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samedi 20 janvier 2018

Le nucléaire franco-chinois : histoire d’un extraordinaire succès

Le nucléaire chinois sur le modèle français- un cycle complet- Contrat géant pour Areva

Ce fut le plus grand succès de la visite de M. Macron en Chine ce début d’année, un protocole d’accord de plus de dix milliards d’euros, entre Areva et le groupe chinois CCNC pour permettre aux Chinois de retraiter et de recycler leur combustible nucléaire, jusqu’à présent entreposé dans des piscines. Cette usine serait bâtie sur le modèle de celles de La Hague (Manche) et Mélox (Gard) : il s’agit de retraiter et recycler sur le même site l’uranium qui alimente les centrales.  C’est une bonne nouvelle pour Areva. D’abord, parce qu’il va permettre d’assurer une activité continue à 2 000 ingénieurs français pendant les sept prochaines années, mais aussi par l’impact qu’il aura sur le nucléaire français.

C’est le résultat de la volonté de la Chine de s’affirmer comme la première puissance du nucléaire civil. Or la Chine est le pays le plus en pointe dans la construction de centrales nucléaires depuis plusieurs années. La filière chinoise, en partie bâtie avec la collaboration d’EDF et Areva, est plus que florissante : C’est d’ailleurs dans le sud-est du pays, à Taïshan, que devrait démarrer en 2018 le premier EPR détenu à 30 % par EDF- avant l‘EPR français de Flamanville.

Puissance montante sur la scène mondiale du nucléaire, la Chine continue sur sa lancée pour atteindre l’objectif de se doter d’ici 2020 d’un parc nucléaire industriel équipé d’une puissance installée de 58 GW en exploitation et de 30 GW en construction. C’est ce qu’affiche le 13e plan quinquennal (2016-2020). En septembre 2017,le parc national dispose d’une puissance installée de 34,43 GWe en exploitation pour 36 unités et de 23,20 GWe en construction pour 20 unités. Si la Chine veut pouvoir atteindre son objectif, il faudrait qu’elle lance la construction de six à huit nouvelles tranches chaque année (ce qu’elle a du mal à faire actuellement). Au-delà, la Chine vise un parc d’une capacité de 150 à 200 GW  en 2030, soit environ la moitié du parc nucléaire mondial actuel. Son mix énergétique : de 3,56 % aujourd’hui passera à 5 % d’ici 2020 et à environ 10 % d’ici 2030.

En cohérence avec cette ambition de développement du parc, la Chine a choisi la politique du cycle fermé, et là encore la France est considérée comme le partenaire modèle. Les négociations en cours portent sur la construction d’une usine de retraitement de 800 tonnes par an et d’une usine de combustible Mox sur le modèle de Melox. À l’horizon 2030 le besoin sera de trois fois cette capacité.

La Chine, puissance nucléaire du XXIème siècle

La Chine veut devenir l’acteur principal du nucléaire du futur. Elle a développé un standard, le Hualong (« dragon chinois »), un réacteur de moyenne puissance, évolution des modèles réalisés avec la France, tant pour le marché domestique que pour l’international. Pour la filière de grande puissance, le modèle théorique est le CAP 1400, et au-delà le CAP 1700, évolution de l’AP1000 et pour lequel la Chine possède l’intégralité des droits. Néanmoins, le manque de maturité de ce modèle pourrait laisser une chance à l’EPR. Le premier EPR franco-chinois, détenu à 30 % par EDF devrait démarrer en 2018 le premier EPR

L’ambition en matière de R&D est impressionnante, la Chine essaie de nombreuses technologies : des réacteurs à caloporteurs gaz, plomb bismuth, eau super critique, des ADS (réacteur couplant un réacteur nucléaire sous-critique  et un accélérateur de particule produisant les neutrons induisant une réaction nucléaire,  des SMR (réacteurs de petite tailles-300Megawatt), très utiles par exemple pour le dessalement de l’eau de mer ou des utilisations locales comme le chauffage.

Le déploiement d’un parc de réacteurs à neutrons  rapides est le prolongement naturel de cette politique. Là aussi, le programme est impressionnant, avec un premier démonstrateur de 600 MWe annoncé pour 2023, planning sans doute très optimiste mais qui démontre le volontarisme du programme. La Chine sera alors la première à faire fonctionner un surgénérateur- non pardon la seconde après la France et SuperPhenix, un programme stupidement et scandaleusement abandonné  au moment même où il commençait à produire de l’électricité dans des conditions commerciales. Rappelons que le grand intérêt du surgénérateur est sa possibilité d’utiliser comme combustible de l’uranium non enrichi et même de produire un combustible utilisable dans les centrales classiques, rendant ainsi l’énergie nucléaire renouvelable.

Même si tous ces projets n’aboutissent pas, ils stimulent l’accumulation d’une expertise et la formation d’un potentiel humain qui ont toutes les chances de faire de la Chine la puissance nucléaire du XXIe siècle.

Le succès d’une coopération franco-chinoise historique dans le nucléaire

Ce succès du nucléaire français est  aussi le résultat d’un savoir faire français dans le nucléaire encore reconnu et d’une très longue  et très exemplaire collaboration franco-chinoise dans le nucléaire. Le partenariat entre la Chine et la France sur le nucléaire se caractérise avant tout par sa flexibilité et son adaptation –une caractéristique des contrats chinois.

La France accompagne en fait depuis ses débuts le programme nucléaire civil chinois. Si le général de Gaulle avait décidé d’initier des relations diplomatiques avec ce pays en 1964, les contacts dans le domaine nucléaire remontent à août 1973, date de la première visite en Chine du président Pompidou. Ils se concrétisent le 22 novembre 1982 par la signature de « l’accord de coopération entre le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et le ministère chinois de l’Industrie nucléaire (MIN) dans le domaine de l’utilisation pacifique de l’énergie atomique ». Cet accord est régulièrement renouvelé depuis trente ans, toujours avec le CEA côté français, et pour la partie chinoise avec les différents partenaires dont les noms suivent l’évolution du nucléaire chinois : MIN, CNNC, CAEA

Suite à plusieurs visites en France du vice-ministre des Eaux et de l’Électricité, M. Li Peng, un « Mémorandum de coopération électronucléaire » est signé à Pékin en mai 1983. Il prévoit la fourniture de centrales nucléaires de 900 MWe en incluant une clause relative aux transferts de technologie que la France effectuera. La construction de la centrale nucléaire de Daya Bay (2 tranches REP 985 MWe) est lancée, avec une mise en service commerciale en 1994, puis la centrale nucléaire de Ling Ao phase 1 (deux tranches REP 985 MW) dont les contrats sont signés en 1995 et pour une mise en service industrielle en 2002 et 2003.

Cette collaboration chinoise a sauvé le nucléaire français, en permettant aux ingénieurs français de maintenir leur savoir faire,  et même progresser, alors que le ralentissement, puis le blocage du nucléaire en France  nous menaçait d’une perte critique de compétence.

AREVA a plus de 800 collaborateurs en Chine et est présent sur l’amont du cycle et les réacteurs, notamment par un ensemble de jointventures, EDF a également plus de 800 collaborateurs en Chine, et l’entreprise y est l’un des plus grands investisseurs étrangers dans l’énergie. EDF est présent dans le thermique (centrale de Laibin), dans l’hydraulique (prestations de conseil dans la majorité des projets chinois), et bien sûr dans le nucléaire, depuis Daya Bay et Ling’Ao. La société détient 30 % de la Taishan Nuclear Power Joint-Venture Company (TNPJVC) qui construit et exploitera les deux EPR deTaishan et prévoit d’ailleurs deux autres EPR par la suite.

Et ce n’est pas tout :  EDF, en créant le PFCE (Partenariat France Chine Electricité) a permis aux PMI/PME qui faisaient partie de sa chaîne d’approvisionnement en France de participer à l’aventure chinoise, et de profiter du réseau d’EDF en Chine pour s’implanter sur ce marché difficile. Ces entreprises sont présentes en Chine via des joint-ventures, des usines de production, et leurs produits et équipements sont sur quasiment.

En 2015, le marché chinois du nucléaire a généré 281 millions d’euros pour les entreprises françaises. Ces dernières ont réalisé dans le pays un chiffre d’affaires total de 732 millions d’euros dans le secteur énergétique. Avec plus du quart des entreprises françaises occupant une part de marché supérieure à 30 %, elles sont relativement bien ancrées dans le paysage nucléaire chinois. Certains membres déclarent par ailleurs des chiffres d’affaires chinois hors nucléaire (parfois plusieurs dizaines de millions d’euros) directement dus à leur prospection sur le marché nucléaire chinois. La moitié des entreprises françaises membres de PFCE saluent l’impact positif de ses activités en Chine sur l’emploi. Ainsi, elles estiment à plus de 760 le nombre de postes maintenus, et elles affirment avoir créé 228 nouveaux postes en France pour soutenir leurs activités en Chine. Enfin, la moitié d’entre elles jugent qu’une présence sur le marché chinois leur a ouvert des perspectives pour des marchés tiers, principalement au Royaume-Uni. Il semble aussi que les exigences liées au marché chinois insufflent une forte dynamique de recherche et de développement au sein des entreprises française.

Bref le PFCE, lancé par M. Machenaud, un historique d’EDF en Chine est un vrai succès pour la filière nucléaire française, mais pas seulement !


Sur cette histoire de la coopération franco-chinoise dans le nucléaire, un excellent numéro du journal de la SFEN de novembre 2017.Rappelons que le nucléaire est actuellement la seule énergie qui puisse  nous permettre de répondre au défi climatique, et l’urgence de la réponse se confirme jours après jours. Le contrat chinois sauve le nucléaire français et le monde.

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