Ce que dit le rapport du GIEC 2021 (Climate Change 2021) : une technologie critique pour répondre au défi climatique
« Les trajectoires énergétiques qui limitent le réchauffement moyen à l’échelle mondiale à 1,5 °C ou 2 °C d’ici 2100 supposent l’utilisation d’approches CCS en combinaison avec des réductions d’émissions pour obtenir des émissions nettes négatives de CO2 dans la seconde moitié de ce siècle. Par exemple, dans l’EES1.5, toutes les voies analysées limitant le réchauffement à 1,5 °C d’ici 2100 sans dépassement ou avec dépassement limité comprennent l’utilisation du CCS dans une certaine mesure pour compenser les émissions anthropiques de CO2… Des options de CCS abordables et acceptables sur le plan environnemental et social à l’échelle nécessaire bien avant 2050 sont un élément important des trajectoires cohérentes à 1,5 °C, en particulier dans les scénarios de dépassement . L’échelle requise d’élimination par CCS peut varier de 1 à 2 GtCO2 par ans à partir de 2050 jusqu’à 20 GtCO2 par an… »
« Pour pratiquement tous les scénarios évalués par le GIEC, le CCS est nécessaire pour atteindre à la fois zéro émission nette de CO2 et zéro émission nette de GES, afin de compenser les émissions anthropiques résiduelles. Cela s’est dû en partie au fait que pour quelque sources d’émissions de CO2 et d’émissions d’autres GES, des options de réduction visant à les éliminer n’ont pas encore été identifiées. »
« L’élimination anthropique du CO2 (CCS) a le potentiel d’éliminer le CO2 de l’atmosphère et de le stocker durablement dans des réservoirs (niveau de confiance élevé). Le CCS vise à compenser les émissions résiduelles pour atteindre zéro émission nette de CO2 ou zéro émission nette de GES ou, s’il est mis en œuvre à une échelle où les absorptions anthropiques dépassent les émissions anthropiques, pour abaisser la température de surface. Les méthodes de CCS peuvent avoir des effets potentiellement étendus sur les cycles biogéochimiques et le climat, ce qui peut affaiblir ou renforcer le potentiel de ces méthodes pour éliminer le CO2 et réduire le réchauffement, et peut également influencer la disponibilité et la qualité de l’eau, la production alimentaire et la biodiversité. »
« Des émissions anthropiques nettes négatives de GES pourraient devenir nécessaires pour stabiliser la température de surface de la Terre à long terme, si les rétroactions climatiques affectent davantage les puits naturels de GES. Le CCS peut être réalisé au moyen d’un certain nombre de mesures : il s’agit notamment de reboisement et d’extension des forêts, de la gestion du carbone dans le sol, du biochar, du captage direct de l’air et du captage et du stockage du CO2 (DACCS), de la bioénergie avec captage du carbone et stockage »
(NB le biochar s'obtient par pyrolyse-carbonisation avec peu ou pas d'oxygène-de matières organiques diverses. Le procédé produit également, en proportion dépendant de la méthode, un biocarburant liquide)
« L’élimination délibérée de dioxyde de carbone (CCS) de l’atmosphère a le potentiel de compenser les émissions résiduelles de CO2 pour atteindre zéro émission nette de CO2 ou de générer des émissions nettes de CO2 négatives…. De la même manière qu’une partie des émissions anthropiques nettes actuelles de CO2 est absorbée par les réserves de carbone terrestres et océaniques, l’absorption nette de CO2 sera partiellement contrecarrée par les rejets de CO2 de ces réserves (confiance très élevée)….
L’asymétrie dans la réponse du cycle du carbone aux émissions et absorptions simultanées de CO2 implique qu’une plus grande quantité de CO2 devrait être éliminée pour compenser une émission d’une ampleur donnée…. La diminution du CO2 atmosphérique résultant des absorptions anthropiques de CO2 pourrait être jusqu’à 10 % inférieure à l’augmentation du CO2 atmosphérique résultant d’une quantité égale d’émissions de CO2, en fonction de la quantité totale de CCS (confiance moyenne)
(Remarque : le CCS n’ est donc pas, comme certain le craignent et d’autres l’espèrent, un permis de continuer à émettre ad libitum du CO2…)
« L’absorption anthropique de CO2 (CCS) entraînant des émissions négatives nettes à l’échelle mondiale réduirait la concentration atmosphérique de CO2 et inverserait l’acidification des océans de surface (niveau de confiance élevé)…. Si le CCS est utilisé pour aller au-delà de zéro net, dans une situation où les émissions nettes de CO2 sont négatives (les absorptions anthropiques dépassent les émissions anthropiques), le réchauffement anthropique induit par le CO2 diminuera. Une nouvelle augmentation du CCS, jusqu’à ce qu’une situation avec des émissions nettes nulles ou même nettes négatives de GES soit atteinte, augmenterait le rythme auquel le réchauffement anthropique historique est inversé après son pic »
Cependant , « il pourrait y avoir un délai important
entre le début du CCS et le fait que les émissions nettes de CO2
deviennent négatives … Le
refroidissement (ou le réchauffement évité) dû au CSC serait proportionnel à la quantité cumulative
de CO2 retirée de l’atmosphère (relation linéaire) »
« Les technologies permettant d’obtenir des absorptions anthropiques directes à grande échelle de GES autres que le CO2 sont actuellement spéculatives »
« Les avantages et les compromis pour la diversité biologique, l’eau et la production alimentaire sont brièvement examinés par mesure d’exhaustivité, mais une évaluation complète des dimensions écologiques et socio-économiques des options du CCS est laissée aux rapports du GTII et du GTIII. »
A suivre donc
Résumé des conclusions du GIEC
- L’élimination anthropique du CO2 (CDR)) a le potentiel d’éliminer le CO2 de l’atmosphère et de le stocker durablement dans des réservoirs (niveau de confiance élevé).
- L’élimination anthropique du CO2 vise à compenser les émissions résiduelles pour atteindre zéro émission nette de CO2 ou zéro émission nette de GES ou, s’il est mis en œuvre à une échelle où les absorptions anthropiques dépassent les émissions anthropiques, pour abaisser la température de surface.
- Les méthodes d’élimination anthropique du CO2 peuvent avoir des effets potentiellement étendus sur les cycles biogéochimiques et le climat, ce qui peut affaiblir ou renforcer le potentiel de ces méthodes pour éliminer le CO2 et réduire le réchauffement, et peut également influencer la disponibilité et la qualité de l’eau, la production alimentaire et la biodiversité (confiance élevée).
- L’absorption anthropique de CO2 (CDR) entraînant des émissions négatives nettes à l’échelle mondiale réduirait la concentration atmosphérique de CO2 et inverserait l’acidification des eaux océaniques en surface (niveau de confiance élevé).
- Les absorptions et les émissions anthropiques de CO2 sont partiellement compensées par les rejets et l’absorption de CO2, respectivement, en provenance ou à partir des réservoirs de carbone terrestres et océaniques (niveau de confiance très élevé)
- L’absorption anthropique de CO2 réduirait le CO2 atmosphérique d’une quantité à peu près égale à l’augmentation résultant d’une émission anthropique de même ampleur (niveau de confiance élevé). La diminution du CO2 atmosphérique résultant des absorptions anthropiques de CO2 pourrait être jusqu’à 10 % inférieure à l’augmentation du CO2 atmosphérique résultant d’une quantité égale d’émissions de CO2, en fonction de la quantité totale d’absorption (confiance moyenne).
Le CCS est donc une technologie critique pour répondre au défi climatique…mais c’est pas gagné !
Article intéressant sur le CCS dans Transitions et Energie : https://www.transitionsenergies.com/capture-co2-indispensable-mais-personne-veut/
« Il ne sera pas possible de limiter la présence de CO2 dans l’atmosphère sans capture et stockage des émissions de carbone provenant notamment de l’industrie. Le GIEC, y compris dans son dernier rapport publié le 9 août, l’Agence internationale de l’énergie, le World Economic Forum, l’Académie des sciences américaine ou l’Imperial College de Londres prônent le développement et le recours massif à cette technologie. Elle fait pourtant l’objet d’un rejet presque systématique et sans réels fondements autres qu’idéologiques de la plupart des mouvements et des partis écologistes. Du coup, les gouvernements s’en détournent. A tort. En fait, son principal défaut est d’ordre moral. Elle permettrait à l’industrie lourde, aux centrales thermiques et aux pétroliers de poursuivre leurs activités. »
En fait, pas tout à fait…Parce qu’il s’en faut quand même de plusieurs ordres de grandeur…Et des investissements considérables.
La prochaine décennie sera cruciale
« Même si cette technologie doit encore progresser
et se généraliser, si les investissements à faire sont considérables et si pour
la rendre économiquement viable, le prix du carbone doit fortement augmenter,
elle est en fait déjà utilisée depuis 50 ans… L’industrie pétrolière notamment
capture plus de 35 millions de tonnes de carbone par an. Le groupe pétrolier
norvégien Equinor injecte depuis 25 ans du carbone dans un aquifère salin…Pour
Brad Page qui dirige le Global CCS Institute, un Think Tank qui entend
promouvoir la capture et le stockage du CO2, «la prochaine décennie sera cruciale pour permettre à notre technologie
d’atteindre suffisamment rapidement la taille nécessaire pour avoir un impact
sur le réchauffement climatique. Les investissements nécessaires sont
nettement supérieurs à ce que les gouvernements sont prêts à apporter, surtout
à court terme »
Ordre de grandeur : L’Agence internationale de l’énergie estime que la réalisation de l'objectif 2 °C nécessite une contribution du CCS de l’ordre de 14 % en 2060, contribution qui s’élève à 32 % dans le scénario « Au-delà de 2 °C » (B2DS). Pour atteindre l’objectif 2 °C, plus de 100 milliards de tonnes de CO2 devraient être stockés et plusieurs milliers d’installations de CCS déployées d’ici 2050. Aujourd’hui, 21 installations de grande taille seulement sont opérationnelles, injectant de l’ordre de 40 millions de tonnes (Mt) de CO2 par an…(soit multiplier par 2500 ce qui se fait actuellement)
Le CCS n’est pas une technologie nouvelle : le captage et la séparation du CO2 sont mis en œuvre dans l'industrie depuis des décennies, le transport et l'injection de CO2 dans le sous-sol est pratiquée depuis les années 1970 pour la récupération assistée du pétrole. Mais les objectifs de réduction des gaz à effet de serre nécessitent la mise en place d'une industrie CCS de taille comparable à celle de l'industrie pétrolière : des installations de captage dont la taille cumulée se compare à celle de l’industrie mondiale du raffinage, des réseaux de transport de taille comparable à ceux du transport du gaz naturel, et des infrastructures pour le stockage comparables à celles des exploitations des plus grands gisements pétroliers.
Techniques et problématiques
La technologie du captage-stockage du CO2 (CCS-Carbon Capture and Storage) consiste à capter le CO2 dès sa source de production et à le stocker dans le sous-sol. Elle intéresse les industriels car elle leur permettrait de réduire massivement leurs émissions de CO2. Mais cette solution prometteuse doit encore faire la preuve qu’elle peut être industrialisée à un coût acceptable.
Le CCS concerne principalement les sources industrielles pour lesquelles les émissions de CO2 sont concentrées, soit nombre d’industries lourdes (sidérurgie, cimenterie, raffinage, chimie et pétrochimie), qui ne disposent pas à ce jour de technologies de substitution leur permettant de réduire massivement leurs émissions de CO2.
Ce déploiement à grande échelle suppose donc que soient levés de nombreux défis parmi lesquels :
-la réduction les coûts du captage, l’étape la plus coûteuse de la filière CCS, la démonstration des capacités de stockage massif de CO2 dans les aquifères salins profonds
- la maîtrise du confinement du CO2 et de la sécurité du stockage sur de longues périodes (plusieurs centaines d'années) dans des structures géologiques de stockage.
Le captage du CO2 peut représenter jusqu’à 70 % du processus en termes de coût et constitue un enjeu technologique et économique majeur. Il existe deux façons principales de capturer le CO2 :
- le captage sur les fumées "post-combustion" consiste à récupérer le CO2 en lavant par solvant les fumées émises par la combustion. Il existe des techniques de captage de CO2 qui sont bien connues et employées dans le traitement du gaz naturel dont les concentrations en CO2 sont réglementées. Dans le cas d'un lavage des fumées résultant de la combustion, les installations sont très coûteuses et consomment des quantités importantes d'énergie. Des options innovantes de captage de CO2 dans les fumées sont à l’étude en vue de minimiser la consommation énergétique et de réduire la taille des installations et les investissements.
- le captage en oxy-combustion consiste à réaliser la combustion de combustibles carbonés en présence d'oxygène pur au lieu d'air, ce qui permet d’obtenir des fumées plus concentrées en CO2 (de l'ordre de 90 %). Celui-ci est alors plus facile à séparer de la vapeur d’eau avec laquelle il est mélangé. Le principal problème est le coût de production de l’oxygène pur, obtenu en général par distillation cryogénique de l’air.
Un autre moyen est étudié : le Chemical Looping Combustion (CLC). Ce procédé
est basé sur le recours aux oxydes métalliques pour réaliser la combustion. Les particules métalliques en s’oxydant permettent
le transfert de l’oxygène dans la zone de combustion, séparant ainsi l’oxygène
de l’azote. Ce principe devrait permettre de réduire fortement les coûts de
captage si les verrous technologiques associés sont levés.(Cette technologie
est développée par IFPEN en collaboration avec Total).
Conclusion :
Il n'existe pas, selon l'Agence internationale de l'énergie de scénario crédible permettant une baisse des émissions de CO2 suffisante pour stabiliser le climat uniquement à base de renouvelable et d'économies d'énergie.
La séquestration du carbone n'est pas une solution miracle, mais peut s'inscrire dans une action plus générale incluant aussi le développement du nucléaire, les économies d'énergie, les renouvelables, la reforestation…
Il est assez déprimant de constater que les partis estampillés écologistes s’opposent
pour la plupart à ces deux technologies critiques que sont le nucléaire et la
capture et stockage du CO2 (CCS)
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