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jeudi 25 mai 2023

Quelques petits problèmes sur la consultation CNDP Débat Penly

 Certaines voix (et certaines vraiment inattendues) semblent mettre en cause l’attitude des pronucléaires dans  le debat Penly de la CNDP, à propos de la programmation de 6 EPR2. Alors, on refait, non pas le match ( c’est fichu et bien saboté !), mais le point.



1) Les déclarations de Chantal  Jouanno  avant et au début du débat

Le Monde , 18 octobre

« Faut-il blâmer le public qui a constaté que les enseignements du débat de 2005 avaient été ignorés dans la loi du 28 juin 2006 sur la gestion des matières et déchets radioactifs, qui écartait toute autre solution que l’enfouissement en couches géologiques profondes ? Ou ne faudrait-il pas plutôt pointer du doigt les responsables politiques qui sont restés sourds aux enseignements du débat public ? »

« Le débat public de 2005 sur la gestion des déchets radioactifs a démontré que le seul compromis possible pour traiter les déchets radioactifs était de maintenir ouvertes toutes les solutions possibles, et pas uniquement l’enfouissement en couches géologiques

« Le débat public n’est plus une succession de grandes réunions où la parole est séquestrée par les plus forts »

Or, le débat public sur les déchets (PNMGDR)  a été un échec. De multiples réunions ont été profondément perturbées, celle de Lille, la plus centrale,  a dû être annulée . Et les affirmations ci-dessus sont essentiellement fausses

Interview  dans le très antinucléaire Reporterre, 17 janvier 2023

 « En raison de frais financiers plus lourds sur l’investissement nucléaire, les sources renouvelables sont beaucoup plus intéressantes que les EPR. »

Le moins qu’on puisse dire est que ces déclarations pouvaient inquiéter sur l’impartialité de la CNDP et la qualité du débat qu’elle organisait. Les militants du Voix du Nucléaire qui ont alerté sur les réseaux sociaux étaient parfaitement fondés à le faire. Pour ma part, je considère que Mme  Jouanno aurait dû démissionner. 

Et déjà se met en évidence un défaut majeur de la CNDP, sur laquelle elle ne veut rien entendre : la connaissance scientifique n’est qu’une opinion parmi d’autres.

2) Pour la CNDP, seules les organisations militantes antinucléaires sont légitimes ?

Comme organisations militantes, seules les organisations militantes antinucléaires (Negawatt, Greenpeace, Sortir du nucléaire, RAC , Global Chance), étaient invités par la CNPD. Ni Les Voix du Nucléaire, ni Patrimoine nucléaire et climat, ni Sauvons le climat, ni le Cérémé, ni Ecologistes pour le Nucléaire, etc.  n’étaient  invités. Ni d’ailleurs des autorités scientifiques indépendantes comme l’Académie des Sciences et l’Académie des Technologies qui se sont exprimées clairement sur le sujet.

Il a fallu beaucoup insister, mais de manière très officielle et très correcte, pour que les Voix du Nucléaire puissent intervenir, et en  "portion » très  congrue par rapport aux organisations anti nuc. (on doit pouvoir trouver des décomptes)

Ceci pose d'ailleurs un vrai problème :  alors que l'opinion française est majoritairement favorable au nucléaire, n’est-ce pas accorder un poids excessif à un point de vue minoritaire mais très militant, ce qui fausse le débat ?

De façon plus générale, au sein de beaucoup d’instances officielles, cette visibilité, cette surreprésentation accordée à certaines ONG au détriment d’autres ou de partenaires plus institutionnels a  été critiquée par certains syndicats lors de la Commission Schellenberger ( réunion n°30, 25 janvier 2023)

Le caractère déséquilibré  des invités et des interventions au profit d'organisations antinucléaires a pour effet que le débat devient une source  de  fake news ahurissantes comme l'eau de refroidissement des centrales restituée "dans des conditions de dégradation impossibles" qui ne sont pas démenties en direct.

3) Et après la partialité, la malhonnêteté

Lors d’un débat ( 12 janvier 2023) organisé en zoom uniquement (compte-tenu de la dégradation des conditions du débat) sur les conséquences sur le travail et l’emploi, l’intervenant expert  chargé des emplois était M. Quirion présenté comme expert CNRS/CIRAD.  Il a fallu s’y reprendre à trois fois sur le chat ( et être menacé de déconnexion)  en demandant que soit également précisée sa qualité de président du très anti-nucléaire Rassemblement Action Climat. L’organisateur a bien pris la parole pour indiquer que M. Quirion était également président du RAC  (Rassemblement Action Climat)  sans indiquer qu'il s'agissait d'une organisation anti-nucléaire et a précisé qu’il parlait en tant qu’expert CNRS. Vu la divergence de ce qu’il présentait avec d’autres données, on peut en douter…mais rappelons que la CNDP a mordicus refusé tout idée de fact checking, que ce soit en ligne ni  a posteiori.

Rebelotte quelques jours plus tard avec une réunion consacrée au financement. L’organisation  Global Chance, dont l'une des vedettes est l'inénarrable B. Laponche) a été présentée comme experte sur les problèmes de financement sans préciser qu’elle est une organisation militante anti nucléaire revendiquée. Global Chance  a pu aligner ses allégations présentées comme des expertises  sans aucun avertissement (cette fois, les interventions sur le chat n’ont été suivies d’aucun effet).

Est-ce cela que la CNDP juge comme des incorrections ? Nous n’en aurions alors pas vraiment la même définition.

4) Des conditions du débat

A Paris, par exemple, le 8 novembre, il fallait, pour pénétrer dans la salle, franchir un comité d’accueil aimablement composé par les collectifs anti-Bure, anti- Piscine La Hague, Sortir du Nucléaire. Les mêmes ont pénétré dans la salle et exigé un temps de parole au début de la réunion qui leur a été accordé. Lors de la réunion, certains se promenaient dans la salle et plaquaient violemment sur les tables des paquets de tracts. Au moins, la réunion a-t-elle pu se tenir .

Ca ne semble pas beaucoup gêner M Michel Badré qui a déclaré : « Le chahut au cours de réunions, comme lors du débat sur le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), dont j’ai été membre de la CPDP, ça fait partie du droit de manifester, tant qu’on n’en vient pas aux mains. »

https://www.lagazettedescommunes.com/831161/nucleaire-ou-pas-il-y-a-toujours-plusieurs-reponses-possibles-a-une-question/

Pour le PNGMDR, lors des réunions les plus importantes, aucune présentation n’a pu avoir lieu normalement, aucun partisan du nucléaire n’a pu avoir droit à la parole sans craindre pour sa sécurité.

Cette  conception du débat est assez curieuse et problématique, tout le monde n’est pas à l’aise pour s’exprimer dans ces conditions. Il me semble qu’au contraire les organisations qui se livrent à ces agissements devraient a minima être bannies de débats futurs…

 Est-il utile de mentionner que c’est toujours le même côté ( antinucléaire) qui est en cause, et que je mets quiconque au défi de trouver une réunion de la CNDP qui ait été si peu que ce soit perturbée par des militants pronucléaires, ou a fortiori empêchée ?

5) Le dérapage complet : quand la CNDP sabote son propre débat

Le 18 janvier 2023, le Sénat introduisait un article dans la loi accélération du nucléaire supprimant le plafond de 50% de nucléaire dans le mix électrique. La CNDP réagissait par un communiqué très vif signé de Chantal Jouanno et Michel Badré :

« Une telle mesure, anticipant de quelques mois un débat relevant du projet de loi de programmation énergétique, ne change rien aux délais de réalisation éventuelle d’un programme de relance du nucléaire: les enjeux d’ingénierie, de formation et d’emploi ou de mise en place du financement, sans aucun doute les plus déterminants sur le calendrier de réalisation, ne relèvent en rien de cette anticipation mineure. Elle revient en revanche à considérer comme sans intérêt pour définir la stratégie énergétique les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours. »

https://www.debatpublic.fr/sites/default/files/2023-01/230118-CP-PJL-CNDP.pdf

Une telle réaction a été évidemment comprise par tous les groupements antinucléaires comme une légitimation de leurs actions et de leurs méthodes pour s’opposer au débat ou s’en retirer pour ceux qui l’avaient accepté et voyaient, séances après séances, que leurs arguments ne portaient pas.  A signaler que le vice- président EELV de la communauté urbaine de Lyon, M.  Philippe Guelpa-Bonaro, appelait à manifester contre le débat prévu à Lyon le 2 février.  Etrange attitude pour un élu face à un débat public institutionnel, non ?https://twitter.com/FilGB/status/1620707270228348928.

De fait, aucune des réunions programmées ensuite n’a pu se tenir, à commencer par celle de Lille du 26 janvier. A noter l’étrange passivité de Mme Jouanno et M Badré, qui n’ont pas dénoncé ce qui constituait quand même des atteintes aux libertés fondamentales d'information, d'expression et de consultation des citoyens et ont réservé leur ire aux Sénateurs ; ce qui interroge sur leur conception de la démocratie et de l’organisation des  pouvoirs (Auguste Comte, Comte, « pour conseiller, il faut ne pouvoir jamais commander »)

6) Le bilan interdit et pourtant indispensable

Le 27 février 2023, la CNDP clôturait le débat par en quelque sorte, un débat sur le débat, ce qui était plutôt intelligent et aurait pu être utile.

Aurait pu, si1) curieusement, il n’avait pas  été annoncé à tous les participants par vidéo qu’aucune mise en cause de la présidente de la CNDP ne serait toléré (ce qui limitait  quelque peu les débats et si 2)   l’on n’avait pas assisté à un déni de la Présidente Mme  Jouanno , voire à des mensonges caractérisés sur le thème  le débat se déroulait sans problème majeur jusqu’au 24 janvier, après c‘est la responsablité du Sénat s’il a dérapé.

« je le répète, le débat public n’a été ni interrompu, ni suspendu ».

Et ceci : « certaines personnes ont souhaité que le débat soit arrêté. Elles ont argumenté qu’il ne servait à rien, que manifestement le public n’avait pas les compétences pour traiter un sujet aussi technique, que seuls les contestataires s’exprimaient et qu’il aurait fallu utiliser la force pour les évacuer. Il n’a jamais été question d’interrompre le débat. Il n’a jamais été question de laisser la force, quelle qu’elle soit, confisquer le débat. »

Non Madame Jouanno, ce ne sont pas les pronucléaires que vous semblez viser qui ont empêché la poursuite du débat, ce ne sont pas eux qui ont perturbé, puis empêché les réunions, ce ne sont pas eux qui ont employé la force, la violence verbale et parfois physique pour intimider leurs opposants, ce ne sont pas eux qui ont mis fin aux débat ! Et il est regrettable que vous ne vous soyez pas interrogée sur votre propre responsabilité

Il est dommage que non seulement vous ayez été incapable de tenir ce débat sur les six nouveaux réacteurs, mais que vous ayez été aussi en quelque sorte interdit ce débat sur le débat qui aurait pu être utile.

A votre décharge, ce n’était pas facile, et, contrairement à ce que vous avez pu laissez penser, le problème n’est pas spécifique au nucléaire. Il est impossible actuellement de tenir un débat utile et informé sur les nanosciences, sur les OGM, sur le glyphosate, sur la politique de l’eau et les bassines, sur les phytosanitaires et plus généralement la politique agricole.

Il y a fondamentalement un problème d’ignorance de la science, de la démarche scientifique même, de ses méthodes et de ses  résultats, des statuts respectifs de la connaissance scientifique et de l’opinion  ( et la fameuse méthode des controverses du très relativiste Latour  que vous vous vantez d’utiliser est quelque peu problématique). D’interaction aussi entre la science et la société, de vulgarisation des connaissances scientifiques, du rôle et de la formation des journalistes scientifiques, de l’information des décideurs .

 Aller, deux pistes de réflexions

 « Le public ne sait pas ce qu’il lui faut, mais il sait parfaitement ce qu’il veut, et personne ne doit s’aviser de le vouloir pour lui » ( Auguste Comte )

« L’air du temps, en accusant la science de n’être qu’un récit parmi d’autres, l’invite à davantage de modestie. On la prie de bien vouloir gentiment "rentrer dans le rang" en acceptant de se mettre sous la coupe de l’opinion…

La philosophie des Lumières défendait l’idée que la souveraineté d’un peuple libre se heurte à une limite, celle de la vérité, sur laquelle elle ne saurait avoir de prise : les « vérités scientifiques », en particulier, ne relèvent pas d’un vote. La crise sanitaire a toutefois montré avec éclat que nous n’avons guère retenu la leçon, révélant l'ambivalence de notre rapport à la science et le peu de crédit que nous accordons à la rationalité qu’il lui revient d’établir. » (Etienne Klein, le goût du Vrai)



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