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lundi 19 juin 2017

Marie Sybille de Merian (1647-1717)– trois cents ans

Artiste, entomologiste, exploratrice, naturaliste…

« Je me suis dans ma jeunesse employée à la recherche des insectes. J'ai d'abord commencé avec les vers à soie dans ma ville natale de Francfort-sur-le-Main. J'ai ensuite établi que, à partir des autres chenilles, se développaient beaucoup de beaux papillons de nuit ou papillons de jour, comme à partir des vers à soie. Cela m'entraîna à recueillir toutes les chenilles que je pouvais trouver pour observer leur transformation. » Métamorphose des insectes du Suriname 
Il y a trois cents ans mourait Marie Sybille de Merian, l’une des grandes femmes scientifiques de l’histoire à laquelle j’ai consacré un chapitre de mon Histoire des Femmes scientifiques (Plon, 2008). Elle connut un destin émouvant. Pendant trop longtemps, les femmes ont été exclues de la science, et la seule voie qui leur était ouverte partait des milieux artisanaux. Son père fut l'un des grands graveurs hollandais de la fin du XVIIème siècle, ses demi-frères, Mathais Merian le Jeune et Caspar Merian, sont des peintres, graveurs et imprimeurs respectés. Dans cette atmosphère familiale, Marie Meriam se spécialise dans la gravure des fleurs, mêlant l’exactitude du naturaliste et l’expression d’une artiste de grand talent. Mal mariée,  elle divorce et se réfugie dans une communauté religieuse.
En 1675, elle publie un ouvrage magnifique, œuvre d’art en même temps qu’œuvre scientifique, le Neues Blumenbuch. Mais  elle se fera reconnaître comme scientifique et naturalistes par deux audaces :  - s’intéresser aux insectes,  des animaux mal connus, mal catégorisés et méprisés – bien que la question de la production de la soie ait alors été d’une importance économique primordiale ; - en partant étudier la flore et la faune de la Guyane. En 1699, elle part pour son aventure guyanaise, qu’elle finance par ma vente de ses dessins. Elle y restera deux ans, travaillant d’arrache-pied et en ramène un ouvrage remarquables, Les métamorphoses des insectes du Surinam qu’elle publie en 1705, ouvrage remarquable esthétiquement et scientifiquement et qui décrit nombre d’espèces nouvelles, ainsi que leurs vies et leurs transformations
« J'ai créé la première classification pour tous les insectes à chrysalide, les chapelles qui volent de jour et chouettes celles qui volent de nuit. La deuxième classification est celle des asticots, vers, mouches et abeilles. J'ai conservé les noms des plantes, puisqu'ils étaient gardés en Amérique par les habitants et les Indiens. » Son travail a été reconnu par Linné et au moins trois espèces portent son nom. Son livre est toujours réédité et apprécié par les bibliophiles pour sa munificence.
Cette dernière notation : « J'ai presque payé ces insectes de ma vie ». Marie Merian attrapa en effet un paludisme grave en Guyane, qui la contraignit à un rapatriement plus rapide qu‘elle ne l’eût souhaité »
Comment faire aimer l’euro ? avec Merian, Pasteur, Newton, Descartes…

Donc, bon anniversaire à Marie Merian. Mais c’est un autre aspect que je voudrais apporter ici. Marie Merian illustrait le billet de 500 DMarks. Evidemment, avec l’euro, elle a disparu ! Comment aimer l’euro avec cette décision stupide qui a été prise de figurer des architectures froides et artificielles – et surtout pas des monuments réels ? Comment se l’approprier ? Comment mieux montrer son caractère artificiel. Ce n’est pas un hasard si toutes les monnaies se sont ornées de portraits ou de symboles évoquant le pays dont elles sont issues.
Evidemment la pitoyable tentative de rédaction d’une histoire européenne, enlisée dans les récits nationaux auxquels chacun est légitimement attaché (comment faire quand les Hongrois s’acharnent à considérer Attila comme un héros ?) a pu en refroidir certains. L’appréciation du rôle dans l’histoire des héros ou des grands hommes reste un art difficile qui n’a pu encore évoluer en science et garde une subjectivité certaine. Mais enfin, il est un domaine où la connaissance est positive, réelle, certaine, organisatrice, cumulative, où, et le progrès a un sens indiscutable, et où nos nations européennes se sont particulièrement illustrées ; c’est le domaine de la science !
Alors à quand des billets en euros, avec Pythagore, Thalès, Cardan, Viète pour les maths anciennes ; avec Kepler, Copernic, Newton, Laplace pour l’astronomie ; avec Galilée, Newton (on peut bien le mettre deux fois), Descartes, Leibnitz pour la physique mathématiques ; avec Lavoisier, Berthelot, Priestley, Avogadro pour la chimie ; avec Nollet,Volta, Galvani, Ampère pour l’électricité ; avec Pasteur, Flemming, Koch, Liebig pour la microbiologie ; avec Claude Bernard, Ramon y Cajal, Buffon pour la biologie ; avec Einstein, Planck, Heisenberg, Pauli pour la relativité et les quanta ; et encore beaucoup de candidats pour la médecine, la chirurgie, l’optique ( Fresnel, Young, Huygens) ; Fourier, Carnot, Watt Rumford pour la chaleur….
Voilà des euros qui auraient de la gueule ! (et instructifs en plus !)



Pour ceux que ça intéresse :L’Histoire des femmes scientifiques : résumé

Dans mon jeune âge, écrit l'astronome américaine Maria Mitchell, je me disais que les femmes ont besoin des sciences exactes... Puis je me suis dit que c'était la science qui avait besoin des femmes. " Voici donc l'histoire désolante et absurde de la longue exclusion des femmes de l'aventure scientifique et technique de l'Occident. C'est une histoire parfois tragique - l'assassinat de la physicienne grecque Hypatie, qui nous a transmis la dernière version des Eléments d'Euclide, les procès des sorcières ayant engendré une société hémiplégique -, et que nous payons peut-être à travers une certaine mise en cause actuelle des valeurs de progrès. J'ai écrit ce livre pour que les trop rares femmes scientifiques de l'Antiquité à nos jours ne soient pas oubliées, leurs œuvres et leurs vies injustement méconnues, pour que ne soient pas niées les difficultés, les entraves, les mesquineries, les injures et parfois les persécutions qu'elles ont dû affronter ; pour que personne n'ose penser que le progrès scientifique et technique s'est fait sans elles ; pour qu'elles puissent servir d'exemples, d'inspiratrices ; pour qu'aucune femme qui en a les capacités et la vocation ne se trouve écartée de d'activité scientifique.

Il semble que l’ouvrage soit épuisé – peut-être Plon le rééditera-t-il ?



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