A qui appartient le nucléaire ?
Echange musclé entre les PDG de Total et
d’EDF, Patrick Pouyanné (Total) et Jean-Bernard Levy (EDF) lors du congrès de
l’Union Française de l’électricité, le 3 décembre à Paris :
« Patrick, plutôt que de demander des TWh nucléaires, construis
des centrales au gaz ! » (Levy) (allusion à l’ARENH)
« Ah bon, qui c'est qui a construit les centrales ? », (Levy)
« Ah bon, qui c'est qui a construit les centrales ? », (Levy)
« Mais ils ne
t'appartiennent pas les TWh nucléaires, Jean-Bernard ! » (Patrick Pouyanné).
Et
surtout qui construira les centrales nucléaires du futur, dont nous aurons besoin
quand les actuelles devront s’arrêter, dont nous grand besoin pour disposer
d’une énergie décarbonée et pilotable, disponible qu’il pleuve et ne vente pas,
économique, abondante, car les utilisations de l’électricité s’étendront.
L’ARENH , une rente injustifiée aux
frais d’EDF et des contribuables
L’Arenh
( Accès régulé au nucléaire historique), ou plutôt le scandale,
l’absurdité de l’ARENH qui oblige EDF à
subventionner ses concurrents ( les fournisseurs verts !) en leur cédant à
bas prix du courant nucléaire quand ça les arrange, j’en ai déjà pas mal parlé,
cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/06/pourquoi-les-tarifs-edf-augmentent_26.html
C’est ce système dont se pliant avec une ironie amère Jean-Bernard
Levy : « « Des concurrents, j’en ai, mais des concurrents qui
produisent, j’en cherche »
Et
de l’ARENH, qui leur assure de si jolis bénéfices, les concurrents d’EDF en
demandent de plus en plus :
« Les
concurrents d'EDF ont demandé encore plus d'électricité d'origine nucléaire que
l'année dernière et largement dépassé le plafond prévu par la loi, a annoncé la
Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Comme
prévu , les concurrents d'EDF ont explosé
le plafond. Ils ont demandé à avoir accès à 147 térawattheures
d'électricité au tarif de l'Arenh (l'accès régulé à l'énergie nucléaire
historique), bien au-delà des 100 térawattheures prévus par la loi, a annoncé
la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ce vendredi soir. Les prix de
l'électricité devraient encore augmenter l'année prochaine, même si l'impact
exact de ce dépassement sur les tarifs réglementés n'est pas encore connu.
L'année
dernière, les fournisseurs alternatifs d'électricité avaient dépassé ce plafond
pour la première fois . Ce qui avait conduit à une hausse des tarifs
réglementés de l'électricité de 6 % , annoncée en janvier 2019 par la CRE.
Cette année, les concurrents d'EDF ont encore grignoté des parts de marché à
l'opérateur historique. Le dépassement du plafond n'est donc pas une surprise,
ces fournisseurs ayant tout intérêt à acheter le plus d'énergie possible au
tarif de l'Arenh (42 euros du mégawattheure). Les prix de marché tournent
actuellement autour de 49 euros pour l'année 2020. »
D’où réattaque Jean-Bernard Levy : « Les concurrents d'EDF profitent d'une rente
injustifiée »
Retour sur la loi
NOME et l’ARENH : un échec prévisible et annoncé (Lionel Taccoen)
Extrait
de Lettre
géopolitique de l’électricité, Lettre n°94 – 28 juin 2019, Tarifs Réglementés
de Vente d’Electricité.De bien curieuses augmentations (Lionel Taccoen)
« La Loi Nome, par le dispositif
nommé Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH), permet aux
concurrents d’EDF de se procurer du courant nucléaire à un prix censé ne pas
léser EDF tout en leur donnant, à efficacité égale, la possibilité de
concurrencer l’opérateur historique (42 euros/MWh depuis plusieurs années). On
retrouve la notion de « contestabilité » des Tarifs Réglementés. La part de la
production nucléaire EDF susceptible d’être mise à disposition des fournisseurs
alternatifs est (était !) plafonnée à un peu moins du quart de la
production totale du parc nucléaire (100TWh). Le recours à l’ARENH est bien sûr
optionnel. Les fournisseurs alternatifs n’ont intérêt à l’utiliser que lorsque
les prix de marché sont plus élevés que 42 € MWh. La Loi NOME stipule que le
dispositif ARENH doit s’arrêter en 2025.
L’Autorité de Concurrence, consultée, a
accepté le dispositif ARENH en constatant: « Le dispositif … conduit à s’écarter des conditions normales d’un
marché concurrentiel … pendant une période très longue ».
En conséquence, l’Autorité de Concurrence,
en donnant son accord à l’ARENH, l’a assortit des considérations suivantes :
- L’émergence d’une concurrence réelle
rend nécessaire de favoriser une incitation à l’investissement des fournisseurs
alternatifs dans les moyens de
production . Ces investissements
sont « la contrepartie » des fournitures de courant nucléaire par l’ARENH.
- il
est important de prévoir une sortie progressive du mécanisme…L’objectif est
d’obliger les fournisseurs à se préparer à l’échéance du 31 décembre 2025 »(donc
à prévoir à ne plus pouvoir se procurer du courant nucléaire permettant leur
compétitivité à cette date).
Ca,
c’est la théorie dans le monde des néo-libéraux béats ; dans la réalité l’ARENH
est un échec
« Force est de constater que de
telles incitations, dont la sortie progressive du dispositif, ne furent pas
prévues. Les investissements dans la
production des concurrents d’EDF ne sont pas apparus. La concurrence à la
production d’électricité n’existe pas en France. Ce qui entraîne, dans les
faits, l’absence de concurrence tout court, donc l’absence d’effet sur le prix.
Le Président de la Commission de
Régulation de l’Energie le confirme : « la concurrence par les prix reste
marginale ». Comme l’avait prévu l’Autorité de Concurrence : « A défaut [de la
concurrence à la production…à la sortie du dispositif [ARENH] la configuration
du marché ne sera guère différente de celle actuelle
L’ARENH
est un échec.
Le Président de la Commission de Régulation de l’Energie et l’Autorité de
Concurrence constatent : aucun gain pour
le consommateur, aucune avancée dans la mise en place d’un véritable marché de
l’électricité.
La véritable raison de
l’échec de l’ARENH est le marché de l’électricité européen, qui par son
fonctionnement aberrant, ne permet pas d’investissement rentable dans la
production et le stockage de l’électricité. Cette situation existant depuis des
années, le résultat de l’ARENH aurait pu être prévu.
Sont apparus en France
des fournisseurs alternatifs tout à fait capables de concurrencer EDF.
Citons-en trois : Engie, le Finlandais Fortum (par Uniper – un géant qui se
construit n EPR, c’est pas donné à tout le monde) et Total.
De petits producteurs
alternatifs qu’EDF et ses abonnés subventionnent grassement grâce à l’ARENH
Sortie de l’ARENH : les scénarios
de Jacques Percebois
1) « On peut mettre fin purement et simplement à ce mécanisme de
l’ARENH, considérant qu’il a
rempli son rôle et a permis l’entrée de nombreux fournisseurs sur le marché de
masse de l’électricité. L’opérateur historique a perdu beaucoup de clients et
il continue à en perdre, même si sa part de marché sur le segment domestique
reste élevée. Mais il faut pour cela une
loi qui le décide et il faudrait du même coup mettre fin au tarif réglementé de
vente (TRV) « bleu », ce qui ne manquerait pas de soulever
certaines oppositions politiques (même si certains contrats dits en
« offre de marché » sont souvent proposés à des prix plus attractifs
que le tarif « bleu »). Beaucoup de ménages pensent qu’ils sont
davantage protégés avec des tarifs réglementés qu’avec des prix de marché ».
Commentaire : A) Pourquoi lier la fin de l’ARENH à celle des
tarifs réglementés de l’électricité (TRV) ? Quelle est la logique ? Ah
oui, j’oubliais, ce serais pas un Diktat, un Ukase (comment on dit ?) de l’Europe
et de sa religion de la concurrence qui a si bien réussi avec la libéralisation de l’électricité ?
B) Ben comment dire, les ménages ont fichtrement raison de préférer les TRV aux
tarifs dynamiques chers à la Commission de la Concurrence qui vous céde à bas
prix de l’énerie quand vous en avez pas besoin et vous arrachent les yex la
langue et le reste quand vous en avez vraiment besoin
2) Les fournisseurs dits alternatifs revendiquent une augmentation du
volume de l’ARENH au-delà de 100 TWh par an, au motif que le nombre de
leurs clients s’est accru et que cela leur permettrait d’atténuer la hausse des
prix pour le consommateur final. Mais dans un contexte où EDF perd des parts de
marché et où la production d’électricité nucléaire tend à baisser et devrait
encore diminuer compte tenu des objectifs de la
PPE (50% de nucléaire à l’horizon 2035), est-il justifié que l’opérateur
historique continue à subventionner ses concurrents, surtout lorsque ces
concurrents sont aujourd’hui des compagnies pétrolières et peut-être demain des
sociétés du numérique comme les GAFA ?
Avec une telle logique, plus le
nombre d’ « entrants » augmente, plus la part de marché d’EDF
baisse, et plus le pourcentage d’ARENH devrait augmenter, bien au-delà du
chiffre de 25% (de la production nucléaire d’EDF) initialement prévu. C’est un
paradoxe qui ressemble fort à une logique de « spirale de la mort »
pour l’opérateur historique.
Commentaire : Continuer et même amplifier l’ARENH comme
le réclament les concurrents d’EDF grassement subventionnés par …EDF, c’est
effectivement une logique mortifère pour EDF. Et quand les concurrents sont de
petits producteurs indépendants comme Engie, Total et Uniper…oui, EDF subventionne Total…(une
énergie décarbonée comme le nucléaire subventionne une énergie carbonée comme
le gaz), eh bien l’ARENH est quand même une sacrée bêtise ( et l’on comprend
mieux l’algarade entre Pouyanné (Total) et Jean-Bernard Levy
(EDF)
3) On peut envisager de revoir à la hausse le montant de l’ARENH, au-delà de 42 euros le MWh pour tenir
compte de coûts supplémentaires liés au « grand carénage » et aux
exigences de sûreté de plus en plus fortes. C’est possible mais le décret qui
devait préciser les modalités du calcul de l’ARENH n’est toujours pas publié
Commentaire : Ben non, c’est le supprimer qu’il
faut ! En passant, c’est qui le plus fort, le lobby du gaz ou le pseudo
lobby du nucléaire (qui a le nucléaire honteux)
4) On pourrait concevoir de faire de l’ARENH une véritable option et non
une « option gratuite » comme c’est le cas aujourd’hui : les fournisseurs
d’électricité alternatifs peuvent actuellement bénéficier de l’ARENH s’ils
le souhaitent mais sans supporter les engagements à long terme associés au parc
nucléaire. « Ne recourir à l’ARENH que lorsque les conditions du marché
y sont favorables sans financer le reste du temps les actifs du parc nucléaire
pèse sur l’équilibre comptable de l’exploitant nucléaire », notait
déjà la Cour des Comptes dans une note publiée le 22 décembre 2017(1).
Ce caractère asymétrique des engagements n’est pas justifié ; introduire une compensation sous forme d’une prime payée par les bénéficiaires de l’ARENH rétablirait une symétrie des engagements et serait conforme à la logique même d’un mécanisme d’options. Il reste évidemment à définir le niveau de cette prime, qui pourrait peut-être prendre la forme d’une rétrocession d’une partie des gains des alternatifs lorsque le prix de gros est plus faible que l’ARENH ou d’un engagement à acquérir un volume plancher d’ARENH quel que soit le prix du marché.
Ce caractère asymétrique des engagements n’est pas justifié ; introduire une compensation sous forme d’une prime payée par les bénéficiaires de l’ARENH rétablirait une symétrie des engagements et serait conforme à la logique même d’un mécanisme d’options. Il reste évidemment à définir le niveau de cette prime, qui pourrait peut-être prendre la forme d’une rétrocession d’une partie des gains des alternatifs lorsque le prix de gros est plus faible que l’ARENH ou d’un engagement à acquérir un volume plancher d’ARENH quel que soit le prix du marché.
Commentaire : Cette solution reste tellement favorable
aux profiteurs de l’ARENH qu’elle est acceptée par la PDG de Total. Et comment
fixer les compensations ? De belles infinies discussions de marchands de
pétrole et de fermes empoignades à
prévoir !
5) On peut enfin considérer que le nucléaire historique est devenu pour les
Français une « essential facility » (infrastructure essentielle), au
même titre que les réseaux de transport et de distribution de l’électricité,
une sorte de « bien commun » permettant
de garantir à tous les consommateurs un socle minimal d’électricité à un prix
stable non corrélé aux aléas du marché de gros de l’électricité. Pourquoi
ne pas sanctuariser le nucléaire dans une structure totalement publique dont le
prix serait régulé et fixé par la CRE par exemple ? Le volume d’ARENH
serait ainsi porté à 100% et tous les fournisseurs d’électricité, EDF comme les
« entrants », pourraient en acquérir au prorata de leur portefeuille
de clients. Il faudrait prévoir des clefs de répartition équitables en cas de
demande supérieure à l’offre. Le prix de l’ARENH devrait bien évidemment être
fixé à un niveau permettant de couvrir tous les coûts présents et futurs du
nucléaire.
Cela reviendrait à scinder EDF en deux sociétés, l’une totalement publique
et régulée, l’autre partiellement publique et davantage intégrée aux mécanismes
du marché. On pourrait également intégrer à cette société publique le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) dont le capital, détenu à 50,1%
par EDF, sert d’actif dédié au niveau des provisions pour le démantèlement des
centrales nucléaires et la gestion des déchets. L’intégration du réseau de
transport dans cette société publique nécessiterait toutefois l’accord de la
Commission européenne, qui pourrait estimer que cette « réintégration
verticale » serait contraire aux directives européennes sur l'« unbundling».
D’autres critiques se font jour face à un tel scénario. Pour certains,
cette scission d’EDF pourrait constituer une première étape vers une sortie du
nucléaire, la société publique étant chargée de gérer des actifs considérés
comme « échoués », à l’image de ce qui se passe en Allemagne pour le
nucléaire et demain le
charbon. Pour d’autres, il y aurait un risque de privatisation croissante des
activités non nucléaires et en particulier un risque de voir une OPA inamicale
de la part de certains « entrants » dont la capitalisation boursière
est bien supérieure à celle d’EDF.
In fine, le vrai choix semble aujourd’hui être entre la solution 1 (suppression de l’ARENH) et la solution 5 (100% d’ARENH) et c’est un
choix autant industriel que politique. » (Jacques Percebois)
Commentaire : le scenario 5, c’est le scénario de tous les dangers, qui ressemble beaucoup à Hercule. Il entérine le démantèlement d’EDF. Il représente la soumission totale à l’idéologie ultra libérale, et ne tient aucun compte des échec de la libéralisation du « marché » de l’électricité, à l’étranger ( Californie, GB, cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/10/la-crise-de-lelectricite-en-californie.html). Il démantèle pour démanteler sans tenir compte des désoptimisations que cela provoque.
Comme
l’évoque M. Percebois, les activités non nucléaires d’EDF risquent de devenir
la proie de géants du gaz ou du pétrole : l’idéologie ultra libérale de la
Commission Européenne aura réussi la brillante transformation d’un monopole
public légal dédié au service public en
un monopole privé de fait.
Contrairement
à certaines illusions, la vie de la partie nucléaire sanctuarisée risque de ne
pas être du tout un fleuve tranquille.
Imaginons
un ministère écolo/démago, un ministre de l’énergie type la patate Ségolène
Royal, et elle se transforme en mouroir.
Imaginons
que les EPR ou les Hualong, spécialement à Hinkley Point soient un très grand
succès et que la collaboration entre EDF nucléaire et son partenaire Chinois
CGN s’amplifie ( cf. À Hinkley Point, le rapprochement entre EDF et CGN, le
dragon chinois (La Tribune, 11/12/2019, https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/a-hinkley-point-le-rapprochement-entre-edf-et-cgn-le-dragon-chinois-835080.html)-
les Chinois remettent 8 milliards d’euros de plus au pot, alors qu’ils ne s’étaient
egagés que pour deux milliards)…eh bien la privatisation d’EDF nucléaire via un
partenariat avec CGN deviendrait une
option très réaliste. Et au fond, pour le nucléaire et le climat, ce ne serait
peut-être pas si mal, mais quel gâchis pour la France !
Donc un seul scénario, le 1, la fin
de l’ARENH !
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