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dimanche 15 décembre 2019

Le chauffage nucléaire, un atout pour la transition énergétique 2) les SMR


Un nouveau type de réacteurs nucléaires pour un chauffage propre climatiquement acceptable

En France, le chauffage des bâtiments représente 22% des dégagements de gaz à effets de serre, derrière l’industrie (22%) et les Transports (26%) ; encore sans doute une partie de la consommation industrielle est-elle aussi en fait liée à une consommation de chaleur. Le chauffage représente donc une partie très important des émissions de gaz à effet de serre (surtout CO2).

Comment diminuer ces émissions ? On peut passer davantage au chauffage électrique, qui peut constituer une bonne solution pour l’habitat individuel. (cf. notamment l’action de Brice Lalonde, https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/09/transition-energetique-et-grandes.html)

Si l’on veut une chaleur propre, on peut aussi utiliser la cogénération nucléaire, mais bien que des exemples récentes, notamment chinois et russes en soulignent l’intérêt, il semble existant mais limité en France (cf blog précédent https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/12/le-chauffage-nucleaire-un-atout-pour-la.html).
En revanche, un chauffage nucléaire urbain à l’aide de réacteurs spécialisés plus petit, les small modular reactor  (SMR) aurait un intérêt certain pour l’obtention de chaleur propre décarbonée.

La longue marche des SMR .

L'idée d’utiliser l'énergie nucléaire pour le chauffage est apparue en même temps que son utilisation électrogène. Ainsi, la première centrale nucléaire suédoise, celle d'Ågesta produisait essentiellement de la chaleur à destination du quartier de Farsta, dans la banlieue sud de Stockholm. Elle avait à l'origine une puissance de 65 MW, qui fut portée à 80 MW au début de l'année 1970 et fonctionna de 1963 à 1974.  Une fraction de l'énergie produite était aussi convertie en électricité. Elle comportait un unique réacteur utilisant comme combustible l’uranium naturel et comme modérateur l’eau lourde. Arrêtée en 1974 parce qu’elle ne correspondait plus aux normes et, sa partie nucléaire démantelée, elle est utilisée comme terrain d'exercice par les sapeurs-pompiers de Stockholm.

La France a failli être pionnière dans le domaine des SMR avec Thermos, un petit réacteur souterrain relié à un réseau de chauffage urbain de la ville qui devait entrer en service à Grenoble. Ce réacteur de 90 MW thermiques utilisant entièrement la chaleur produite et ne nécessitant qu'une trentaine d'employés avait alors défrayé la chronique en 1980 (grande époque de la contestation contre Superphenix dans la même région, coïncidence malheureuse de lieu et de calendrier). Avec la montée en puissance de Greenpeace, de la contestation locale contre Superphenix et la baisse des prix du pétrole (contre-choc pétrolier), le projet a été abandonné, comme d’habitude pour des raisons politico-économiques conjoncturelles, et non pour des raisons techniques ; le mal que les écolos bigots dogmatiques antinucléaires ont fait, il faudra un jour en faire le bilan.
Les aspects climatiques et la hausse du prix des fossiles rendent maintenant beaucoup plus intéressants ce type de réacteurs dédiés au chauffage ou à d’autres utilisations que le production d’électricité et modernisés sous la forme de SMR. Un petit réacteur de de seulement 150-200 MWe de puissance permet d'éviter le rejet dans l'atmosphère d'environ 1 million de tonnes de CO2 chaque année. En installant ce type de réacteur ayant une très faible empreinte au sol, des réductions majeures des émissions de CO2 pourraient être réalisées (l'empreinte au sol du réacteur Thermos était seulement de 40 x 40 m pour fournir la quasi-totalité des besoins en chauffage urbain de l'agglomération Grenobloise sans émissions de CO2). (cf. Bruno Comby, AEPN, http://ecolo.org/documents/documents_in_french/cogeneration_nucleaire-07.htm)

Définition, objectifs, fonctionnement d’un SMR

Principes :  Un « SMR » (Small Modular Reactor en anglais) désigne une famille de réacteurs nucléaires réalisés en usine sous forme de modules industrialisés directement installables sur site ; d’une puissance généralement inférieure à 300 MWe, (la moyenne pour les SMR existants s’établissant autour de 100 MWe) ; associables pour fournir une gamme de puissance électrique adaptable à une demande évolutive ;utilisant la fission de l’uranium (235, 238) ou du thorium (232).

Objectifs : Les SMR visent à  abaisser significativement le poids du financement de l’électronucléaire en volume et en délai, à substituer à l’effet d’échelle recherché pour les grandes centrales l’effet de série industriel,  attaché à la réalisation répétitive des SMR en usine, abaissant les coûts ; ouvrir de nouveaux marchés de fourniture d’électricité décarbonée aux sites isolés (îles, Grand Nord, etc.) et aux petits réseaux de distribution électrique ; remplacer des centrales de moyenne puissance utilisant des combustibles fossiles (par exemple les centrales à charbon aux États-Unis) ; développer un plus grand suivi de charge en soutien de sources intermittentes (éolien, solaire) ; fournir de la chaleur, éventuellement en cogénération, adaptée en température au dessalement, au chauffage urbain, au raffinage des hydrocarbures, à la production d’hydrogène, à la propulsion navale…

Fonctionnement : des filières très variées. BWR (100-200°C, eau bouillante, chauffage urbain) ; PWR, HWR ( 200-400°C, eau lourde sous pression, désalinisation, électricité) ; SFR, LFR (400-550°C, métali liquide, eau supercritique, usages industriels) ; GCR, GFR (700-1000°C, gaz, production d’hydrogène, métallurgie) ; VHTR (1000°C, Helium, production d’hydrogène)

Bonjour au chauffage nucléaire !

Bienvenue au HTTR (High Temperature engineering Test Reactor), Oarai, Ibaraki, Japon. Oxyde d’Uranium à 6%, sortie à ~900-1000°C, refroidi à l’hélium. A fonctionné pendant 30 jours en avril 2019 selon les spécifications et démontré la faisabilité et l’intérêt de la production d’hydrogène


View of the reactor HTTR [6]. 


Bienvenue à l’Akademik Lomonosov : le plus beau fantatisque !  La centrale nucléaire flottante russe construite à Saint-Pétersbourg en 2006, puis chargé en combustible en 2019 à Mourmansk et mise en exploitation.
Le bâtiment mesure 144 mètres de long et 30 mètres de large et embarque un équipage de 300 personnes. Il peut délivrer 35 MW (ou 70 MW, selon les sources), ce qui est suffisant pour alimenter une ville de 100 000 habitants. C'est la première centrale commerciale flottante qui peut être raccordée au réseau électrique. Le 23 août 2019, la barge a parcouru 5 000 kilomètres pour rejoindre par la mer la ville de Pevek, en Sibérie, où elle pourrait servir à alimenter en électricité habitations et  plateformes pétrolières. Bravo Rosatom :

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Bienvenue au Yanlong : toute longue marche nucléaire aboutit maintenant à la Chine. Le projet de CNNC a été validé par l’Autorité de Sureté Chinoise. Le Yanlong est un réacteur à basse température de 400 MW qui produira suffisamment de chauffage pour environ 200 000 foyers. Un petit réacteur de démonstration a permis de chauffer avec succès près de 50 foyers pendant 168 heures à Beijing.
L’installation à grande échelle sera constituée d’une piscine d’entreposage en béton et en acier qui mesure 10 mètres de diamètre et 20 mètres de profondeur. Un noyau nucléaire sera par la suite enfoui dans l’eau afin de produire jusqu’à 400 MW d’énergie pour chauffer l’eau à 90 °C. Cette eau chaude sera ensuite distribuée via un réseau de chaleur déjà existant.
Le coût de ce projet est évalué à environ 200 millions de dollars et sa mise en œuvre ne prendra que trois ans. Livraison prévue 2021 ! C’est demain que les Chinois se chauffent au nucléaire, un chauffage propre !




Bienvenue au NuScale Power Module ! Les Américains entrent dans la course. Le département de l’énergie américain a lancé le programme GAIN pour soutenir le développement des SMR et prévoit une maturité industrielle et commerciale des SMR fin des années 2020. Un premier prototype SMR  du groupe NuScale vient d’être certifié par les autorités américaines. Le projet de SMR de la société américaine NuScale – l’un des plus avancés à l’heure actuelle  – prévoit d’installer une première centrale nucléaire constituée de 12 modules de 60 MW pour Utah Associated Municipal Power Systems (UAMPS). Selon le calendrier actuel, les travaux devraient commencer en 2023 et le premier module pourrait entrer en service en 2026 (2027 pour l'ensemble de la centrale). Les modules SMR » de NuScale Power pèseront près de 700 tonnes et pourront être transportés par camion ou par barge.
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SMR, un des avenirs possibles pour le nucléaire et  la planète.

Sur une cinquantaine de projets de SMR identifiés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), 3 sont  déjà opérationnels :  en Sibérie (Akademik Lomonosov), en Inde et en Chine et 5 autres sont en construction.
Plus de 80% de ces réacteurs sont encore en développement ou au stade des laboratoires de recherche et sous l’étroit contrôle des États, tant pour leur financement que pour la mise à disposition du combustible, elle-même strictement régulée par des réglementations anti-prolifération.
Par pays, les États-Unis et la Russie sont les principaux acteurs des SMR avec chacun 18 projets, loin devant le Japon (4), la Chine (4) et l’Europe (3 dont 1 en France développé par le CEA, EDF, TechnicAtome et Naval Group et 1 en Grande-Bretzagne)

La quasi-totalité des projets sont à « sécurité passive » et intègrent dans un module unique la production de vapeur (ou de gaz). Un certain nombre sont anti-proliférants grâce à des cycles de combustible extrêmement longs. La plupart des SMR peuvent être enterrés ou sont immergeables, donc sécurisables.

Et en France ? Ben, il faudrait qu’on s’y mette sérieusement, quelques bonnes années après Thermos ! Bienvenue à Nuward

CEA, EDF, TechnicAtome et NAVAL Group se sont réunis pour le développement d’un SMR français. France. Ils ont estimé que le principe le plus prometteur pour un déploiement dans la décennie à venir est celui de la filière des réacteurs à eau pressurisée, filière éprouvée à la fois pour la production d’électricité et la propulsion navale.
La France, qui maîtrise parfaitement ces deux applications, est bien placée pour proposer un concept performant de SMR satisfaisant les meilleurs standards de sûreté et apte à vitaliser encore davantage son industrie nucléaire.

En quoi le SMR français sera-t-il innovant ? Comme le rappelle TechnicAtome, l'objectif du futur SMR est qu’il soit facile à fabriquer, grâce à un design simplifié, tant dans son architecture générale que dans la conception de ses composants ; et facile à assembler, du fait de sa conception modulaire, sa compacité et son architecture intégrée. Il doit permettre aussi une nouvelle approche de la sûreté.  En effet, grâce aux innovations qu’il comporte, le SMR dispose de mécanismes de sûreté passifs, en respectant toutes les exigences de sûreté de la Génération III et offrant des marges complémentaires. Enfin, le SMR doit être facile à exploiter, grâce à un assemblage de plusieurs modules permettant flexibilité en opération et en maintenance.
Ce SMR pourra fournir de l’électricité au réseau en semi-base, accompagnant en particulier le déploiement d’énergies renouvelables sur les réseaux d’électricité, à travers son fonctionnement en grappe de plusieurs réacteurs (2, 4, 6 voire 8 réacteurs). Il sera à même de pouvoir alimenter des sites isolés pour répondre à leurs besoins spécifiques.

Alors, bienvenue aussi à Nuward, qui devrait être l’un des plus compacts des SMR:

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SMR et EPRs

Alors SMR ou EPR ? Ben, les deux, car ils ne remplissent pas du tout les mêmes fonctions. La majorité des composants utilisés dans les SMR sont plus petits et plus compacts, et peuvent donc être fabriqués en usine pour ensuite être transportés vers le site d’installation pour y être assemblés. En étant fabriqués à partir de modules et de petits composants, les SMR nécessitent un capital de départ moindre que pour une centrale de plus grande puissance. Le design hyper simplifié permet que chaque unité possède son propre combustible, son échangeur de chaleur, son condenseur et sa turbine. Les besoins de systèmes de sécurité sont minimisés (cf les réacteurs de sous-marins)

Par contre l’extension des SMR entraine une dispersion plus grande et une circulation accrue de matériaux nucléaires qu’un système centralisé comme les EPR, qui représente quand même trente à quarante SMR, et cette dissémination  pose  des problèmes accrus de surveillance C’est aussi davantage de besoin en réseau, une électricité moins dense, davantage d’empreinte au sol, des équipes et des compétences plus dispersées.  Les SMR ont un grand potentiel pour le chauffage urbain, la désalinisation, d’autres utilisations. Mais pour produire l’électricité nécessaire à une grande puissance industrielle, l’’EPR offre les meilleurs standards en termes de sûreté ainsi que des performances économiques et environnementales améliorées.


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