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lundi 30 mars 2015

Une diplomatie scientifique pour la France


Il s’agit d’un rapport écrit en 2013 pour un ministre des affaires étrangères  plutôt actif et qui se soucie de renouveler et étendre l’action de son ministère ; bravo, et l’on est flatté que le quai d’Orsay réalise qu’il y a autre chose à promouvoir en France que le tourisme et la gastronomie, ou  même, la littérature. Le rapport dégage trois missions principales : soutenir la place de nos chercheurs et de nos entreprises dans la compétition internationale, associer plus étroitement le monde scientifique aux enjeux de politique étrangère, intéresser les chercheurs aux enjeux de développement, par la formation et la valorisation des capacités scientifiques des pays du Sud. Résumé et remarques :
Le rapport signale tout d’abord la place de la recherche française (5ème  au monde en 2009 en termes de dépenses (42,7 milliards d’euros, soit 2,26% du PIB – NB l’agenda de Lisbonne pour l’Europe de la Connaissance et de l’Innovation prévoyait 3% minimum) et 6e en termes de publications, mais avec seulement 4.1% des publications mondiales ; et également la « percée» des brics (Brésil, Inde, Russie, Chine) et des Civets ( Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie)
Remarque : Complètement à rebours des préoccupations sur la valorisation de la recherche, le rapport ne cite pas une fois, pas une seule fois, le mot brevet, et ne donne aucune indication sur la position de la France et le contexte international. Pourtant, pour qui consulte les bases de brevet, depuis que la Chine est rentrée dans le système international… c’est une explosion de brevets chinois, aux standards internationaux, qui indique une stratégie impressionnante.
Action des pouvoirs publics : « Alors que la croissance économique des États se fonde de plus en plus sur la construction de sociétés de la connaissance, l'appui des pouvoirs publics à l'internationalisation de la recherche française et au renforcement de l'attractivité du territoire et des institutions de recherche nationaux auprès des chercheurs étrangers est crucial. En liaison directe avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), le ministère des Affaires étrangères (MAE) participe, par la mobilisation de son réseau, au déploiement à l’international de la Stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI) tant dans ses priorités thématiques (santé et biotechnologies, urgence environnementale et écotechnologies, sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC) et nanotechnologies) que géographiques (BRIC, Japon, Corée du Sud) ». Pour cela, le ministère s’appuie sur les services scientifiques des ambassades, notamment : 255 personnels expatriés (conseillers, attachés, scientifiques, volontaires internationaux), et 27 instituts français de recherche en sciences humaines et sociales regroupant 146 chercheurs.
Remarque : Santé biotechnologie, environnement, STIC, physique théorique et nucléaire (le rapport cite brièvement le CEN et ITER ) ??? Oui, mais le seul encart du rapport et la plus grande partie du texte concerne… la recherche archéologique. Instrument important certes, prestigieux, historique pour le rayonnement culturel de la France - le rapport mentionne qu’elle sert aussi  « au maintien des relations entre États quand la diplomatie traditionnelle trouve ses limites », et cite expressément la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), seule institution archéologique internationale permanente dans ce pays. La diplomatie scientifique archéologique est un point fort de la diplomatie et de l’influence française, et compte-tenu des menaces islamistes sur un patrimoine, non seulement des pays concernés, mais de toute l’humanité, il doit être évidemment maintenu et cultivé. Mais on souhaiterait que le Ministère s’intéresse au moins autant aux secteurs scientifiques d’avenir…
Le rapport insiste justement sur l’établissement de liens avec l' étranger. « La mise en place d’un titre de séjour scientifique rénové en 2008, délivré sur la foi d’une convention d’accueil signée par l’établissement ou l’organisme de recherche de destination, a visé à simplifier l’accueil de chercheurs étrangers en France. Au total, plus de 48 000 chercheurs étrangers sont annuellement employés en France, dont environ 25 000 doctorants. »

Remarque : oui, mais. Pour les post doc, ils ont en général choisi leur laboratoire d’accueil sur un thème assez précis, ils savent (à peu près) où ils vont, pas de problèmes, sinon des tracas administratifs parfois trop lourds et à simplifier. Mais avant ? L’accueil des étudiants étrangers est assez souvent catastrophique, et il faudrait vraiment veiller à ce que seules les équipes et formations qui les encadrent et les suivent correctement soient habilités à en recevoir. C’est l’image de la France qui est en cause lorsqu’on expédie telle étudiante chinoise (du sud) à Nancy en plein hiver, dans une formation littéraire alors que sa connaissance de la langue française est plutôt rudimentaire, et sans aucun guide dans le maquis universitaire local. Ou lorsque dans certaines écoles (de commerce notamment), les étudiants (les Chinois là encore font de bonnes victimes…) peuvent acheter leurs diplômes. Le Ministère des Affaires étrangères et celui de l’Enseignement supérieur doivent travailler ensemble pour que les étudiants étrangers soient traités dignement. Et l’obligation de suivi pourra éviter ce qui est parfois mis en cause, des étudiants fantômes qui ne cherchent en réalité qu’une filière d’immigration.

Renforcer la lisibilité de la recherche française à l’étranger : « la prépondérance des organismes de recherche dans la recherche publique française constitue une spécificité qu’il convient d’expliquer à nos partenaires…Par ailleurs, les organismes de recherche français (CNRS, IRD, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), École française d’Extrême-Orient (EFEO), etc.) disposent de nombreux bureaux de représentation à l’étranger qui ne sont pas mutualisés et donnent une image fragmentée de notre dispositif, malgré le travail de coordination entrepris par nos postes. La mise en place de plateformes communes, voire d’un point d’entrée et d’orientation unifié, pourrait être étudiée. Les actions de communication des services scientifiques des ambassades méritent par ailleurs d’être renforcées et encouragées.

Remarque : Oui, et ce n’est rien à  côté des Classes préparatoires et des Grandes Ecoles, scientifiques ou littéraires, qui n’ont que peu d’équivalents à l’étranger et dont la particularité peut être difficile à expliquer… et mérite pourtant de l’être. Or la formation pluridisciplinaire et de haut niveau théorique des « ingénieurs à la française » suscite, lorsqu’elle est connue, un réel intérêt dans bien des pays qui ne considèrent pas forcément le système américain comme un modèle universel et efficace (Chine, Inde, Russie, Amérique Latine, Pays Arabes…)

Il faut ici signaler l’action remarquable de l’ancien proviseur de Louis Le Grand, M. Joël Vallat, et de quelques-uns de ses collègues qui depuis plus de quinze ans organisent des examens en Inde, en Chine, au Maghreb pour recruter des étudiants au niveau des classes préparatoires – Louis Le Grand accueillait 150 étudiants étrangers sur 900 et était renommé pour sa « classe orientale ». Volontaire et optimiste, M. Vallat considérait que « nous sommes trop autocritiques sur la lisibilité du système français ! Nous avons tous les atouts pour attirer les étudiants étrangers. Il faut prendre le temps d’expliquer notre système et surtout apprendre à le vendre ». Il serait souhaitable que de telles initiatives soient continuées, soutenues, encouragées ; ce peut être un atout formidable pour la France.


« Assurer la promotion de l’image d’excellence scientifique et technologique de notre pays,  contribuer à son attractivité auprès des chercheurs étrangers ; Renforcer l'image scientifique et technologique de la France auprès du grand public, grâce à la diffusion de la culture scientifique et technique : les moyens dédiés à la diffusion de la culture scientifique et technique se voient considérablement renforcés à la faveur de la dévolution à l'Institut français de cette mission (création de nouveaux instruments : appel à projets, plans d'aide à la publication et à la traduction d'ouvrages français de vulgarisation scientifique, programme d'invitation à l'étranger de grands chercheurs français) »

Remarque : oui, mais le rapport ne dit rien de l’histoire scientifique de la France, un atout formidable. En 1816, rendant visite à Laplace, Berthollet et les savants français groupés autour d’eux, la physicienne anglaise Mary Sommerville constatait : « j’avais un peu de mal à suivre la conversation générale, mais lorsqu’on parlait de science, c’était beaucoup plus facile, car tous mes livres de science étaient en français ». Tout le monde connait les grands poètes, écrivains, artistes français, mais peu connaissent les grands scientifiques français, pourtant nombreux. J’ai été très heureux que grâce à un conseiller culturel dynamique,  mon ouvrage Histoire des grands scientifiques français ait été traduit en tchèque et fasse ainsi mieux connaître Paré, Viète, Descartes (l’œuvre scientifique), Fermat, Laplace, Cuvier, Arago, Cauchy, Ampère, Poincaré etc. Un exemple à suivre ? D'autre part, les ressources muséographiques scientifiques sont aussi importantes.
 
 

mardi 24 mars 2015

Monopoly is virtuous, efficient, good for innovation


The purpose of this article is to discuss the prevailing view that the priorities accorded to the preservation of free and undistorted competition and sanctions against monopolies, even dismantling, and  priority to  low prices for consumers are innovation-friendly policies. It seems even that it endangers the durability and the existence of ecosystems fostering innovation. On the contrary, we regard a policy to allow monopolies operate freely and enjoy benefits that they have been able to conquer legitimately as advantageous for innovation and sustainability, and for consumers themselves as a last resort.

(1) There is a well established link  between monopoly and innovation, and this link has been universally recognized ;  it is the very principle of the patent. It would certainly be interesting to look at the historical controversies, for example between James Watt, favourable to patent system, and Rumford, who was against, but the mass is said, now universal: the monopoly granted by a patent is considered to be the most effective and legitimate way to reward and encourage innovation.
(2) Schumpeter considered that  monopoly rent seeking is one of the most powerful reasons to start a company ;  logics applying even in economy, it follows that one of the best ways to discourage innovation is no doubt dismantling or sanction monopolies that were built on research, daring and ventured funding of research and development, on an innovative vision of our needs and the evolution of our societies.
(3) the most consistent economic liberals, such as the followers of Hayek show themselves logically very suspicious towards any intervention of states and even more of super-etatic structures to dismantle monopolies. From their point of view, if a monopoly survives, there are reasons for this. When monopoly position is based on a breaking invention which results of years of research (scientific barrier), the mastery of a unique technology and the investment it took to develop it (technological barrier), the futuristic vision of a leader or leadership group, it is probably fair that those who participated in this adventure derive significant benefits. Either a monopoly effectively meets some needs, or it will disappear.
4) Schumpeter has described two schemes for innovation ; we usually consider  creative destruction” , but he had also theorized  creative accumulation”. For Schumpeter, the "entrepreneurial" regime is characterized by 'fluid' industries, with low barriers to entry; the process of creative destruction here plays an important role; creative accumulation is characterized by barriers to the entry of competitors and the cumulative knowledge generated in a "routine" process within the departments of R & D by large firms.
In a presentation somewhat analogous and newer, the Economist and Nobel Prize winner 2014 Jean Tirole (cf theory of industrial organization, Economica, 1993) opposed the effect of replacement to the effect of efficiency; in this second case, when a firm invests, it still faces competition and profit lower than those of a monopoly. Innovation is less profitable for the firm in a strong competitive environment.
(5) The monopoly is the only structure to allow sufficient profits to continue to be able to finance fundamental research and innovations of rupture.
(6) Everywhere, at all times and in all places, the opening up to competition has meant less money for research; and when it exists, incremental innovations are favored over brekthrouh innovations. There are now thousands of examples to suggest that practically every time, the opening to competition means that money is taken from research budgets to go to communications agencies and advertising.
7)  Comparing what were Bell Labs with the discovery of cosmological noise by future Nobel Penzias and Wilson, and also the discovery of the transistor, of the UNIX language, of CCD cameras with their successors. Bell Labs were sacrificed on the altar of the cult of free and non-distorted competition, dismembered in several Baby Bells that have not marked and likely will not mark the history of science and technology.
In IBM laboratories have been notably invented the Fortran language, the RISC architecture, relational databases... Gerd Binnig and Heinrich Rohrer in 1981, invented the scanning tunnelling microscope, with huge applications from  electronics to biology, for which they received the Nobel Prize. In 1986, Johannes Bednorz and Karl Müller have discovered a new type of superconductivity at a temperature of 35 K: two other Nobel Prize for IBM. I do not have the impression that the anti-trust actions against IBM and the intensification of competition will maintain this research level.
In the field of the pharmaceutical industry, where basic research was widely supported by the industry, increased competition, including by the introduction of generics, supported by the states - and which is a kind of disregard for the patent system - has led to a collapse of therapeutic innovation, to disengagement from research that it more and more outsourced, and finally the end of the machine to invent drugs that the Pharma have been  for more than fifty years.
In fact, the dismantling of monopolies has, in many cases, favored the emergence of firms who, with respect to innovation, lived in a parasitic way at the expense of the monopolies.
(8) The monopoly does not have to worry too much about  investors, it is less prone to short trem stock market strategies, it is less subject to competition by price, therefor, the monopoly can grant to its employees, in particular researchers, better wages and working conditions – always better to work with happy people. More specifically for research, it may conduct basic research programs, look for breaking through innovations and attract the best researchers, giving them means and time required.
(9) This is quite understandable. The main concern has the leader of a monopoly, each morning, arriving at his work is the following: What  appeared yesterday in the vast world which could threaten my monopoly? For this same reason, the monopoly doesn't neglect, contrary to what is sometimes claimed, its customers, and will devote time to understand and anticipate needs, developments, alternative strategies that might threaten its monopoly. If it does not, there is little chance that it will remain a monopoly.
An often heard argument is that if monopoly has the motivation and the means to conduct an intense technology watch and identify the breaking innovations that might threaten it, it is not necessarily very motivated to put them into practice and could delay innovations. By doing so, it would take a great risk ;  and patent system include sanctions for penalizing obstruction tactics, which can go to compulsory licenses. They could be used more often; it is easy to remedy disadvantages of this type.
As a summary, the priority given, in particular by the European Union, to the the fight against monopolies seems to endanger sustainability and the existence of ecosystems fostering innovation. This policy is neither fair, nor efficient, nor to ensure the sustainable progress that we need, as much as in the past. One tragic example was the french aluminium industry collapse, when the European Commission stopped the Pechiney/Alcan merge.
  The school of Economics of Toulouse : I had the opportunity to discuss twice this subject with prominent members of the Toulouse School of economics. Once, I was told that creative accumulation of Schumpeter was a period where he was going through a severe depression...A second time, that of course, if innovation is represented according to the intensity of competition, it got an inverted U-shaped curve..., but that almost always, one was on the side where the competition had a beneficial effect on innovation (?, without any indication on the parameters characterizing the position of maximum ?); but more recently, Paul Seabright (e.g.Le Monde 28/01/2013) noticed a slowdown in innovation, particularly for the pharmaceutical industry. The revelation in the cassoulet?
 

 

dimanche 22 mars 2015

Le Monopole est vertueux, efficace, bon pour l’innovation


L’objet de cet article est de discuter l’opinion dominante selon laquelle les priorités accordées à la préservation de la concurrence libre et non faussée et aux sanctions contre les monopoles, voire à leur démantèlement,  à la politique des prix les plus bas pour les consommateurs  est une politique favorable à l’innovation. Il nous semble même qu’elle met en péril la durabilité et l’existence même d’écosystèmes favorisant l’innovation. Au contraire, une politique consistant à laisser les monopoles fonctionner librement et profiter d’avantages qu’ils ont su conquérir légitimement nous parait avantageuse en matière d’innovation et de durabilité, et aux consommateurs eux-mêmes en dernier ressort.

1)  Il existe un lien bien établi entre monopole et innovation, et ce lien a été universellement reconnu ; c’est le principe même du brevet. Il serait certainement intéressant de se pencher sur les controverses historiques, par exemple entre James Watt, favorable au brevet, et Rumford, qui était contre, mais la messe est dite, maintenant universelle : le monopole accordé par un brevet est considéré comme le moyen le plus efficace et légitime de récompenser et d’encourager l’innovation.
2) Schumpeter considérait que la recherche d’une rente de monopole constitue l’un des motifs les plus puissants pour entreprendre ; la logique s’appliquant même en économie, on peut donc en considérer la contraposée, c’est-à-dire qu’un des meilleurs moyens de décourager l’innovation est sans doute de démanteler ou sanctionner des monopoles qui se sont construits sur la recherche, sur le financement audacieux et aventuré de la recherche et du développement, sur une vision novatrice de nos besoins et de l’évolution de nos sociétés.
3) Les libéraux les plus conséquents, tels les disciples d’Hayek se montrent en toute logique très méfiant envers toute intervention étatique, et plus encore super-étatique, pour démanteler des monopoles. De leur point de vue, si un monopole s’établit, s’impose, survit, c’est qu’il y a des raisons pour cela. Lorsque la position de monopole repose sur une invention de rupture résultat d’années de recherche (barrière scientifique), par la maîtrise d’une technologie unique et les investissements conséquents qu’il a fallu pour la développer (barrière technologique), par la vision futuriste d’un dirigeant ou groupe dirigeant, il est sans doute juste que ceux qui ont participé à cette aventure en retirent des bénéfices importants. Soit un monopole répond efficacement à certains besoins, soit il disparaîtra.
4) Schumpeter a décrit deux régimes favorables à l’innovation ; on ne parle habituellement que la « destruction créatrice », mais il avait aussi théorisé l’ « accumulation créatrice ». Pour Schumpeter, le régime dit « entrepreneurial » se caractérise par des industries « fluides », avec des barrières à l’entrée peu élevées ; le processus de destruction créatrice joue ici un rôle important ; l’accumulation créatrice se caractérise par des barrières à l’entrée des compétiteurs et des connaissances cumulatives générées dans un processus « routinier » au sein des départements de R et D des grandes entreprises.
Dans une présentation  assez analogue et plus récente, l’économiste  et Prix Nobel 2014 Jean Tirole (cf notamment, Théorie de l’organisation industrielle, Economica, 1993) oppose l’effet de remplacement à l’effet  d’efficience ; dans ce second cas, lorsqu’une  firme en concurrence investit, elle reste confrontée à la concurrence et réalise des profits inférieurs à ceux qu’auraient réalisé un monopole. L’innovation est alors moins rémunératrice pour la firme en concurrence.
5) le monopole est le seul à permettre des bénéfices suffisants pour continuer à pouvoir financer une recherche fondamentale et des innovations de rupture.
6) Partout, en tous temps et en tous lieux, l’ouverture à la concurrence a signifié moins d’argent pour la recherche ; et lorsque celle-ci subsiste, ce sont les innovations incrémentales qui sont favorisées par rapport aux innovations de rupture. Il existe maintenant des milliers d’exemples permettant d’affirmer que pratiquement à chaque fois, l’ouverture à la concurrence signifie que l’on prend l’argent des budgets de recherche pour l’affecter aux agences de communication et à la publicité.
7) Que l’on compare ce que furent les laboratoires de Bell téléphone, avec la découverte du bruit de fonds cosmologique par les futurs Prix Nobel Penzias, et encore la découverte du transistor, celle du langage UNIX, du laser à CO2, les caméras CCD ave leur successeurs. Les laboratoires Bell ont été sacrifiés sur l’autel du culte de la concurrence libre et non-faussée, démembrés en plusieurs Baby Bells qui  n’ont pas marqué et vraisemblablement, ne marqueront pas, l’histoire des sciences et des techniques.
Dans les laboratoires d’IBM ont été notamment inventé le langage Fortran, l’architecture RISC, les bases de données relationnelles... Gerd Binnig et Heinrich Rohrer, en 1981, ont inventé le microscope à effet tunnel, instrument de recherche fondamental aux immenses applications, de l’électronique à la biologie, pour lequel ils ont reçu le Prix Nobel. En 1986, Johannes Bednorz et Karl Müller ont découvert un nouveau type de supraconductivité à une température de 35 K : deux autres Prix Nobel pour IBM. Je n’ai pas l’impression que les actions anti-trust menées contre IBM et l’intensification de la concurrence permettront de maintenir une recherche de ce niveau.
Dans le domaine de l’industrie pharmaceutique, où la recherche fondamentale était largement prise en charge par l’industrie, la concurrence accrue, notamment par l’introduction des génériques, soutenue par les Etats, - et qui constitue au fonds un mépris du système des brevets- a eu pour effet un effondrement de l’innovation thérapeutique, son désengagement de la recherche qu’elle sous-traite de plus en plus, et finalement la disparition de la machine à inventer des médicaments qu’a été l’industrie pharmaceutique pendant plus de cinquante ans.
En fait, le démantèlement des monopoles a, dans de nombreux cas, favorisé l’apparition de firmes qui, pour ce qui est de l’innovation, ont vécu de façon parasitaire au détriment des monopoles.
8) Le monopole n’a pas à se préoccuper outre-mesure de ses investisseurs, il n’est pas soumis aux stratégies court-termistes de la Bourse, il est moins soumis à une concurrence par les prix, et peut accorder à ses salariés, en particulier chercheurs, de meilleures conditions de salaire et de travail. En ce qui concerne plus spécifiquement la recherche, il peut mener des programmes de recherche fondamentale, rechercher des innovations de rupture et attirer les meilleurs chercheurs, en leur accordant les moyens et le temps nécessaires.
9) Cela est assez compréhensible. Le principal souci qu’a le dirigeant d’un monopole, chaque matin, en arrivant à son travail est le suivant : qu’est-il apparu hier dans le vaste monde qui puisse menacer mon monopole ? Pour cette même raison, le monopole ne néglige pas, contrairement à ce qui est parfois affirmé, ses clients, et veillera à comprendre et anticiper les besoins, les évolutions, les stratégies alternatives qui pourraient menacer son monopole. S’il ne le fait pas, il y a peu de chances qu’il reste monopole.
Un argument souvent entendu est que si le monopole a la motivation et les moyens de mener une veille technologique intense et à identifier les innovations de rupture qui pourraient le menacer, il n’est pas forcément très motivé à les mettre en pratique et pourrait retarder des innovations. Il prendrait un grand risque, et dans le droit des brevets figurent des dispositions qui pénalisent les tactiques d’obstructions, qui peuvent aller jusqu’à des licences obligatoires. Elles pourraient être utilisées plus souvent ; il est assez facile de remédier aux inconvénients de ce type.
En bref, la priorité accordée, en particulier par l’Union Européenne, à la lutte contre les monopoles nous semble mettre en péril la durabilité et l’existence même d’écosystèmes favorisant l’innovation. Cette politique n’est ni juste, ni efficace, ni de nature à assurer un progrès durable dont nous avons besoin, autant que par le passé. Les tragiques conséquences pour l’industrie de l’aluminium européenne de l’interdiction par la Commission Européenne de fusion Péchiney/Alcan sont là pour le prouver.
L’Ecole d’Economie de Toulouse ; j’ai eu l’occasion de discuter deux fois de ce sujet avec des membres éminents de l‘Ecole d’Economie de Toulouse. Une première fois, il m’a été affirmé que l’accumulation créatrice de Schumpeter datait d’une période où il traversait une sévère dépression…Une seconde fois, que bien sûr, si l’on représentait l’innovation en fonction de l’intensité de la concurrence, on obtenait une courbe en U inverse … , mais que quasiment toujours, l’on était du côté où la concurrence exerçait un effet bénéfique sur l’innovation (??,  sans aucune indication sur les paramètres caractérisant la position du maximum) ; mais, plus récemment, Paul Seabright ( par ex Le Monde  28/01/2013) remarquait un ralentissement de l’innovation, en particulier pour l’industrie pharmaceutique. La révélation dans le cassoulet ? 
Eric Sartori

 

mardi 17 mars 2015

Pharmaceutical research: the sky is red - sunrise or sunset


A singular article is on a very wry tone that John J. Baldwin sums up his career in pharmaceutical research (Annual Reports in Medicinal Chemistry, Vol49). A therapeutic chemist by training, he has worked thirty years for Merck Labs and is responsible for the discovery of several major drugs, including two anhydrase inhibitors, an antithrombotic carbon for the treatment of glaucoma (Trusopt and Cosopt) (Aggrastat), one of the first anti-viral hanger AIDS (Indinavir, protease inhibitor). Having had to leave Merck, he then launched a Biotech, Pharmacopeia, who was among the first to exploit the possibilities offered by the new high throughput screening techniques, and then he was involved in the development of the Chinese Wu-xi contract research firm. I reproduced here the fact that it gives quite unusual tone in a tribute to a scientific journal article.
In brief - pharmaceutical companies abandon gradually what amwas considered as  their core business, pharmaceutical research, which has becamed more and more expensive and risky - As the discovery of new drugs is the main source of value, they will not save themselves by becoming sellers of generic drugs considered as commodities, and there will be no miracle in emerging countries - Outsourcing of research with shared risk/reward models between biotech and Big Pharma (where the biotech take risks and the Big Pharma profits...) will not address the slowdown in new drug discovery - This outsourcing has helped the development of Asian competitors for research itself, and the weakening of Western countries - These developments have had a clearly negative impact for all those working in therapeutic research, and for all those who wish to enter this career.
To say otherwise, and perhaps more bluntly than Mr. Baldwin, today, I would not dare advise anybody to dream of a career in in pharmaceutical research.
End of an era; failure of mega-merges
In 1993, Merck began to prepare for the twenty-first century and the predicted patent cliff which lay ahead. One step was to decrease staff througha retirement incentive plan. Cut-backs not only pose difficult decisions for management but impose difficult decisions on the people affected as well. Such actions by Merck and other companies marked the disappearance of the lifelong commitment of an employee to a single company and the belief that the commitment of the company to this contract would also be honored. A new era in the company/employee relationship had begun.
This new reality became even more apparent over the past decade, and it must be considered by professionals and students alike as they make choices about employment. I adjusted to this apparent evolutionary change by deciding not only to take Merck’s offer but to start a new company, Pharmacopeia, which was based on cutting-edge technology not being practiced in BigPharma. Ja Chabala, also from Merck, and Larry Bock of Avalon Ventures joined me in launching the new company around encoded combinatorial chemistry and high-throughput screening. This technology played a key role in exploiting the genomic revolution and the target-specific approach to drug discovery….
Looking back to the start of the biotech era, it is clear that start-up companies continue to be a high-risk exercise. Whether the company is large or small, it still takes years and over a billion dollars to discover and develop a New Chemical Entity (NCE). This forces the small biotech firm to be in a constant search for financing and for a viable exit strategy. Recent years have not been easy ones, especially for the major pharmaceutical companies, which faced a slowing rate of discovery, major products going “off patent” into the generic class, higher R&D costs, and longer approval times. To combat this, a range of new survival strategies has been developed and adopted, including a series of mega-mergers with the resulting cut-back in employment. Since NCEs are the main factor in raising valuation, it is unlikely that the merger strategy will increase value to the pharmaceutical industry. Mergers like Merck/Schering-Plough, Pfizer/ Wyeth, Bayer/Schering, and Sanofi/Aventis will, at best, produce only short-term stability. History teaches us that such merges simply do not increase the productivity on which valuation is based. Such retrenchment stimulated an outsourcing trend that has accelerated over the past decade. The layoffs from merges and outsourcing reached 130,000 between 2005 and 2008, with the total number now well over 300,000 people. Few companies were spared: the top 10 pharma layoffs in 2011, in rank order, were Merck, Pfizer, Novartis, Abbott, Astra Zeneca, Teva, Sanofi, Johnson & Johnson, Eisai, and Bayer.  WuXi Pharma Tech, one of the first to recognize the growth in outsourcing and profit from it, went public on the New York Stock Exchange in 2000 and now has over 6000 employees.
Negative impact for those who have worked as scientists on drug R&D
 
Along with the outsourcing of science, there has been growth in alliance among large pharmaceutical companies themselves as well as with academic institutions, all with the idea of sharing both cost and risk. With the Westernmarkets mature, Big Pharma has turned to the evolving economies as part of its growth strategy. However, emerging markets have shown resistance to patented medication and a greater interest in improving health through the availability of low-cost generic drugs. To overcome the generic competition, Big Pharma has turned to“branded generics.” Even with cost only somewhat above the local generic equivalent, pricing remains a problem for Western companies. The cost of patented Western drugs in these economies is being countered by price controls and forced licensing. Considering both of these marketing issues, fast growing evolving economies may not be the answer for the problems of today’s pharmaceutical companies.
With the uptick in new FDA approvals in the past 2 years (2011–2012), it has been suggested that the worst may be over for the productivity decline we have seen in the pharmaceutical industry. However, considering that programs for these approvals were initiated in the late 1990s to early 2000s, it is reasonable to predict that the decrease in productivity expected from the bcut-backs will not be felt for at least another 10–12 years.
Things have changed in the pharmaceutical industry since I first walked the halls of Merck. These changes and the resulting strategies discussed here have had a negative impact for those who have worked as scientists on drug R&D and even those who hope to join the exciting adventure of drug discovery. The sky is red, but it is difficult to tell whether it is the sunrise o sunset. Looking to the future, it is certain that there are many road blocks along the road to recovery.
For synthetic organic chemists, the path ahead is not bright but should stabilize as the cost advantage of outsourcing to India and China decreases. In the USA, there will be fewer opportunities for chemists than there will be for biologically trained scientists as the revolution in biotechnology continues. Many of these opportunities will be in industry sponsored academic laboratories, although the productivity of this industrial/ academic strategy may decline over the next decade as Big Pharma increasingly depends on licensing new products from non-U.S. biotechs. Government laboratories, such as the National Institutes of Health and the National Cancer Institute, are unlikely to replace the industrial discovery machine that gave the world new drugs. Therefore, society will become increasingly dependent on generic medications as new drugs constitute a smaller percentage of total sales. With government budget pressures, generic drugs will become commodities with low profit margins. This may create the kind of shortages seen recently due to deteriorating production facilities and poor quality control, which leads to forced closings and recalls by government agencies.
The introduction of biosimilars will be slower than expected, and their price will not decrease as dramatically as in the case of small-molecule drugs.
The high prices for niche drugs will come under increasing pressure, as demonstrated by the Sloan-Kettering Cancer Center’s experience with the anticancer drug Zaltrap. Similar forced pricing and licensing decisions by India and other countries on expensive, patented drugs will be a growing problem for the Western pharmaceutical industry. Companies will begin to rethink whether it is worth pursuing low-volume drugs where high prices are needed to recover cost. Similarly, society must decide whether it is willing to pay high prices for drugs that extend the life of a very ill person for just a short period of time. These questions pose ethical issues that are difficult to solve.
A Personal Essay: My Experiences iin the Pharmaceutical Industry John J. Baldwin
 

Recherche pharmaceutique : le ciel est rouge - aube ou crépuscule


Un singulier article

C’est sur un ton très désabusé que John J. Baldwin résume sa carrière dans la recherche pharmaceutique (Annual Reports in Medicinal Chemistry, Vol49). Chimiste thérapeutique de formation, il a travaillé trente ans pour les laboratoires Merck et est à l’origine de la découverte de plusieurs médicaments majeurs, notamment deux inhibiteurs d’anhydrase carbonique pour le traitement du glaucome (Trusopt et Cosopt), un antithrombotique (Aggrastat), un des premiers  anti-viraux cintre le Sida (Indinavir, inhibiteur de protéase). Ayant dû quitter Merck, il a ensuite lancé une Biotech, Pharmacopeia, qui fut parmi les premières à exploiter les possibilités offertes par les nouvelles techniques de screening à haut débit, puis il fut impliqué dans le développement de la firme chinoise de recherche sous contrat Wu-xi. J’ai reproduit ici le constat qu’il dresse, au ton tout à fait inhabituel dans un article d’hommage d’une revue scientifique.

En bref – les firmes pharmaceutiques abandonnent progressivement ce qui constituait leur cœur de métier, la recherche pharmaceutique, devenue de plus en plus coûteuse et risquée - Comme la découverte de nouveaux médicaments est la principale source de valeur, elles ne sauveront pas en devenant des vendeurs de médicaments génériques considérés comme des commodités , et il n’y aura pas de miracle des pays émergents – l’externalisation de la recherche, avec des schémas de partages de risque/profit entre biotech et Big Pharma( où les biotech prennent les risques et les Big Pharma les profits…) ne permettra pas de remédier au ralentissement de la découverte de npuveaux médicaments – Cette externalisation a aussi permis le développement de concurrents asiatiques dans la recherche elle-même, et l’affaiblissement des pays occidentaux.- Ces évolutions ont eu un impact clairement négatif pour tous ceux qui travaillent dans la recherche thérapeutique, et pour tous ceux qui souhaiteraient entrer dans cette carrière.

Pour le dire autrement et peut-être plus crûment que M. Baldwin, je n’oserais aujourd’hui conseiller à personne d’entrer dans la recherche pharmaceutique.

La disparition d’un modèle ; échec des mégafusions

En 1993, Merck a commencé à se préparer au XXIème siècle et à la chute massive de brevets dans le domaine public qui s'annonçait. Le plus facile consistait à réduire le personnel au moyen d'un régime incitatif de retraite. Ces réductions  imposaient des décisions difficiles non seulement pour la gestion, mais aussi pour les personnes concernées. Cette politique de  Merck, mais aussi de bien d’autres sociétés, a marqué la disparition de l'engagement continu d'un chercheur par une seule entreprise et la fin de la conviction que l'engagement réciproque de la société serait également honoré. Une nouvelle ère dans la relation entreprise/salarié avait commencé. Cette nouvelle réalité est devenu encore plus évidente au cours de la dernière décennie, et elle doit être prise en compte par les professionnels et les étudiants lorsqu’ils font le choix d’une carrière.

Je me suis ajusté à cet apparent changement évolutif en décidant non seulement de choisir l'offre de départ de Merck, mais de lancer une nouvelle entreprise, Pharmacopeia…

Revenant sur les débuts de l'ère de la biotechnologie, il est clair que créer une entreprise en ce secteur continue d'être un exercice à haut risque. Que l'entreprise soit grande ou petite, il faut encore des années et plus de 1 milliard de dollars pour découvrir et développer une entité chimique nouvelle (NCE). Cela oblige la firme de biotechnologie à être constamment dans une recherche constante de financement et à imaginer constamment des stratégies de sortie viable. Ces dernières années n'ont pas été des plus faciles, surtout pour les grandes compagnies pharmaceutiques, qui ont dû faire face à un ralentissement du rythme des découvertes, à des produits majeurs tombant dans le domaine public et génériqués, à des coûts plus élevés de R&D et de plus longs délais d'approbation. Pour lutter contre ce phénomène, une gamme de nouvelles stratégies de survie a été élaborée et adoptée, principalement une série de méga-fusions avec comme conséquences des coupes claires en matière d’emplois dans la recherche. La découverte de nouvelles entités chimiques ( nouveaux médicaments) étant le facteur principal de création de valeur, il était peu probable que les stratégies de méga-fusion augmenteraient la valeur de l'industrie pharmaceutique. De faits, des fusions comme Merck/Schering-Plough, Pfizer / Wyeth, Bayer/Schering et Sanofi/Aventis, au mieux, ont seulement résulté en une stabilisation à court terme. L'histoire nous enseigne que ces fusions n'augmentent pas la productivité et la création de valeur. Les licenciements massifs ont stimulé une tendance à la sous-traitance qui s’est accéléré au cours des dix dernières années. Les licenciements liés aux fusions/acquisitions ont atteint 130.000 personnes entre 2005 et 2008, et maintenant plus de 300.000 au total dans le secteur de la recherche ; peu d'entreprises ont été épargné : Merck, Pfizer, Novartis, Abbott, Astra Zeneca, Teva, Sanofi,Johnson & Johnson, Eisai, Bayer… Des alliances entre grandes compagnies pharmaceutiques se sont développées, ainsi qu’entre firmes et centres universitaires, dans l’idée de partager les coûts et les risques. Il y a eu une externalisation de la recherche pharmaceutique ; des firmes comme Wuxi, qui ont été parmi les premières à se positionner sur le marché en expansion de la sous-traitance de la recherche, ont connu une expansion fulgurante- Wu-Xi comte aujourd(hui 6000 chercheurs et a été introduit en 2000 à la Bourse de New-York.

Comme stratégie de croissance, les Big Pharma se sont tournées vers les marchée émergents. Toutrefois, ces marchés se sont montrés résistants à l’introduction de médicaments brevetés, et ont préféré faire reposer l’amélioration de la santé sur la disponibilités de médicaments génériques à faibles coûts. Même en se développant leurs propres génériques, les Big Pharma se heurtent à des équivalents locaux moins chers, à des politiques rigoureuses de contrôle des prix et de licences forcées. Même en tenant compte de la croissance rapide de leurs économies, ces marchés émergents ne peuvent constituer la réponse aux problèmes des firmes pharmaceutiques d’aujourd’hui.

Un impact clairement négatif pour tous ceux qui travaillent dans la recherche thérapeutique

Avec la légère augmentation ces deux dernières années (2011-2012) du nombre de nouveaux médicaments acceptés par la FDA, il a été suggéré que le pire, en ce qui concerne la baisse de productivité de la recherche industrielle pharmaceutique, était derrière nous. Si l’on considère cependant que les médicaments aujourd’hui mis sur le marché ont été découvertes dans les années 1990 à 2000, il est raisonnable de penser que que la baisse de productivité de la recherche pharmaceutique continuera à se faire sentir pendant au moins toute le prochaine décennie, et au-delà.

Il est fortement improbable que les institutions gouvernementales, comme le National Institute of Health et le National Cancer Institute puisse se substituer à l’efficace machine de la recherche pharmaceutique industrielle qui a apporté, dans le passé, tant de nouveaux médicaments. La santé dans nos sociétés dépendra de plus en plus de médicaments génériques, les nouveaux médicaments représentant un pourcentage de moins en moins important des ventes totales. Sous pression des gouvernements, les génériques deviendront des biens de commodité, générant de faibles profits. Nous verrons alors se développer les pénuries dues à des conditions de production dégradées, des contrôles de qualité insuffisant, qui entraineront la fermeture d’usines et des rappels par les agences de santé – comme nous avons déjà pu le constater récemment.

Les firmes pharmaceutiques vont de plus en plus se demander si cela vaut la peine de continuer la recherche pour des médicaments qui ne seraient vendus que pour de faibles volumes et des prix élevés. Nos sociétés elles-mêmes devront décider si elles acceptent de payer un prix élevé pour des médicaments qui prolongent la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave pour une courte période de temps ; elle devront faire face à des questions éthiques redoutables.

Les choses ont changé depuis que j’ai foulé pour la première fois le sol du centre de recherche de Merck. Ces changements, et les stratégies qui en ont résulté, que je viens de discuter ont eu un impact clairement négatif pour tous ceux qui travaillent dans la recherche thérapeutique, et pour tous ceux qui souhaiteraient entrer dans cette carrière. Le ciel est rouge, mais il est difficile de dire s’il s’agit d’une aube ou d’un crépuscule. Le futur nous montre une route vers la guérison bien encombrée d’obstacles.  

A Personal Essay: My Experiences in the Pharmaceutical Industry John J. Baldwin