Le nucléaire
chinois sur le modèle français- un cycle complet- Contrat géant pour Areva
Ce fut le plus grand succès de la visite de M. Macron en Chine ce début
d’année, un protocole d’accord de plus de
dix milliards d’euros, entre Areva et le groupe chinois CCNC pour permettre
aux Chinois de retraiter et de recycler leur combustible nucléaire, jusqu’à
présent entreposé dans des piscines.
Cette usine serait bâtie sur le modèle de celles de La Hague (Manche) et
Mélox (Gard) : il s’agit de retraiter et recycler sur le même site l’uranium
qui alimente les centrales. C’est une
bonne nouvelle pour Areva. D’abord, parce qu’il va permettre d’assurer une
activité continue à 2 000 ingénieurs
français pendant les sept prochaines années, mais aussi par l’impact qu’il
aura sur le nucléaire français.
C’est le résultat de la volonté de la Chine de s’affirmer comme la
première puissance du nucléaire civil. Or la Chine est le pays le plus en
pointe dans la construction de centrales nucléaires depuis plusieurs années. La
filière chinoise, en partie bâtie avec la collaboration d’EDF et Areva, est
plus que florissante : C’est d’ailleurs dans le sud-est du pays, à Taïshan, que devrait démarrer en 2018 le premier EPR détenu à 30 % par EDF- avant l‘EPR français de Flamanville.
Puissance montante sur la scène mondiale du nucléaire, la Chine continue
sur sa lancée pour atteindre l’objectif de se doter d’ici 2020 d’un parc
nucléaire industriel équipé d’une puissance installée de 58 GW en exploitation
et de 30 GW en construction. C’est ce qu’affiche le 13e plan quinquennal (2016-2020).
En septembre 2017,le parc national dispose d’une puissance installée de 34,43
GWe en exploitation pour 36 unités
et de 23,20 GWe en construction pour 20
unités. Si la Chine veut pouvoir atteindre son objectif, il faudrait
qu’elle lance la construction de six à
huit nouvelles tranches chaque année (ce qu’elle a du mal à faire
actuellement). Au-delà, la Chine vise un parc d’une capacité de 150 à 200
GW en 2030, soit environ la moitié du parc nucléaire mondial actuel. Son mix énergétique : de 3,56 % aujourd’hui
passera à 5 % d’ici 2020 et à environ 10 % d’ici 2030.
En cohérence
avec cette ambition de développement du parc, la Chine a choisi la politique du cycle fermé, et là encore la France
est considérée comme le partenaire modèle. Les négociations en cours
portent sur la construction d’une usine de retraitement de 800 tonnes par an et
d’une usine de combustible Mox sur le modèle de Melox. À l’horizon 2030 le
besoin sera de trois fois cette capacité.
La Chine, puissance nucléaire du XXIème siècle
La Chine veut devenir
l’acteur principal du nucléaire du futur. Elle a développé un standard, le Hualong (« dragon chinois »), un
réacteur de moyenne puissance, évolution des modèles réalisés avec la France,
tant pour le marché domestique que pour l’international. Pour la filière de grande puissance,
le modèle théorique est le CAP
1400, et au-delà le CAP 1700,
évolution de l’AP1000 et pour
lequel la Chine possède
l’intégralité des droits.
Néanmoins, le manque de maturité
de ce modèle pourrait laisser
une chance à l’EPR. Le premier
EPR franco-chinois, détenu à 30 % par EDF devrait démarrer en 2018 le premier EPR
L’ambition en
matière de R&D est impressionnante, la Chine essaie de nombreuses
technologies : des réacteurs à caloporteurs gaz, plomb bismuth, eau super critique,
des ADS (réacteur couplant un réacteur nucléaire sous-critique et un accélérateur de particule produisant
les neutrons induisant une réaction nucléaire, des SMR (réacteurs de petite tailles-300Megawatt), très utiles par exemple pour
le dessalement de l’eau de mer ou des utilisations locales comme le chauffage.
Le déploiement d’un parc de réacteurs à
neutrons rapides est le prolongement
naturel de cette politique. Là aussi, le programme est impressionnant, avec un
premier démonstrateur de 600 MWe annoncé pour 2023, planning sans doute très
optimiste mais qui démontre le volontarisme du programme. La Chine sera alors
la première à faire fonctionner un surgénérateur- non pardon la seconde après
la France et SuperPhenix, un
programme stupidement et scandaleusement abandonné au moment même où il commençait à produire de
l’électricité dans des conditions commerciales. Rappelons que le grand intérêt
du surgénérateur est sa possibilité d’utiliser comme combustible de l’uranium
non enrichi et même de produire un combustible utilisable dans les centrales
classiques, rendant ainsi l’énergie nucléaire renouvelable.
Même si tous
ces projets n’aboutissent pas, ils stimulent l’accumulation d’une expertise et
la formation d’un potentiel humain qui ont toutes les chances de faire de la Chine
la puissance nucléaire du XXIe siècle.
Le succès d’une coopération franco-chinoise historique
dans le nucléaire
Ce succès du nucléaire français est aussi le résultat d’un savoir faire français
dans le nucléaire encore reconnu et d’une très longue et très exemplaire collaboration franco-chinoise
dans le nucléaire. Le partenariat entre la Chine et la France sur le
nucléaire se caractérise avant tout par sa flexibilité et son adaptation –une
caractéristique des contrats chinois.
La France accompagne en fait depuis ses débuts le
programme nucléaire civil chinois. Si le général de Gaulle avait décidé
d’initier des relations diplomatiques avec ce pays en 1964, les contacts dans
le domaine nucléaire remontent à août 1973, date de la première visite en Chine
du président Pompidou. Ils se concrétisent le 22 novembre 1982 par la signature
de « l’accord de coopération entre le Commissariat à l’énergie atomique (CEA)
et le ministère chinois de l’Industrie nucléaire (MIN) dans le domaine de
l’utilisation pacifique de l’énergie atomique ». Cet accord est régulièrement
renouvelé depuis trente ans, toujours avec le CEA côté français, et pour la
partie chinoise avec les différents partenaires dont les noms suivent l’évolution
du nucléaire chinois : MIN, CNNC, CAEA
Suite à plusieurs visites en France du vice-ministre des
Eaux et de l’Électricité, M. Li Peng,
un « Mémorandum de coopération électronucléaire » est signé à Pékin en mai
1983. Il prévoit la fourniture de centrales nucléaires de 900 MWe en incluant
une clause relative aux transferts de technologie que la France effectuera. La
construction de la centrale nucléaire de Daya
Bay (2 tranches REP 985 MWe) est lancée, avec une mise en service
commerciale en 1994, puis la centrale nucléaire de Ling Ao phase 1 (deux tranches REP 985 MW) dont les contrats sont
signés en 1995 et pour une mise en service industrielle en 2002 et 2003.
Cette collaboration chinoise a sauvé le nucléaire
français, en permettant aux ingénieurs français de maintenir leur savoir faire,
et même progresser, alors que le ralentissement,
puis le blocage du nucléaire en France nous
menaçait d’une perte critique de compétence.
AREVA a plus
de 800 collaborateurs en Chine et
est présent sur l’amont du cycle et les réacteurs, notamment par un ensemble de
jointventures, EDF a également plus de 800 collaborateurs en Chine, et l’entreprise
y est l’un des plus grands investisseurs étrangers dans l’énergie. EDF est
présent dans le thermique (centrale de Laibin), dans l’hydraulique (prestations
de conseil dans la majorité des projets chinois), et bien sûr dans le
nucléaire, depuis Daya Bay et Ling’Ao. La société détient 30 % de la Taishan
Nuclear Power Joint-Venture Company (TNPJVC) qui construit et exploitera
les deux EPR deTaishan et
prévoit d’ailleurs deux autres EPR par la suite.›
Et ce n’est
pas tout : EDF, en créant le PFCE
(Partenariat France Chine Electricité) a permis aux PMI/PME qui faisaient partie
de sa chaîne d’approvisionnement en France de participer à l’aventure chinoise,
et de profiter du réseau d’EDF en Chine pour s’implanter sur ce marché
difficile. Ces entreprises sont présentes en Chine via des joint-ventures,
des usines de production, et leurs produits et équipements sont sur quasiment.
En 2015, le marché chinois du nucléaire a généré 281
millions d’euros pour les entreprises françaises. Ces dernières ont réalisé
dans le pays un chiffre d’affaires total de 732 millions d’euros dans le
secteur énergétique. Avec plus du quart
des entreprises françaises occupant une part de marché supérieure à 30 %,
elles sont relativement bien ancrées dans le paysage nucléaire chinois. Certains
membres déclarent par ailleurs des chiffres d’affaires chinois hors nucléaire
(parfois plusieurs dizaines de millions d’euros) directement dus à leur
prospection sur le marché nucléaire chinois. La moitié des entreprises
françaises membres de PFCE saluent l’impact positif de ses activités en Chine
sur l’emploi. Ainsi, elles estiment à plus de 760 le nombre de postes
maintenus, et elles affirment avoir créé 228 nouveaux postes en France pour
soutenir leurs activités en Chine. Enfin, la moitié d’entre elles jugent qu’une
présence sur le marché chinois leur a ouvert des perspectives pour des marchés
tiers, principalement au Royaume-Uni. Il semble aussi que les exigences liées
au marché chinois insufflent une forte dynamique de recherche et de développement
au sein des entreprises française.
Bref le PFCE,
lancé par M. Machenaud, un historique d’EDF en Chine est un vrai succès pour la
filière nucléaire française, mais pas seulement !
Sur cette
histoire de la coopération franco-chinoise dans le nucléaire, un excellent numéro
du journal de la SFEN de novembre 2017.Rappelons
que le nucléaire est actuellement la seule énergie qui puisse nous permettre de répondre au défi climatique,
et l’urgence de la réponse se confirme jours après jours. Le contrat chinois
sauve le nucléaire français et le monde.
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