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mardi 21 janvier 2020

Petits problèmes avec l’éolien - 11 : Une certaine odeur de corruption


Marjolaine Meynier Millefert, (LREM), rapporteur de la Commission d’enquête parlementaire sur les énergies renouvelables et la transition énergétique présidée par le député Julien Aubert (2019):

« Quand on a 80 % des gens qui vous disent que le développement des ENR électriques en France soutient la décarbonation et finalement la transition écologique en France, je pense que ce n’est pas bon non plus parce que le jour où les gens vont vraiment comprendre que cette transition énergétique ne sert pas la transition écologique vous aurez une réaction de rejet de ces politiques en disant vous nous avez menti en fait. »

Ben oui, et des raisons de colères, de vent de colère puissant, il n’y a pas que celle-ci. La déposition devant la Commission Aubert de M. Fabien Bouglé jette un éclairage cru sur les magouilles, les pratiques douteuses des margoulins de l’éolien, et même la corruption, ainsi que l’attitude sur ordre des commissaires enquêteurs. Extraits :

Corruption, financement des associations et enquêtes publiques

« La question de la corruption et des tarifs de rachat sont au cœur de la notion d’acceptabilité car un tarif de rachat hors norme d’électricité donne aux promoteurs éoliens les marges de manœuvre financières pour créer les conditions, pourrait-on dire, d’acceptation d’un projet éolien, créant une nette opposition entre, d’une part, les populations victimes des éoliennes ; d’autre part, les personnes financièrement intéressées, comme les propriétaires terriens, les élus, les associations locales ou même les commissaires enquêteurs, financièrement rémunérés par les promoteurs éoliens.
C’est une population démunie, rurale ou littorale, qui est confrontée à des rouleaux compresseurs financiers et marketings, soutenus par une administration soumise aux objectifs définis par le Gouvernement.

C’est ainsi que grâce aux retours de la France entière, j’ai pu mettre en lumière trois grands phénomènes qui entachent la filière éolienne dans ses pratiques et participent à la remise en cause de l’acceptabilité sociale de ses machines : la corruption, le financement des associations et les enquêtes publiques – pratiques structurellement favorables à l’éolien et peu respectueuses de la démocratie.

Une corruption endémique

Premier point : la corruption. En juillet 2014, dans son rapport d’activité, le Service central de prévention de la corruption a dénoncé la multiplication des prises illégales d’intérêts dans l’éolien, évoquant un phénomène d’ampleur. On y lit : « Le développement de l’activité éolienne semble s’accompagner de nombreux cas de prises illégales d’intérêts impliquant des élus locaux. » Il ajoute : « Les élus visés sont attirés par les revenus substantiels tirés de l’implantation d’éoliennes sur des terrains leur appartenant et par un régime fiscal favorable. »

Il émettait ensuite une alerte : « Le Service central de prévention de la corruption appelle donc l’attention des pouvoirs publics sur la gravité de ce phénomène et rappelle qu’il est impératif d’empêcher la confusion entre intérêts publics et intérêts personnels des élus. Il existe un risque de développement d’atteinte à la probité beaucoup plus grave, comme celui de la corruption. Ce phénomène a déjà pu être constaté dans certains pays européens, dans lesquels serait impliquée la criminalité organisée. » Le service central de prévention de la corruption faisait ainsi référence à ce qui se passe en Italie et à l’infiltration de la mafia dans le secteur éolien.
Deux ans et demi après, le Service central de prévention de la corruption sera dissous et mes contacts mutés. »

Commentaire : Comme c’est étrange ! le SCPC s’était vraiment engagé sur la question, (cf. notamment, Martine Kis, la corruption, un risque bien réel pour les collectivités territoriales). Il semble que l1Agence Française Anticorruption qui en a pris le suite ne montre pas le même zèle, ou, du moins, que la période transition ait amené une certaine tranquillité pour les margoulins de l’éolien.

« En quelques années, ce sont plus de 200 plaintes qui ont été déposées et de nombreuses condamnations qui continuent de pleuvoir régulièrement. La plus récente date d’un mois. Il s’agit d’un maire et agriculteur du Pas-de-Calais qui a perçu plus de 400 000 euros de loyer éolien d’une filiale d’Engie et qui a été condamné le 3 juin à 30 000 euros d’amende par la cour d’appel de Douai. L’une des premières condamnations pour prise illégale d’intérêts a concerné des élus de Laramière : six élus ont été condamnés, dont le maire. Plus tard, une conseillère municipale de Mélagues dans l’Aveyron a été condamnée à la privation de ses droits civiques, civils et familiaux. Son mari, touchait 36 000 euros par an de loyer issu de l’éolien.

Une affaire plus grave reste cependant en suspens : le maire de Lacaune, dans le sud de la France, voulant installer des éoliennes sur ses terres, a, en 2008 et 2009, rencontré, avec son député, des membres du cabinet du ministère de la Défense parce qu’un couloir aérien militaire empêchait l’installation d’éoliennes sur ses terres. Après deux rendez-vous, il a obtenu gain de cause et une dérogation autorisant cette installation proche d’un couloir aérien militaire, alors même que les membres du cabinet du ministre étaient informés que les éoliennes seraient implantées sur les terres du maire. Il a été mis en examen en décembre 2015 pour prise illégale d’intérêts et mis sous contrôle judiciaire par le juge d’instruction de Castres. À ce jour, il n’a toujours pas été renvoyé devant le tribunal correctionnel. »

« Je finirai sur la question de la corruption en rappelant que, le 8 décembre 2014, le syndicat France Énergie éolienne a écrit une lettre à cinquante députés pour suggérer une réforme de la prise illégale d’intérêts, délit qui était, selon ce syndicat, instrumentalisé par les écologistes anti-éoliens, qualifiés de « militants anti-républicains ». L’Assemblée nationale a refusé de donner suite à cette demande, alors que le délit de prise illégale d’intérêts était en cours de réforme, mais cet épisode a mis au grand jour les méthodes des promoteurs éoliens. »

Commentaire : Ben oui, tiens, pourquoi se gêner ?

Comment manipuler un conseil municipal ? Les baux emphythéotiques.

Les opposants aux projets d’éoliennes ne découvrent qu’au moment de l’autorisation d’exploiter, c’est-à-dire des années après, les prises illégales d’intérêts de certains élus. L’opacité est totale. Nous ne disposons d’aucune information tant que nous ne disposons pas du dossier administratif du préfet qui nous a consultés ; nous n’en disposons qu’une fois l’autorisation d’exploiter délivrée. Ce n’est qu’une fois le dossier administratif en main que l’on a découvert la situation de M. Onillon. Cela met du temps, à tel point que les infractions sont parfois prescrites. Auparavant, le délit était prescrit après trois ans ; aujourd’hui, après six ans. C’est ainsi que de nombreuses personnes impliquées dans des affaires de prise illégale d’intérêts n’ont pas été condamnées.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’entends votre position. Quelles recommandations feriez-vous pour que les situations soient plus transparentes ? Les déclarations d’intérêts devraient-elles intervenir en amont ? S’il est connu et encadré, un intérêt peut être accepté.

M. Fabien Bouglé. Je suis favorable à une publicité dès le début des promesses de baux emphytéotiques. Pourquoi ces informations ne seraient-elles pas rendues publiques par le promoteur éolien ? Au début du projet, intervient ce que l’on appelle la maîtrise foncière. Les promoteurs éoliens demandent aux commerciaux de trouver des terres, lesquels contactent préférentiellement les élus ou les membres de leur famille. Ensuite, la mairie vote une délibération rendant un avis favorable à l’engagement d’une étude de faisabilité de la centrale éolienne sur le territoire du village. À ce moment-là, le promoteur éolien pourrait afficher les promesses de baux emphytéotiques qu’il a signées avec tel ou tel élu.
Dans un village, en Normandie, je crois, le préfet a envoyé une lettre de mise en garde à la mairie car un certain nombre d’élus étaient personnellement intéressés par le projet de centrale éolienne. Lorsque je parle d’intérêt, il s’agit d’un intérêt personnel, l’argent que touche un élu à titre personnel.  Le préfet a donc relevé que plusieurs élus avaient un intérêt personnel, direct ou indirect. Lorsque lesdits élus ont quitté la salle de délibération, les élus qui restaient ont voté contre le projet. On voit bien que l’acceptabilité du projet change selon que l’on implique ou non les élus intéressés.

Les enquêtes publiques manipulées par les commissaires enquêteurs, au service des lobbys éoliens

« Avant même toute décision d’accord ou de refus d’un parc éolien, trois acteurs clés – le commissaire enquêteur, le promoteur éolien et le tribunal administratif – sont en lien pour la rémunération du commissaire enquêteur, qui ne sera d’ailleurs jamais connue et qui restera opaque, au point de ne jamais être mentionnée dans les rapports d’enquête publique. L’opacité sur la rémunération des commissaires enquêteurs est totale et n’est pas dévoilée dans le cadre des enquêtes publiques.
Nous avons découvert que des formations destinées aux commissaires enquêteurs étaient réalisées par les promoteurs éoliens eux-mêmes. Je dispose de slides de formations et un programme de formation de 2013, organisée avec le concours de tribunaux administratifs et de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), des cours étant dispensés aux commissaires enquêteurs par des promoteurs éoliens pour leur expliquer comment organiser une enquête publique. Cette connivence, pour ne pas dire cette collusion, se traduit sur le terrain par des résultats édifiants.

Pour les éoliennes d’Arromanches, par exemple, l’enquête publique avait démontré une opposition de 67 %. L’avis du commissaire-enquêteur fut favorable. À Noirmoutier, une opposition de 76 % avec une forte mobilisation et plus de 1 700 contributions. L’avis des commissaires enquêteurs fut favorable à l’unanimité.
Pour le terrestre, les exemples sont très nombreux. Je ne dispose pas de listes à vous fournir, mais je peux vous livrer quelques exemples. À Brignac, dans le domaine rural, au nord-ouest du Morbihan, sur 89 contributions, 5 étaient favorables et 84 opposées. L’avis du commissaire-enquêteur était pourtant favorable.

Partout, des témoignages édifiants sont remontés de citoyens, choqués par l’attitude des commissaires enquêteurs, souvent très favorables à l’éolien, dissertant dans les rapports sur la piètre culture écologique et environnementale des participants ou de leur tropisme « not in my back yard ». Le mépris et le dédain de certains commissaires enquêteurs sont souvent ressentis par les citoyens participant sincèrement à ces enquêtes publiques. On est loin de la convention internationale d’Arrhus traduite dans la charte environnementale, en son article 7, qui exige la participation des citoyens aux décisions ayant un impact sur leur environnement. La convention ne demande pas un avis, elle « exige » que le citoyen soit acteur de la décision. Manifestement, par leur attitude, les commissaires enquêteurs prennent en otage la souveraineté populaire issue des valeurs de la République en donnant leur opinion, ce qui est totalement contraire à la convention.

Je finirai cet exposé en rappelant que le 1er mai 2018, Jacques Turpin, commissaire enquêteur du projet de Noirmoutier, dans un mail envoyé par mégarde aux opposants et devenu emblématique, traitait les opposants « de personnes sans scrupule et au QI qui n’est pas celui du géranium. » Il a réagi ainsi après que les opposants se sont offusqués que la permanence des commissaires enquêteurs présentait les affiches, les tracts, les logos commerciaux des promoteurs éoliens et même le registre dématérialisé avec le logo du promoteur éolien. Un commissaire enquêteur devant témoin a confirmé avoir distribué des tracts commerciaux du promoteur éolien…Pour rappel, cette enquête ne sera pas suspendue par le préfet, le commissaire enquêteur ne sera pas radié sur-le-champ et ni le préfet de Vendée ni le président du tribunal administratif de Nantes n’ont procédé à des sanctions administratives de ce fait, et un avis favorable sera donné pour l’enquête publique, avec la signature du commissaire enquêteur insultant… »

Et autres stratégies d’influences

« Outre les prises illégales d’intérêts, nous avons découvert que les promoteurs éoliens finançaient les collectivités locales. La mairie de Noirmoutier a reçu environ 3 000 euros par an au prétexte d’activités culturelles du promoteur éolien et le conseil départemental de Vendée, via la structure du Vendée Globe, a reçu 500 000 euros. Ces deux collectivités ont exprimé leur avis favorable lors de l’enquête publique de Noirmoutier en 2018. Une enquête préliminaire pour corruption a d’ailleurs été ouverte par le procureur des Sables-d’Olonne. »

 « Je vais vous faire part d’un exemple dans l’Orne, en Basse-Normandie. Une institutrice de bonne volonté – il ne s’agit nullement de remettre en cause le travail formidable des enseignants – avait, à la demande du promoteur éolien, organisé un concours de dessin parmi les enfants du primaire. Le gagnant devait recevoir une éolienne en plastique. Dans l’école de ce petit village, cela a engendré un chaos entre les enfants des opposants aux éoliennes et les enfants des parents qui avaient des éoliennes sur leurs terres. Le conflit larvé du village s’est reporté sur l’école. »

Financement d’associations. Il est très difficile d’avoir des éléments prouvant que des sommes d’argent transitent entre les promoteurs éoliens et les associations qu’ils financent. C’est par des faisceaux d’indices que nous pouvons voir qu’il existe des partenariats financiers. Je précise qu’il n’est pas juridiquement interdit à un promoteur éolien de financer une association environnementale, mais cela nous paraît particulièrement douteux pour l’objectivité de cette association lorsqu’elle est confrontée à une enquête publique au cours de laquelle elle doit se positionner sur le sujet.

Nous avons découvert qu’il existait des liens financiers entre certains promoteurs éoliens et la Fondation du patrimoine. Un communiqué de presse conjoint du 21 novembre 2011 fait état d’un partenariat financier dans le cadre d’une convention triennale entre la Fondation du patrimoine et la société Éole RES, devenue RES. Nous rappelons que les statuts de la Fondation du patrimoine prévoient dans son objet la sauvegarde des patrimoines architecturaux et paysagers.

L’association de défense de la nature WWF est partenaire du promoteur éolien Boralex. Le site internet de WWF affiche clairement qu’elle a signé un partenariat qui repose sur le développement des énergies renouvelables, en particulier l’éolien.

La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a organisé, en novembre 2017, avec le soutien des syndicats des énergies renouvelables et de France Énergie éolienne, un colloque sur le thème « Éolien et biodiversité ». Il se dit, par ailleurs, que des associations locales de la LPO seraient financées pour participer aux études d’impact des éoliennes sur les oiseaux et pour ramasser les oiseaux morts, à proximité des machines. Même si cela n’est pas interdit, cela explique la timidité de certaines structures dans le cadre des enquêtes publiques. La fédération France nature environnement et ses associations auraient également signé des partenariats de ce type.

J’ajoute que le livre de Thibault Kerlizin, Greenpeace, une ONG à double-fond(s), va même plus loin puisqu’il explique que l’ONG Greenpeace serait particulièrement intéressée au développement des éoliennes, étant elle-même actionnaire d’une société Greenpeace Énergie, propriétaire de centrales éoliennes.

Il est intéressant de noter que, dans le cadre de l’enquête publique concernant le dossier des éoliennes entre Yeu et Noirmoutier, les opposants avaient demandé aux cinq commissaires enquêteurs d’interroger le promoteur éolien afin qu’il fournisse la liste exhaustive des sommes payées par la société Éoliennes en mer des îles d’Yeu et de Noirmoutier (ENYM) aux collectivités locales ainsi qu’aux associations.
Dans le rapport, les commissaires enquêteurs n’ont jamais répondu à cette question. Aujourd’hui, en contradiction totale avec la convention d’Aarhus et la charte environnementale, le préfet ne fournit pas à nos avocats les éléments sur le dossier. Pourquoi une telle opacité sur ce sujet ? »



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