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jeudi 12 décembre 2019

L’avenir de l’ARENH et par conséquent du nucléaire. Des scénarios inquiétants

A qui appartient le nucléaire ?

 Echange musclé entre les PDG de Total et d’EDF, Patrick Pouyanné (Total) et Jean-Bernard Levy (EDF) lors du congrès de l’Union Française de l’électricité, le 3 décembre à Paris :

 «  Patrick, plutôt que de demander des TWh nucléaires, construis des centrales au gaz ! » (Levy) (allusion à l’ARENH)
« Ah bon, qui c'est qui a construit les centrales ? », (Levy)
« Mais ils ne t'appartiennent pas les TWh nucléaires, Jean-Bernard ! » (Patrick Pouyanné).

Et surtout qui construira les centrales nucléaires du futur, dont nous aurons besoin quand les actuelles devront s’arrêter, dont nous grand besoin pour disposer d’une énergie décarbonée et pilotable, disponible qu’il pleuve et ne vente pas, économique, abondante, car les utilisations de l’électricité s’étendront.

L’ARENH , une rente injustifiée aux frais d’EDF et des contribuables

L’Arenh ( Accès régulé au nucléaire historique), ou plutôt le scandale, l’absurdité  de l’ARENH qui oblige EDF à subventionner ses concurrents ( les fournisseurs verts !) en leur cédant à bas prix du courant nucléaire quand ça les arrange, j’en ai déjà pas mal parlé, cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/06/pourquoi-les-tarifs-edf-augmentent_26.html

C’est ce système dont se pliant avec une ironie amère Jean-Bernard Levy : « « Des concurrents, j’en ai, mais des concurrents qui produisent, j’en cherche »


Et de l’ARENH, qui leur assure de si jolis bénéfices, les concurrents d’EDF en demandent de plus en plus :

« Les concurrents d'EDF ont demandé encore plus d'électricité d'origine nucléaire que l'année dernière et largement dépassé le plafond prévu par la loi, a annoncé la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Comme prévu , les concurrents d'EDF ont explosé le plafond. Ils ont demandé à avoir accès à 147 térawattheures d'électricité au tarif de l'Arenh (l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique), bien au-delà des 100 térawattheures prévus par la loi, a annoncé la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ce vendredi soir. Les prix de l'électricité devraient encore augmenter l'année prochaine, même si l'impact exact de ce dépassement sur les tarifs réglementés n'est pas encore connu.
L'année dernière, les fournisseurs alternatifs d'électricité avaient dépassé ce plafond pour la première fois . Ce qui avait conduit à une hausse des tarifs réglementés de l'électricité de 6 % , annoncée en janvier 2019 par la CRE. Cette année, les concurrents d'EDF ont encore grignoté des parts de marché à l'opérateur historique. Le dépassement du plafond n'est donc pas une surprise, ces fournisseurs ayant tout intérêt à acheter le plus d'énergie possible au tarif de l'Arenh (42 euros du mégawattheure). Les prix de marché tournent actuellement autour de 49 euros pour l'année 2020. »

D’où réattaque Jean-Bernard Levy : « Les concurrents d'EDF profitent d'une rente injustifiée »

Retour sur la loi NOME et l’ARENH : un échec prévisible et annoncé (Lionel Taccoen)

Extrait de Lettre géopolitique de l’électricité, Lettre n°94 – 28 juin 2019, Tarifs Réglementés de Vente d’Electricité.De bien curieuses augmentations (Lionel Taccoen)
« La Loi Nome, par le dispositif nommé Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH), permet aux concurrents d’EDF de se procurer du courant nucléaire à un prix censé ne pas léser EDF tout en leur donnant, à efficacité égale, la possibilité de concurrencer l’opérateur historique (42 euros/MWh depuis plusieurs années). On retrouve la notion de « contestabilité » des Tarifs Réglementés. La part de la production nucléaire EDF susceptible d’être mise à disposition des fournisseurs alternatifs est (était !) plafonnée à un peu moins du quart de la production totale du parc nucléaire (100TWh). Le recours à l’ARENH est bien sûr optionnel. Les fournisseurs alternatifs n’ont intérêt à l’utiliser que lorsque les prix de marché sont plus élevés que 42 € MWh. La Loi NOME stipule que le dispositif ARENH doit s’arrêter en 2025.

L’Autorité de Concurrence, consultée, a accepté le dispositif ARENH en constatant: « Le dispositif … conduit à s’écarter des conditions normales d’un marché concurrentiel … pendant une période très longue ».
En conséquence, l’Autorité de Concurrence, en donnant son accord à l’ARENH, l’a assortit des considérations suivantes :
- L’émergence d’une concurrence réelle rend nécessaire de favoriser une incitation à l’investissement des fournisseurs alternatifs dans les moyens de production . Ces investissements sont « la contrepartie » des fournitures de courant nucléaire par l’ARENH.
- il est important de prévoir une sortie progressive du mécanisme…L’objectif est d’obliger les fournisseurs à se préparer à l’échéance du 31 décembre 2025 »(donc à prévoir à ne plus pouvoir se procurer du courant nucléaire permettant leur compétitivité à cette date).

Ca, c’est la théorie dans le monde des néo-libéraux béats ; dans la réalité l’ARENH est un échec

« Force est de constater que de telles incitations, dont la sortie progressive du dispositif, ne furent pas prévues. Les investissements dans la production des concurrents d’EDF ne sont pas apparus. La concurrence à la production d’électricité n’existe pas en France. Ce qui entraîne, dans les faits, l’absence de concurrence tout court, donc l’absence d’effet sur le prix.
Le Président de la Commission de Régulation de l’Energie le confirme : « la concurrence par les prix reste marginale ». Comme l’avait prévu l’Autorité de Concurrence : « A défaut [de la concurrence à la production…à la sortie du dispositif [ARENH] la configuration du marché ne sera guère différente de celle actuelle
L’ARENH est un échec. Le Président de la Commission de Régulation de l’Energie et l’Autorité de Concurrence constatent : aucun gain pour le consommateur, aucune avancée dans la mise en place d’un véritable marché de l’électricité.

La véritable raison de l’échec de l’ARENH est le marché de l’électricité européen, qui par son fonctionnement aberrant, ne permet pas d’investissement rentable dans la production et le stockage de l’électricité. Cette situation existant depuis des années, le résultat de l’ARENH aurait pu être prévu.
Sont apparus en France des fournisseurs alternatifs tout à fait capables de concurrencer EDF. Citons-en trois : Engie, le Finlandais Fortum (par Uniper – un géant qui se construit n EPR, c’est pas donné à tout le monde) et Total.
De petits producteurs alternatifs qu’EDF et ses abonnés subventionnent grassement grâce à l’ARENH

Sortie de l’ARENH : les scénarios de Jacques Percebois
1) « On peut mettre fin purement et simplement à ce mécanisme de l’ARENH, considérant qu’il a rempli son rôle et a permis l’entrée de nombreux fournisseurs sur le marché de masse de l’électricité. L’opérateur historique a perdu beaucoup de clients et il continue à en perdre, même si sa part de marché sur le segment domestique reste élevée. Mais il faut pour cela une loi qui le décide et il faudrait du même coup mettre fin au tarif réglementé de vente (TRV) « bleu », ce qui ne manquerait pas de soulever certaines oppositions politiques (même si certains contrats dits en « offre de marché » sont souvent proposés à des prix plus attractifs que le tarif « bleu »). Beaucoup de ménages pensent qu’ils sont davantage protégés avec des tarifs réglementés qu’avec des prix de marché ».
Commentaire : A) Pourquoi lier la fin de l’ARENH à celle des tarifs réglementés de l’électricité (TRV) ? Quelle est la logique ? Ah oui, j’oubliais, ce serais pas un Diktat, un Ukase (comment on dit ?) de l’Europe et de sa religion de la concurrence qui a  si bien réussi avec la libéralisation de l’électricité ? B) Ben comment dire, les ménages ont fichtrement raison de préférer les TRV aux tarifs dynamiques chers à la Commission de la Concurrence qui vous céde à bas prix de l’énerie quand vous en avez pas besoin et vous arrachent les yex la langue et le reste quand vous en avez vraiment besoin
2) Les fournisseurs dits alternatifs revendiquent une augmentation du volume de l’ARENH au-delà de 100 TWh par an, au motif que le nombre de leurs clients s’est accru et que cela leur permettrait d’atténuer la hausse des prix pour le consommateur final. Mais dans un contexte où EDF perd des parts de marché et où la production d’électricité nucléaire tend à baisser et devrait encore diminuer compte tenu des objectifs de la PPE (50% de nucléaire à l’horizon 2035), est-il justifié que l’opérateur historique continue à subventionner ses concurrents, surtout lorsque ces concurrents sont aujourd’hui des compagnies pétrolières et peut-être demain des sociétés du numérique comme les GAFA ?

Avec une telle logique, plus le nombre d’ « entrants » augmente, plus la part de marché d’EDF baisse, et plus le pourcentage d’ARENH devrait augmenter, bien au-delà du chiffre de 25% (de la production nucléaire d’EDF) initialement prévu. C’est un paradoxe qui ressemble fort à une logique de « spirale de la mort » pour l’opérateur historique.

Commentaire : Continuer et même amplifier l’ARENH comme le réclament les concurrents d’EDF grassement subventionnés par …EDF, c’est effectivement une logique mortifère pour EDF. Et quand les concurrents sont de petits producteurs indépendants comme Engie, Total et Uniper…oui, EDF subventionne Total…(une énergie décarbonée comme le nucléaire subventionne une énergie carbonée comme le gaz), eh bien l’ARENH est quand même une sacrée bêtise ( et l’on comprend mieux l’algarade entre Pouyanné (Total) et Jean-Bernard Levy (EDF)

3) On peut envisager de revoir à la hausse le montant de l’ARENH, au-delà de 42 euros le MWh pour tenir compte de coûts supplémentaires liés au « grand carénage » et aux exigences de sûreté de plus en plus fortes. C’est possible mais le décret qui devait préciser les modalités du calcul de l’ARENH n’est toujours pas publié
Commentaire : Ben non, c’est le supprimer qu’il faut ! En passant, c’est qui le plus fort, le lobby du gaz ou le pseudo lobby du nucléaire (qui a le nucléaire honteux)
4) On pourrait concevoir de faire de l’ARENH une véritable option et non une « option gratuite » comme c’est le cas aujourd’hui : les fournisseurs d’électricité alternatifs peuvent actuellement bénéficier de l’ARENH s’ils le souhaitent mais sans supporter les engagements à long terme associés au parc nucléaire. « Ne recourir à l’ARENH que lorsque les conditions du marché y sont favorables sans financer le reste du temps les actifs du parc nucléaire pèse sur l’équilibre comptable de l’exploitant nucléaire », notait déjà la Cour des Comptes dans une note publiée le 22 décembre 2017(1).

Ce caractère asymétrique des engagements n’est pas justifié ; introduire une compensation sous forme d’une prime payée par les bénéficiaires de l’ARENH rétablirait une symétrie des engagements et serait conforme à la logique même d’un mécanisme d’options. Il reste évidemment à définir le niveau de cette prime, qui pourrait peut-être prendre la forme d’une rétrocession d’une partie des gains des alternatifs lorsque le prix de gros est plus faible que l’ARENH ou d’un engagement à acquérir un volume plancher d’ARENH quel que soit le prix du marché.
Commentaire : Cette solution reste tellement favorable aux profiteurs de l’ARENH qu’elle est acceptée par la PDG de Total. Et comment fixer les compensations ? De belles infinies discussions de marchands de pétrole et de fermes  empoignades à prévoir !

5) On peut enfin considérer que le nucléaire historique est devenu pour les Français une « essential facility » (infrastructure essentielle), au même titre que les réseaux de transport et de distribution de l’électricité, une sorte de « bien commun » permettant de garantir à tous les consommateurs un socle minimal d’électricité à un prix stable non corrélé aux aléas du marché de gros de l’électricité. Pourquoi ne pas sanctuariser le nucléaire dans une structure totalement publique dont le prix serait régulé et fixé par la CRE par exemple ? Le volume d’ARENH serait ainsi porté à 100% et tous les fournisseurs d’électricité, EDF comme les « entrants », pourraient en acquérir au prorata de leur portefeuille de clients. Il faudrait prévoir des clefs de répartition équitables en cas de demande supérieure à l’offre. Le prix de l’ARENH devrait bien évidemment être fixé à un niveau permettant de couvrir tous les coûts présents et futurs du nucléaire.

Cela reviendrait à scinder EDF en deux sociétés, l’une totalement publique et régulée, l’autre partiellement publique et davantage intégrée aux mécanismes du marché. On pourrait également intégrer à cette société publique le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) dont le capital, détenu à 50,1% par EDF, sert d’actif dédié au niveau des provisions pour le démantèlement des centrales nucléaires et la gestion des déchets. L’intégration du réseau de transport dans cette société publique nécessiterait toutefois l’accord de la Commission européenne, qui pourrait estimer que cette « réintégration verticale » serait contraire aux directives européennes sur l'« unbundling».

D’autres critiques se font jour face à un tel scénario. Pour certains, cette scission d’EDF pourrait constituer une première étape vers une sortie du nucléaire, la société publique étant chargée de gérer des actifs considérés comme « échoués », à l’image de ce qui se passe en Allemagne pour le nucléaire et demain le charbon. Pour d’autres, il y aurait un risque de privatisation croissante des activités non nucléaires et en particulier un risque de voir une OPA inamicale de la part de certains « entrants » dont la capitalisation boursière est bien supérieure à celle d’EDF.

In fine, le vrai choix semble aujourd’hui être entre la solution 1 (suppression de l’ARENH) et la solution 5 (100% d’ARENH) et c’est un choix autant industriel que politique. » (Jacques Percebois)

Commentaire :
le scenario 5, c’est le scénario de tous les dangers, qui ressemble beaucoup à Hercule. Il entérine le démantèlement d’EDF. Il représente la soumission totale à l’idéologie ultra libérale, et ne tient aucun compte des échec de la libéralisation du « marché » de l’électricité, à l’étranger ( Californie, GB, cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/10/la-crise-de-lelectricite-en-californie.html). Il démantèle pour démanteler sans tenir compte des désoptimisations que cela provoque.
Comme l’évoque M. Percebois, les activités non nucléaires d’EDF risquent de devenir la proie de géants du gaz ou du pétrole : l’idéologie ultra libérale de la Commission Européenne aura réussi la brillante transformation d’un monopole public légal  dédié au service public en un monopole privé de fait.

Contrairement à certaines illusions, la vie de la partie nucléaire sanctuarisée risque de ne pas être du tout un fleuve tranquille.
Imaginons un ministère écolo/démago, un ministre de l’énergie type la patate Ségolène Royal, et elle se transforme en mouroir.
Imaginons que les EPR ou les Hualong, spécialement à Hinkley Point soient un très grand succès et que la collaboration entre EDF nucléaire et son partenaire Chinois CGN s’amplifie ( cf. À Hinkley Point, le rapprochement entre EDF et CGN, le dragon chinois (La Tribune, 11/12/2019, https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/a-hinkley-point-le-rapprochement-entre-edf-et-cgn-le-dragon-chinois-835080.html)- les Chinois remettent 8 milliards d’euros de plus au pot, alors qu’ils ne s’étaient egagés que pour deux milliards)…eh bien la privatisation d’EDF nucléaire via un partenariat avec CGN deviendrait  une option très réaliste. Et au fond, pour le nucléaire et le climat, ce ne serait peut-être pas si mal, mais quel gâchis pour la France !


Donc un seul scénario, le 1, la fin de l’ARENH !

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