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jeudi 26 août 2021

Conférence citoyenne sur la phase industrielle pilote (Phipil) de Cigéo; c'est oui ! (avec certaines réserves)

1) Déroulement de la conférence : 17 citoyens tirés au sort par l’Institut IRS avec des critères de diversité de catégories socio-professionnelles, de parité homme/femme, d’horizons géographiques et d’âge. Les salariés du nucléaire et les élus étaient exclus de la participation. Aucun ne vient du territoire concerné par le projet. Ont été organisées 3 sessions de 2 à 3 jours, réparties sur 6 semaines, 3 intersessions en visioconférence et 2 sessions de validation finale de l’avis. Greenpeace, Global chance, France nature environnement, et la Criirad ont été invités et n’ont pas voulu participer (certains qualifiant la conférence de manipulation). La ministre de la Transition écologique, Mme Barbara Pompili, n’a pas répondu à  l’invitation des participants.

2) Les principaux résultats du débat

L’avis final comporte plusieurs recommandations dont le but est d'enrichir le dossier de demande d'autorisation de création (DAC) du Cigéo, avant son dépôt en 2022. L'Andra devrait présenter cet automne la manière dont elle les prendra en compte. Les points principaux :

- la modalité de validation de la DAC. La conférence citoyenne  demande que la DAC ne soit pas validée par décret du premier ministre – comme prévue par la loi – mais à la suite d'une consultation du Parlement.

- la conférence citoyenne conseille à l'État français de sanctuariser les fonds alloués à Cigéo par les entreprises productrices des déchets radioactifs en question. L'État pourrait ainsi s'en porter garant « au cas où les producteurs seraient défaillants ou disparaissent ».

- la conférence citoyenne préconise la réalisation d'un « état zéro » épidémiologique de référence auprès des habitants du territoire accueillant le Cigéo et de ses voisins, soutient la mise en place d'analyses radiologiques régulières des eaux évacuées par le Cigéo et l'intégration des riverains et des salariés des sous-traitants dans le suivi radiologique.

- D'autres demandes concernent une meilleure classification des volumes et types de déchets ou encore  l'accessibilité à une information « pluraliste » (notamment, de la part d'ONG) pour les établissements scolaires de la région.

Et la conclusion : « le groupe reste divisé quant à son niveau de confiance sur le projet de stockage géologique profond. La phase industrielle pilote devrait être un moyen pour établir la confiance dans ce projet de grande ampleur et elle doit le prouver. »

La  Phipil (phase industrielle pilote devrait se dérouler sur 5 à 10 ans, dès le début du stockage profond de déchets radioactifs, et déterminer la poursuite ou l'abandon de leur enfouissement. La conférence citoyenne approuve son lancement, mais elle la place sous surveillance….

https://www.actu-environnement.com/ae/news/cigeo-conference-citoyens-avis-andra-37925.php4

3) Quelques questions posées par la conférence citoyenne :

- Cigéo paraît sous-dimensionné car beaucoup de matières nucléaires n’ont pas de destination spécifiée, par ailleurs, les matières déclarées valorisables peuvent devenir des déchets suite à l’abandon du retraitement….Cigéo n’a pas pris en compte les 10 ans de supplément d’exploitation des réacteurs (demande de l’exploitant EDF en cours pour passer de 50 ans d’exploitation à 60 ans).  Les 6 EPR qui pourraient être construits n’ont pas été pris en compte….Comment avoir des garanties sur un dimensionnement maximal de Cigéo ? La confiance serait mieux assurée dans le cadre de limites préalablement posées concernant l’étalement de Cigéo.

Commentaire : Ben oui, et l’arrêt (espérons temporaire) du programme GENIV Astrid rend cette question du classement des déchets et de la quantité à prendre en compte  d’autant plus légitime…

- Répercussions socioéconomiques et inquiétudes sanitaires - « Nous sommes inquiets du manque d’information sur les répercussions socio-économiques locales (incluant la période de la phase industrielle pilote), ainsi que sur les répercussions sanitaires dues aux faibles doses ionisantes à long terme. Nous préconisons de revenir sur cette notion de seuil en intégrant l’analyse sur les conséquences des situations d’exposition de longue durée à des faibles doses cumulées. »

Commentaire : deux choses très différentes : en ce qui concerne le premier point, c’est assez surprenant car enfin comme maintenant  tout grand projet Cigéo a fait l’objet d’une double expertise socioéconomique, par l’Andra et par le Secrétariat  général pour l’investissement, expertises très larges, complexes et détaillées dont la conclusion principale était : « La raison d’être de Cigéo est liée à sa capacité de protéger de façon passive les générations futures…, et donc à la capacité de fermer le site dès que possible…. Cigéo garantit la protection des générations lointaines à un coût optimisé pour les générations présentes. »

En fait, l'enfouissement géologique profond est la meilleure garantie possible pour les sociétés et les civilisations qui nous succéderont, mimant, avec une bien meilluer sécurité , des phénomènes naturels tel les réacteurs d'Oklo, au Gabon

Ou ces expertises n’ont pas été communiquées à la conférence citoyenne, ou elles ne l’ont pas été de manière très convaincante…

En ce qui concerne, les expositions à faible doses, la toxicologie de la radioactivité sont très simples et très bien connus, beaucoup plus que ceux de la plupart des produits chimiques. L’UNSCEAR  fait référence, comme le GIEC pour le climat, et certaines études montrent même un effet protecteur des faibles doses. Le seul problème, c’est sont les pseudo connaissances diffusées par des associations comme la CRIIRAD, que l’ensemble de son œuvre devrait suffire à discréditer. Comment des citoyens non formés scientifiquement peuvent-ils faire la différence ? C’est une vraie question !  

Sincérité de l’objectif de la phase industrielle pilote et des processus employés pour la mise en œuvre du projet (réversibilité réelle) : c’est une demande forte de la Conférence citoyenne qui insiste sur le fait que la phase industrielle pilote soit vraiment une phase d’essai qui, à son terme, permette le vote d’une loi par le Parlement qui validera ou non la poursuite de Cigéo. Cela ne semble pas en contradiction  avec le programme de l’Andra, simplement la conférence insiste sur le fait qu’il ne doit pas y avoir de tentation du fait accompli qui interdirait en pratique tout retour en arrière. NB : la phase pilote est prévue pour durer 20 ans. 

Continuer à rechercher d’autres solutions : «  l’entreposage de longue durée peut constituer une solution temporaire pour permettre la recherche et le développement de solutions alternatives (appelé « système hybride »). Nous recommandons vivement la poursuite de ces recherches qui permettront de fournir un panel d’option plus large pour les générations futures, pour la continuité ou non de Cigéo et/ ou au cas où la politique énergétique décide de construire de nouvelles centrales, pour le traitement des déchets pour ces nouvelles installations ;  une solution alternative au cas où la phase industrielle pilote ne serait pas concluante. »

Pourquoi pas ? la phase pilote est censée durer 20 ans,  La phase d’exploitation avant fermeture est censée durer jusqu’en  2145 et sera réversible. Ca donne du temps !  Cependant, tous les pays qui ont à gérer des déchets radioactifs ont déjà conclu en faveur de l’enfouissement géologique profond cf. les rapport du JRC de la Commission Européenne et de la NEA. Et l’entreposage de longue durée est en fait beaucoup plus risqué !

(Rapport JRC : https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/03/european-taxonomy-jrc-report-technical.html ; https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/04/taxonomie-europeenne-rapport-du-joint.htmlhttps://lnkd.in/euD-fHb

Rapport NEA : https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/le-probleme-des-dechets-ultimes-du.html, https://www.oecd.org/publications/management-and-disposal-of-high-level-radioactive-waste-33f65af2-en.htm

La question de la mémoire : « Nous considérons également qu’il est primordial de conserver la mémoire le plus longtemps possible et non pas d’organiser l’oubli….Prenons le temps d’inventer des solutions ; d’organiser la mémoire au plus haut sommet de l’Etat pour garantir que ce site est à protéger et non forable.

 

Commentaire : on parle là d’échelle de 15.000  ans  pour un retour à radioactivité normale, les déchets étant conditionnés dans des verres de stabilité d’ordre de 100.000 ans, puis dans de l’acier, puis dans des couches géologiques dont la stabilité est supérieure à 100 millions d’années.





Parler de mémoire à cette échelle est problématique. C’est pour cela que la forme la plus sûre de Cigéo est “non réversible”, qu’elle est la meilleure solution qui  répond parfaitement à l’objectif: isoler définitivement de la biosphère des déchets hautement radioactifs le temps que leur radio-toxicité disparaisse naturellement.

Sur le nucléaire « Une partie du groupe estime qu’il est nécessaire de lier le débat sur les déchets nucléaires avec la programmation de l’arrêt du nucléaire partant du principe que le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit. Une autre partie du groupe considère, au contraire, que cette question dépasse le mandat qui nous a été donné et qu’elle est déjà pensée par les autorités puisqu’une loi a déjà été votée : la loi de transition écologique et pour la croissance verte. Cette loi prévoit de réduire notre dépendance au nucléaire de 75 % à 50 % d’ici 2035 »

Conclusion : On notera donc que l’opinion majoritaire du groupe était  loin d’être pro-nucléaire, avec une partie visiblement  de sensibilité antinucléaire. Pourtant, malgré cela, malgré les pressions des associations militantes (Sortir du nucléaire, Greenpeace, FNE) qui ont tenté d’entrée de discréditer la conférence citoyenne, l’avis est clair : oui à la phase pilote, à condition qu’elle soit une vraie phase pilote destinée à vérifier la viabilité du projet, avec une réversibilité possible. Ca tombe bien, c’est ce qui est prévu ( pendant 120 ans pour la réversibilité) !

C’est pas mal. D’autant qu’à partir des expériences danoises et Allemandes sur les consultations citoyennes  traitant de sujets scientifiques et techniques, Gérald Bronner (La démocratie des Crédules, p.206 formule l’avertissement suivant : qu’elles se traduisent le plus souvent par une méfiance envers l’expertise scientifique et aboutissent fréquemment à des demandes de moratoire avec une inquiétant progression de l’idéologie de la précaution !



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