NegaWatt et les Pirates
Le scenario negaWatt, j’en ai déjà parlé à propos du Parti Pirate, qui l’a
sérieusement évalué dans une démarche tout à fait agnostique…et en a conclu :
« la poursuite du développement
du nucléaire en France, énergie aujourd’hui la moins carbonée, nous semble pour
l’instant inévitable. »
avec des remarques assez assassines. Le scénario negaWatt :!
« impose donc une société qui ne pourra être que
très contrôlée, le moindre écart ayant des conséquences importantes pour la
collectivité.
Il impose une société ou les campagnes devront se
vider vers des villes, car nous n’aurons pas l’énergie pour les transports
domicile - travail.
Il impose une
société ou le citoyen ne sera toujours pas en droit de définir sa politique
énergétique à court, moyen et long terme. »
Bien vu, et pour une critique plus
complète de negaWatt, un article remarquable de Bernard Cassoret, Maitre de Conférence
à l’Université d’Artois
Le scénario négaWatt : des
hypothèses difficilement envisageables
Extraits :
1) negaWatt, une impossibilité technique !
Parmi les scénarios de transition énergétique, négaWatt est sans doute le
plus connu, élaboré par l’association du même nom. Il concerne la totalité de
l’énergie consommée en France, et pas seulement l’électricité.
Alors que les énergies renouvelables ne représentaient en 2017 que 10,5%
de nos besoins, elles en couvriraient la quasi-totalité en 2050. La
mise en œuvre de ce scénario permettrait donc de se passer à la fois des
énergies fossiles et nucléaire.
Les hypothèses du scénario, récemment publiées par l’association,
permettent de mieux se rendre compte du niveau de difficulté d’un tel
challenge.
Ce scénario supposerait des efforts
considérables dans les énergies renouvelables, en particulier l’éolien et le
photovoltaïque qui connaitraient une croissance spectaculaire.
L’éolien devrait fournir 247 TWh en 2050 contre
24 TWh en 2017, dix fois plus donc ! Cela supposerait environ
20 000 éoliennes terrestres et 4 000 éoliennes maritimes, contre environ 7 000 terrestres et aucune en
mer actuellement.
La puissance
totale du parc installée devrait atteindre 77 GW contre 13 GW en
2017. La durée de vie de ces machines étant inférieure à 25 ans, il faudrait
dans le futur tripler le rythme actuel d’installation (1.2 GW par an en
moyenne ces 5 dernières années) rien que pour maintenir les 77 GW de puissance
installée.
Le
photovoltaïque devrait fournir chaque 147 TWh contre 9 TWh en 2017 ;
la puissance du parc photovoltaïque devrait pour cela passer de 8 à 140 GW
!
Sachant que
l’on a installé 0.8 GW par an en moyenne ces 5 dernières années et que la
durée de vie des panneaux ne dépasse pas 30 ans, il faudrait dans le futur un
rythme d’installation 7 fois supérieur au rythme actuel rien que pour maintenir
la puissance installée de 140 GW ! »
Commentaire : et
on les met où tous ces moulins à vent ? D’autant que les sites les plus
favorables étant déjà pris, le nombre me semble plutôt sous-évalué !
« Les
problèmes d’intermittence (pas de production les soirs sans vent) seraient
essentiellement réglés par la production et le stockage d’hydrogène et de
méthane.
Il faudrait
donc des investissements considérables dans des usines de transformation de
l’électricité en gaz, une technologie actuellement au stade expérimental
(comment et où construire les usines, comment stocker le gaz ?) et dont
les rendements sont faibles. »
2) negaWatt, un monde cauchemardesque !
« Mais l’essentiel n’est pas
là. Malgré ces efforts très importants, il
faudrait selon négaWatt réduire la demande en énergie primaire de 65 %
alors que la population augmenterait de 15 %....
L’essentiel
viendrait de la sobriété énergétique qui consiste, selon négaWatt, à
privilégier les usages les plus utiles, à « restreindre les plus
extravagants et supprimer les plus nuisibles » ; de beaux débats en perspective pour juger ce qui est utile ou nuisible…
Il faudrait accéder à moins de biens et de services, c’est-à-dire vivre de
manière moins riche.
La
consommation résidentielle et tertiaire diminuerait de 49 % grâce à une stabilisation du nombre d’habitants par
foyer (moins de célibataires ?), un
développement de l’habitat en petit collectif (faudra-t-il interdire de construire
des maisons individuelles ?), un
ralentissement de la croissance des constructions (le nombre de logements
construits chaque année serait divisé par 3, leur surface baisserait de 25%),
l’optimisation des systèmes de chauffage et l’isolation des logements.
Il faudrait,
selon négaWatt, rénover chaque année
jusqu’à 780 000 logements pour les amener à une consommation moyenne
de 40 kWh/m² par an pour les besoins du chauffage.
Est-ce possible ? La
réglementation thermique 2012 en vigueur exige qu’un logement neuf (Bâtiment
Basse Consommation) consomme moins de 50 kWh/m² par an, donc plus que 40,
mais on sait que la consommation réelle est souvent supérieure ; les
logements collectifs neufs ont d’ailleurs droit à des dérogations.
La consommation moyenne des
logements français est actuellement proche de 200 kWh par m², très loin de 40…
En 2012,
l’État français avait fixé l’objectif de rénover 500 000 logements chaque
année, un objectif qualifié dans le journal Le Monde du
4 juin 2014 de « définitivement hors d’atteinte »…
Et rénover
un logement ne signifie pas que sa consommation atteigne un niveau suffisamment
bas : on peut gagner beaucoup sur des logements mal isolés, passer par exemple
de 300 à 150 kWh/m² par an, mais il est très difficile dans l’ancien de
descendre en dessous de 50.
Commentaire : sur
les illusions, les mensonges, les escroqeries de la rénovation thermique, cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/12/la-sobriete-energetique-est-mal-partie1.html
et l’article de Blaise et Glachant https://www.larevuedelenergie.com/quel-est-limpact-des-travaux-de-renovation-energetique-des-logements-sur-la-consommation-denergie/.)
Quant
au logement, il me semblait plutôt que les Français en manquaient et qu’ il
était nécessaire de relancer la construction !
Acceptabilité sociale zéro !
« Dans les transports, le nombre de kilomètres parcourus
par personne chaque année diminuerait de 26 %, ce qui irait à l’encontre
de l’évolution que nous connaissons depuis toujours. Ainsi il y aurait moitié
moins de déplacements de plus de 1500km, il
n’y aurait plus de vols intérieurs, les vols internationaux diminueraient d’un
tiers.
L’usage de la voiture individuelle telle que nous la
connaissons actuellement diminuerait de moitié dans les campagnes et serait
exclu dans les grandes villes.
Le taux de remplissage des voitures
individuelles dans les campagnes devrait augmenter de 50% avec une moyenne de
2.4 personnes par véhicule contre 1.59 actuellement. Le transport des
marchandises diminuerait de 17%
Se déplacer
moins, ça n’est pas seulement moins partir en vacances, c’est aussi moins voir
sa famille et ses amis, avoir moins d’échanges avec les étrangers, avoir plus
de difficultés à travailler, à se fournir en nourriture et matériaux de
construction…
La
consommation énergétique de l’industrie diminuerait grâce à un gain en
efficacité et à une baisse des besoins en matériaux : -26% d’acier, -35%
de plastique, -39% de ciment, -41% de verre.
Cette baisse
signifie une diminution de la consommation de produits manufacturés
s’inscrivant dans une économie décroissante que bien peu de politiques
souhaitent, avec probablement de nouvelles fermetures d’usines en perspective…
Entre autres réjouissances, on peut
noter également :
– baisse de 29% de la quantité d’eau
chaude consommée par personne,
– baisse de 22% du nombre de cycles
de lave-linge,
– baisse de 18% du nombre de cycles
de lave-vaisselle,
– baisse de 18% du taux d’équipement
en sèche-linge,
– baisse de moitié du taux
d’équipement en congélateur,
– baisse de 33% de l’usage du fer à
repasser,
– passage de 8 à 5 heures d’éclairage par jour dans le tertiaire,
– disparition des consoles de jeux,
– baisse d’un tiers du nombre d’écrans par foyer,
– division
par 3 du nombre d’ordinateur par foyer,
– division
par 2 du nombre de lecteurs musicaux,
Des conséquences peu
réjouissantes
D’une
manière générale, je constate que les changements proposés auraient des
conséquences considérables et peu réjouissantes sur nos modes de vie, et je
vois mal comment une vaste prise de conscience collective des enjeux
environnementaux pourrait les imposer dans la joie et la bonne humeur.
On peut se
demander si ces changements sont compatibles avec la démocratie : ils
impliquent des mutations de mode de vie si importantes qu’il est possible qu’il
faille les imposer par la force.
Il est
probable qu’une forte sélection se fera par l’argent : ceux ayant les
moyens continuant à vivre dans le confort, les pauvres devant se débrouiller et
avoir une vie plus dure »
Commentaire
final de M. Bernard Cassoret : « Il est probable que l’objectif de
certains membres de cette association soit avant tout de montrer qu’il est
possible de se passer du nucléaire sans grandes conséquences. »
Eh bien, c’est pas gagné ; et
au vu de l’interaction entre negaWatt et le Parti Pirate, c’est le contraire qui
s’est produit !
Maintenant,
il faut savoir que RTE a été prié d’intégrer des éléments de negaWatt dans ses
scenarios, que negaWatt a bureaux et tables ouvertes à l’Ademe, qui lui apporte
publicité et crédibilité ( à moins qu’elle ne perde surtout la sienne), qu’Elisabeth
Borne, en exigeant qu’EDF étudie un scénario 100% renouvelable s’inspire de
negaWatt.
Il fait donc faire connaître le programme
de negaWatt, et merci à M. Cassoret pour avoir eu la patience de se pencher sur
un tel amoncellement d’insanités.
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