Europe et Eurokom
Dans
un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal
sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui
sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et
la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission
européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme
d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle
des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté
Européenne.
Transports maritimes : la
grande crainte des ports bretons exclus du « réseau central ».
Voici
ce que prévoit le Commission Européenne en cas de Brexit dur ( sans
accord) : le traffic avec l’ Irlande, lorsque le « pont terrestre »
britannique serait fermé, serait
entièrement dérouté vers Zeebrugge, Anvers et Rotterdam. Fin des liaisons entre Brest, Roscoff et
l’Irlande, fin de l’histoire des brittany ferries fondés sous l’impulsion
d’Alexis Gourvennec et de la chambre de commerce et d'industrie de Morlaix,
La
Commission Européenne explique que ces ports bretons (Roscoff, Brest) sont
certes proches de l’Irlande, mais moins
bien connectés avec le reste du marché européen que leurs concurrents et
n’appartiennent pas au « réseau central
», autrement dit le groupe des grands ports entre lesquels l’Union européenne tente
de développer et rationaliser le transport maritime.
Et
ça ne serait pas bon non plus pour Dunkerque, Calais et Le Havre. Eux non plus
n’appartiennent pas au fameux réseau
central. Le Conseil économique et social européen (CESE), organe
consultatif, s’est rangé du côté de la Commission . « Brest et Roscoff ne remplissent pas les critères de base pour devenir
membres du réseau central », estime le rapporteur Stefan Back, directeur de
la fédération suédoise des entreprises de transport. Un tel changement de
catégorie, qui en principe n’est pas prévu avant 2023, décuplerait l’accès aux
fonds européens. En raison de sa taille et de sa position dans les corridors
maritimes, Rotterdam a reçu, à lui seul,
plus de cinq fois plus de subventions européennes que tous les ports français,
soulignait récemment la sénatrice du Pas-de-Calais, Cathy Apourceau-Poly
En
fait le Brexit a bon dos, et Brexit ou pas , on voit bien que le « réseau central » s’imposera pour
« rationnaliser les flux maritimes ». Au grand jeu du lobbying
européen, le Benelux l’a emporté par K.O
(par chaos aussi) sur la France, et les ports français sont en grande menace
d’être sacrifiés ; Roscoff, Brest, mais aussi Le Havre, Dunkerque et
Calais au profit de Zeebrugge, Anvers et Rotterdam.
On
se demande bien de quelle « rationalisation » il s’agit lorsqu’on
sait que, de plus, le terminal de Zeebruges
pour les conteneurs est géré par le Chinois Cosco ( qui possède le
Pirée) et que le port d Anvers a
été intégré dans le plan chinois des nouvelles routes de la soie- donc servira
de terminal préférentiel aux exportations chinoises ! De même, il est
évident que restreindre ainsi, sur des bases géographiques aberrantes, les
ports autorisés, augmentera le trafic par camion au détriment du trafic
maritime. C’est une aberration économique, sociale, écologique, géographique,
politique, c’est contraire aux intérêts français ; bref, c’est
européen !
La
ministre des Transports, Élisabeth Borne, s’est réveillée très tardivement et a assuré au président de la Région Bretagne
avoir, peut-être, sous condition, obtenu quelques fonds européens pour
améliorer la les connexions des ports français. Sans promettre de miracle,
dit(elle, ce qui prouve qu’elle ne se fait guère d’illusion. Au jeu vicié et
vicieux du lobbying, le gouvernement français a été aussi mauvais que d’hab.
Les habitants de notre façade maritime, un des grands atouts de la France si
gaspillé apprécieront.
Libéralisation des transports
routiers : un scandale social et écologique
La
libéralisation du transport routier a été l'une des préoccupations majeures de
la politique européenne des transports depuis très longtemps et a été
poursuivie inexorablement qu’elle qu’en soient les conséquences.
Le règlement
3572/90 et la directive 96/26 du 29 avril 1996 harmonisent les dispositions
d'accès à la profession. Le principe de libre accès est admis depuis le
1er janvier 1993. L'accès à la profession est soumis à
des critères qualitatifs qui remplacent le critère quantitatif que constituait
le contingentement communautaire. Les entreprises doivent seulement prouver
qu'elles sont qualifiées par rapport à trois critères : honorabilité,
capacité financière et capacité professionnelle du transporteur. L'équivalence
des diplômes est reconnue. Parallèlement, la Communauté a libéralisé les transports
internationaux. Le règlement 4058/89/CEE libéralise les prix des transports
de marchandises, libéralisation effective depuis le 1er janvier
1990. La liberté totale de prestation de services est effective depuis
le 1er janvier 1993. Le règlement 881/92/CEE du 26
mars 1992 remplace l'ancien système basé sur des autorisations bilatérales et
des quotas. L'autorisation communautaire d'effectuer des services de transports
internationaux est délivrée, pour une période renouvelable de cinq ans, par l'Etat
membre dans lequel le transporteur est établi.
La
libéralisation des échanges a constitué un facteur majeur d’accroissement du
transport routier. Le
mode de transport routier domine dans la circulation intra-européenne du fret.
Sa part de marché s'élève à 49% en 2014 et a considérablement entamé celle du
frêt ferroviaire. En 2001, les rails ne
transportaient plus que 8 % des marchandises contre 20 % en 1970.
Conséquence : l'augmentation du trafic poids lourds engendre des problèmes
de congestion et de pollution de plus en plus nombreux, notamment sur les
grands axes, les goulets d'étranglement (en particulier les régions
montagneuses - Alpes et Pyrénées) et les zones urbaines. Cette croissance
exponentielle et non maîtrisée du transport routier est contraire à toute
logique de développement durable et
responsable. Et elle n’est pas près de s’arrêter
On voit les
effets de la libéralisation du transport routier de marchandise, il était donc
urgent de poursuivre dans les mêmes erreurs pour le trafic passager. Et c’est
ainsi que l'ouverture à la concurrence des lignes régulières
d'autocar en France a été décrétée en 2015 (les bus Macron), et qu’elle s’effectue
aussi au détriment des trains, même des TGV. Contrairement aux discours
mirifiques de l’époque, elle peine à trouver sa rentabilité et la conséquence
en est que les dessertes ne se font que sur les trajets les plus rentables, et nullement en faveur des
régions désertées qui en auraient le plus besoin. Pour être très claor,
déclaration du patron de Flixbus en France « On n'est pas un service
public. On n’ouvre pas les lignes pour la beauté du geste. Dans un pays comme
la France on est obligé de passer par Paris » (L’Express, 14/11/2018).
A noter que c’est précisément pour privilégier
leurs transports ferroviaires que les Etats dans les années 70 freinaient la
libéralisation des transports routiers !
Et la raison
de ce scandale écologique que constitue le développement incontrôlé du frêt
routier, on la connait : les utilisateurs professionnels des
infrastructures routières ne les paient pas à leur juste prix. Mais quoi qu’il
arrive et quoi qu’en puisse être les conséquences, l’Europe continue sa
politique incontrôlée de libéralisation des transports. C’est à ça qu’on la
reconnait !
Une course infinie au dumping social. Les nouveaux
forçats de la route
Et, en ce
qui concerne le transport routier, il faut quand même parler des conséquences
sociales, du nouveau peuple des forçats de la route. Les différences salariales
entre les travailleurs de l’Ouest et ceux de l’Est sont immenses. Un chauffeur
polonais gagne en moyenne 602 euros brut par mois, quand un français reçoit
2478 euros. Quatre fois moins. Aujourd’hui, la Pologne est devenue leader
européen du transport international, devant la France et l’Allemagne.
Trente-deux mille entreprises y ont fleuri, et 3,2 millions de poids-lourds y sont répertoriés.
L’ensemble
des travailleurs de la route doit faire face à un féroce « dumping social »,
une interminable course au moins-disant salarial dont les limites semblent
sans-cesse repoussées. Les travailleurs de l’Ouest subissent pertes d’emplois
et baisses de salaires. Quant aux travailleurs de l’Est, déjà paupérisés, ils
sont confrontés à une nouvelle
concurrence : l’arrivée de conducteurs encore plus vulnérables en provenance de
pays extérieurs à l’UE. Une véritable explosion si l’on en croit les
chiffres obtenus par Investigate Europe : le nombre d’ « attestations » –
documents qui autorisent les chauffeurs extra-communautaires à travailler dans
l’UE – a augmenté de 286 % entre 2012 et
2017.(multinationales.org/Le-quotidien-intenable-des-routiers-forcats-de-l-industrie-automobile)
Libéralisation du transport ferroviaire ;
l‘idéologie libérale portée à stupidité maximale
C’est
l’idéologie libérale poussée à sa plus extrême fanatique qui a ici présidé aux
packs ferroviaires successifs, dont le quatrième impose la libéralisation du
trafic voyageurs. Certes, on n’est pas allé
au point de la Grande-Bretagne, qui avait privatisé même le réseau de
chemin de fer, et qui a dû revenir en arrière et le renationaliser, tant les
catastrophes dues au manque d’entretien se multipliaient (Ladbroke Grove 35
morts et 558 blessés, Hatfield, 4 morts et 70 blessés… en cause : la vétusté
des rails). Pour le trafic, ce n’est guère mieux : prix six fois supérieurs à la moyenne en Europe,
retards, service déplorable, grèves monstres. Conséquences : près des
trois quart des britanniques sont en faveur de la renationalisation du
ferroviaire.
En fait
pendant longtemps, en Europe, rien n’a bougé. Les Etats n’étaient guère pressés
d’appliquer la libéralisation du trafic ferroviaire- peut-être se disaient-ils
qu’il y avait quand même sûrement une bonne raison si, à un moment ou à un
autre, ils avaient tous décidé de nationaliser les chemins de fer… La
commission Européenne, organe central du libéralisme le plus fanatique
identifia le problème : « Les obligations de service public, qui
viennent restreindre la liberté commerciale des entreprises, ne sont ni
précisément définies, ni négociées ». Ca présente le mérite de la
clarté : sus donc aux services publics ! Et ce fut le funeste 4ème
paquet ferroviaire de 2016.
On a pu déjà
observer en France que la séparation du réseau et de l’exploitation, mantra et
préliminaire obligatoire de toutes les politiques de libéralisation allait dans
le même sens qu’en Angleterre, avec la dégradation des voies et du service en
banlieue, et la catastrophe de Bretigny (7morts, 70 blessés) dont Réseau ferré
de France et la SNCF se rejettent la responsabilité. Mais il était urgent de
continuer, et le gouvernement Macron l’a fait avec sa brutalité
caractéristique : ce furent les ordonnances ferroviaires de 2018 « afin de faire évoluer le
groupe public ferroviaire pour l'adapter à l'arrivée de la concurrence et
améliorer sa performance « et de définir « les conditions de
l'ouverture à la concurrence, dans le cadre de la transposition des textes
européens issus principalement du quatrième paquet ferroviaire ».
Ordonnances fièrement signées publiquement par Macron après 3 mois de
grève de la SNCF, la plus longue de son
histoire ; avec un comportement odieux de l’exécutif faisant appel à
toutes les démagogies ( mensonges et manipulation sur la dette, sur le statut
des agents) et visant à humilier des syndicats déjà plus très affaiblis. Cette
décrédibilisation des pouvoirs intermédiaires et de la négocation sociale, il
n’y a pas besoin d’être grand clerc pour prévoir qu’elle se paiera très cher.
C’est
assez pittoresque, pour rester gentil, mais, en fait, on ne sait même pas trop
comment libéraliser. Ainsi, Guillaume Pepy préfère l'open accès, où sur une
ligne donnée tous les opérateurs sont autorisés à opérer. A l’inverse, les
rapporteurs, Hervé Maurey et Louis Nègre soutenaient un système de franchise :
des lots de voies ferrées attribuées, normalement par appel d'offre. Parmi les
lignes d'une même franchise, certaines peuvent être rentables et d'autres
moins. Facile, non ! Ainsi, expliquaient-ils, la politique d'ouverture à
la concurrence doit éviter que certaines sociétés se partagent la lucrative
ligne Paris-Lyon alors que la SNCF devrait assumer des lignes rurales
déficitaires. Le plan ferroviaire présenté par Pepy a tranché le débat de
manière radicale par la suppression massive de « petites lignes » qui
ne seront plus desservies, ni par ce qu’on n’ose même plus appeler service
public, ni par sa mirifique concurrence. Tant pis pour ceux qui en avaient
besoin, tant pis pour les petites communes et leurs habitants, tant pis pour
l’aménagement du territoire, tant pis pour l’égalité territoriale, tant pis
pour l’environnement….
Et
le pire reste à venir : L'ouverture
à la concurrence de l'exploitation des lignes de transport en commun en
Île-de-France est programmée en 2024 pour les lignes de bus, 2029 pour les
tramways, 2039 pour les lignes de métro et RER existantes. Les lignes
nouvelles, mises en service à partir de 2020, seront mises en concurrence par
l'autorité organisatrice Île-de-France Mobilités dès leur ouverture :
tramways T9 et T10, CDG Express, ligne 15 sud du Grand Paris Express34,35, etc.
La «
revitalisation » des chemins de fer était présenté comme l'un des axes majeurs
de la politique commune des transports. La Communauté Européenne, tout à son
idéologie libérale, a misé sur une réforme de structure des entreprises
nationales, et sur l'introduction d'opérateurs privés. En fait, le trafic
ferroviaire, voyageur et plus encore frêt n’a cessé de diminuer
au »profit » de la route. C’est un plein succès, et par conséquent,
la Commission a décidé de continuer dans la même voie. Répétons-le : c’est
à cette caractéristique que l’on reconnait la politique européenne.
Les
transports ont été parmi le premier secteur a subir une libéralisation
dogmatique et idéologique. C’est un échec complet, social, environnemental, de
baisse de la qualité voire d’abandon du service public, de l’aménagement du
territoire, de l’égalité territoriale.
Il est temps
de sortir ce cette Europe-là.
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