1) Déroulement de la conférence : 17 citoyens
tirés au sort par l’Institut IRS avec des critères de diversité de catégories
socio-professionnelles, de parité homme/femme, d’horizons géographiques et
d’âge. Les salariés du nucléaire et les élus étaient exclus de la
participation. Aucun ne vient du territoire concerné par le projet. Ont été
organisées 3 sessions de 2 à 3 jours, réparties sur 6 semaines, 3 intersessions
en visioconférence et 2 sessions de validation finale de l’avis. Greenpeace,
Global chance, France nature environnement, et la Criirad ont été invités et n’ont
pas voulu participer (certains qualifiant la conférence de manipulation). La
ministre de la Transition écologique, Mme Barbara Pompili, n’a pas répondu à l’invitation des participants.
2) Les principaux résultats du débat
L’avis final comporte plusieurs
recommandations dont le but est d'enrichir le dossier de demande d'autorisation
de création (DAC) du Cigéo, avant son dépôt en 2022. L'Andra devrait présenter
cet automne la manière dont elle les prendra en compte. Les points
principaux :
- la modalité de validation de
la DAC. La conférence citoyenne demande
que la DAC ne soit pas validée par décret du premier ministre – comme prévue
par la loi – mais à la suite d'une
consultation du Parlement.
- la conférence citoyenne
conseille à l'État français de
sanctuariser les fonds alloués à Cigéo par les entreprises productrices des
déchets radioactifs en question. L'État pourrait ainsi s'en porter garant « au
cas où les producteurs seraient défaillants ou disparaissent ».
- la conférence citoyenne
préconise la réalisation d'un « état
zéro » épidémiologique de référence auprès des habitants du territoire accueillant
le Cigéo et de ses voisins, soutient la mise en place d'analyses radiologiques
régulières des eaux évacuées par le Cigéo et l'intégration des riverains et des
salariés des sous-traitants dans le suivi radiologique.
- D'autres demandes concernent une
meilleure classification des volumes et types de déchets ou encore l'accessibilité à une information « pluraliste
» (notamment, de la part d'ONG) pour les établissements scolaires de la région.
Et la conclusion : « le
groupe reste divisé quant à son niveau de confiance sur le projet de stockage
géologique profond. La phase industrielle pilote devrait être un moyen pour
établir la confiance dans ce projet de grande ampleur et elle doit le prouver.
»
La Phipil (phase industrielle pilote devrait se
dérouler sur 5 à 10 ans, dès le début du stockage profond de déchets
radioactifs, et déterminer la poursuite ou l'abandon de leur enfouissement. La conférence citoyenne approuve son
lancement, mais elle la place sous surveillance….
https://www.actu-environnement.com/ae/news/cigeo-conference-citoyens-avis-andra-37925.php4
3) Quelques questions posées par la conférence citoyenne :
- Cigéo paraît sous-dimensionné car beaucoup de matières nucléaires
n’ont pas de destination spécifiée, par ailleurs, les matières déclarées
valorisables peuvent devenir des déchets suite à l’abandon du retraitement….Cigéo
n’a pas pris en compte les 10 ans de supplément d’exploitation des réacteurs
(demande de l’exploitant EDF en cours pour passer de 50 ans d’exploitation à 60
ans). Les 6 EPR qui pourraient être
construits n’ont pas été pris en compte….Comment avoir des garanties sur un
dimensionnement maximal de Cigéo ? La confiance serait mieux assurée dans le
cadre de limites préalablement posées concernant l’étalement de Cigéo.
Commentaire : Ben oui, et l’arrêt (espérons temporaire) du programme
GENIV Astrid rend cette question du classement des déchets et de la quantité à
prendre en compte d’autant plus
légitime…
- Répercussions socioéconomiques et inquiétudes sanitaires - « Nous sommes inquiets du manque
d’information sur les répercussions socio-économiques locales (incluant la
période de la phase industrielle pilote), ainsi que sur les répercussions
sanitaires dues aux faibles doses ionisantes à long terme. Nous préconisons de
revenir sur cette notion de seuil en intégrant l’analyse sur les conséquences
des situations d’exposition de longue durée à des faibles doses cumulées. »
Commentaire : deux choses très différentes : en ce qui concerne
le premier point, c’est assez surprenant car enfin comme maintenant tout grand projet Cigéo a fait l’objet d’une
double expertise socioéconomique, par l’Andra et par le Secrétariat général pour l’investissement, expertises très
larges, complexes et détaillées dont la conclusion principale était :
« La raison d’être de Cigéo est liée à sa capacité de protéger de
façon passive les générations futures…, et donc à la capacité de fermer le
site dès que possible…. Cigéo
garantit la protection des générations lointaines à un coût optimisé pour
les générations présentes. »
En fait, l'enfouissement géologique profond est la meilleure garantie possible pour les sociétés et les civilisations qui nous succéderont, mimant, avec une bien meilluer sécurité , des phénomènes naturels tel les réacteurs d'Oklo, au Gabon
Ou ces expertises n’ont pas été communiquées à la
conférence citoyenne, ou elles ne l’ont pas été de manière très convaincante…
En ce qui concerne, les expositions à faible
doses, la toxicologie de la radioactivité sont très
simples et très bien connus, beaucoup plus que ceux de la plupart des produits
chimiques. L’UNSCEAR fait référence,
comme le GIEC pour le climat, et certaines études montrent même un effet
protecteur des faibles doses. Le seul problème, c’est sont les pseudo connaissances
diffusées par des associations comme la CRIIRAD, que l’ensemble de son œuvre
devrait suffire à discréditer. Comment des citoyens non formés scientifiquement
peuvent-ils faire la différence ? C’est une vraie question !
Sincérité de l’objectif de la phase industrielle pilote
et des processus employés pour la mise en œuvre du projet (réversibilité
réelle) : c’est
une demande forte de la Conférence citoyenne qui insiste sur le fait que la
phase industrielle pilote soit vraiment une phase d’essai qui, à son terme,
permette le vote d’une loi par le Parlement qui validera ou non la poursuite de
Cigéo. Cela ne semble pas en contradiction
avec le programme de l’Andra, simplement la conférence insiste sur le
fait qu’il ne doit pas y avoir de tentation du fait accompli qui interdirait en
pratique tout retour en arrière. NB : la phase pilote est prévue pour durer
20 ans.
Continuer à rechercher d’autres solutions : «
l’entreposage de longue durée peut constituer une solution temporaire pour
permettre la recherche et le développement de solutions alternatives (appelé «
système hybride »). Nous recommandons vivement la poursuite de ces recherches
qui permettront de fournir un panel d’option plus large pour les générations
futures, pour la continuité ou non de Cigéo et/ ou au cas où la politique
énergétique décide de construire de nouvelles centrales, pour le traitement des
déchets pour ces nouvelles installations ; une solution alternative au cas où la phase
industrielle pilote ne serait pas concluante. »
Pourquoi pas ? la phase
pilote est censée durer 20 ans, La phase
d’exploitation avant fermeture est censée durer jusqu’en 2145 et sera réversible. Ca donne du
temps ! Cependant, tous les pays
qui ont à gérer des déchets radioactifs ont déjà conclu en faveur de
l’enfouissement géologique profond cf. les rapport du JRC de la Commission
Européenne et de la NEA. Et l’entreposage
de longue durée est en fait beaucoup plus risqué !
(Rapport
JRC : https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/03/european-taxonomy-jrc-report-technical.html ; https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/04/taxonomie-europeenne-rapport-du-joint.html; https://lnkd.in/euD-fHb
Rapport NEA : https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/le-probleme-des-dechets-ultimes-du.html, https://www.oecd.org/publications/management-and-disposal-of-high-level-radioactive-waste-33f65af2-en.htm
La question de la mémoire : « Nous
considérons également qu’il est primordial de conserver la mémoire le plus
longtemps possible et non pas d’organiser l’oubli….Prenons le temps d’inventer
des solutions ; d’organiser la mémoire au plus haut sommet de l’Etat pour
garantir que ce site est à protéger et non forable.
Commentaire : on parle là d’échelle de 15.000 ans pour un retour à radioactivité normale, les déchets étant conditionnés dans des verres de stabilité d’ordre de 100.000 ans, puis dans de l’acier, puis dans des couches géologiques dont la stabilité est supérieure à 100 millions d’années.
Parler de mémoire à cette échelle est problématique. C’est pour cela que la forme la plus sûre de Cigéo est “non réversible”, qu’elle est la meilleure solution qui répond parfaitement à l’objectif: isoler définitivement de la biosphère des déchets hautement radioactifs le temps que leur radio-toxicité disparaisse naturellement.
Sur le nucléaire « Une partie du groupe estime qu’il est nécessaire
de lier le débat sur les déchets nucléaires avec la programmation de l’arrêt du
nucléaire partant du principe que le meilleur déchet est celui qui n’est pas
produit. Une autre partie du groupe considère, au contraire, que cette question
dépasse le mandat qui nous a été donné et qu’elle est déjà pensée par les
autorités puisqu’une loi a déjà été votée : la loi de transition écologique et
pour la croissance verte. Cette loi prévoit de réduire notre dépendance au
nucléaire de 75 % à 50 % d’ici 2035 »
Conclusion : On notera donc que l’opinion majoritaire du
groupe était loin d’être pro-nucléaire,
avec une partie visiblement de
sensibilité antinucléaire. Pourtant, malgré cela, malgré les pressions des
associations militantes (Sortir du nucléaire, Greenpeace, FNE) qui ont tenté
d’entrée de discréditer la conférence citoyenne, l’avis est clair : oui à
la phase pilote, à condition qu’elle soit une vraie phase pilote destinée à
vérifier la viabilité du projet, avec une réversibilité possible. Ca tombe
bien, c’est ce qui est prévu ( pendant 120 ans pour la réversibilité) !
C’est pas mal. D’autant qu’à
partir des expériences danoises et Allemandes sur les consultations
citoyennes traitant de sujets
scientifiques et techniques, Gérald Bronner (La démocratie des Crédules, p.206
formule l’avertissement suivant : qu’elles se traduisent le plus souvent
par une méfiance envers l’expertise scientifique et aboutissent fréquemment à
des demandes de moratoire avec une inquiétant progression de l’idéologie de la
précaution !
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