend six réacteurs de 900 MWe chacun, qui ont servi de modèle de départ à une grande partie du programme nucléaire chinois. Les installations de Liberty Aluminium Dunkerque ont à leur disposition une puissance de 450 MWe, soit la moitié d’un réacteur. Elles sont situées à Loon-Plage à moins de dix kilomètres de la centrale nucléaire.

L’aluminium,  cas emblématique : l’Europe dindon de la farce de la guerre commerciale de Trump avec la Chine

Les droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium étaient censés punir la Chine. Raté, ils lui profitent au contraire. Et nuisent bien davantage à l’industrie européenne
Donald Trump a ouvert les hostilités en annonçant le 31 mai 2018, via son secrétaire au Commerce Wilbur Ross, que l’Union européenne (UE), dans un premier temps exemptée, serait finalement elle aussi soumise à des droits de douane de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium. S’ils concernent aussi la Chine, ces droits de douane n’entravent pourtant par la production d’aluminium de l’Empire du Milieu. Un paradoxe ? A première vue seulement.
De la part d’un pays dans lequel toute la production industrielle est contrôlée par un Etat centralisé et collectiviste, et dans lequel les normes d’emploi et de coût d’énergie généralement observées ailleurs ne s’appliquent pas, la production effrénée d’acier et d’ aluminium n’a rien d’étonnant. Mais au-delà de la question du subventionnement, c’est le système de sanctions mis en place par les Etats-Unis qui interroge, en se révélant, par des effets pervers, favorable à Pékin.
Les taxes douanières qui existent ne sont pas des règles absolues, mais sont assujetties à une procédure de demande d’exceptions. Une entreprise américaine spécialisée dans l’acier ou l’aluminium peut en effet présenter une demande d’exemption tarifaire au département du Commerce des États-Unis, en démontrant que le produit dont elle a besoin n’est pas disponible à l’achat sur le territoire américain. A Washington D.C., le bureau de l’Industrie et de la Sécurité (BIS) du ministère du Commerce se consacre à l’étude de telles exemptions et objections.

Et il se trouve que les Etats-Unis accordent de très nombreuses exceptions à des producteurs chinois, par l’intermédiaire de leurs filiales américaines. En octobre dernier, les exceptions concernant des entreprises de capitaux chinois représentaient ainsi 27 % des exceptions totales accordées par l’administration américaine. 94 % des demandes d’exceptions provenant de ces entreprises chinoises implantées sur le sol américain avaient été approuvées !

Une chose est en tout cas certaine : si les sanctions américaines sont délétères pour nombre de pays, voire pour un certain nombre de producteurs américains, elles le sont beaucoup moins pour d’autres. L’industrie de l’aluminium, en berne au Canada ou en Europe, connaît ainsi ses plus belles heures en Chine. Selon les données du département des douanes de la Chine, les producteurs chinois ont envoyé 552 000 tonnes métriques de produits d’aluminium à l’étranger en janvier, dépassant ainsi le total révisé de 520 000 tonnes métriques de décembre et dépassant le précédent record de 542 700 tonnes métriques, daté de décembre 2014.

Et l’Europe trinque. La Chine surproduit à des coûts défiant toute concurrence, inondant notamment le Vieux continent de ses produits d’aluminium bon marché. Non sans dommages. Les importations massives d’aluminium chinois en Europe ont des répercussions dramatiques sur la filière de l’aluminium européenne. Comme en Espagne, où la fonderie Alcoa menace de fermer ses portes. Si tel était le cas, le pays ne compterait plus aucune fonderie d’aluminium primaire.

Sauver l’aluminium à Gardanne !

L’ »aluminium c’est la bauxite, et la bauxite, cela vient des baux de Provence ! Et à côté des Baux de Provence, il y a l’usine Alteo de Gardanne, ultime avatar de ce site historique de l’aluminium. Alteo, c’est en 2017 un chiffre d’affaires de 220 millions d’euros, dont à 70 % à l’international et… des ventes en Chine multipliées par trois, C’est aussi plus de 300 embauches en cinq ans  et 450 salariés.

Alteo non seulement ne s’est pas effondré, mais a progressé en faisant le choix de la qualité. Ainsil le centre de Gardanne a inauguré une  nouvelle unité de production  d’alumine "haute pureté" qui lui permet d'asseoir son leadership mondial dans les alumines de spécialité ; 1,5 millions d'euros ont été investi dans cette installation qui permet d'obtenir des alumines premium, parfaitement isolante, et de viser de nombreux marchés dans la micro-électronique.

Alteo a également investi 7 millions d'euros dans un nouveau procédé de traitement des eaux qui utilise un procédé innovant : du gaz carbonique propulsé dans l'eau traitée pour piéger les  derniers résidus de métaux lourds. 99,98% des métaux lourds sont ainsi absents des rejets de l'usine en Méditerranée. Cet effort a été reconnu par Didier Réault, président du Parc national des Calanques, qui constate que les rejets sont enfin aux normes européennes.

Nous avons besoin de production d’aluminium, et de préférence d’aluminium à haute valeur ajoutée dans des conditions environnementales qui sont innovantes et exemplaires, uniques au monde. C’est ainsi que l’on progresse. Mais cela ne suffira pas, aucun effort ne suffira jamais aux écologistes fanatiques et anti-humanistes qui rejoignent bizarrement un certain patronat ultra libéral et finaciarisé dans son cauchemar d’une France sans usines.

Alteo doit rester sur son site oh combien historique de Gardanne !

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