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dimanche 13 octobre 2019

La Crise de l’électricité en Californie. La Californie, modèle de la Commission Européenne et futur de l’Europe !


Octobre 2019 : En Californie, on coupe le courant pour prévenir les incendies

En 2018, la Californie a connu l’un de ses pires et plus violents incendies avec le « Camp Fire », le 8 novembre 2018, qui  a détruit la localité de Paradise et fait 85 morts, le bilan le plus lourd que l’Etat ait connu. Les experts l’avaient attribué à un défaut d’entretien des lignes électriques (un départ de feu sous l’une de ses lignes à haute tension)
Donc, Cette année, PG & E a anticipé. En prévision de l’arrivée des vents d’automne, venus de la Sierra Nevada, qui chaque année se renforcent en puissance en se frottant à l’air chaud de la vallée centrale, la compagnie a pris la mesure de précaution la plus sûre : couper l’électricité. Sans courant, pas de risque d’étincelle attisée par le vent.

Mercredi 9 octobre, 500 000 résidents de l’Etat qui a rang de cinquième économie du monde, se sont donc vus privés de courant, à titre préventif, principalement dans le nord de l’Etat, de Sacramento aux contreforts de la Sierra. 250 000 habitants de la baie de San Francisco devaient subir le même sort dans la nuit, les météorologues ayant annoncé des vents violents et décrété une « alerte rouge ». Vingt-neuf des 58 comtés californiens étaient affectés par la décision de PG&E de ne plus prendre le risque de servir ses clients.

Il faut dire que PG&E s'est mise en faillite en janvier, faisant face à des milliards de dollars de dettes potentielles en raison de sa responsabilité dans le «Camp Fire», qui a ravagé en novembre 2018 la bourgade californienne de Paradise, faisant au moins 86 morts et détruisant 18.000 bâtiments, ainsi que dans des feux de forêt en 2017.

Histoire d’une faillite annoncée : la libéralisation du marché de l’électricité

 Comment ne pas voir dans cette situation la conséquence ultime de deux causes : 1) la politique absurde de libéralisation de l’électricité ; 2) un mix électrique toxique ne comprenant quasiment pas de nucléaire, un hydraulique vieillissant et des énergies nouvelles non maitrisées, plus une forte dépendance au gaz que la Californie doit importer. Car ce n’est pas la première fois que PG&E, géant historique de l’électricité en Californie, espèce d’EDF si l’on veut, se trouve ainsi réduit à la faillite et dans l’incapacité de servir ses clients.



Echec de la libéralisation et première mort d’un géant

En 1852 fut fondée la San Francisco Gas Company, qui fusionna au cours du demi-siècle suivant avec d'autres compagnies jusqu'à la création de Pacific Gas and Electric Company (PG&E) en 1905. Les grands travaux Rooseveltiens, avec la  construction du Barrage Hoover de 1931 à 1936, dont la Californie reçoit plus de la moitié de la production d'électricité marquèrent la montée en puissance en Californie d’un service public de l’électricité dont PG&E était l’un des fleurons. PG&E devint l'un des plus grands fournisseurs de gaz et d'électricité américains avec 5,4 millions de clients pour l'électricité et 4,3 millions pour le gaz, dans les régions nord et centre de la Californie. Bien que cotée en bourse, elle avait un statut de service public (public utility), très réglementé depuis le Public Utility Holding Company Act de 193 - elle était soumise à la supervision de la California Public Utilities Commission (CPUC). Elle gérait le réseau électrique de son territoire de desserte et produisait de l'électricité nucléaire dans sa centrale de Diablo Canyon, la seule en Californie.
PG&E accompagna la transformation de la Californie en un Etat puissant à la tête de la révolution informatique…qui a besoin de pas mal d’énergie…Tout se passait bien jusqu’en 1996 et PG&E fournissait benoitement à toute la Californie l’énergie abondante dont celle-ci avait besoin à coût très raisonnable, jusqu’à la décision de l’administration Bush 1 sous l’influence des doctrines libérales et de certains intérêts amicaux, d'entreprendre la dérégulation de son secteur électrique qui était jusque-là, pour l'essentiel, sous le contrôle de l'Etat.

Et ce fut un festival ! On sépara le réseau et l’on créa de deux marchés de gros, ce qui permettait plus d’occasion de spéculation. Les producteurs de courant, autrement dit les centrales électriques, ont adopté une politique attentiste. Contrairement à leurs engagements, ils n’ont entrepris la construction d'aucune des centrales qu'ils avaient pourtant dans leurs cartons et qu’ils s’étaient engagé à construire. Leur seule vraie crainte, la menace suprême pour eux, c’était la surproduction, et ils n’avaient aucun intérêt à investir et à augmenter une production… dont la rareté assurait leur profit – elle était la garantie pour eux de pouvoir imposer des tarifs élevés et maximiser leurs bénéfices sans investissements.  Mais dans le même temps, dans cette Californie où les industries de pointe bourgeonnent, où chaque ménage multiplie les équipements électriques et électroniques, la demande n'a cessé de croître. Affaires en or pour les centrales, catastrophes pour les particuliers et les industriels avec augmentations de prix et pannes.

Conclusion : envol exponentiel des prix de gros. Et quand je dis exponentiel : les prix de gros de l'électricité, qui étaient à 30 $/MWh en avril 2000 , passèrent à 100 $/MWh, puis atteignirent en novembre 250 à 450 $/MWh, soit plus de 100% d’augmentation ! ; Mais dans le même temps, les autorités politiques craignaient l’effet des hausses massives du prix de détail sur les petits consommateurs (lesquels commençaient à se manifester bruyamment) et bloqua ceux-ci. Donc au début 2001, des coupures tournantes durent être organisées, puis les deux principales compagnies ex-publiques (PG&E, Pacific Gas and Electric Company et SCE, Southern California Edison) firent faillite, ainsi que quelques centaines de leurs fournisseurs dans leur chute. L’Etat fut contraint de les reprendre, ce qu’avait parfaitement anticipé cyniquement, le PDG d'Enron, Jeff Skilling,: «Quand les compagnies seront trop endettées, nous limiteront l'énergie livrée à la Californie et l'Etat sera contraint d'aider ces sociétés.»

Ah oui, car dans ce festival, il y a eu Enron, la plus gigantesque escroquerie de ces années ; Enron, qui gérait le Path 26, la seule connexion entre Californie du nord et Californie du Sud, Enron et ses congestions fantômes. Voilà ce qu’ils ont fait, expliqué à une Commission d’Enquête Sénatorial par un employé : « les courtiers d'Enron ont engorgé cette ligne artificiellement pour qu'ensuite, quand les gens auraient besoin de cette ligne, Enron fasse monter ses prix ». Ainsi, le 14 et 15 juin 2000, en pleine vague de chaleur, les courtiers d'Enron ont engorgé le «Path 26»,. Ils ont créé un goulot d'étranglement qui a bloqué la transmission de l'électricité vers «Path 15» en direction du nord de l'Etat. «On a surchargé la ligne qui nous appartenait chaque fois qu'il y avait une vague de chaleur, reconnaît maintenant un courtier. Résultats : des black-outs à San Francisco, Los Angeles et dans la Silicon Valley au cours des étés 2000 et 2001, jusqu’à ce que les autorités locales acceptent de payer à Enron le prix qu’ils exigeaient.

Et bien d’autres manœuvres encore, par exemple le «blanchiment de mégawatts». Comme les prix étaient plafonnés en Californie, Enron achetait du courant dans cet Etat, le transférait dans les Etats voisins et le revendait au prix fort en Californie. Un exemple d'escroquerie imité ensuite par d'autres compagnies La peur des black-outs a aussi forcé les entreprises à signer des contrats à long terme avec Enron pour plus d'un milliard de dollars. (cf. Quand Enron éteignait la Californie. Libération, Annette Lévy-Willard, 21 mai 2002)

Le mix énergétique californien

Le secteur de l'électricité en Californie se caractérise par une proportion importante d'énergies décarbonées : 53,9 % en 2018 (8,7 % de nucléaire et 45,2 % d'énergies renouvelables : hydraulique 12,4 %, géothermie 5,7 %, biomasse 2,7 %, éolien 6,5 %, solaire photovoltaïque 17,8 %, solaire thermodynamique 1,2 %), mais les combustibles fossiles ont encore une part élevée : 44,7 % (presque uniquement gaz naturel), et la production ne couvre que 72 % de la demande, le reste étant importé des États voisins et du Mexique. Les énergies décarbonées produites localement ne couvrent donc que 39 % de la consommation d'électricité… La part des énergies renouvelables (EnR) n'a pas progressé de 1990 à 2018, la forte progression de l'éolien et du solaire ayant été presque compensée par l'effondrement de l'hydroélectricité due à une succession d'années de sécheresse, ainsi que par le recul de la géothermie et des centrales à bois.

Californie d’aujourd’hui, Europe de demain.

Donc un service public qui fonctionnait  plutôt bien.  Une libéralisation, au nom de la sacro-sainte concurrence, disaient les promoteurs de cette politique, qui devait exercer une pression à la baisse sur les prix, dont bénéficieraient les consommateurs ; sans vraiment se poser la question si les obligations de service public de l’énergie, si le caractère de monopole naturel du transport et de certains des modes de production, si l’intensité capitalistique et donc la vision à long terme nécessaires ne rendent pas la privatisation absolument inadaptée.

A l’arrivée, un ex-service public qui fait deux fois faillite et ne peut plus assurer sa mission, des Californiens modestes matraqués et révoltés, des black-out à répétition, des incendies géants par manque d’entretien et d’investissement, d’autres black-out, des énergies renouvelables non pilotables qui fragilisent le réseau, pas un poil de décarbonation, quasiment pas de nucléaire, une dépendance énergétique intacte, en particulier au gaz ( merci pour le CO2) et ceci dans l’une des premières économies du monde.

Qui ne voit que c’est exactement là où nous emmène l’Europe, avec sa libéralisation de l’électricité, avec le démantèlement imposé des services publics et en particulier d’EDF, la  contrainte fait à EDF de céder près de 30% de son énergie à prix coûtant à ses concurrents via l’ARENH, des concurrent qui, comme en Californie, n’ont pas investi dans la moindre production pilotable et se contentent de piller EDF,  les manipulations des margoulins de l’éolien,

Et les premiers prémices des black out : ainsi, lundi 7 octobre 2019, RTE a dû recourir au dispositif d’effacement des électrointensifs et couper l'électricité à 22 sites industriels pour éviter le black out, à cause d'une seule turbine de Gravelines déconnectée. Imaginez dans le futur une  suite de nuits sans vent….


Résultat de recherche d'images pour "black out Californie"

NB : pour la suite, et d'autres black out, voir

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/08/canicule-covid-enr-et-nucleaires-qqs.html

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