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jeudi 16 février 2017

Du corporatisme judiciaire (2)

La loi Lemaire : les juges secoués par l’arrivée des algorithmes… et tant mieux !

Les Etats-Unis l’ont fait, la France s’apprête timidement à le faire : la mise en ligne de millions de décisions accessible à tous, bref de toute la jurisprudence, accessible à tous, permettra de connaître et de comparer les jugements – et  éventuellement de les prédire. C’est le résultat de la Loi Lemaire sur le numérique d’octobre 2016 dont un article prévoit que « les décisions rendues par les juridictions  judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées. C’est un progrès démocratique dont il faudra…rendre justice à ce gouvernement. (NB les données seront anonymisées).
Le Monde du 20 janvier 2017 rendant compte de cette avancée titre : « Les juges secoués par l’arrivée des algorithmes. La mise en ligne de millions de décisions permettra de comparer, voire de prédire les jugements ». Et en effet, le moins qu’on puisse dire est que les juges accueillent ce progrès avec beaucoup de réticences : « La capacité illimitée des algorithmes d’internet D’analyser, classer et profiler les millions de décisions judicaires rendues va mettre encore plus en évidence la fragilité de notre justice si elle n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi la Chambre A et la Chambre B d’une même Cour ne disent pas toujours la même chose sur un même sujet de droit ». ( Le Président de la Cour d’appel de Rennes).  «  L’acte de juger devient instable » (Présidente de la Cour d’appel de Paris.
Alors que l’USM (Union Syndicale des Magistrats) tente d’obtenir l’anonymat des juges et critique la loi au motif que ce serait un » magnifique instrument pour identifier les juges qui ne rendent pas les décisions dans le sens souhaité par le gouvernement »,  d’autres magistrats, telles la première présidente de la cour d’appel de Versailles, s’oppose à cette anonymisation et défendent la loi. « Nous sommes responsables de nos décisions […] qui sont rendues publiquement », insiste-t-elle. La haute magistrate considère qu’il faudra accompagner cette diffusion des décisions de justice « car il y aura forcément des comparaisons, des magistrats qui seront pointés ». Pour elle, il est important de revenir « à la collégialité dans un certain nombre de domaines sensibles ».

Une avancée majeure, mais insuffisante

Cette loi est une avancée majeure dans le contrôle de la justice par le peuple français au nom duquel elle est rendue. Elle obligera à une cohérence accrue et favorisera une meilleure justice. Mais sera-t-elle suffisante ?
Déjà, selon la Chancellerie, ce mouvement prendra même « plusieurs années » !
Soit un exemple récent et sensible- les auto-entrepreneurs de certaines plates-formes de service tels Uber ou certains de ses concurrents sont-ils ou pas des salarié déguisés ? Le 20 décembre, les prud'hommes de Paris ont condamné un concurrent d'Uber à verser à un ancien chauffeur près de 30.000 euros. Pour la première fois en France, un autoentrepreneur du numérique - en l'occurrence un chauffeur de VTC - a obtenu gain de cause face à une plateforme. Les prud'hommes de Paris ont requalifié ses contrats commerciaux en contrat de travail et condamné ce concurrent d'Uber à verser à son ancien chauffeur près de 30.000 euros en rappel de salaires, paiements d'heures sup, et indemnisation pour travail dissimulé.
Sauf que, comme le souligne le service juridique de la CFDT, «en matière de requalification, tout est question de conditions de faits», donc d'examen au cas par cas de la situation. «Preuve que la jurisprudence n'est pas établie, dans une affaire avec la même société et le même contrat, la cour d'appel de Paris a rejeté la requalification en contrat de travail» !
Je maintiens que dans des exemples de ce type, afin d’assurer la même justice pour tous, ce dont il est responsable, le pouvoir politique a le droit et même le devoir d’intervenir et de donner des instructions aux juges, ne serait-ce que de façon temporaire en attendant si besoin est le vote de nouvelles lois ou décrets, de façon à harmoniser leurs décisions. Dans des cas d’un tel enjeu pour la société, u la loterie judiciaire est  insupportable !
Donc oui, une avancée majeure, mais suffira-t-elle à contrecarrer les méfaits du corporatisme judiciaire ? L’opinion publique sera informée des dysfonctionnements, ainsi que le gouvernement, et ceux-ci apparaitront de plus en plus intolérables. Mais qu’est-ce qui changera si le pouvoir de sanctionner des magistrats fautifs reste aux mains de leurs seuls collègues ? La manifestation publique des monstruosités de l’affaire d’Outreau n‘a pas entrainé de sanctions à sa mesure, ni même de garanties solides, à part la collégialité, peu appliquée, contre sa reproduction.

Pour que la justice retrouve la légitimité nécessaire qu’elle doit avoir, il faudra peut-être 1) que Le Conseil Supérieur de la Magistrature ne soient pas composés de magistrat mais de représentants désignés par l’Assemblée Nationale, le Sénat et la Présidence de la République pour un mandat donné, de façon à ce que les juges ne soient pas jugés par leurs pairs exclusivement 2) A défaut, ou peut-être en sus, que comme aux USA ou en Suisse, les juges soient élus.

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