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lundi 13 mars 2023

Marché Européen de l’Energie : les propositions de la CFE-CGC

 

https://cfe-energies.com/nos-propositions-pour-la-reforme-du-marche-europeen-de-lelectricite/

 

La montée en flèche des prix de l'électricité met maintenant en évidence, pour différentes raisons, les limites de la conception actuelle de notre marché de l'électricité. [Le marché] a été développé dans des circonstances et pour des objectifs complètement différents. Il n'est plus adapté à sa finalité. C'est pourquoi nous, la Commission, travaillons maintenant à une intervention d'urgence et à une réforme structurelle du marché de l'électricité » (Ursula  Van Der Leyen, aout 2022 »

 

Appel à une réforme systémique

 

La CFE Énergies appelle à une réforme en profondeur du market design du marché européen de l’électricité  Cette réforme qui doit s’appuyer sur une approche industrielle et sociale est en effet la plus à même d’apporter une réponse structurelle et durable aux défaillances du marché de l’électricité que la crise, démarrée dès l’été 2021 avec la reprise des activités en Chine et amplifiée par le conflit russo-ukrainien, a mises en évidence.

 

Dans le contexte de crise que l’Union européenne connaît, évitons toute débâcle industrielle avec son cortège de délocalisations d’industries à forte intensité énergétique au profit de pays tiers, y compris d’Amérique du Nord, et conduisant à la perte d’emplois à haute valeur ajoutée et à la fragilisation d’un projet européen fondé sur la prospérité économique.

 

Dans le contexte créé par l’Inflation Reduction Act américain, pour protéger durablement et très rapidement la compétitivité énergétique de l’Europe, évitons les demi-mesures. Il est tout aussi indispensable d’éviter l’accroissement de la précarité énergétique qui creuse les inégalités, appauvrit les citoyens et donc fragilise leur adhésion au projet européen. La CFE Énergies s’inscrit donc dans le constat fait par la Présidente de la Commission européenne elle-même au plus fort de la crise sur un « marché qui ne fonctionne pas ».

 

Pour la CFE Énergies, cette réforme ne doit en aucun cas être guidée par tous ceux qui font des règles du marché un horizon indépassable, qui ont prôné le règne du tout marché sans aucune entrave pour ne priver les consommateurs d’énergie d’aucune des soi-disant opportunités offertes par le marché, et qui souhaitent que surtout rien ne change. A l’automne 2021 quand la flambée des prix a commencé sur les marchés, ces mêmes défenseurs de l’inaction considéraient que la crise des prix n’était que temporaire, qu’aucune réforme n’était nécessaire et que tout rentrerait dans l’ordre début 2022. L’histoire leur a donné tort au regard notamment des dommages causés par une exposition des consommateurs à la flambée et à la volatilité des prix de marché de l’électricité.

 

Pour le CFE Energies, ce sont bel et bien des remèdes structurels que la Commission doit envisager pour remédier aux dysfonctionnements du marché. Elle doit s’attaquer réellement aux racines profondes de la crise, à savoir le mécanisme de formation des prix et la foi dans une concurrence totale. Procrastiner pour ménager la chimère du tout-marché, créera les conditions des crises futures, et donc hypothéquera l’autonomie stratégique et la compétitivité énergétique de l’Europe.

 

La CFE Energies rappelle il faut avoir à l’esprit que l’électricité relève de la théorie des biens communs et non de recettes ultralibérales qui éludent les particularités techniques et sociétales de ce produit si particulier qu’est l’électricité. La Commission ne peut donc pas se contenter pour réformer le market design d’évolutions à la marge, assises sur des mécanismes qui eux préservent une logique de marché appliquée de manière aveugle comme certains le défendent. La CFE Énergies considère donc que la Commission doit aller bien plus loin que les analyses et recommandations de l’ACER.

 

Critique de l’idéologie de la concurrence : exemple des USA

 

En l’espèce, la Commission doit, dans la préparation de cette réforme du market design, prendre en compte la théorie économique qui rappelle qu’un monopole bien régulé est le plus à même de garantir aux consommateurs un prix reflétant l’optimisation des coûts du système électrique et aussi la sécurité du réseau. A l’inverse, déréguler de manière aveugle revient à tout désoptimiser ! Adam Smith, pourtant père du libéralisme et apôtre de la concurrence, ne préconisait-il pas un État puissant gardant sous sa coupe, hors marché, les activités indispensables à sa sécurité ? Tel est le cas des infrastructures électriques !

 

Dans cette perspective, la CFE Énergies rappelle que les conclusions du dernier rapport de l’évolution des prix au sein du G20 des services de la Commission démontre que l’effet de la concurrence sur les prix est décevant et que c’est en Europe que les prix de détail sont les plus élevés, pour les consommateurs comme pour les entreprises. L’actuelle flambée des prix ne fait que renforcer ce constat plus que défavorable pour l’Europe, pour sa compétitivité et le niveau de vie de ses citoyens face aux autres pays du G20.

 

Force est aussi de constater qu’aux États-Unis, ce sont les États ayant opté pour la concurrence intégrale à l’aval qui connaissent les prix les plus élevés et en plus forte hausse comparé aux États ayant gardé un marché aval et des prix régulés, voire un monopole public. Ces derniers sont d’ailleurs ceux qui protègent le mieux leurs citoyens en les faisant bénéficier de la compétitivité du mix de production propre à chaque État. Dès lors, puisque nul autre endroit au monde n’a mis en œuvre une ouverture du marché de l’énergie aussi profonde et uniforme qu’en Europe, et que la comparaison au sein du G20 n’est guère flatteuse pour le choix européen uniforme du tout marché, la réforme du market design gagnerait à tenir compte  du modèle américain ou canadien où chaque État ou Province est libre de définir son degré de régulation ou de dérégulation du marché de l’énergie. On ne pourra pourtant pas nier que ces pays fédéraux connaissent un degré d’intégration politique et économique aussi important, sinon supérieur, que l’Union européenne.

 

Les propositions : chaque Etat responsable de son mix énergétique, Contrat de long terme, régulation, acheteur unique, neutralité technologique, fin de la priorité d’injectiondes ENR, garanties de puissance pour les fourniseeurs alternatifs

 

La CFE Énergies demande donc que la réforme du market design ouvre la voie à une dérégulation subsidiaire qui laisserait à chaque État - Membre des marges de manœuvre pour définir ses propres remèdes, y compris sur le marché de détail, sans pour autant remettre en cause le marché de gros paneuropéen. Cette subsidiarité laisserait ainsi à chaque État - Membre la liberté de choisir ses outils de régulation et donc son modèle d’organisation du marché en cohérence avec son choix de mix électrique bas carbone. Conformément au Traité de Lisbonne, chaque État - Membre resterait responsable de l’adéquation entre sa production et sa consommation, et plus largement de sa sécurité d’alimentation électrique. Cette liberté régulatoire donnée aux États - Membres serait on ne peut plus fidèle à l’esprit des pères fondateurs de l’Europe, à savoir l’unité dans la diversité. Car sans liberté donnée au degré de dérégulation de chaque pays de l’UE, il ne peut y avoir de respect strict de la diversité des mix électriques nationaux garanti par le TFUE, ni de défense du bénéfice des choix nationaux de mix électrique pour les citoyens.

 

Plus largement, force est de constater que le modèle du tout marché, basé sur un marché Energy Only, qui a présidé jusqu’à présent à la construction européenne de l’énergie, a conduit à un marché paradoxal, myope, incapable d’envoyer les bons signaux économiques, tant aux producteurs qu’aux consommateurs, et a exposé ces consommateurs comme ces producteurs à la volatilité des marchés de gros, et donc à la volatilité et à l’explosion des prix. Cette volatilité des prix, limite les investissements et conduit à une limitation des capacités de production pourtant essentiels à la réussite du Green Deal, et augmentent ainsi le risque sur la sécurité d’approvisionnement des réseaux.

 

Parce que le marché actuel n’est pas à la hauteur des enjeux du Green Deal, il est indispensable que la réforme du market design ouvre la voie aux signaux économiques stables de long terme. Dans cette perspective, le développement des contrats de long terme tels que les CfD (contrats pour différence) et les PPA (Power Purchase Agreement) est un premier pas bienvenu en faveur de cet impératif de long terme. En effet, on a pu remarquer sur ces 15 dernières années que ces types de contrats, déjà ouverts à certaines énergies renouvelables, ont eu un effet certain sur l’installation de moyens de production de ce type d’énergies. Il est par ailleurs intéressant de remarque que c’est non pas la main invisible du marché mais la main consciente des Nations planificatrices qui ont permis ceci.

 

Pour autant, le développement de tels contrats risque fort de s’avérer insuffisant au regard de l’impératif de planification de long terme des investissements bas carbone, seule à même de garantir la sécurité des approvisionnements électriques de l’Europe sur le moyen-long terme. C’est pourquoi la subsidiarité régulatoire que la CFE Énergies appelle de ses vœux doit pouvoir ouvrir la voie, aux États – Membres qui le souhaitent, à la mise en place d’un opérateur public responsable à la fois de la contractualisation long terme pour les acteurs qui le souhaitent et de la planification long terme des investissements, comme prévu dans les premières directives sur le marché de l’électricité, notamment en 1996.

 

De plus, parce que la sécurité électrique de l’Europe repose sur la pérennité des moyens pilotables de production électrique bas carbone et leur développement au fur et à mesure du développement des énergies renouvelables électriques intermittentes, il est indispensable que les règles du jeu, tant pour la contractualisation long terme que pour l’accès au réseau, reposent désormais sur une stricte égalité de traitement entre moyens pilotables et moyens intermittents en supprimant l’accès prioritaire au réseau  dont bénéficient les énergies renouvelables et en améliorant la rémunération de la garantie de flexibilité des moyens pilotables bas carbone et enfin, en obligeant tous les moyens bas carbone de production d’électricité à des garanties de puissance pour le système électrique. La réforme du market design doit, pour la CFE Énergies, remédier à une distorsion régulatoire préjudiciable à la sécurité énergétique de l’Europe.




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