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mardi 18 août 2020

Les Energies Renouvelables sont-elles réellement renouvelables, durables, écologiques, résilientes ? L’ELF (Element Limitation Factor)


Quelques explications sur l’ELF (Element Limitation Factor) et conséquences : les scénarios qui reposent sur des sources d'énergie intermittentes en association avec batteries se heurtent à de sévères risques de pénurie en matière premières.

Dans le blog sur les chiffres clés du nucléaire, j’ai mentionné le nucléaire comme champion de l’Element Limitation Factor et de la durabilité

C’était à vrai dire une conséquence de la très forte ( imbattable ?) forte densité énergétique des combustibles nucléaires 1 g d'uranium 235 dégage autant d'énergie que 2,4 tonnes de charbon et 1,6 tonnes de pétroles !!!, de la disponibilité des ressources, et surtout de la possibilité de recycler le combustible dans des réacteurs de 4ème génération (Superphenix, Astrid…. et qui fonctionnent déjà en Russie à Beloyarsk )
Et du fait que le nucléaire est aussi  champion de l’économie en matériaux : une étude du Department of Energy  donne 800 t/TWh de béton et 160 t/TWh d’acier pour le nucléaire, et 8000 t/TWh de béton et 1800 t/TWh d’acier pour l’éolien, soit un facteur 10 pour le béton et 11 pour l’acier, à l’avantage, très marqué, du nucléaire.



En fait, l’ELF (Element Limitation Factor -limitation des éléments) est un critère de faisabilité /durabilité qui  a été présenté lors de la COP25


Schématiquement, l’idée est assez simple : une technologie ne peut pas être considérée comme capable de satisfaire les besoins si elle nécessite plus que la totalité des ressources mondiales d'un matériau donné.
Et il est en fait très intéressant de l’utiliser pour une analyse des Energies Renouvelables ( beaucoup plus que pour le nucléaire qui passe le critère Haut la Main !)

C’est ce qu’a proposé M. Gerard Grundblatt dans un tweet très intéressant que je reproduis ci-après

« L’éolien et PV sont-elles des énergies réellement renouvelables ?
Les promoteurs et défenseurs de l’éolien et du PV clament sur tous les tons le caractère RENOUVELABLE de ces énergies.

Ils oublient que celles-ci consomment des quantités astronomiques de matières premières dont les sources peuvent devenir limites (en particulier métaux & terres rares) pour la construction des équipements qui vont eux capter ces énergies renouvelables intermittentes

Par exemple, une technologie ne peut pas être considérée comme capable de satisfaire les besoins si elle nécessite plus que la totalité des ressources mondiales d'un matériau donné. Pour mesurer ces quantités un coefficient ELF Element Limitation Factor (limitation des éléments) a été présenté lors de la COP25 http://gisoc.srweb.biz/gisoc/Docs/PosterCorrected.pdf

Le facteur ELF est défini comme le rapport entre la consommation & les ressources. Si ce rapport est >1 la technologie ne peut pas couvrir à elle seule 100 % des besoins énergétiques, c'est-à-dire que ce facteur donne une limite supérieure pour chacune des sources

Grâce à l'ELF, les lacunes de nombreux scénarios sont immédiatement visibles, en particulier les scénarios qui reposent sur des sources d'énergie intermittentes en association avec batteries »



Bon, donc sont soutenables ce qui n’est pas trop loin de 1 le nucléaire, surtout avec surgénérateurs. Le stockage massif dans des batteries se heurte à des limitations en lithium ; la production d’hydrogène est victime de son pauvre rendement, l’hydraulique est limité par le manque de sites, etc. l’énergie solaire se heurte à un problème sérieux d’approvisionnement en métaux divers. En fait, comme l’écrit M. Gerard Grundblatt , tous les scenarios fétiches des 100%ENR couplés à un stockage de masse se heurtent à l’impitoyable pénurie de métaux et terres rares. Impossibilité physique !

L’argent, l’indium, ainsi que le praseodymium, le dysprosium, le terbium et le néodymium ont été identifiés comme faisant face à des pénuries critiques potentielles à moins que la production mondiale ne puisse augmenter de nombreuses fois par rapport à leurs niveaux actuels. D’ici 2050, le besoin annuel d’indium pour la seule production de panneaux (basé sur les modèles IPCC SR15 de croissance de la capacité solaire photovoltaïque) dépassera la production mondiale annuelle actuelle  de douze fois !

Une telle pression de la demande introduit une incertitude économique à long terme dans l’énergie solaire et éolienne, ce qui pourrait rendre l’investissement non viable – et même une incertitude physique fondamentale !

L’éolien, le solaire et les batteries menacés par une pénurie de matières premières »

C’est ainsi que l’excellent Transitions et Energies a pu titrer : « L’éolien, le solaire et les batteries menacés par une pénurie de matières premières »


«Les énergies dites «propres», à savoir les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et les batteries des véhicules électriques, sont totalement dépendantes de nombreuses matières premières et plus particulièrement de métaux rares. Sans un approvisionnement continu, important et fiable, il n’est pas question de voir se multiplier dans les prochaines années les productions d’électricité par des renouvelables et les véhicules électriques sur les routes. Toutes les stratégies de transition énergétique faisant appel au solaire, à l’éolien et au transport électrique par batteries sont aujourd’hui menacées. Quant aux alternatives moins consommatrices de matières premières et plus locales, comme l’hydrogène ou la géothermie, par exemple, elles ne figurent même pas en France dans les plans à long terme des pouvoirs publics. »

L’avertissement de l’AIE ! « Surveiller surveiller la sécurité de l’approvisionnement en minéraux nécessaires à la transition écologique »

Quasiment simultanément, l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) prévenait : « La crise du Covid-19 a mis en évidence la nécessité de surveiller la sécurité de l’approvisionnement en minéraux nécessaires à la transition écologique »


Pour donner un ordre d’idées de cette dépendance aux matières premières minérales et métalliques, la construction d’une voiture électrique à batteries en nécessite 5 fois plus qu’un véhicule à moteur thermique. De la même façon, construire un ensemble d’éoliennes demande huit fois plus de matières premières qu’une centrale au gaz offrant la même puissance théorique de production d’électricité. Et encore, les éoliennes sont par définition intermittentes.

La fabrication des batteries lithium-ion des véhicules électriques et des mêmes batteries utilisées pour stocker l’électricité dans certains réseaux est devenue aujourd’hui l’activité industrielle qui consomme le plus de lithium et de cobalt dans le monde, respectivement 35% et 25% de la production. De la même façon, la consommation dans le monde de cuivre et de nickel n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années.


Déjà, avant la pandémie de coronavirus, les tensions ne cessaient de grandir sur les marchés de ses matières premières stratégiques. Elles se sont aggravées depuis. D’abord, du fait du confinement généralisé qui a désorganisé dans de nombreux pays la production et le transport des matières premières. Elle s’est traduite aussi par une chute brutale des investissements de capacité, pourtant indispensables pour faire face à une demande en constante augmentation. Il faut ajouter à cela des tensions politiques grandissantes entre la Chine, principal fabricant dans le monde de panneaux photovoltaïques, de batteries lithium-ion, d’éoliennes et principal producteur et raffineur de terres rares, et les pays occidentaux.

Il y a des risques géopolitiques associés à la production de nombreuses matières premières essentielles à la transition énergétique.

L’agence Internationale de l’Energie appelle à considérer ce défi en termes géostratégiques, à l’égal du pétrole et du gaz et souligne les risques que fait peser sur la transition écologique le goulet d’étranglement que représente l’approvisionnement de matières premières stratégiques.  

«L’’idée de géopolitique énergétique est typiquement associée au pétrole et au gaz. Par contraste, le solaire, l’éolien et les autres technologies propres sont souvent considérées comme immunisées contre de tels risques. Mais il y a des risques géopolitiques associés à la production de nombreuses matières premières essentielles à la transition énergétique »

Pour donner juste quelques exemples, le lithium, le cobalt et le nickel sont indispensables et essentiels à la fabrication des batteries lithium-ion. Le cuivre est absolument nécessaire pour développer les réseaux électriques et y intégrer les productions solaires et éoliennes. Des terres rares comme le néodyme sont utilisées pour fabriquer des aimants puissants sans lesquels les moteurs électriques des éoliennes et des véhicules ne fonctionnent pas. Même l’optimisation de technologies liées aux énergies fossiles nécessite ses matières premières. Les centrales à charbon les moins polluantes utilisent du nickel pour augmenter la température de combustion et rejeter moins de CO2.

Et ces ressources ne sont plus réparties équitablement et font déjà l’objet de stratégies de puissances, notamment de la part de la Chine. Et lorsqu’elles ne dépendant pas de la Chine, d’autres facteurs aussi inquiétants apparaissent. En fait, la production de nombre de ses matières premières et métaux est plus concentrée géographiquement que celle du pétrole et du gaz. Pour le lithium, le cobalt et les terres rares, les trois premiers pays producteurs contrôlent plus des trois quarts de leurs marchés respectifs. Dans certains cas, un seul pays assure la moitié de la production mondiale.

La concentration est tout aussi grande dans les opérations de raffinement. La Chine assure 50 à 70% du raffinement du lithium et du cobalt. Elle contrôle également 85 à 90% du processus industriel de traitement des terres rares et de leur raffinage et transformation en métaux et en aimants.

Les conditions même d’extraction de ses matières premières posent des problèmes humains et environnementaux. Ainsi, 20% de la production de cobalt de la République Démocratique du Congo (RDC) dépend de mineurs «artisanaux» qui extraient le métal dans des conditions proches de l’esclavage. Le raffinage des terres rares est un processus qui nécessite de nombreux produits chimiques très polluants et qui produit de grandes quantités de déchets tout aussi polluants.

La récession économique mondiale née de la pandémie de coronavirus ne devrait pas ralentir longtemps la demande de ses matières premières. Surtout si les plans de relance économique un peu partout dans le monde mettent l’accent sur la transition énergétique par les renouvelables et les véhicules électriques à batteries. Or, de nombreuses mines fonctionnent déjà à la limite de leurs capacités et des pénuries pourraient rapidement se produire prévient l’AIE. Non seulement cela aura un impact sur la capacité à fabriquer des éoliennes, des panneaux solaires et des batteries pour voitures électriques, mais cela créera un problème très sérieux d’indépendance nationale.

L’AIE appelle donc à la prudence et à l’anticipation, au moins à la prise en compte des risques géostratégiques liés au développement des ENR.


Car si le soleil et le vent sont partout (ou à peu près), ce n’est pas le cas des matières premières liées aux ENR… Et les ENR sont très gourmants en métaux stratégiques.

Le cas de la France : l’avertissement des deux Académies ( Sciences et Technologies)

En ce qui concerne plus spécifiquement la France, L’Académie des sciences et l’Académie des Technologies ont travaillé en commun et publiés un rapport intitulé : «  Stratégie d’utilisation des ressources du sous-sol pour la transition énergétique française Les métaux rares » (2018).

L’objectif de ce rapport est de conseiller les pouvoirs publics sur les besoins de la France, sur ses choix possibles, et suggérer des stratégies au cas par cas. « Chaque État doit donc se pencher sur la sécurité de l’approvisionnement en matériaux (matériaux minéraux, métaux de base et métaux plus rares), pour la transition énergétique mais aussi pour satisfaire l’ensemble des secteurs industriels utilisant des technologies de pointe. »

Domaine de l’étude : « Les besoins en matériaux sont évalués pour la production d’électricité renouvelable (éolien à terre et en mer, solaire photovoltaïque et thermodynamique, électrolyse et pile à combustible) ; la production d’hydrogène par électrolyse ainsi que son utilisation dans des piles à combustible ; le stockage d’énergie mobile pour les transports ; le stockage stationnaire d’électricité pour compenser l’intermittence de certaines ENR électriques ;  le stockage long terme d’autres vecteurs d’énergie (méthane, hydrogène, chaleur, air comprimé), et du CO2 dans le sous-sol. »

Faits saillants :

Une bonne nouvelle. Grâce à la Nouvelle Calédonie, pas de problème de Nickel pour la France- encore faut-il que la Nouvelle Calédonie reste française !

Le programme de véhicules électriques français examiné (2 millions de véhicules par an à partir de 2040)fait appel à des quantités de lithium et de cobalt très élevées, qui excèdent, en fait et à technologie inchangée, les productions mondiales d’aujourd’hui, et ce pour satisfaire le seul besoin français !

Pour le lithium et le cobalt, la demande française dans le cadre du scénario retenu dépasse la production mondiale actuelle. L’analyse économique montre que le flux financier annuel global pour les seuls véhicules électriques à batteries est du même ordre de grandeur que celui des importations actuelles de pétrole pour assurer l’approvisionnement en carburant.

Autrement dit, la voiture électrique nous place dans la même dépendance, et pour le même coût, des producteurs de lithium et Cobalt que la voiture thermique vis-à-vis des producteurs de pétrole. Nous échangeons une dépendance contre une autre !

Si les moteurs électriques utilisent des aimants permanents, la consommation de certaines terres rares (le dysprosium et le néodyme), de samarium, de cobalt et de l’alliage aluminium-cobalt-nickel devient significative et peut peser sur les choix technologiques en fonction des capacités réelles d’approvisionnement. Nos choix technlogiques seront contraints

Pour la France, la valeur des matériaux nécessaires à la transition énergétique serait de 164 milliards d’euros

Le cas spécial du Cuivre, métal lié par excellence à la demandé électrique : À ces montants s’ajoute le cuivre nécessaire aux câblages et aux moteurs des véhicules électriques, soit 3,2 millions de tonnes ou 19,5 milliards d’euros. Au total, et sous les hypothèses précédentes, le montant en matériaux estimés au cours actuel s’élève à 164 milliards d’euros. Par destination, ce montant se répartit de la façon suivante (en milliards d’euros cumulés d’ici 2050) :

Ces tensions sur le cuivre ont fait l’objet d’une publication : Copper at the crossroads: Assessment of the interactions between low- carbon energy transition and supply limitations, Resources Conservation and Recycling. 163. 10.1016/j.resconrec.2020.105072.

“La pénétration des technologies à faible émission de carbone dans les secteurs des transports et de l’énergie (véhicules électriques et technologies de production d’énergie à faible émission de carbone) devrait augmenter considérablement la demande de cuivre d’ici 2050. Pour étudier comment les tensions sur les ressources en cuivre peuvent être réduites dans le contexte de la transition énergétique, nous examinons deux facteurs de politique publique : la mobilité durable et les pratiques de recyclage. Les résultats montrent que, dans le scénario le plus rigoureux, la demande cumulative de cuivre primaire entre 2010 et 2050 s’est avérée être de 89,4 % des ressources en cuivre connues en 2010. Ils soulignent également l’importance de la Chine et du Chili dans l’évolution future du marché du cuivre.

Voici l’évolution de la consommation de cuivre ; qui peut croire que c’est durable !



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