Marjolaine Meynier Millefert, (LREM), rapporteur de la
Commission d’enquête parlementaire sur les énergies renouvelables et la
transition énergétique présidée par le député Julien Aubert (2019):
« Quand on a 80 % des gens qui vous disent que le
développement des ENR électriques en France soutient la décarbonation et
finalement la transition écologique en France, je pense que ce n’est pas bon
non plus parce que le jour où les gens vont vraiment comprendre que cette
transition énergétique ne sert pas la transition écologique vous aurez une
réaction de rejet de ces politiques en disant vous nous avez menti en
fait. »
Ben oui, et
des raisons de colères, de vent de colère puissant, il n’y a pas que celle-ci. La déposition devant la Commission Aubert
de M. Fabien Bouglé jette un éclairage cru sur les magouilles, les
pratiques douteuses des margoulins de l’éolien, et même la corruption, ainsi
que l’attitude sur ordre des commissaires enquêteurs. Extraits :
Corruption, financement des associations et enquêtes
publiques
« La question de la corruption et des tarifs de rachat sont au cœur de
la notion d’acceptabilité car un tarif de rachat hors norme d’électricité donne
aux promoteurs éoliens les marges de manœuvre financières pour créer les
conditions, pourrait-on dire, d’acceptation d’un projet éolien, créant une
nette opposition entre, d’une part, les populations victimes des
éoliennes ; d’autre part, les personnes financièrement intéressées, comme
les propriétaires terriens, les élus, les associations locales ou même les
commissaires enquêteurs, financièrement rémunérés par les promoteurs éoliens.
C’est une population démunie, rurale ou littorale, qui est confrontée à des
rouleaux compresseurs financiers et marketings, soutenus par une administration
soumise aux objectifs définis par le Gouvernement.
C’est ainsi que grâce aux retours de la France entière, j’ai pu mettre en
lumière trois grands phénomènes qui entachent la filière éolienne dans ses
pratiques et participent à la remise en cause de l’acceptabilité sociale de ses
machines : la corruption, le
financement des associations et les enquêtes publiques – pratiques
structurellement favorables à l’éolien et peu respectueuses de la démocratie.
Une corruption endémique
Premier point : la corruption. En juillet 2014, dans son rapport
d’activité, le Service central de
prévention de la corruption a dénoncé la multiplication des prises
illégales d’intérêts dans l’éolien, évoquant un phénomène d’ampleur. On y
lit : « Le développement de
l’activité éolienne semble s’accompagner de nombreux cas de prises illégales
d’intérêts impliquant des élus locaux. » Il ajoute : « Les
élus visés sont attirés par les revenus substantiels tirés de l’implantation
d’éoliennes sur des terrains leur appartenant et par un régime fiscal
favorable. »
Il émettait ensuite une alerte : « Le Service central de
prévention de la corruption appelle donc l’attention des pouvoirs publics sur
la gravité de ce phénomène et rappelle
qu’il est impératif d’empêcher la confusion entre intérêts publics et intérêts
personnels des élus. Il existe un risque de développement d’atteinte à la
probité beaucoup plus grave, comme celui de la corruption. Ce phénomène a déjà
pu être constaté dans certains pays européens, dans lesquels serait impliquée
la criminalité organisée. » Le service central de prévention de la
corruption faisait ainsi référence à ce qui se passe en Italie et à
l’infiltration de la mafia dans le secteur éolien.
Deux ans et demi après, le Service central de prévention de la corruption
sera dissous et mes contacts mutés. »
Commentaire : Comme c’est
étrange ! le SCPC s’était vraiment engagé sur la question, (cf. notamment,
Martine Kis, la corruption, un risque bien réel pour les collectivités
territoriales). Il semble que l1Agence Française Anticorruption qui en a pris
le suite ne montre pas le même zèle, ou, du moins, que la période transition
ait amené une certaine tranquillité pour les margoulins de l’éolien.
« En quelques années, ce sont plus de 200 plaintes qui ont été
déposées et de nombreuses condamnations qui continuent de pleuvoir
régulièrement. La plus récente date d’un mois. Il s’agit d’un maire et
agriculteur du Pas-de-Calais qui a perçu plus de 400 000 euros de
loyer éolien d’une filiale d’Engie et qui a été condamné le 3 juin à
30 000 euros d’amende par la cour d’appel de Douai. L’une des
premières condamnations pour prise illégale d’intérêts a concerné des élus de
Laramière : six élus ont été condamnés, dont le maire. Plus tard, une
conseillère municipale de Mélagues dans l’Aveyron a été condamnée à la
privation de ses droits civiques, civils et familiaux. Son mari, touchait
36 000 euros par an de loyer issu de l’éolien.
Une affaire plus grave reste cependant en suspens : le maire de
Lacaune, dans le sud de la France, voulant installer des éoliennes sur ses
terres, a, en 2008 et 2009, rencontré, avec son député, des membres
du cabinet du ministère de la Défense parce qu’un couloir aérien militaire
empêchait l’installation d’éoliennes sur ses terres. Après deux rendez-vous, il
a obtenu gain de cause et une dérogation autorisant cette installation proche
d’un couloir aérien militaire, alors même que les membres du cabinet du ministre
étaient informés que les éoliennes seraient implantées sur les terres du maire.
Il a été mis en examen en décembre 2015 pour prise illégale d’intérêts et
mis sous contrôle judiciaire par le juge d’instruction de Castres. À ce jour,
il n’a toujours pas été renvoyé devant le tribunal correctionnel. »
« Je finirai sur la question de la corruption en rappelant que, le
8 décembre 2014, le syndicat France
Énergie éolienne a écrit une lettre à cinquante députés pour suggérer une
réforme de la prise illégale d’intérêts, délit qui était, selon ce syndicat,
instrumentalisé par les écologistes anti-éoliens, qualifiés de « militants
anti-républicains ». L’Assemblée nationale a refusé de donner suite à
cette demande, alors que le délit de prise illégale d’intérêts était en cours
de réforme, mais cet épisode a mis au grand jour les méthodes des promoteurs
éoliens. »
Commentaire : Ben oui, tiens, pourquoi
se gêner ?
Comment manipuler un conseil
municipal ? Les baux emphythéotiques.
Les opposants aux projets d’éoliennes
ne découvrent qu’au moment de l’autorisation d’exploiter, c’est-à-dire des
années après, les prises illégales d’intérêts de certains élus. L’opacité est
totale. Nous ne
disposons d’aucune information tant que nous ne disposons pas du dossier
administratif du préfet qui nous a consultés ; nous n’en disposons qu’une
fois l’autorisation d’exploiter délivrée. Ce n’est qu’une fois le dossier
administratif en main que l’on a découvert la situation de M. Onillon. Cela met
du temps, à tel point que les infractions sont parfois prescrites. Auparavant,
le délit était prescrit après trois ans ; aujourd’hui, après six ans.
C’est ainsi que de nombreuses personnes impliquées dans des affaires de prise
illégale d’intérêts n’ont pas été condamnées.
Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’entends votre position.
Quelles recommandations feriez-vous pour que les situations soient plus
transparentes ? Les déclarations d’intérêts devraient-elles intervenir en
amont ? S’il est connu et encadré, un intérêt peut être accepté.
M. Fabien Bouglé. Je suis favorable à une publicité
dès le début des promesses de baux emphytéotiques. Pourquoi ces
informations ne seraient-elles pas rendues publiques par le promoteur
éolien ? Au début du projet, intervient ce que l’on appelle la maîtrise
foncière. Les promoteurs éoliens
demandent aux commerciaux de trouver des terres, lesquels contactent
préférentiellement les élus ou les membres de leur famille. Ensuite, la mairie
vote une délibération rendant un avis favorable à l’engagement d’une étude
de faisabilité de la centrale éolienne sur le territoire du village. À ce
moment-là, le promoteur éolien pourrait afficher les promesses de baux
emphytéotiques qu’il a signées avec tel ou tel élu.
Dans un village, en Normandie, je crois, le préfet a envoyé une lettre de
mise en garde à la mairie car un certain nombre d’élus étaient personnellement
intéressés par le projet de centrale éolienne. Lorsque je parle d’intérêt, il
s’agit d’un intérêt personnel, l’argent que touche un élu à titre personnel. Le
préfet a donc relevé que plusieurs élus avaient un intérêt personnel, direct ou
indirect. Lorsque lesdits élus ont quitté la salle de délibération, les élus
qui restaient ont voté contre le projet. On voit bien que l’acceptabilité du
projet change selon que l’on implique ou non les élus intéressés.
Les enquêtes publiques manipulées
par les commissaires enquêteurs, au service des lobbys éoliens
« Avant même toute décision d’accord ou de refus d’un parc éolien,
trois acteurs clés – le commissaire enquêteur, le promoteur éolien et le
tribunal administratif – sont en lien pour la rémunération du commissaire
enquêteur, qui ne sera d’ailleurs jamais connue et qui restera opaque, au point
de ne jamais être mentionnée dans les rapports d’enquête publique. L’opacité
sur la rémunération des commissaires enquêteurs est totale et n’est pas
dévoilée dans le cadre des enquêtes publiques.
Nous avons découvert que des formations destinées aux commissaires
enquêteurs étaient réalisées par les promoteurs éoliens eux-mêmes. Je dispose
de slides de formations et un programme de formation de 2013, organisée avec le
concours de tribunaux administratifs et de la direction régionale de
l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), des cours étant
dispensés aux commissaires enquêteurs par des promoteurs éoliens pour leur
expliquer comment organiser une enquête publique. Cette connivence, pour ne pas
dire cette collusion, se traduit sur le terrain par des résultats édifiants.
Pour les éoliennes d’Arromanches, par
exemple, l’enquête publique avait démontré une opposition de 67 %. L’avis
du commissaire-enquêteur fut favorable. À Noirmoutier, une opposition de
76 % avec une forte mobilisation et plus de 1 700 contributions.
L’avis des commissaires enquêteurs fut favorable à l’unanimité.
Pour le terrestre, les exemples sont très nombreux. Je ne dispose pas de
listes à vous fournir, mais je peux vous livrer quelques exemples. À Brignac,
dans le domaine rural, au nord-ouest du Morbihan, sur 89 contributions, 5 étaient favorables et 84 opposées. L’avis du
commissaire-enquêteur était pourtant favorable.
Partout, des témoignages édifiants sont remontés de citoyens, choqués par
l’attitude des commissaires enquêteurs, souvent très favorables à l’éolien,
dissertant dans les rapports sur la piètre culture écologique et
environnementale des participants ou de leur tropisme « not in my back
yard ». Le mépris et le dédain de certains commissaires enquêteurs
sont souvent ressentis par les citoyens participant sincèrement à ces enquêtes
publiques. On est loin de la convention internationale d’Arrhus traduite dans
la charte environnementale, en son article 7, qui exige la participation
des citoyens aux décisions ayant un impact sur leur environnement. La
convention ne demande pas un avis, elle « exige » que le citoyen soit
acteur de la décision. Manifestement,
par leur attitude, les commissaires enquêteurs prennent en otage la
souveraineté populaire issue des valeurs de la République en donnant leur
opinion, ce qui est totalement contraire à la convention.
Je finirai cet exposé en rappelant que le 1er mai 2018,
Jacques Turpin, commissaire enquêteur du projet de Noirmoutier, dans un mail
envoyé par mégarde aux opposants et devenu emblématique, traitait les opposants
« de personnes sans scrupule et au
QI qui n’est pas celui du géranium. » Il a réagi ainsi après que les
opposants se sont offusqués que la
permanence des commissaires enquêteurs présentait les affiches, les tracts, les
logos commerciaux des promoteurs éoliens et même le registre dématérialisé avec
le logo du promoteur éolien. Un
commissaire enquêteur devant témoin a confirmé avoir distribué des tracts
commerciaux du promoteur éolien…Pour rappel, cette enquête ne sera pas
suspendue par le préfet, le commissaire enquêteur ne sera pas radié
sur-le-champ et ni le préfet de Vendée ni le président du tribunal
administratif de Nantes n’ont procédé à des sanctions administratives de ce
fait, et un avis favorable sera donné pour l’enquête publique, avec la
signature du commissaire enquêteur insultant… »
Et autres stratégies d’influences
« Outre les prises illégales d’intérêts, nous avons découvert que les promoteurs éoliens finançaient les
collectivités locales. La mairie de Noirmoutier a reçu environ
3 000 euros par an au prétexte d’activités culturelles du promoteur
éolien et le conseil départemental de Vendée, via la structure du Vendée Globe,
a reçu 500 000 euros. Ces deux collectivités ont exprimé leur
avis favorable lors de l’enquête publique de Noirmoutier en 2018. Une enquête préliminaire
pour corruption a d’ailleurs été ouverte par le procureur des
Sables-d’Olonne. »
« Je vais vous faire part d’un
exemple dans l’Orne, en Basse-Normandie. Une institutrice de bonne volonté – il
ne s’agit nullement de remettre en cause le travail formidable des enseignants
– avait, à la demande du promoteur éolien, organisé un concours de dessin parmi
les enfants du primaire. Le gagnant devait recevoir une éolienne en plastique.
Dans l’école de ce petit village, cela a engendré un chaos entre les enfants
des opposants aux éoliennes et les enfants des parents qui avaient des
éoliennes sur leurs terres. Le conflit larvé du village s’est reporté sur
l’école. »
Financement d’associations. Il est très difficile d’avoir
des éléments prouvant que des sommes d’argent transitent entre les promoteurs
éoliens et les associations qu’ils financent. C’est par des faisceaux d’indices
que nous pouvons voir qu’il existe des partenariats financiers. Je précise
qu’il n’est pas juridiquement interdit à un promoteur éolien de financer une
association environnementale, mais cela nous paraît particulièrement douteux
pour l’objectivité de cette association lorsqu’elle est confrontée à une
enquête publique au cours de laquelle elle doit se positionner sur le sujet.
Nous avons découvert qu’il existait des liens financiers entre certains
promoteurs éoliens et la Fondation du patrimoine. Un communiqué de presse
conjoint du 21 novembre 2011 fait état d’un partenariat financier dans le
cadre d’une convention triennale entre la Fondation du patrimoine et la société
Éole RES, devenue RES. Nous rappelons que les statuts de la Fondation du
patrimoine prévoient dans son objet la sauvegarde des patrimoines
architecturaux et paysagers.
L’association de défense de la nature WWF est partenaire du promoteur
éolien Boralex. Le site internet de WWF affiche clairement qu’elle a signé un
partenariat qui repose sur le développement des énergies renouvelables, en
particulier l’éolien.
La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a organisé, en novembre 2017,
avec le soutien des syndicats des énergies renouvelables et de France Énergie
éolienne, un colloque sur le thème « Éolien et biodiversité ». Il se
dit, par ailleurs, que des associations locales de la LPO seraient financées
pour participer aux études d’impact des éoliennes sur les oiseaux et pour
ramasser les oiseaux morts, à proximité des machines. Même si cela n’est pas
interdit, cela explique la timidité de certaines structures dans le cadre des
enquêtes publiques. La fédération France nature environnement et ses
associations auraient également signé des partenariats de ce type.
J’ajoute que le livre de Thibault Kerlizin, Greenpeace, une ONG à double-fond(s), va même plus loin
puisqu’il explique que l’ONG Greenpeace serait particulièrement intéressée au
développement des éoliennes, étant elle-même actionnaire d’une société
Greenpeace Énergie, propriétaire de centrales éoliennes.
Il est intéressant de noter que, dans le cadre de l’enquête publique
concernant le dossier des éoliennes entre Yeu et Noirmoutier, les opposants
avaient demandé aux cinq commissaires enquêteurs d’interroger le promoteur
éolien afin qu’il fournisse la liste exhaustive des sommes payées par la
société Éoliennes en mer des îles d’Yeu et de Noirmoutier (ENYM) aux
collectivités locales ainsi qu’aux associations.
Dans le rapport, les commissaires enquêteurs n’ont jamais répondu à cette
question. Aujourd’hui, en contradiction totale avec la convention d’Aarhus et
la charte environnementale, le préfet ne fournit pas à nos avocats les éléments
sur le dossier. Pourquoi une telle opacité sur ce sujet ? »
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