Un nouveau type de réacteurs nucléaires pour un
chauffage propre climatiquement acceptable
En France, le chauffage des bâtiments
représente 22% des dégagements de gaz à effets de serre, derrière l’industrie
(22%) et les Transports (26%) ; encore sans doute une partie de la
consommation industrielle est-elle aussi en fait liée à une consommation de
chaleur. Le chauffage représente donc une partie très important des émissions
de gaz à effet de serre (surtout CO2).
Comment diminuer ces émissions ? On peut
passer davantage au chauffage électrique, qui peut constituer une bonne
solution pour l’habitat individuel. (cf. notamment l’action de Brice Lalonde, https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/09/transition-energetique-et-grandes.html)
Si l’on veut une chaleur propre, on peut
aussi utiliser la cogénération nucléaire, mais bien que des exemples récentes,
notamment chinois et russes en soulignent l’intérêt, il semble existant mais limité
en France (cf blog précédent https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/12/le-chauffage-nucleaire-un-atout-pour-la.html).
En revanche, un chauffage nucléaire urbain à
l’aide de réacteurs spécialisés plus petit, les small modular reactor (SMR) aurait un intérêt certain pour l’obtention
de chaleur propre décarbonée.
La
longue marche des SMR .
L'idée d’utiliser l'énergie
nucléaire pour le chauffage est apparue en même temps que son utilisation
électrogène. Ainsi, la première centrale nucléaire suédoise, celle
d'Ågesta produisait essentiellement
de la chaleur à destination du quartier de Farsta, dans la banlieue sud de
Stockholm. Elle avait à l'origine une puissance de 65 MW, qui fut portée à 80
MW au début de l'année 1970 et fonctionna de 1963 à 1974. Une fraction de l'énergie produite était aussi
convertie en électricité. Elle comportait un unique réacteur utilisant comme
combustible l’uranium naturel et comme modérateur l’eau lourde. Arrêtée en 1974
parce qu’elle ne correspondait plus aux normes et, sa partie nucléaire
démantelée, elle est utilisée comme terrain d'exercice par les sapeurs-pompiers
de Stockholm.
La France a failli être pionnière dans le domaine des SMR
avec Thermos, un petit réacteur
souterrain relié à un réseau de chauffage urbain de la ville qui devait entrer
en service à Grenoble. Ce réacteur de 90 MW thermiques utilisant entièrement la
chaleur produite et ne nécessitant qu'une trentaine d'employés avait alors
défrayé la chronique en 1980 (grande époque de la contestation contre
Superphenix dans la même région, coïncidence malheureuse de lieu et de
calendrier). Avec la montée en puissance de Greenpeace, de la contestation
locale contre Superphenix et la baisse des prix du pétrole (contre-choc
pétrolier), le projet a été abandonné, comme d’habitude pour des raisons
politico-économiques conjoncturelles, et non pour des raisons techniques ;
le mal que les écolos bigots dogmatiques antinucléaires ont fait, il faudra un
jour en faire le bilan.
Les aspects climatiques et la hausse du prix
des fossiles rendent maintenant beaucoup plus intéressants ce type de réacteurs
dédiés au chauffage ou à d’autres utilisations que le production d’électricité et
modernisés sous la forme de SMR. Un
petit réacteur de de seulement 150-200 MWe de puissance permet
d'éviter le rejet dans l'atmosphère d'environ
1 million de tonnes de CO2 chaque année. En installant ce type de réacteur
ayant une très faible empreinte au sol, des réductions majeures des émissions de
CO2 pourraient être réalisées (l'empreinte au sol du réacteur Thermos était seulement
de 40 x 40 m pour fournir la quasi-totalité des besoins en chauffage urbain de
l'agglomération Grenobloise sans émissions de CO2). (cf. Bruno Comby, AEPN, http://ecolo.org/documents/documents_in_french/cogeneration_nucleaire-07.htm)
Définition, objectifs, fonctionnement d’un SMR
Principes :
Un « SMR » (Small Modular Reactor en
anglais) désigne une famille de réacteurs nucléaires réalisés en usine sous
forme de modules industrialisés directement installables sur site ; d’une
puissance généralement inférieure à 300 MWe, (la moyenne pour les SMR existants
s’établissant autour de 100 MWe) ; associables pour fournir une gamme de
puissance électrique adaptable à une demande évolutive ;utilisant la fission de
l’uranium (235, 238) ou du thorium (232).
Objectifs : Les
SMR visent à abaisser significativement
le poids du financement de l’électronucléaire en volume et en délai, à substituer
à l’effet d’échelle recherché pour les grandes centrales l’effet de série
industriel, attaché à la réalisation
répétitive des SMR en usine, abaissant les coûts ; ouvrir de nouveaux marchés
de fourniture d’électricité décarbonée aux sites isolés (îles, Grand Nord,
etc.) et aux petits réseaux de distribution électrique ; remplacer des
centrales de moyenne puissance utilisant des combustibles fossiles (par exemple
les centrales à charbon aux États-Unis) ; développer un plus grand suivi de
charge en soutien de sources intermittentes (éolien, solaire) ; fournir de la
chaleur, éventuellement en cogénération, adaptée en température au dessalement,
au chauffage urbain, au raffinage des hydrocarbures, à la production d’hydrogène,
à la propulsion navale…
Fonctionnement :
des filières très variées. BWR (100-200°C, eau bouillante, chauffage urbain) ; PWR, HWR (
200-400°C, eau lourde sous pression, désalinisation, électricité) ; SFR,
LFR (400-550°C, métali liquide, eau supercritique, usages industriels) ;
GCR, GFR (700-1000°C, gaz, production d’hydrogène, métallurgie) ; VHTR
(1000°C, Helium, production d’hydrogène)
Bonjour au
chauffage nucléaire !
Bienvenue au HTTR (High
Temperature engineering Test Reactor), Oarai, Ibaraki, Japon. Oxyde d’Uranium
à 6%, sortie à ~900-1000°C, refroidi à l’hélium. A fonctionné pendant 30 jours
en avril 2019 selon les spécifications et démontré la faisabilité et l’intérêt
de la production d’hydrogène
Bienvenue
à l’Akademik Lomonosov : le plus beau fantatisque ! La
centrale nucléaire flottante russe construite à Saint-Pétersbourg en 2006, puis
chargé en combustible en 2019 à Mourmansk et mise en exploitation.
Le bâtiment mesure 144 mètres de long et 30
mètres de large et embarque un équipage de 300 personnes. Il peut délivrer 35
MW (ou 70 MW, selon les sources), ce qui est suffisant pour alimenter une ville
de 100 000 habitants. C'est la première centrale commerciale flottante qui peut
être raccordée au réseau électrique. Le 23 août 2019, la barge a parcouru 5 000
kilomètres pour rejoindre par la mer la ville de Pevek, en Sibérie, où elle
pourrait servir à alimenter en électricité habitations et plateformes pétrolières. Bravo Rosatom :
Bienvenue au Yanlong : toute longue marche nucléaire aboutit maintenant à la
Chine. Le projet de CNNC a été validé par l’Autorité de Sureté Chinoise. Le Yanlong est un
réacteur à basse température de 400 MW qui produira suffisamment de chauffage
pour environ 200 000 foyers. Un petit réacteur de démonstration a permis de
chauffer avec succès près de 50 foyers pendant 168 heures à Beijing.
L’installation à
grande échelle sera constituée d’une piscine d’entreposage en béton et en acier
qui mesure 10 mètres de diamètre et 20 mètres de profondeur. Un noyau nucléaire
sera par la suite enfoui dans l’eau afin de produire jusqu’à 400 MW d’énergie
pour chauffer l’eau à 90 °C. Cette eau chaude sera ensuite distribuée via un
réseau de chaleur déjà existant.
Le coût de ce projet est évalué à environ 200
millions de dollars et sa mise en œuvre ne prendra que trois ans. Livraison prévue
2021 ! C’est demain que les Chinois se chauffent au nucléaire, un
chauffage propre !
Bienvenue au NuScale
Power Module ! Les
Américains entrent dans la course. Le département de l’énergie américain a lancé
le programme GAIN pour soutenir le développement des SMR et prévoit une
maturité industrielle et commerciale des SMR fin des années 2020. Un premier prototype
SMR du groupe NuScale vient d’être
certifié par les autorités américaines. Le projet de SMR de la société
américaine NuScale – l’un des plus avancés à l’heure actuelle – prévoit d’installer une première centrale
nucléaire constituée de 12 modules de 60 MW pour Utah Associated Municipal
Power Systems (UAMPS). Selon le calendrier actuel, les travaux devraient
commencer en 2023 et le premier module pourrait entrer en service en 2026 (2027
pour l'ensemble de la centrale). Les modules SMR » de NuScale Power pèseront
près de 700 tonnes et pourront être transportés par camion ou par barge.
SMR, un des avenirs possibles pour le nucléaire
et la planète.
Sur une cinquantaine de projets de SMR
identifiés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), 3 sont déjà opérationnels : en Sibérie (Akademik Lomonosov), en Inde et en
Chine et 5 autres sont en construction.
Plus de 80% de ces réacteurs sont encore en
développement ou au stade des laboratoires de recherche et sous l’étroit
contrôle des États, tant pour leur financement que pour la mise à disposition
du combustible, elle-même strictement régulée par des réglementations
anti-prolifération.
Par pays, les États-Unis et la Russie
sont les principaux acteurs des SMR avec chacun 18 projets, loin devant le
Japon (4), la Chine (4) et l’Europe
(3 dont 1 en France développé par le CEA, EDF, TechnicAtome et Naval Group et 1
en Grande-Bretzagne)
La quasi-totalité des projets sont à «
sécurité passive » et intègrent dans un module unique la production de vapeur
(ou de gaz). Un certain nombre sont anti-proliférants grâce à des cycles de
combustible extrêmement longs. La plupart des SMR peuvent être enterrés ou sont
immergeables, donc sécurisables.
Et en France ? Ben, il faudrait qu’on s’y mette sérieusement, quelques bonnes années après Thermos ! Bienvenue à Nuward
CEA, EDF, TechnicAtome et NAVAL Group se sont
réunis pour le développement d’un SMR français. France. Ils ont estimé que le
principe le plus prometteur pour un déploiement dans la décennie à venir est
celui de la filière des réacteurs à eau pressurisée, filière éprouvée à la fois
pour la production d’électricité et la propulsion navale.
La France, qui maîtrise parfaitement ces deux
applications, est bien placée pour proposer un concept performant de SMR
satisfaisant les meilleurs standards de sûreté et apte à vitaliser encore
davantage son industrie nucléaire.
En quoi le SMR français sera-t-il innovant ? Comme
le rappelle TechnicAtome, l'objectif du futur SMR est qu’il soit facile à
fabriquer, grâce à un design simplifié, tant dans son architecture générale que
dans la conception de ses composants ; et facile à assembler, du fait de sa
conception modulaire, sa compacité et son architecture intégrée. Il doit
permettre aussi une nouvelle approche de la sûreté. En effet, grâce aux innovations qu’il
comporte, le SMR dispose de mécanismes de sûreté passifs, en respectant toutes
les exigences de sûreté de la Génération III et offrant des marges
complémentaires. Enfin, le SMR doit être facile à exploiter, grâce à un
assemblage de plusieurs modules permettant flexibilité en opération et en
maintenance.
Ce SMR pourra fournir de l’électricité au
réseau en semi-base, accompagnant en particulier le déploiement d’énergies
renouvelables sur les réseaux d’électricité, à travers son fonctionnement en
grappe de plusieurs réacteurs (2, 4, 6 voire 8 réacteurs). Il sera à même de
pouvoir alimenter des sites isolés pour répondre à leurs besoins spécifiques.
Alors, bienvenue aussi à Nuward, qui devrait
être l’un des plus compacts des SMR:
SMR
et EPRs
Alors SMR ou EPR ? Ben, les deux, car
ils ne remplissent pas du tout les mêmes fonctions. La majorité des composants
utilisés dans les SMR sont plus petits et plus compacts, et peuvent donc être
fabriqués en usine pour ensuite être transportés vers le site d’installation
pour y être assemblés. En étant fabriqués à partir de modules et de petits
composants, les SMR nécessitent un capital de départ moindre que pour une
centrale de plus grande puissance. Le design hyper simplifié permet que chaque
unité possède son propre combustible, son échangeur de chaleur, son condenseur
et sa turbine. Les besoins de systèmes de sécurité sont minimisés (cf les
réacteurs de sous-marins)
Par contre l’extension des SMR entraine une
dispersion plus grande et une circulation accrue de matériaux nucléaires qu’un
système centralisé comme les EPR, qui représente quand même trente à quarante
SMR, et cette dissémination pose des problèmes accrus de surveillance C’est aussi davantage de besoin en
réseau, une électricité moins dense, davantage d’empreinte au sol, des équipes
et des compétences plus dispersées. Les
SMR ont un grand potentiel pour le chauffage urbain, la désalinisation, d’autres
utilisations. Mais pour produire l’électricité nécessaire à une grande puissance
industrielle, l’’EPR offre les meilleurs standards en termes de sûreté ainsi
que des performances économiques et environnementales améliorées.
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