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dimanche 6 août 2023

Changement d’état d’esprit dans la finance : la finance verte deviendrait vraiment verte en devenant nucléaire ?

 Naguère : l’industrie du greenwashing !

Naguère se jouait un compagnonnage détestable et dangereux entre certains milieux financiers et écolos bigots, les premiers recherchant un verdissement hypocrite de leurs activités et de nouvelles sources de profits appuyées sur de grasses et garanties subventions, les seconds obtenant un semblant de crédibilité financière pour des projets parmi les plus vaseux.

Il y a eu d’excellents exemples de cela, par exemple avec la plate-forme sur la finance durable de l’UE qui a tenté de s’opposer à l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie et le label français Greenfin censé garantir la qualité verte des fonds d’investissement et qui excluait l’ensemble des activités de la filière nucléaire (y compris les sociétés réalisant plus de 33% de leur chiffre d’affaires dans le nucléaire). On ajoutera par exemple à ceci la communication alambiquée de la banque Lazard qui produit depuis 2007, une analyse comparée des coûts des différentes sources d’énergie basée sur les LCOE et régulièrement brandies par les dirigeants écolos alors que la seule prise en compte des LCOE pour comparer des systèmes de productions aussi différent que le nucléaire et les Energies Variables Intermittentes relève, soit de l’incompétence crasse, soit de la mauvaise foi insigne.

Cf sur ce  blog

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2022/03/la-finance-le-nucleaire-et-des.html, https://vivrelarecherche.blogspot.com/2022/05/greenfin-ou-le-coup-de-poignard-dans-le.html

Le contexte semble décidément changer avec la publication de Mac Kinsey : « Yes, nuclear can help answer the climate and energy security challenge »

Extraits

Un nouveau contexte pour le nucléaire

« Nous pensons que l'énergie nucléaire peut être un moyen important de combler les lacunes sur la voie souhaitée vers un avenir sûr, économiquement soutenable et axé sur l'énergie propre. L'énergie nucléaire ne produit aucune émission, est une technologie bien établie qui, avec les bonnes approches, peut répondre à l’ampleur des défis et compléter les sources d'énergie telles que l'éolien et le solaire, et peut générer de l'énergie propre directement dans des secteurs critiques tels que les transports et les bâtiments. Non seulement elle a un rôle important à jouer dans la transition énergétique, mais son potentiel est réalisable – si l'industrie se met en bon ordre de marche.”

« McKinsey estime qu'environ 1 000 milliards de dollars par an d'investissements en capital seront nécessaires pour que les États-Unis puissent réaliser la transition énergétique d'ici 2050. Cela représente environ 4% du PIB des États-Unis en moyenne. »

« Le secteur de l'électricité doit se décarboniser – à l'heure actuelle, il représente environ 30 % des émissions mondiales et la demande d'électricité pourrait tripler d'ici 2050, sous l'effet de l'électrification croissante et de la croissance économique »

« Contrairement aux énergies renouvelables qui offrent un approvisionnement énergétique intermittent, le nucléaire a déjà démontré qu'il peut fournir une énergie fiable et flexible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, tout en utilisant beaucoup moins de terres que de nombreuses énergies renouvelables… C'est également la seule option zéro carbone qui fonctionne pour les processus industriels à haute température, tels que la production d'acier ou de ciment. »

« Dans ce contexte, construire plus de centrales nucléaires pour fournir une production d'électricité fiable, toujours active et zéro émission peut sembler une décision simple. Pourtant, sur de nombreux marchés importants, dont l'Europe, le Japon et les États-Unis, le scepticisme et l'hostilité du public à l'égard de cette démarche demeurent. La grande majorité des nouvelles constructions nucléaires ont lieu en Asie, en particulier en Chine, en Inde et en Corée. La Russie et la Turquie construisent également plusieurs usines »

« Bien que la perception du public représente un obstacle à la construction de nouvelles centrales nucléaires, nous croyons que la responsabilité de répondre à ce moment de besoin dans la transition énergétique incombe à l'industrie elle-même. »

Les recommandations de Mac Kinsey

Les défis

« L'ensemble des principaux défis que l'industrie doit relever est le suivant :

1) La complexité et la variation de la conception des réacteurs, de sorte que chaque centrale est une « première en son genre », avec peu de répétition des conceptions standard pour saisir les améliorations de projet en projet. Remarque : en voie de résolution avec l’industrialisation des EPR2

2) Base industrielle limitée pour les matériaux, les systèmes et les composants, ainsi que les besoin de procédés de fabrication spécialisés et de matériaux rares. Remarque : ce fut tout l’enjeu de Flamanville que de remettre en marche toute une filière qui était en voie de disparition fautes de constructions, et c’est pour cela que nous devons développer un programme EPR ambitieux ( au moins 14 pour commencer)

3) La pénurie de travailleurs qualifiés et de travailleurs salariés possédant l'expertise requise, aggravée par une main-d'œuvre vieillissante de professionnels expérimentés du nucléaire; Remarque : de nombreuses initiatives en ce sens en France

4) Capacité d'exécuter la construction de manière efficiente et efficace, sans reprises, afin d'assurer une livraison à temps et dans les limites du budget, et qui réponde à des normes de qualité rigoureuses Remarque : en bonne voie  grâce au retour d’expérience de Taishan, d’Olkiluoto, de Flamanville, d’Hinkley point.

5) Les partenariats et les contrats de construction qui ne reflètent pas l'étendue des risques du projet inhérents à la complexité de la technologie;

6) Des exigences réglementaires complexes et changeantes qui ne sont pas uniformes d'un gouvernement à l'autre

Les recommandations

1) Accès au capital : Réaffecter agressivement les capitaux publics et privés au secteur nucléaire. La transition vers la carboneutralité représente la plus importante réaffectation de capital jamais réalisée. Le nucléaire devrait recevoir sa part appropriée dans toutes les sources, y compris le capital-investissement, la dette et les investisseurs institutionnels, tout en poursuivant avec audace des partenariats public-privé pour réduire les risques. Le financement sera essentiel pour relancer l'industrie; Nous estimons que les coûts d'investissement pourraient s'élever à environ 500 milliards de dollars par an pour soutenir le développement de nouvelles technologies, la mise à l'échelle de la base industrielle et la construction de nouveaux réacteurs. Quelles que soient les sources d'investissement, la gestion des risques liés aux coûts sera impérative, ce qui pourrait nécessiter un soutien politique pour rendre supportable le risque financier à mesure que le secteur se développe..

2) Innover ! Innover plus rapidement. Il y a une émergence de start-up dans le domaine nucléaire axées sur l'innovation à la fois dans la conception traditionnelle des réacteurs à eau légère dans le cadre des technologies Gen-III+ et sur l'intégration de nouvelles conceptions, parfois uniques en leur genre, Gen-IV. L'industrie a l'occasion d'accélérer ces nouvelles conceptions en tirant parti des leçons tirées d'autres start-up et de leur écosystème nord-américain, et peut-être du secteur public et privé de la défense, du système universitaire..

3) L’emploi : « Comblez le manque de main-d'œuvre dans les secteurs de la fabrication, de la construction et des opérations. À l'heure actuelle, l'industrie nucléaire aux États-Unis et au Canada fournit environ 130 000 emplois directs et 470 000 autres emplois indirects. Notre analyse suggère que cette main-d'œuvre à elle seule devrait atteindre plus d'un million de personnes – et plus de cinq millions dans le monde – pour que l'industrie augmente sa capacité à 50 GW par an.. »

4) « Créer une base industrielle qui renforcera la compétitivité des pays dans la transition énergétique... Un plus grand nombre de nouveaux programmes de construction soutenus par les gouvernements pourraient renforcer la confiance des investisseurs dans la mise en place de chaînes d'approvisionnement pour ces composants. Les acteurs de l'industrie pourraient établir des centres d'excellence pour développer des procédés de fabrication et aider à qualifier davantage de fournisseurs de composants afin de répondre aux normes de performance et de qualité. »

5) Rationalisez et accélérez les processus d'octroi de licences à l'échelle mondiale. Les leaders de l'industrie, les régulateurs et les décideurs pourraient utiliser un consortium industriel pour définir les exigences mondiales en matière de licences et travailler avec les gouvernements pour planifier la mise à l'échelle.

6) Devenir le meilleur de sa catégorie dans l'exécution de mégaprojets. Remarque : naguère, les ingénieurs français et leur formation particulière avaient plutôt bonne réputation pour cela, ça peut revenir, le renouveau du succès des études d’ingénieurs est plutôt encourageant

https://www.mckinsey.com/capabilities/sustainability/our-insights/yes-nuclear-can-help-answer-the-climate-and-energy-security-challenge?cid=soc-web


 L’IBNI, un game changer pour le financement du nucléaire ? Rendez-vous à la COP28 !

Saviez-vous  que des institutions multilatérales comme la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement excluent le financement du nucléaire ?  De même pour la banque Européenne d’investissement dont l’un des dirigeants français (Grégoire Chauvière Le Drian)  déclarait en 2022 « Financer le nouveau nucléaire tricolore sera très difficile pour la Banque européenne d’investissement… en cause : les dissensions entre Etats européens, déjà apparues lors des débats sur l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte ».

Alors une banque vient de se créée, IBNI soit l’ International Bank for Nuclear Infrastructure qui dera regrouper une coalition de pays d’ici fin 2023 et lever des fonds en 2024. IBNI serait une institution financière internationale multilatérale visant à financer l’expansion de l’énergie nucléaire parmi les pays développés et en développement.

L’BNI  fournira une gamme complète d’outils de financement, allant des prêts commerciaux à faible coût, aux marges de crédit, des capitaux propres, des garanties et des instruments de couverture, éventuellement d’autres solutions d’assurance et de gestion des risques — des produits de financement qui ne sont pas actuellement présents sur le marché. L’ IBNI vise à combler les lacunes existant dans le financement du nucléaire, au-delà de ce les Etats font déjà,  jusqu’à ce que les marchés financiers mondiaux soient en mesure de fournir ces services. 

La composante commerciale de la banque nécessiterait une contribution de 50 milliards de dollars de la part d’une coalition de 30 pays membres ou plus.  La composante subvention nécessiterait environ 5 milliards de dollars de financement de donateurs gouvernementaux provenant d’un sous-ensemble de sept pays ou plus, et devrait permette d’obtenir un effet de levier de l’ordre de grandeur de 25 milliards de dollars.


La création de l’IBNI vise à contourner les difficultés à changer les règles des institutions financières internationales actuelles concernant le financement du nucléaire:

 

Dixit l’un de ses fondateurs :

 

« En fait, j’ai créé  ce programme après plusieurs années d’une campagne pour changer la politique de la Banque mondiale. Ce que nous avons compris, c’est qu’il est très difficile de modifier les politiques de la Banque mondiale et d’autres institutions financières multilatérales parce qu’elles fonctionnent essentiellement par consensus; dans chacune d’entre elle, il y a des pays qui sont antinucléaires ou qui ne sont tout simplement pas favorables à un changement de politique pour diverses raisons, soit parce que vous avez un pays comme l’Allemagne qui est farouchement antinucléaire, soit parce que vous avez simplement des pays qui n’ont pas d’intérêt dans le nucléaire et qui ne vont pas se lancer dans le nucléaire »

 

« La plupart des gouvernements avec qui nous avons discuté  s’accordent sur le fait qu’il y a un grand écart dans leur capacité à financer l’énergie nucléaire, à se développer à la fois au niveau national mais surtout à des fins d’exportation, et cela inclut le gouvernement américain, qui a vraiment aujourd’hui aux États-Unis un soutien bipartite sans précédent pour le nucléaire et une législation importante maintenant adoptée pour soutenir le nucléaire.. »

 Je pense que nous avons fait valoir avec force pourquoi un mécanisme multilatéral serait plus efficace en termes de capacité à attirer des capitaux mondiaux et à atteindre un multiplicateur de capital très élevé pour chaque dollar de financement public.. »

Une déclaration conjointe avec des pays membres potentiels, dont les États-Unis, le Canada, la France, le Royaume-Uni, le Japon, la Corée du Sud et les Émirats arabes unis devrait êre annoncée lors de la COP 28, en décembre 2023 à Dubaï. A suivre !

Source https://www.energyintel.com/00000189-b310-dbd9-a9df-f75c1eb50000


NB Cela faisait un certain temps que les nuages s'accumulaients sur la finance verte ; A l'étranger, comme en Fance, où  avec la discussion sur le label ISR en France, c'est devenu unv rai champs de mine dans un tunnel obscur

"Alors que la finance « verte » était devenue en quelques années une évidence pour tous, elle a été victime tout le long de l'année 2022 d'un « ESG bashing » tous azimuts. Les premières attaques sont venues de « l'intérieur », d'éminents responsables ESG au sein de grandes institutions financières, qui ont commencé à émettre des doutes sur le sérieux de la finance durable, voire même son utilité.

Un cadre de DWS, société de gestion d'actifs allemande, filiale de Deutsche Bank, accusa ainsi, fin 2021, sa direction d'avoir surestimé les encours ESG, ce qui provoqua un premier scandale sur les pratiques de greenwashing, une enquête de la justice allemande et la démission du patron de DWS."

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/la-finance-verte-a-connu-en-2022-sa-premiere-crise-de-croissance-946065.html

"Il y a d'abord eu la Virginie occidentale. Ce pays du charbon a retiré une partie de ses placements chez BlackRock en janvier 2022, et annoncé six mois plus tard qu'elle ne ferait plus affaire avec les banques Goldman Sachs, JP Morgan, Morgan Stanley, Wells Fargo, US Bancorp. 

Puis en août, l'Etat du Texas a surenchéri en publiant une liste noire de dix banques (dont BNP Paribas) et 348 fonds d'investissement zélateurs des énergies renouvelables, auxquels les fonds de pension texans et les émetteurs d'obligations municipales ne peuvent plus faire appel."

https://www.lesechos.fr/finance-marches/gestion-actifs/la-finance-responsable-a-lepreuve-du-feu-1902031

« Il n’en peut plus. Larry Fink, président du plus grand gestionnaire d’actifs au monde (près de 10 000 milliards de dollars), n’utilise plus le célèbre acronyme ESG (environnement, social, gouvernance). Ce dernier étant aujourd’hui manié comme « une arme politique 

https://www.lopinion.fr/economie/le-president-de-blackrock-ne-veut-plus-parler-desg

« Côté face, les questionnements autour du « greenwashing » n’ont jamais été aussi nombreux. Le scandale qui a touché le groupe de maisons de retraite Orpea a notamment fait beaucoup de mal. La société, extrêmement bien notée sur le plan ESG par les agences de notation extrafinancière, se trouvait dans les portefeuilles de nombreux gérants se revendiquant de la finance durable quand elle a été accusée de maltraitance des pensionnaires et de détournement d’argent public.

La pertinence du label ISR (investissement socialement responsable) s’est érodée à mesure que ses encours ont crû.. 

https://www.lemonde.fr/argent/article/2022/09/12/placements-la-finance-durable-l-est-elle-vraiment_6141206_1657007.html

« Près de 18 mois ont été nécessaires pour la rédaction d'une proposition de 55 pages, soumise aux acteurs financiers avant de l'être, pour approbation, au ministère de l'Economie. Ce long processus n'est pas allé sans tensions, avec le désengagement fin mars du Forum pour l'investissement responsable (FIR), un acteur important de la place financière parisienne.

Sur le plan climatique, il ne sera plus possible d'obtenir le label si le portefeuille est composé d'entreprises dont 5% au moins de l'activité dépend du charbon ou des hydrocarbures non-conventionnels (gaz de schiste, sables bitumineux, exploration de l'Arctique...) ou qui investissent dans de nouveaux projets liés à ces secteurs.

Sont ainsi exclus de fait les grandes majors pétrolières, dont TotalEnergies, même si, investir dans le secteur des énergies fossiles conventionnelles n'est pas rédhibitoire »

https://www.linfodurable.fr/finance-durable/finance-durable-le-label-isr-se-reforme-pour-etre-plus-credible-38018

« Directives européennes, propositions d’évolution des textes, les prises de positions de nombreuses instances politiques et de régulation se multiplient en matière de finance durable. Mais « faute de nuance, elle pourrait embarquer moins d’acteurs… Le futur référentiel ISR risque ainsi de freiner l’incitation à la transition des acteurs les moins vertueux en matière d’environnement et de climat. Faute de nuance, la finance durable pourrait embarquer moins d’acteurs alors que les enjeux de durabilité nécessiteraient d’orienter massivement les flux financiers vers de nombreuses entreprises en cours de transformation et qui feront l’économie de demain. La réglementation devrait plutôt prévoir de servir toutes les stratégies et classes d’actifs, en poussant à la transparence plutôt qu’à la standardisation.

https://www.environnement-magazine.fr/politiques/article/2023/06/05/144533/tribune-refonte-label-isr-des-contraintes-renforcees-pour-gestion-durable


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