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mardi 3 décembre 2019

Cadre et réforme des retraites, ou pourquoi défiler jeudi

Cadres et réforme des retraites, ou pourquoi défiler jeudi

1) Extraits d’un document  CFE-CGC – eh oui, la CFE-CGC soutient la grève contre la réforme des retraites

Alors que la concertation se poursuit cahin-caha entre le gouvernement et les partenaires sociaux sur la réforme voulue par l’exécutif et à laquelle s'oppose la CFE-CGC en l'état, consultez notre vrai-faux éclairant les débats sur des problématiques complexes.

Avec la réforme, le niveau des futures pensions serait-il impacté à la baisse ? Vrai
Parce que le régime par point serait calculé sur l’ensemble de la carrière et non pas sur les 25 meilleures années : la moyenne obtenue serait donc nécessairement inférieure à la situation actuelle.
Parce que le système futur serait conçu tel que le poids des retraites n’excède pas 13,8 % du PIB d’aujourd’hui. Or, le nombre de retraités progressant, cela revient à programmer l’appauvrissement des futurs retraités.

Les salariés de l’encadrement seraient-ils particulièrement perdants ? Vrai
Parce que les moins bonnes années seraient désormais autant prises en compte que les meilleures années.
Parce que l’exigence d’une durée de cotisation de 43 ans pénaliserait toujours les jeunes qui font des études et qui rentrent sur le marché du travail de plus en plus tard.
Parce que les cadres disposant de revenus au-delà de 120 000 euros annuels ne pourraient plus acquérir des droits sur cette part de leur revenu. Les droits précédemment acquis seraient maintenus et seraient donc financés par tous, dès le premier euro.
Parce que la pension de réversion ne permettrait pas au conjoint survivant de dépasser 70 % de la somme des pensions des deux conjoints. En cas de décès de leur conjoint, les salariés de l’encadrement verraient donc leur pension de réversion limitée alors qu’aujourd’hui, elle est versée sans condition de ressources.

Les femmes gagneraient-elles à la mise en place du système universel ? Faux
Parce qu’un régime par point avec une durée de cotisation impérative de 43 ans pénaliserait les carrières heurtées. Or ce sont principalement les femmes qui sont concernées.
Parce que les années à temps partiel ne seraient plus neutralisées comme c’est le cas aujourd’hui dans le régime de base.
Parce que les femmes percevraient 5 % de points supplémentaires par enfant mais perdraient les trimestres de majoration pour enfant qui leur étaient jusqu’à présent accordés.

La réforme n’aurait aucun impact avant 2025 ? Faux
Parce que le gouvernement exige que nos régimes actuels soient à l’équilibre au moment du passage dans le nouveau système, dispensant théoriquement celui-ci d’avoir des réserves pour équilibrer le régime sur le long terme. Nous subirions donc très probablement des mesures d’économies avant fin 2024 pour être immédiatement à l’équilibre.

Le nouveau système donnerait plus de garanties sur le montant des retraites ? Faux
Parce que, poursuivant l’objectif d’assurer un équilibre quasi permanent du régime, le gouvernement ajusterait les éventuels déficits soit par l’impôt soit par l’allongement de la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite sans décote.
Parce que le budget de la retraite serait fondu dans celui de l’Etat et donc soumis aux arbitrages politiques.
Parce que dans ce système étatisé, il est prévu que le conseil d’administration composé notamment de partenaires sociaux ne pourrait que donner des avis et n’aurait aucune marge de manœuvre pour contrebalancer le pilotage imposé par le gouvernement.

Y a-t-il un risque de récuperation des réserves des régimes par l’état ? Vrai
Parce ce que les réserves constituées par tous les régimes de retraites complémentaires des actifs (136 milliards d’euros) seraient vraisemblablement transférées à l’Etat sans garantie ni contrepartie sur son utilisation finale.
Ces réserves sont la propriété de tous les actifs qui les ont constituées. Elles doivent donc, selon la CFE-CGC, rester sous la gestion et le contrôle des paritaires et non venir renflouer les caisses de l’Etat.

Cette réforme a-t-elle uniquement pour but de supprimer les régimes speciaux ? Faux
Parce que cette réforme toucherait l’ensemble des Français. Ce serait une grave erreur de croire que le but du gouvernement consiste simplement à ramener plus d’équité entre le régime général et les régimes spéciaux. En réalité, cette réforme est avant tout une réforme financière. L’objectif est de maintenir le poids des dépenses publiques au niveau actuel, malgré l’augmentation du nombre de retraités dans les années à venir…

Les agents de la fonction publique et des régimes spéciaux sont-ils favorisés ? Faux
La retraite est calculée à la fois sur la base d’une assiette et d’un taux. Beaucoup d’éléments rentrent en ligne de compte : rythme de la progression salariale, traitement indiciaire (6 derniers mois, hors prime).
Les statistiques par cas-types du Conseil d’orientation des retraites font apparaître que les agents de la fonction publique et des régimes spéciaux n’accèdent pas à de meilleurs taux de remplacement que les autres, c’est-à-dire qu’ils subissent de la même façon une baisse de leur niveau de vie au passage à la retraite.

Notre système de retraite est-il en péril ? Faux
Le financement du système de retraite est principalement assuré par les cotisations sociales. En 2018, les dépenses se sont élevées à 324,5 milliards d’euros soit 13,8 % du PIB, pour des recettes atteignant à 321,6 milliards d’euros. Ainsi, le besoin de financement pour 2018 est de 2,9 milliards d’euros, ce qui représente moins de 1 % des recettes.
Le système de retraite est quasiment revenu à l’équilibre depuis 2017.
À noter : la décision de ne pas faire cotiser les heures supplémentaires entraîne une perte annuelle estimée, pour 2019, à environ 1,2 milliard d’euros.

Les dettes accumulées sont-elles énormes ? Faux
La dette logée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), imputable à la branche retraite, représente 46 milliards d’euros (essentiellement les dettes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse). Cette dette sera totalement remboursée en 2024 via les versements de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), et grâce à l’apport du Fonds de réserve pour les retraites (FRR).
Le FRR dispose d’un actif net de 36,4 milliards d’euros à fin 2017 (1,6 % du PIB). Il concourt au financement de la Cades à hauteur de 2,1 milliards d’euros par an (environ 12 % des ressources de la Cades).
Les régimes de retraite disposent-ils de réserves abondantes ? Vrai
En additionnant l’ensemble des réserves des divers régimes (régimes de base, régimes intégrés et régimes complémentaires tels l’Agirc-Arrco), soit 136,9 milliards d’euros, aux réserves du Fonds de réserve pour les retraites (36,4 milliards d’euros), le total des réserves atteint 173,3 milliards d’euros.
Source : les données exposées ci-dessus sont issue du rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (COR) publié en juin 2019.
La CFE-CGC réaffirme son opposition au projet de réforme gouvernemental


2) Le modèle suédois tant vanté : une manière de baisser les retraites, augmentation de la pauvreté

François Fillion, un homme qui s’y connait en politique de revenu : «Je mets en garde les Français contre l'illusion d'une retraite par points, qui est une manière de baisser chaque année la valeur du point».

Il  y davantage de seniors pauvres en Suède qu'en France- Oui,  près de deux fois plus !

D'après l'Insee, le taux de pauvreté des Français âgés entre 65 et 74 ans est de 7,5%, et de 7,9% pour les plus de 75 ans. (NB Il s’agit du taux le plus bas d'Europe).  En Suède, on atteint le double. Selon Statistiska Centralbyrån - le Bureau central de la statistique du Royaume de Suède - le taux de pauvreté des plus de 65 ans est 14%.
Autre information éclairante. Si en France, le taux de pauvreté des seniors est inférieur à la moyenne de l'ensemble de la population, 8% d'après Eurostat, en Suède la situation est inverse avec 9,3% pour l'ensemble des Suédois.

La réforme des retraités en Suède a-t-elle accentué la pauvreté des seniors ? Oui

Selon l'organisme, le taux de pauvreté des plus de 66 ans depuis le milieu des années 90 à 2016 a augmenté +7,1% en Suède contre -0,8% pour la France. Et sur cette même période, il diminuait de -2,1% pour les pays membres de l'OCDE. L’introduction de la réforme des retraites en 2001 a provoqué une légère baisse de la pauvreté rapidement suivie d’une remontée. (effet parfaitement attendu du stabilisateur automatique)

Les seniors suédois sont-ils obligés de compléter leur pension avec un emploi ? Oui      

Aujourd'hui, 38% des 67 ans ont un revenu provenant d'un salaire, contre 18% en 2000, avant l'instauration du régime par points. Pour les plus de 69 ans, 25% perçoivent toujours un salaire alors qu'il n'y avait que 12% en 2000.

Les pensions de retraités équivalent en moyenne à 53 % de leur salaire de fin de carrière, contre 60 % en 2001.


3) Il n’ y a pas d’urgence pour modifier le système des retraites ( Cf. blog Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget au ministère des Finances et des Comptes publics dans les gouvernements Valls I et II, et dans le gouvernement Cazeneuve.

Extraits : Ce qui me sépare du Gouvernement se situe en fait bien en amont du contenu de la réforme. A rebours des discours récurrents relayés par une presse économique le plus souvent porte-voix des réseaux libéraux, j’ose ici douter de la nécessité d’une réforme globale, certainement brutale et dont le caractère définitif et simplificateur sera bien improbable.
Ayons donc l’audace de prendre le contre-pied des sempiternels propos qui annoncent depuis un demi-siècle pour le lendemain l’effondrement de notre régime de retraites par répartition, assis sur la solidarité des générations, la mutualisation des risques et la volonté d’assurer à tous un socle minimal de revenus.

Aux oiseaux de mauvais augure qui ne savent que mettre en avant l’allongement de la durée de la vie et la baisse du rapport actif/retraité, il convient de souligner d’autres éléments dont personne ne parle et qui compensent pour le moins la non viabilité d’un dispositif que le monde entier regarde avec jalousie….

Quand bien même les prévisions à 50 ans doivent être faites avec humilité (et cela vaut pour les optimistes comme pour les pessimistes), il est singulier d’observer ce que prévoient les experts de la Commission Européenne (pas les plus chauds partisans du maintien de notre régime de retraites) : « En 2070, la France consacrera 3,3 points de PIB de moins aux retraites qu'en 2016. ». L’excellent propos de Guillaume Duval dans Alternatives Economiques rappelle que les différentes réformes en cours de déploiement auront comme conséquence de réduire la part des dépenses de retraites dans la dépense publique. Cet article complet rappelle utilement les mesures prises par les uns et par les autres, et trace les perspectives des questions restant à régler. Toujours est-il que la prévision prévoit que toute chose égale par ailleurs, les retraites pèseront de moins en moins dans la dépense publique. Le niveau des revenus est en fait le vrai sujet.

IUl existe par ailleurs un autre élément qui doit être rappelé avec force : les Gouvernements successifs, en premier lieu celui de Lionel Jospin en 1999, ont créé et alimenté un Fonds de Réserve des Retraites (FRR). Celui-ci, fin 2018, disposait d’actifs de plus de 32 milliards d’euros. Même si quelques engagements pourraient diminuer un peu ce montant imposant, il représente une ressource bien réelle. En plus de ce premier pactole, la plupart des autres régimes de retraites, dont les complémentaires (Agirc-Arrco, CNAPVL …), possèdent également des réserves que le Conseil d’Orientation des Retraites évalue lui-même à plus de 116 milliards d’Euros. On peut donc estimer à 150 Milliards au bas mot les réserves disponibles pour passer le cap des difficultés esquissées pour 2025. Mais là n’est pas encore le plus important.

On nous a pendant des années répété un discours formaté qui consistait à assimiler sécurité sociale et déficit. Qui n’a pas en tête le fameux "Trou de la Sécu" ? Tout le monde a en tête que la Sécurité Sociale (qui inclut les retraites) est grevée d’une « dette abyssale ». C’est aujourd’hui largement faux et ce sera terminé fin 2023 ou au plus tard en 2024 ! A quelques bémols près, (voir mon post du 27 juin dernier), la Sécurité Sociale est aujourd’hui en équilibre ! Mieux, les Gouvernements successifs ont logé sa dette dans un organisme spécifique, la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale). Créée en 1996, la CADES aura reçu et remboursé toute la dette de la Sécurité Sociale au plus tard début 2024. Elle est essentiellement alimentée par la CRDS et une part de CSG, le tout pour 18 Milliards d’Euros annuels actuellement ! en 2024, la cades n’aura plus de raison d’exister et 24 milliards deviendront disponibles tous les ans. « Au total, c’est une somme de 24 milliards d’euros en valeur 2024 qui sera disponible dont 9 milliards au seul titre de la CRDS. Aucun gouvernement ne s’était trouvé historiquement à devoir arbitrer l’affectation d’une telle manne. » (Jean Louis Rey, Président de la CADES, décembre 2018). Même si certains ont, à juste titre, suggéré d’utiliser une partie de cette marge pour financer la dépendance des personnes âgées, la somme est énorme et mérite d’être intégrée à la réflexion…

Il ne faut pas pour autant croire que rien ne doit bouger et que toute réforme est superflue. Des inégalités perdurent, trop de cas socialement difficiles subsistent, la pénibilité de certains métiers est insuffisamment prise en compte et les inégalités hommes-femmes sont encore inacceptables.
Pour autant, le discours exigeant le Grand Soir du régime actuel au motif qu’il ne serait pas viable est une tromperie ! La mise en place brutale d’un système par points fondé sur l’individualisme ambiant est évidemment un pas vers l’assurance privée dont rêvent les libéraux au pouvoir. Par le dialogue, la négociation, des modifications doivent intervenir. Mais la répartition, la solidarité des générations et la couverture minimale universelle pour chacun sont les principes qui doivent perdurer. Même d’un point de vue purement comptable, c’est largement possible. »

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