Cadres et réforme des retraites, ou pourquoi défiler jeudi
1) Extraits d’un document CFE-CGC – eh oui, la CFE-CGC soutient la grève
contre la réforme des retraites
Alors que la
concertation se poursuit cahin-caha entre le gouvernement et les partenaires sociaux
sur la réforme voulue par l’exécutif et à laquelle s'oppose la CFE-CGC en
l'état, consultez notre vrai-faux éclairant les débats sur des problématiques
complexes.
Avec
la réforme, le niveau des futures pensions serait-il impacté à la baisse ? Vrai
➔
Parce que le régime par point serait calculé sur l’ensemble de la carrière et
non pas sur les 25 meilleures années : la moyenne obtenue serait donc
nécessairement inférieure à la situation actuelle.
➔
Parce que le système futur serait conçu tel que le poids des retraites n’excède
pas 13,8 % du PIB d’aujourd’hui. Or, le nombre de retraités progressant, cela
revient à programmer l’appauvrissement des futurs retraités.
Les
salariés de l’encadrement seraient-ils particulièrement perdants ? Vrai
➔
Parce que les moins bonnes années seraient désormais autant prises en compte
que les meilleures années.
➔
Parce que l’exigence d’une durée de cotisation de 43 ans pénaliserait toujours
les jeunes qui font des études et qui rentrent sur le marché du travail de plus
en plus tard.
➔
Parce que les cadres disposant de revenus au-delà de 120 000 euros annuels ne
pourraient plus acquérir des droits sur cette part de leur revenu. Les droits
précédemment acquis seraient maintenus et seraient donc financés par tous, dès
le premier euro.
➔
Parce que la pension de réversion ne permettrait pas au conjoint survivant de
dépasser 70 % de la somme des pensions des deux conjoints. En cas de décès de
leur conjoint, les salariés de l’encadrement verraient donc leur pension de
réversion limitée alors qu’aujourd’hui, elle est versée sans condition de
ressources.
Les
femmes gagneraient-elles à la mise en place du système universel ? Faux
➔
Parce qu’un régime par point avec une durée de cotisation impérative de 43 ans
pénaliserait les carrières heurtées. Or ce sont principalement les femmes qui
sont concernées.
➔
Parce que les années à temps partiel ne seraient plus neutralisées comme c’est
le cas aujourd’hui dans le régime de base.
➔
Parce que les femmes percevraient 5 % de points supplémentaires par enfant mais
perdraient les trimestres de majoration pour enfant qui leur étaient jusqu’à
présent accordés.
La
réforme n’aurait aucun impact avant 2025 ? Faux
➔
Parce que le gouvernement exige que nos régimes actuels soient à l’équilibre au
moment du passage dans le nouveau système, dispensant théoriquement celui-ci
d’avoir des réserves pour équilibrer le régime sur le long terme. Nous
subirions donc très probablement des mesures d’économies avant fin 2024 pour
être immédiatement à l’équilibre.
Le nouveau système donnerait plus de garanties sur le
montant des retraites ? Faux
➔
Parce que, poursuivant l’objectif d’assurer un équilibre quasi permanent du
régime, le gouvernement ajusterait les éventuels déficits soit par l’impôt soit
par l’allongement de la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une
retraite sans décote.
➔
Parce que le budget de la retraite serait fondu dans celui de l’Etat et donc
soumis aux arbitrages politiques.
➔
Parce que dans ce système étatisé, il est prévu que le conseil d’administration
composé notamment de partenaires sociaux ne pourrait que donner des avis et
n’aurait aucune marge de manœuvre pour contrebalancer le pilotage imposé par le
gouvernement.
Y
a-t-il un risque de récuperation des réserves des régimes par l’état ? Vrai
➔
Parce ce que les réserves constituées par tous les régimes de retraites
complémentaires des actifs (136 milliards d’euros) seraient vraisemblablement
transférées à l’Etat sans garantie ni contrepartie sur son utilisation finale.
➔
Ces réserves sont la propriété de tous les actifs qui les ont constituées.
Elles doivent donc, selon la CFE-CGC, rester sous la gestion et le contrôle des
paritaires et non venir renflouer les caisses de l’Etat.
Cette réforme a-t-elle uniquement pour but de
supprimer les régimes speciaux ? Faux
➔
Parce que cette réforme toucherait l’ensemble des Français. Ce serait une grave
erreur de croire que le but du gouvernement consiste simplement à ramener plus
d’équité entre le régime général et les régimes spéciaux. En réalité, cette
réforme est avant tout une réforme financière. L’objectif est de maintenir le
poids des dépenses publiques au niveau actuel, malgré l’augmentation du nombre
de retraités dans les années à venir…
Les
agents de la fonction publique et des régimes spéciaux sont-ils favorisés ?
Faux
➔La
retraite est calculée à la fois sur la base d’une assiette et d’un taux.
Beaucoup d’éléments rentrent en ligne de compte : rythme de la progression
salariale, traitement indiciaire (6 derniers mois, hors prime).
Les statistiques par
cas-types du Conseil d’orientation des retraites font apparaître que les agents
de la fonction publique et des régimes spéciaux n’accèdent pas à de meilleurs
taux de remplacement que les autres, c’est-à-dire qu’ils subissent de la même
façon une baisse de leur niveau de vie au passage à la retraite.
Notre
système de retraite est-il en péril ? Faux
➔
Le financement du système de retraite est principalement assuré par les
cotisations sociales. En 2018, les dépenses se sont élevées à 324,5 milliards
d’euros soit 13,8 % du PIB, pour des recettes atteignant à 321,6 milliards
d’euros. Ainsi, le besoin de financement pour 2018 est de 2,9 milliards
d’euros, ce qui représente moins de 1 % des recettes.
➔
Le système de retraite est quasiment revenu à l’équilibre depuis 2017.
➔
À noter : la décision de ne pas faire cotiser les heures supplémentaires
entraîne une perte annuelle estimée, pour 2019, à environ 1,2 milliard d’euros.
Les
dettes accumulées sont-elles énormes ? Faux
➔
La dette logée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades),
imputable à la branche retraite, représente 46 milliards d’euros (essentiellement
les dettes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et du Fonds de
solidarité vieillesse). Cette dette sera totalement remboursée en 2024 via les
versements de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de la Contribution
pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), et grâce à l’apport du Fonds
de réserve pour les retraites (FRR).
➔
Le FRR dispose d’un actif net de 36,4 milliards d’euros à fin 2017 (1,6 % du
PIB). Il concourt au financement de la Cades à hauteur de 2,1 milliards d’euros
par an (environ 12 % des ressources de la Cades).
Les
régimes de retraite disposent-ils de réserves abondantes ? Vrai
En additionnant
l’ensemble des réserves des divers régimes (régimes de base, régimes intégrés
et régimes complémentaires tels l’Agirc-Arrco), soit 136,9 milliards d’euros,
aux réserves du Fonds de réserve pour les retraites (36,4 milliards d’euros),
le total des réserves atteint 173,3 milliards d’euros.
Source : les données
exposées ci-dessus sont issue du rapport annuel du Conseil d'orientation des
retraites (COR) publié en juin 2019.
La
CFE-CGC réaffirme son opposition au projet de réforme gouvernemental
2) Le modèle suédois tant vanté :
une manière de baisser les retraites, augmentation de la pauvreté
François
Fillion, un homme qui s’y connait en politique de revenu : «Je mets en garde les Français contre
l'illusion d'une retraite par points, qui est une manière de baisser chaque
année la valeur du point».
Il
y davantage de seniors pauvres en Suède qu'en France- Oui, près de deux fois plus !
D'après
l'Insee, le taux de pauvreté des
Français âgés entre 65 et 74 ans est de 7,5%, et de 7,9% pour les plus de
75 ans. (NB Il s’agit du taux le plus bas d'Europe). En Suède, on atteint le double. Selon
Statistiska Centralbyrån - le Bureau central de la statistique du Royaume de
Suède - le taux de pauvreté des plus de
65 ans est 14%.
Autre
information éclairante. Si en France, le taux de pauvreté des seniors est
inférieur à la moyenne de l'ensemble de la population, 8% d'après Eurostat, en
Suède la situation est inverse avec 9,3% pour l'ensemble des Suédois.
La réforme des retraités en Suède
a-t-elle accentué la pauvreté des seniors ? Oui
Selon
l'organisme, le taux de pauvreté des plus de 66 ans depuis le milieu des années
90 à 2016 a augmenté +7,1% en Suède contre -0,8% pour la France. Et sur cette
même période, il diminuait de -2,1% pour les pays membres de l'OCDE. L’introduction
de la réforme des retraites en 2001 a provoqué une légère baisse de la pauvreté
rapidement suivie d’une remontée. (effet parfaitement attendu du stabilisateur
automatique)
Les seniors suédois sont-ils obligés
de compléter leur pension avec un emploi ? Oui
Aujourd'hui,
38% des 67 ans ont un revenu provenant
d'un salaire, contre 18% en 2000, avant l'instauration du régime par
points. Pour les plus de 69 ans, 25% perçoivent toujours un salaire alors qu'il
n'y avait que 12% en 2000.
Les
pensions de retraités équivalent en moyenne à 53 % de leur salaire de fin de
carrière, contre 60 % en 2001.
3) Il n’ y a pas d’urgence pour modifier le système des retraites (
Cf. blog Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget au ministère des
Finances et des Comptes publics dans les gouvernements Valls I et II, et dans
le gouvernement Cazeneuve.
Extraits : Ce qui me sépare du
Gouvernement se situe en fait bien en amont du contenu de la réforme. A rebours
des discours récurrents relayés par une presse économique le plus souvent
porte-voix des réseaux libéraux, j’ose ici douter de la nécessité d’une réforme
globale, certainement brutale et dont le caractère définitif et simplificateur
sera bien improbable.
Ayons donc l’audace
de prendre le contre-pied des sempiternels propos qui annoncent depuis un
demi-siècle pour le lendemain l’effondrement de notre régime de retraites par
répartition, assis
sur la solidarité des générations, la mutualisation des risques et la volonté
d’assurer à tous un socle minimal de revenus.
Aux
oiseaux de mauvais augure qui ne savent que mettre en avant l’allongement de la
durée de la vie et la baisse du rapport actif/retraité, il convient de
souligner d’autres éléments dont personne ne parle et qui compensent pour le
moins la non viabilité d’un dispositif que le monde entier regarde avec
jalousie….
Quand
bien même les prévisions à 50 ans doivent être faites avec humilité (et cela
vaut pour les optimistes comme pour les pessimistes), il est singulier
d’observer ce que prévoient les experts de la Commission Européenne (pas les
plus chauds partisans du maintien de notre régime de retraites) : « En 2070, la France consacrera 3,3 points
de PIB de moins aux retraites qu'en 2016. ». L’excellent propos de
Guillaume Duval dans Alternatives Economiques rappelle que les différentes
réformes en cours de déploiement auront comme conséquence de réduire la part
des dépenses de retraites dans la dépense publique. Cet article complet
rappelle utilement les mesures prises par les uns et par les autres, et trace
les perspectives des questions restant à régler. Toujours est-il que la
prévision prévoit que toute chose égale par ailleurs, les retraites pèseront de
moins en moins dans la dépense publique. Le niveau des revenus est en fait le
vrai sujet.
IUl
existe par ailleurs un autre élément qui doit être rappelé avec force : les
Gouvernements successifs, en premier lieu celui de Lionel Jospin en 1999, ont
créé et alimenté un Fonds de Réserve des Retraites (FRR). Celui-ci, fin 2018, disposait d’actifs de plus de 32 milliards
d’euros. Même si quelques engagements pourraient diminuer un peu ce montant
imposant, il représente une ressource bien réelle. En plus de ce premier
pactole, la plupart des autres régimes
de retraites, dont les complémentaires (Agirc-Arrco, CNAPVL …), possèdent
également des réserves que le Conseil d’Orientation des Retraites évalue
lui-même à plus de 116 milliards d’Euros. On peut donc estimer à 150
Milliards au bas mot les réserves disponibles pour passer le cap des
difficultés esquissées pour 2025. Mais là n’est pas encore le plus important.
On
nous a pendant des années répété un discours formaté qui consistait à assimiler
sécurité sociale et déficit. Qui n’a pas en tête le fameux "Trou de la
Sécu" ? Tout le monde a en tête que
la Sécurité Sociale (qui inclut les retraites) est grevée d’une « dette abyssale
». C’est aujourd’hui largement faux et ce sera terminé fin 2023 ou au plus tard
en 2024 ! A quelques bémols près, (voir mon post du 27 juin dernier), la
Sécurité Sociale est aujourd’hui en équilibre ! Mieux, les Gouvernements
successifs ont logé sa dette dans un organisme spécifique, la CADES (Caisse
d’Amortissement de la Dette Sociale). Créée en 1996, la CADES aura reçu et
remboursé toute la dette de la Sécurité Sociale au plus tard début 2024. Elle
est essentiellement alimentée par la CRDS et une part de CSG, le tout pour 18
Milliards d’Euros annuels actuellement ! en
2024, la cades n’aura plus de raison d’exister et 24 milliards deviendront
disponibles tous les ans. « Au total, c’est une somme de 24 milliards
d’euros en valeur 2024 qui sera disponible dont 9 milliards au seul titre de la
CRDS. Aucun gouvernement ne s’était trouvé historiquement à devoir arbitrer
l’affectation d’une telle manne. » (Jean Louis Rey, Président de la CADES,
décembre 2018). Même si certains ont, à juste titre, suggéré d’utiliser une
partie de cette marge pour financer la dépendance des personnes âgées, la somme
est énorme et mérite d’être intégrée à la réflexion…
Il
ne faut pas pour autant croire que rien ne doit bouger et que toute réforme est
superflue. Des inégalités perdurent, trop de cas socialement difficiles
subsistent, la pénibilité de certains métiers est insuffisamment prise en
compte et les inégalités hommes-femmes sont encore inacceptables.
Pour
autant, le discours exigeant le Grand Soir du régime actuel au motif qu’il ne
serait pas viable est une tromperie ! La mise en place brutale d’un système par
points fondé sur l’individualisme ambiant est évidemment un pas vers
l’assurance privée dont rêvent les libéraux au pouvoir. Par le dialogue, la
négociation, des modifications doivent intervenir. Mais la répartition, la solidarité des générations et la couverture
minimale universelle pour chacun sont les principes qui doivent perdurer. Même
d’un point de vue purement comptable, c’est largement possible. »
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