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mardi 20 novembre 2018

Raisons de détester l’Eurokom-17 : la politique des transports


Europe et Eurokom

Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté Européenne.

Transports maritimes : la grande crainte des ports bretons exclus du « réseau central ».

Voici ce que prévoit le Commission Européenne en cas de Brexit dur ( sans accord) : le traffic avec l’ Irlande, lorsque le « pont terrestre » britannique serait fermé, serait entièrement dérouté vers Zeebrugge, Anvers et Rotterdam. Fin des liaisons entre Brest, Roscoff et l’Irlande, fin de l’histoire des brittany ferries fondés sous l’impulsion d’Alexis Gourvennec et de la chambre de commerce et d'industrie de Morlaix,

La Commission Européenne explique que ces ports bretons (Roscoff, Brest) sont certes proches de l’Irlande, mais  moins bien connectés avec le reste du marché européen que leurs concurrents et n’appartiennent pas au « réseau central », autrement dit le groupe des grands ports entre lesquels l’Union européenne tente de développer et rationaliser le transport maritime.
Et ça ne serait pas bon non plus pour Dunkerque, Calais et Le Havre. Eux non plus n’appartiennent pas au fameux réseau central. Le Conseil économique et social européen (CESE), organe consultatif, s’est rangé du côté de la Commission . « Brest et Roscoff ne remplissent pas les critères de base pour devenir membres du réseau central », estime le rapporteur Stefan Back, directeur de la fédération suédoise des entreprises de transport. Un tel changement de catégorie, qui en principe n’est pas prévu avant 2023, décuplerait l’accès aux fonds européens. En raison de sa taille et de sa position dans les corridors maritimes, Rotterdam a reçu, à lui seul, plus de cinq fois plus de subventions européennes que tous les ports français, soulignait récemment la sénatrice du Pas-de-Calais, Cathy Apourceau-Poly

En fait le Brexit a bon dos, et Brexit ou pas , on voit bien que le « réseau central » s’imposera pour « rationnaliser les flux maritimes ». Au grand jeu du lobbying européen, le Benelux l’a emporté par  K.O (par chaos aussi) sur la France, et les ports français sont en grande menace d’être sacrifiés ; Roscoff, Brest, mais aussi Le Havre, Dunkerque et Calais au profit de Zeebrugge, Anvers et Rotterdam.
On se demande bien de quelle « rationalisation » il s’agit lorsqu’on sait que, de plus, le terminal de Zeebruges  pour les conteneurs est géré par le Chinois Cosco ( qui possède le Pirée) et que  le port d Anvers a été intégré dans le plan chinois des nouvelles routes de la soie- donc servira de terminal préférentiel aux exportations chinoises ! De même, il est évident que restreindre ainsi, sur des bases géographiques aberrantes, les ports autorisés, augmentera le trafic par camion au détriment du trafic maritime. C’est une aberration économique, sociale, écologique, géographique, politique, c’est contraire aux intérêts français ; bref, c’est européen !
La ministre des Transports, Élisabeth Borne, s’est réveillée très tardivement et  a assuré au président de la Région Bretagne avoir, peut-être, sous condition, obtenu quelques fonds européens pour améliorer la les connexions des ports français. Sans promettre de miracle, dit(elle, ce qui prouve qu’elle ne se fait guère d’illusion. Au jeu vicié et vicieux du lobbying, le gouvernement français a été aussi mauvais que d’hab. Les habitants de notre façade maritime, un des grands atouts de la France si gaspillé apprécieront.

Libéralisation des transports routiers : un scandale social et écologique
La libéralisation du transport routier a été l'une des préoccupations majeures de la politique européenne des transports depuis très longtemps et a été poursuivie inexorablement qu’elle qu’en soient les conséquences.
Le règlement 3572/90 et la directive 96/26 du 29 avril 1996 harmonisent les dispositions d'accès à la profession. Le principe de libre accès est admis depuis le 1er janvier 1993. L'accès à la profession est soumis à des critères qualitatifs qui remplacent le critère quantitatif que constituait le contingentement communautaire. Les entreprises doivent seulement prouver qu'elles sont qualifiées par rapport à trois critères : honorabilité, capacité financière et capacité professionnelle du transporteur. L'équivalence des diplômes est reconnue. Parallèlement, la Communauté a libéralisé les transports internationaux. Le règlement 4058/89/CEE libéralise les prix des transports de marchandises, libéralisation effective depuis le 1er janvier 1990. La liberté totale de prestation de services est effective depuis le 1er janvier 1993. Le règlement 881/92/CEE du 26 mars 1992 remplace l'ancien système basé sur des autorisations bilatérales et des quotas. L'autorisation communautaire d'effectuer des services de transports internationaux est délivrée, pour une période renouvelable de cinq ans, par l'Etat membre dans lequel le transporteur est établi.
La libéralisation des échanges a constitué un facteur majeur d’accroissement du transport routier. Le mode de transport routier domine dans la circulation intra-européenne du fret. Sa part de marché s'élève à 49% en 2014 et a considérablement entamé celle du frêt ferroviaire.  En 2001, les rails ne transportaient plus que 8 % des marchandises contre 20 % en 1970. Conséquence : l'augmentation du trafic poids lourds engendre des problèmes de congestion et de pollution de plus en plus nombreux, notamment sur les grands axes, les goulets d'étranglement (en particulier les régions montagneuses - Alpes et Pyrénées) et les zones urbaines. Cette croissance exponentielle et non maîtrisée du transport routier est contraire à toute logique de développement durable et responsable. Et elle n’est pas près de s’arrêter
On voit les effets de la libéralisation du transport routier de marchandise, il était donc urgent de poursuivre dans les mêmes erreurs pour le trafic passager. Et c’est ainsi que  l'ouverture à la concurrence des lignes régulières d'autocar en France a été décrétée en 2015 (les bus Macron), et qu’elle s’effectue aussi au détriment des trains, même des TGV. Contrairement aux discours mirifiques de l’époque, elle peine à trouver sa rentabilité et la conséquence en est que les dessertes ne se font que sur les trajets  les plus rentables, et nullement en faveur des régions désertées qui en auraient le plus besoin. Pour être très claor, déclaration du patron de Flixbus en France « On n'est pas un service public. On n’ouvre pas les lignes pour la beauté du geste. Dans un pays comme la France on est obligé de passer par Paris » (L’Express, 14/11/2018).
 A noter que c’est précisément pour privilégier leurs transports ferroviaires que les Etats dans les années 70 freinaient la libéralisation des transports routiers !
Et la raison de ce scandale écologique que constitue le développement incontrôlé du frêt routier, on la connait : les utilisateurs professionnels des infrastructures routières ne les paient pas à leur juste prix. Mais quoi qu’il arrive et quoi qu’en puisse être les conséquences, l’Europe continue sa politique incontrôlée de libéralisation des transports. C’est à ça qu’on la reconnait !
Une course infinie au dumping social. Les nouveaux forçats de la route
Et, en ce qui concerne le transport routier, il faut quand même parler des conséquences sociales, du nouveau peuple des forçats de la route. Les différences salariales entre les travailleurs de l’Ouest et ceux de l’Est sont immenses. Un chauffeur polonais gagne en moyenne 602 euros brut par mois, quand un français reçoit 2478 euros. Quatre fois moins. Aujourd’hui, la Pologne est devenue leader européen du transport international, devant la France et l’Allemagne. Trente-deux mille entreprises y ont fleuri, et 3,2 millions de poids-lourds y sont répertoriés.
L’ensemble des travailleurs de la route doit faire face à un féroce « dumping social », une interminable course au moins-disant salarial dont les limites semblent sans-cesse repoussées. Les travailleurs de l’Ouest subissent pertes d’emplois et baisses de salaires. Quant aux travailleurs de l’Est, déjà paupérisés, ils sont confrontés à une nouvelle concurrence : l’arrivée de conducteurs encore plus vulnérables en provenance de pays extérieurs à l’UE. Une véritable explosion si l’on en croit les chiffres obtenus par Investigate Europe : le nombre d’ « attestations » – documents qui autorisent les chauffeurs extra-communautaires à travailler dans l’UE – a augmenté de 286 % entre 2012 et 2017.(multinationales.org/Le-quotidien-intenable-des-routiers-forcats-de-l-industrie-automobile)
Libéralisation du transport ferroviaire ; l‘idéologie libérale portée à stupidité maximale
C’est l’idéologie libérale poussée à sa plus extrême fanatique qui a ici présidé aux packs ferroviaires successifs, dont le quatrième impose la libéralisation du trafic voyageurs. Certes, on n’est pas allé  au point de la Grande-Bretagne, qui avait privatisé même le réseau de chemin de fer, et qui a dû revenir en arrière et le renationaliser, tant les catastrophes dues au manque d’entretien se multipliaient (Ladbroke Grove 35 morts et 558 blessés, Hatfield, 4 morts et 70 blessés… en cause : la vétusté des rails). Pour le trafic, ce n’est guère mieux : prix six fois supérieurs à la moyenne en Europe, retards, service déplorable, grèves monstres. Conséquences : près des trois quart des britanniques sont en faveur de la renationalisation du ferroviaire.
En fait pendant longtemps, en Europe, rien n’a bougé. Les Etats n’étaient guère pressés d’appliquer la libéralisation du trafic ferroviaire- peut-être se disaient-ils qu’il y avait quand même sûrement une bonne raison si, à un moment ou à un autre, ils avaient tous décidé de nationaliser les chemins de fer… La commission Européenne, organe central du libéralisme le plus fanatique identifia le problème : « Les obligations de service public, qui viennent restreindre la liberté commerciale des entreprises, ne sont ni précisément définies, ni négociées ». Ca présente le mérite de la clarté : sus donc aux services publics ! Et ce fut le funeste 4ème paquet ferroviaire de 2016.
On a pu déjà observer en France que la séparation du réseau et de l’exploitation, mantra et préliminaire obligatoire de toutes les politiques de libéralisation allait dans le même sens qu’en Angleterre, avec la dégradation des voies et du service en banlieue, et la catastrophe de Bretigny (7morts, 70 blessés) dont Réseau ferré de France et la SNCF se rejettent la responsabilité. Mais il était urgent de continuer, et le gouvernement Macron l’a fait avec sa brutalité caractéristique : ce furent les ordonnances ferroviaires de 2018 « afin de faire évoluer le groupe public ferroviaire pour l'adapter à l'arrivée de la concurrence et améliorer sa performance «  et de définir « les conditions de l'ouverture à la concurrence, dans le cadre de la transposition des textes européens issus principalement du  quatrième paquet ferroviaire ». Ordonnances fièrement signées publiquement par Macron après 3 mois de grève  de la SNCF, la plus longue de son histoire ; avec un comportement odieux de l’exécutif faisant appel à toutes les démagogies ( mensonges et manipulation sur la dette, sur le statut des agents) et visant à humilier des syndicats déjà plus très affaiblis. Cette décrédibilisation des pouvoirs intermédiaires et de la négocation sociale, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour prévoir qu’elle se paiera très cher.
C’est assez pittoresque, pour rester gentil, mais, en fait, on ne sait même pas trop comment libéraliser. Ainsi, Guillaume Pepy préfère l'open accès, où sur une ligne donnée tous les opérateurs sont autorisés à opérer. A l’inverse, les rapporteurs, Hervé Maurey et Louis Nègre soutenaient un système de franchise : des lots de voies ferrées attribuées, normalement par appel d'offre. Parmi les lignes d'une même franchise, certaines peuvent être rentables et d'autres moins. Facile, non ! Ainsi, expliquaient-ils, la politique d'ouverture à la concurrence doit éviter que certaines sociétés se partagent la lucrative ligne Paris-Lyon alors que la SNCF devrait assumer des lignes rurales déficitaires. Le plan ferroviaire présenté par Pepy a tranché le débat de manière radicale par la suppression massive de « petites lignes » qui ne seront plus desservies, ni par ce qu’on n’ose même plus appeler service public, ni par sa mirifique concurrence. Tant pis pour ceux qui en avaient besoin, tant pis pour les petites communes et leurs habitants, tant pis pour l’aménagement du territoire, tant pis pour l’égalité territoriale, tant pis pour l’environnement….
Et le pire reste à venir : L'ouverture à la concurrence de l'exploitation des lignes de transport en commun en Île-de-France est programmée en 2024 pour les lignes de bus, 2029 pour les tramways, 2039 pour les lignes de métro et RER existantes. Les lignes nouvelles, mises en service à partir de 2020, seront mises en concurrence par l'autorité organisatrice Île-de-France Mobilités dès leur ouverture : tramways T9 et T10, CDG Express, ligne 15 sud du Grand Paris Express34,35, etc.
La « revitalisation » des chemins de fer était présenté comme l'un des axes majeurs de la politique commune des transports. La Communauté Européenne, tout à son idéologie libérale, a misé sur une réforme de structure des entreprises nationales, et sur l'introduction d'opérateurs privés. En fait, le trafic ferroviaire, voyageur et plus encore frêt n’a cessé de diminuer au »profit » de la route. C’est un plein succès, et par conséquent, la Commission a décidé de continuer dans la même voie. Répétons-le : c’est à cette caractéristique que l’on reconnait la politique européenne.
Les transports ont été parmi le premier secteur a subir une libéralisation dogmatique et idéologique. C’est un échec complet, social, environnemental, de baisse de la qualité voire d’abandon du service public, de l’aménagement du territoire, de l’égalité territoriale.
Il est temps de sortir ce cette Europe-là.


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