Marjolaine Meynier Millefert, (LREM), rapporteur de la
Commission d’enquête parlementaire sur les énergies renouvelables et la
transition énergétique présidée par le député Julien Aubert (2019):
« Quand on a 80 % des gens qui vous disent que le
développement des ENR électriques en France soutient la décarbonation et
finalement la transition écologique en France, je pense que ce n’est pas bon
non plus parce que le jour où les gens vont vraiment comprendre que cette
transition énergétique ne sert pas la transition écologique vous aurez une
réaction de rejet de ces politiques en disant vous nous avez menti en
fait. »
Commission
Aubert : Audition, ouverte à la presse de M. François-Marie
Bréon, chercheur au Laboratoire des Sciences du climat et de l’environnement de
l’Institut Pierre-Simon Laplace
Le changement
climatique : un problème vraiment urgent
« Le dioxyde de
carbone (CO2) est le principal moteur du changement climatique mais
il ne faut pas oublier qu’il y a d’autres contributions – il existe d’autres
gaz à effet de serre et il y a les aérosols et le changement d’occupation des
sols, qui sont également importants. Le moteur du changement climatique est
parfaitement compris et quantifié. Il existe néanmoins des incertitudes sur ce
qui va se passer dans l’avenir. Elles sont essentiellement liées aux
rétroactions : le réchauffement du climat va modifier, par exemple, les
nuages, les forêts et la végétation au sol, ce qui peut amplifier le
réchauffement ou au contraire le réduire.
Je voudrais également
insister sur le fait que les changements climatiques annoncés sont absolument
considérables et surtout très rapides au regard des variations naturelles du
climat que l’on a pu observer dans le passé et sur lesquelles on travaille en
particulier dans mon laboratoire.
Par ailleurs, les
dommages ne se situent pas sur les lieux d’émission des gaz à effet de serre.
On voit bien que les pays qui en émettent le plus se situent aux latitudes
moyennes de l’hémisphère Nord alors que les plus vulnérables au changement
climatique sont plutôt les pays tropicaux, qui émettent assez peu de gaz à
effet de serre. La diminution des émissions a donc une certaine dimension
éthique. En outre, ceux qui vont le plus subir le réchauffement climatique sont
nos descendants, qui ne sont pas encore nés ou, en tout cas, qui ne votent pas
encore. Il faut se demander si nous travaillons uniquement pour nous ou pour
des gens qui habitent ailleurs dans le monde ou qui ne sont pas encore nés.
Limiter le changement climatique à 1,5° ou 2°, comme on l’a été prévu dans le cadre de l’accord de Paris, demandera une diminution considérable et rapide des émissions de CO2. Il y a vraiment une urgence….
Le changement
climatique est déjà là. Je ne vous l’apprends pas : nous avons battu la semaine
dernière le record de température en France, quasiment de deux degrés, ce qui
est énorme. Le niveau des océans monte, des populations d’animaux se déplacent
vers le nord… Il ne faut pas parler du « futur » changement climatique. Nous y
sommes déjà, et il s’accentuera.
M. le
président Julien Aubert. Il y a donc une contradiction. Vous avez
travaillé sur le rapport du GIEC qui dit, en substance, « encore quarante
jours, et Ninive sera détruite » (Sourires).
M. François-Marie
Bréon. Non, ce n’est pas ce que dit le rapport du GIEC.
M. le
président Julien Aubert. On nous dit qu’il faut mettre les moyens
maintenant, qu’il faut accélérer, afin de respecter l’objectif de limiter le
réchauffement à 1,5 ou 2°. Le moyen est de diviser par 4, 6 ou 8 les émissions,
mais vous nous dites que les sociétés ne sont pas prêtes pour le facteur 4, que
cela suppose un changement radical. Par conséquent, que doit-on faire ?
M. François-Marie
Bréon. Je voudrais d’abord rétablir un fait : le GIEC ne dit pas que
c’est ce qu’il faut faire, mais que si l’on veut stabiliser le climat, en
limitant à 2° la hausse des températures, c’est ce qu’il faut faire. Le GIEC
n’est pas prescriptif sur le point de savoir s’il est plus important de
garantir le niveau de vie ou de limiter le changement climatique. Ce n’est
pas une question scientifique mais politique. Les États, lors de la COP21, se
sont mis d’accord sur un objectif qui est de limiter le changement climatique à
+2°. C’est une décision politique. Le GIEC explique ensuite ce qu’il faut faire
pour atteindre cet objectif : il faut arriver à la neutralité carbone
d’ici à 2050.
Je vous ai dit que je
suis pessimiste. J’ai peut-être tort : peut-être qu’on pourra quand même y
arriver, que les gens vont prendre conscience et qu’il va y avoir des
développements techniques. Par ailleurs, même si je suis pessimiste, je
pense que chaque demi-degré compte : le changement climatique est plus
grave si la hausse est de 2° plutôt que de 1,5° ; c’est plus grave encore
si elle atteint 2,5° ou a fortiori 3°. Notre
devoir est quand même d’essayer de limiter autant que possible le changement
climatique. On verra à quoi on arrivera, mais on n’a pas le droit de
dire que se limiter à 2° n’est pas possible et que, par conséquent, on ne fait
rien.
M. le
président Julien Aubert. L’impact que la France peut avoir sur
le total des émissions de CO2 dans le monde en divisant par 6
ou par 8 ses propres émissions est de l’ordre du dix-millième de degré…
M. François-Marie Bréon. Ce n’est peut-être pas un dix millième de degré, mais vous avez tout à fait raison : si la France est la seule à réaliser un effort, dans son coin, elle subira le changement climatique de la même manière que les autres pays. Le CO2 n’a pas de frontière. La lutte contre le changement climatique est nécessairement un effort international, et c’est d’ailleurs ce qui rend les choses difficiles, j’en suis bien conscient.
On peut quand même
modérer un petit peu ce propos. En plus de l’impact des émissions de
carbone sur le climat, qui nous pousse à limiter celles-ci, il y aura aussi des
contraintes du point de vue de l’approvisionnement en combustible fossile. La
France ayant peu de réserves, nous avons intérêt à sortir du carbone pour être
moins affectés par cette fin du pétrole. La question de savoir si nous
avons déjà passé le peak oil ou si ce sera dans dix ans
suscite le débat mais il est clair que nous connaîtrons au cours de ce siècle,
voire au cours de ce demi-siècle, des contraintes importantes de ce point de
vue. Nous avons donc tout intérêt, indépendamment même de la question
climatique, à limiter nos importations de combustibles fossiles et à nous
préparer à des contraintes fortes en ce qui concerne l’approvisionnement.
Combattre le
réchauffement ou s’y adapter ?
M. le
président Julien Aubert. Si nous ne faisions pas ce que nous faisons
actuellement, faudrait-il affecter les montants à d’autres secteurs dont vous
avez parlé, comme l’industrie et les transports ? Pour vous, la politique
en faveur de la transition énergétique devrait-elle reposer davantage sur les
transports ? Son acceptabilité sociale serait-elle plus élevée ?
Ou bien faut-il tout
simplement arrêter de lutter contre le réchauffement et consacrer notre argent
à nous y adapter ? …
M. François-Marie
Bréon. Le climat changera de toute façon et se réchauffera. Il
faudra donc de toute façon des politiques d’adaptation. Elles ne se résument
cependant pas à des problématiques de coût ; il s’agit aussi des
comportements. Cela veut dire que les nouveaux bâtiments devront être
construits différemment, et cela ne coûtera pas forcément beaucoup plus cher.
Par ailleurs, nous
devons aussi réduire nos émissions, un peu pour donner l’exemple et montrer que
c’est possible et aussi parce que nous avons besoin de limiter nos
importations et notre dépendance aux combustibles fossiles, car ce sera de
toute façon, indépendamment de la question climatique, un problème au cours du
XXIe siècle. Quant à l’acceptabilité, il sera
difficile de faire admettre le déménagement d’Amiens… Il deviendra certes plus
difficile d’habiter certaines régions françaises et il faudra consacrer de
l’argent à cette question, mais il ne me semble pas que ce soit « l’un ou
l’autre ».
En revanche, il
me paraît très clair que l’argent consacré au développement des énergies
renouvelables électriques, essentiellement pour réduire la part du nucléaire,
ne sert ni à l’adaptation ni à la mitigation. C’est autant d’argent
qui pourrait être employé bien plus utilement. Encore une fois, je cite
Jean-Marc Jancovici que vous avez déjà auditionné. Il faisait remarquer que
l’argent consacré à subventionner les énergies renouvelables aurait permis
d’équiper pratiquement toutes les maisons individuelles de pompes à chaleur, donc
de diminuer très fortement les émissions de gaz à effet de serre liées au
chauffage de ces maisons
La
solution : l’électrification décarbonée, donc nucléaire
Comment peut-on
diminuer les émissions de carbone ? Il y a trois catégories de
méthodes. La sobriété consiste à consommer moins de viande, à
avoir des logements comptant moins de mètres carrés, à parcourir moins de
kilomètres en voiture ou en avion, à acheter moins d’objets ou à prendre des
douches plutôt que des bains, ce qui veut dire que l’on change de niveau de
vie. L’efficacité, qui ne suppose pas de changer de niveau de vie, fait
appel à la technologie pour émettre moins de carbone, par exemple en ayant
une meilleure isolation des bâtiments, en utilisant des moteurs qui ont un
meilleur rendement ou en faisant de la cogénération. L’électrification
des usages énergétiques, enfin, implique de se chauffer à
l’électricité ou d’avoir des voitures électriques plutôt que fonctionnant au
fioul, à condition que l’électricité soit non carbonée.
J’insiste sur
l’électrification car on entend souvent dire qu’il faut diminuer la
consommation d’énergie et donc celle de l’électricité pour lutter contre
les gaz à effet de serre. Selon moi, c’est une grave erreur de
raisonnement : une augmentation de la consommation électrique peut être
une très bonne chose pour le climat s’il y a un transfert entre des
postes émetteurs de CO2 vers d’autres qui ne le sont pas
En France,
les émissions de CO2 dues à l’électricité sont extrêmement
faibles par rapport à ce que l’on observe dans les autres pays figurant dans le
graphique. Dans l’industrie, le transport routier et les autres
transports, en revanche, soit on est dans la moyenne mondiale soit on a des
valeurs plutôt plus fortes. S’il y a un domaine où la France est plutôt un bon
élève et où on pourrait presque dire que nous sommes exemplaires, c’est la
production d’électricité. Partout ailleurs, nous sommes dans la moyenne
mondiale ou nous faisons moins bien. On peut donc trouver qu’il est extrêmement
surprenant de se concentrer sur le seul secteur où nous sommes bons au niveau
mondial quand on dit que l’on va réaliser une transition énergétique en France
afin de limiter l’impact de notre pays sur le climat – il faudrait se
concentrer sur les transports, l’industrie et le secteur résidentiel.
Les ENR, ça va pas le
faire !
Je vais maintenant
vous montrer quelques graphiques relatifs à l’électricité en France et faire
quelques commentaires sur ce sujet. Les énergies renouvelables dont nous
parlons produisent essentiellement de l’électricité, avec l’objectif de
remplacer le nucléaire. Ces figures, que j’ai réalisées à partir de données
fournies par Réseau de transport d’électricité (RTE), décrivent 7 ans de
consommation et de production d’électricité en France.
La consommation,
représentée par la courbe noire, varie typiquement entre 40 et 80 gigawatts
(GW), selon un cycle annuel très important – tout le monde sait que la France
consomme plus d’électricité en hiver, essentiellement du fait du chauffage. La
production d’électricité nucléaire, qui est représentée en vert, suit
relativement bien la consommation : on ajuste la production des centrales,
qui est plus faible en été et plus importante en hiver. La production nucléaire
est vraiment ajustée à la demande : elle est pilotable. Les autres sources
utilisées sont également représentées, en particulier l’hydraulique, qui figure
en bleu. Dans ce domaine, on atteint un maximum au printemps, et il y a de très
importantes variations quotidiennes, qui permettent aussi de s’ajuster à la
demande. La courbe rouge correspond aux énergies renouvelables : elles
sont en croissance, mais ce n’est pas très visible car elles représentent une
partie faible de la production.
J’ai donc réalisé un autre graphique qui est identique au précédent à ceci près que j’ai multiplié les énergies renouvelables par 5, ce qui permet de figurer un peu ce que pourrait être la production électrique en France grâce aux énergies renouvelables si on mettait en place, dans les 15 prochaines années, toutes les mesures dont il est question aujourd’hui – à savoir la multiplication des éoliennes et du photovoltaïque. On voit que la production des énergies renouvelables est extrêmement aléatoire : il y a de très fortes variations d’un jour à l’autre sans qu’il existe nécessairement une corrélation avec la demande, avec le besoin en France, ce qui conduirait évidemment à des contraintes importantes pour le réseau électrique.
On voit bien le cycle quotidien
et le cycle hebdomadaire – on consomme moins le week-end que pendant les jours
de semaine – mais aussi l’effet du 25 décembre – la plupart des industries
étant fermées, la consommation est plus faible. Il y a eu des périodes, par
exemple autour des 7,8 et 9 décembre, où il y avait beaucoup de vent et où
la production éolienne, si on avait vraiment multiplié par 5 le parc actuel,
aurait permis de répondre à la demande en électricité. Vers les 26, 27, 28 et
29 décembre, en revanche, il y a eu une assez longue période pendant
laquelle la production aurait été extrêmement faible, alors même que j’ai
multiplié par 5 la production d’électricité éolienne dans mon modèle, ce qui
représente une capacité installée de 75 GW – c’est considérable : cela va
au-delà de la capacité installée dans le secteur nucléaire à l’heure actuelle.
La grande question, que je ne
suis pas le premier à poser, est la suivante : dans un tel système, que
fait-on pendant cette période ? Comment produit-on l’électricité dont on a
besoin ? On peut subvenir aux besoins de différentes manières : il
est possible d’ajuster la demande en demandant de consommer moins – on peut
fermer des industries, arrêter des trains, demander que les machines à laver
tournent le lendemain, voire la semaine suivante, car des périodes sans vent
peuvent durer plus d’une semaine –, on peut faire du stockage et déstocker en
cas de besoin, on peut recourir au « foisonnement » et supposer que
nos voisins vont apporter l’électricité dont on a besoin, et on peut aussi avoir
un « backup » pilotable, qui doit être peu utilisé, en particulier
s’il fait appel au gaz. Chacune de ces solutions a un coût : cela va
demander des moyens, des infrastructures, et il serait d’ailleurs
assez normal que les coûts d’infrastructure et de réseaux correspondants soient
inclus dans le bilan financier des énergies renouvelables – or on ne le fait
absolument jamais. En pratique, le coût est prohibitif, comme l’a indiqué
Jean-Marc Jancovici lors de son audition, il y a quelques semaines.
Il est possible, et relativement
facile, de compenser l’intermittence des énergies renouvelables lorsque leur
part est relativement faible et lorsqu’il y a une part d’énergie fossile, de gaz
ou de charbon, qui reste importante, car on peut piloter la production ;
mais si on vise un système électrique dans lequel il y a très peu de
combustible fossile, cela devient extrêmement difficile.
En ce qui concerne le
foisonnement, je vais vous montrer la carte des vents en France et en Europe
lors de l’épisode dont je viens de parler – à la fin du mois de décembre de
l’année dernière. On voit qu’il y avait très peu de vent sur presque l’ensemble
de l’Europe de l’Ouest pendant ces 4 jours. On dit souvent qu’il y a toujours
du vent quelque part – c’est vrai, mais y en a-t-il suffisamment pour assurer
la production électrique ? Dans la période dont je vous parle, ce n’était
absolument pas le cas. La production éolienne dans l’ensemble de l’Europe de
l’Ouest aurait été beaucoup trop faible pour assurer la production d’électricité
dont on avait besoin.
J’ai beaucoup parlé de l’éolien car c’est ce qui se développe le plus vite aujourd’hui, mais je voudrais également aborder la question du solaire. Tout ce que j’ai dit à propos de l’éolien – il y a vraiment un grave problème du fait de l’intermittence – est encore plus vrai dans le cas du solaire. Je vais m’appuyer sur un graphique qui fait apparaître uniquement le solaire, et non plus un mélange avec l’éolien.
Il y a eu un développement très
rapide du solaire : la production était nettement plus importante en 2018
qu’en 2012, ce que certains considèrent comme un élément très favorable, mais
on voit aussi que cette production est complètement anticorrélée avec la
demande, c’est-à-dire la consommation. Le solaire produit beaucoup l’été, alors
que la consommation est assez faible, et produit vraiment très peu l’hiver, au
moment où la consommation est maximale. Pour moi, le solaire est une aberration
en France : développer cette énergie ne présente absolument aucun intérêt,
et je ne comprends donc pas qu’on le fasse.
Mme Marjolaine
Meynier-Millefert, rapporteure Si je parlais de contradiction, c’est que, tout en
soulignant que le photovoltaïque ne peut couvrir les besoins des pics d’hiver,
vous annonciez comme inévitables des pics d’été. Si le photovoltaïque est
suffisamment efficace en été, cela justifierait qu’on le développe…
M. François-Marie
Bréon. Aujourd’hui,
nous avons un système de production électrique dimensionné pour l’hiver. Il en
résulte une surcapacité pour l’été. Nous n’avons donc aucun mal à répondre à la
demande.
Je regarde pratiquement tous les
jours les niveaux de l’offre et de la demande d’électricité en Europe. Pendant
la semaine de canicule, la consommation avait beau être à son maximum en raison
du développement de la climatisation, nous parvenions encore à exporter près de
dix gigawatts en Allemagne ! Nous étions donc très loin d’avoir besoin de
production supplémentaire. Le système de production, dimensionné pour l’hiver,
suffit largement à répondre aux besoins de l’été.
Pas de solutions de stockage
A l’heure actuelle, le stockage
n’existe pas. Même en Allemagne, pays qui connaît quand même déjà de gros
problèmes liés à l’intermittence, avec pas mal de périodes de prix négatifs, il
n’y a aujourd’hui pas de stockage. Je me suis amusé à calculer ce matin quel
temps de consommation électrique peut être stocké sur l’ensemble des batteries
du monde : moins d’une minute de production électrique. Et lorsque je dis «
moins d’une minute », je veux dire : un dixième de minute. En France, c’est le
même ordre de grandeur
Aujourd’hui, il n’y a donc pas
vraiment de solutions de stockage. Peut-être quelqu’un aura-t-il une excellente
idée pour un stockage pas trop cher et efficace, c’est-à-dire sans trop de
pertes en ligne. Ce jour-là, je serai prêt à changer d’opinion. Tant que cela
n’existe pas, je trouve vraiment dangereux de se lancer à corps perdu dans le
développement des énergies renouvelables, aléatoires, intermittentes, mais je
le répète : je suis prêt à changer d’opinion lorsqu’une solution de stockage
apparaît
Le CO2 : ? « Pour
l’instant, ces technologies ne sont pas complètement abouties… Ensuite, la
question de l’acceptabilité sociale pourra être posée. Les gens seront-ils
d’accord pour avoir du dioxyde de carbone sous pression sous leurs pieds ?
Je suis certain qu’il y aura des oppositions ; on peut bien sûr y faire
face. À titre personnel, je serais beaucoup plus à l’aise si des déchets
nucléaires solides sont enfouis dans une couche d’argile à 500 mètres de
profondeur que si du dioxyde de carbone se trouve sous pression au même
endroit. Je crains bien plus un relargage de dioxyde de carbone qui tuera tout
le monde – plus lourd que l’air, le dioxyde de carbone reste en surface et tout
le monde suffoquera – que des déchets nucléaires, sous forme solide, dont la
remontée prendra bien longtemps.
Pour ma part, j’aurais plus
protesté contre la présence de CO2 sous pression dans mon
sous-sol que contre des déchets nucléaires – je fais un peu de
provocation »
Autoconsommation : les passagers clandestins
Je ne comprends pas, en
particulier, que l’on favorise l’autoconsommation. J’ai préparé une figure, là
encore à partir de données provenant de RTE, qui montre la consommation moins
la production nucléaire et hydraulique, sur l’axe des abscisses, et la
production photovoltaïque sur l’axe des ordonnées. Pour résumer, lorsqu’il y a
des excès de production, la production photovoltaïque est importante et, au
contraire, lorsqu’il y a des besoins d’électricité, cette production est très
faible. En favorisant l’autoconsommation, on accentue la décorrélation entre
les besoins et la production et donc on finance la déstabilisation du système
par les particuliers.
Les autoconsommateurs ne
consomment donc pas leur électricité, ils fournissent de l’électricité quand il
n’y a pas de besoins, et demandent la même électricité que d’habitude lorsque
le réseau est en pénurie.
Nous sommes donc en train de
financer le développement de panneaux photovoltaïques sur les habitations sans
qu’ils n’aient aucun impact positif sur le système. Au contraire, nous
déstabilisons le système en accentuant la différence entre notre potentiel de
production et la consommation.
M. Vincent Descoeur. Donc les
autoconsommateurs consomment lorsque nous aurions besoin qu’ils alimentent le
réseau ?
M. François-Marie
Bréon. Ils produisent en même temps que tout le monde, lorsqu’il y a déjà trop
d’électricité, mais pas pendant la pointe de l’hiver.
Le problème du système électrique
en France se pose les jours froids, en hiver, à 19 heures. C’est dans ces
moments que le système est sous contrainte et que nous sommes obligés de
démarrer des centrales fossiles. Dans ces moments, les autoconsommateurs ne
vont rien produire et solliciter le système de la même manière que les autres.
Donc l’autoconsommation n’apporte rien au système, elle ne résout pas le
problème des pointes de consommation en hiver. En finançant le photovoltaïque,
nous détruisons la stabilité du système électrique.
Et pour finir, un petit
délire sur l’acceptabilité sociale :
Mme Marjolaine
Meynier-Millefert, rapporteure. Vous affirmez que dans une démocratie, il ne sera
pas possible de tenir l’objectif de réduction des émissions d’un facteur
quatre. Pensez-vous que la transition énergétique ne sera jamais socialement
acceptable ?
M. François-Marie
Bréon. Cette question devrait être posée à un sociologue, mais voyez ce qu’il se
passe lorsque le prix de l’essence augmente de trois centimes. Les mesures
nécessaires pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre d’un facteur
quatre seraient infiniment plus exigeantes.
Beaucoup dépendra du cadre dans
lequel ces mesures seront prises, entre 1914 et 1918, plusieurs
millions de personnes ont accepté du subir les conditions de vie abominables
des tranchées. Peut-être que ce qui m’apparaît impossible sera accepté par la
population si celle-ci est dans le bon état d’esprit ? Mais cela me paraît
peu crédible au vu des réactions à la proposition d’arrêter de prendre l’avion
en France, d’augmenter le prix de l’essence de trois centimes ou de réduire un
peu la natalité. Nous voyons que ces mesures nécessaires passent très mal. Je
suis pessimiste à ce sujet, mais j’ai peut-être tort.
Mme Laure de La Raudière,
présidente. Votre exemple me fait réagir : en temps de guerre,
les populations sont placées sous le régime de la loi martiale, et l’on ne
demande pas au peuple ce qu’il veut… (NB : groupe AGIR, droite ralliée à LREM)
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