Europe et Eurokom
Dans
un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les propos de Macron à Epinal
sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux politiciens truqueurs qui
sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique, historique, culturelle et
la Communauté européenne et ses institutions (notamment la Commission
européenne), vouées uniquement à construire un grand marché selon le dogme
d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier l’Europe réelle
des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la Communauté
Européenne
Une grande avancée : le socle
européen des droits sociaux-Bullshit !
Dans
l’article 3 de son traité, l’union a notamment pour but de promouvoir le
bien-être de ses peuples tout comme une économie sociale de marché hautement
compétitive qui tend entre autre au plein emploi et au progrès social. Dès son
arrivée en 2015, le Président de la Commission Européenne, J.C Juncker avait
proclamé sa volonté d’obtenir le triple A pour une Europe sociale. De fait, un
socle Européen des droits sociaux a été proclamé au sommet social de Göteborg
en novembre 2017.
Eh bien, le
voici : obligation d'établir un contrat de travail écrit ; limitation de la durée de travail
hebdomadaire ; protection sociale de la maternité ; interdiction d'exposition
aux radiations ; interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans et
réglementation du travail des 15-18 ans (durée de travail, travail de nuit,
repos obligatoires, etc.) ; la protection contre les agents chimiques,
physiques et biologiques ; encadrement du travail sur écran d'ordinateur ;
encadrement des travaux exposant à l'amiante. Par ailleurs, La Charte
communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée en
1989, engage à garantir une protection sociale, un revenu minimum et une
retraite.
Génial. !
Quel progrès. !
Face à une
telle vacuité, la CGT a fait remarquer que parmi les instruments disponibles
pour garantir que l’Europe soit sociale, le Conseil européen a choisi le moins
contraignant et le moins ferme, à savoir la " proclamation ". En revanche, quand il s’agissait
d’instaurer les politiques d’austérité, c’était
un traité ». Force Ouvrière soulève le point que des
questions aussi cruciales que le droit
de grève et la liberté de négociation collective ne figurent pas dans le socle
de droits sociaux européens ! En effet – et elles sont même remises en
cause, voir plus lon. Et le sujet de la
négociation collective est d’autant plus sensible que plusieurs délégués ont
tiré la sonnette d’alarme sur sa décentralisation en cours ou déjà effectuée
dans leurs pays de façon à faire primer
les accords d’entreprise sur les accords de branches, ce qui, comme dans la
loi Macron, revient sur un siècle de conquêtes syndicales et met les
entreprises en concurrence sur le moins-disant social à l’intérieur d’une même
branche, y compris sur des éléments essentiels du contrat de travail !
Mais comment
la Commission européenne pourrait-elle au nom des droits sociaux aller à
l’encontre de ce qu’elle réclame au nom de son ultralibéralisme ?
En ce qui
concerne la limitation du temps de travail hebdomadaire, banco ont dit le CGT,
alliée à la très révolutionnaire CFE-CGC. Dans la dernière et 6ème
ordonnance Macron, le gouvernement français a mis fin au volontariat pour les
forfaits jours. C’est la première fois en droit français que le consentement du
salarié n’est plus requis en cas d’application d’un régime dérogatoire au temps
de travail. Donc, constatant que cette
réglementation issue de la loi « Travail » expose les salariés en «
forfaits-jours » à des durées de travail déraisonnables et prive également ceux
assujettis à des astreintes d’un véritable temps de repos, la CGT et la CFE-CGC
font cause commune pour mieux encadrer le forfait en jours et permettre aux
salariés soumis aux astreintes de bénéficier d’un vrai temps de repos. Suite à
des réclamations antérieures , le Comité européen des droits sociaux a déjà
demandé solennellement au gouvernement français de corriger la législation sur
les « forfaits- jours » et les astreintes (décisions du 12 octobre 2004, du 8
décembre 2004 et du 23 juin 2010). Suite à la dernière ordonnance Macron, qui
aggrave encore la situation, CGT et CFE-CGC ont à nouveau saisi la CEDS.
Parions que, comme d ’habitude, il ne se passera rien. Quand elle pourrait être
utile, l’Europe sociale n’intervient pas.
La réalité
(selon FO, pourtant pas la plus allergique à l’Europe des centrales) est que l’austérité reste la priorité et que
la politique néo-libérale continue de détruire la vie des populations et des
travailleurs ; le pacte de stabilité et de croissance est une camisole de force
qui empêche beaucoup de pays d’investir dans les services publics, les emplois
et la croissance ; et, par conséquent, le pilier européen des droits sociaux est très
en retard
Arrêt Vicking et Laval : remise en cause du droit
de grève.
Pour
certains spécialistes du droit du travail, enfin de ce qu’il en reste, ces deux
décisions de le Cour européenne de justice ont créé une vraie sidération – et
il y a de quoi !
Dans ces
deux affaires, des syndicats avaient engagé une action collective pour lutter
contre des pratiques de dumping social.
Dans l’arrêt
Viking, les syndicats finlandais entendaient s’opposer à un changement de
pavillon d’un navire dont le but était principalement de remettre en cause les
conditions de travail existantes en passant de l’application d’une convention
collective finlandaise à une convention collective estonienne.
Dans l’arrêt
Laval, les syndicats suédois souhaitaient contraindre une entreprise lettone,
ayant détaché des travailleurs lettons pour la réalisation d’un chantier en
Suède, à respecter les conditions salariales définies par les conventions
collectives suédoises.
Quelle fut
la décision de la Cour Européenne de Justice ? Dans l’affaire Laval, la
CEJ a considéré que dans le cadre de la directive travailleurs détachés directive
96/71, elle ne pouvait que disqualifier
l’action collective suédoise avec pour conséquence un amoindrissement de la
protection des travailleurs détachés en Suède et de la capacité des organisations
syndicales à agir dans ce domaine. L’arrêt Viking fut encore plus
gratiné : il conduit à un
encadrement restrictif du droit de grève, en instaurant un contrôle judiciaire
sur les actions collectives lorsqu’elles ont pour objet ou pour conséquence de
limiter une liberté garantie par l’Union européenne, notamment la liberté d’établissement.
Sont concernées les actions collectives visant des opérations que l’on
qualifiera de transnationales (délocalisations, établissement d’une filiale ou
d’un établissement dans un Etat de l’Union européenne, réalisation de contrats
de prestations de service, avec des salariés détachés, etc). Par ces arrêts, la
Cour européenne engage même les juridictions
nationales à opérer un contrôle des motifs du recours à la grève et de la
proportionnalité de l’action. L’action collective ne devrait intervenir qu’en
dernier recours.
Plus
précisément la Cour Européenne de Justice a considéré que le droit de grève n’est
licite que si « l’atteinte qu’il porte à la liberté des échanges est justifiée
par des raisons impérieuses d’intérêt général » !
Outre ce contrôle de l’opportunité même de déclencher
un mouvement de grève, les juges nationaux devraient également contrôler si les
revendications formulées sont légitimes. ( et notamment si elles ne sont pas
contraires aux directives de la secte ultra libérale).
C’est à une remise en cause sans précédent du droit de
grève qu’ a conduit l’ « Europe sociale » !
Travailleurs détachés, contrats
zero heures, mini-jobs : nouvelles figures du dumping social
J’ai
consacré le blog précédent au problème des travailleurs détachés et à la façon
dont la directive européenne a conduit à
un véritable dumping social, à une mobilité massive et forcée, tirant profit
des différences de niveau de vie à l’intérieur de la pseudo-Communauté et
déstabilisant le marché du travail des pays d’accueil, créant une concurrence
par le dumping social ? Là où on
aurait pu au contraire rêver à une mobilité volontaire, encouragée et
enrichissante, accordant à chaque travailleur détaché le meilleur des
conditions du pays d’accueil ou de départ, c’est au contraire l’exploitation sans frontières qui a été
mise en œuvre par la secte libérale qui domine à la Commission européenne.
Et les rodomontades de Macron n’y ont pas changé grand-chose.
Le
contrat zéro heure (Zero-hour contract) est un type de contrat de travail. Il
s'est développé dans l'Union européenne, comme au Royaume-Uni et même en France
(contrat de vacation à l’Université, par exemple). Sa caractéristique
principale est que l'employeur ne mentionne dans le contrat aucune indication
d'horaires ou de durée minimum de travail. Le salarié est rémunéré uniquement
pour les heures travaillées, il doit pouvoir se rendre disponible à n'importe
quel moment de la journée. En 2015, au Royaume-Uni, on recense environ 1,5
million de contrats avec quelques heures par mois et 1,3 million de plus sans
aucune heure travaillée2. Plus d'un employeur sur dix y a recours dans le pays.
Dans ce contrat tous les avantages sont du côté de l'employeur. Il ne l'oblige
pas à fixer un temps de travail minimal et un salaire minimum. L'employé lui
doit s'engager à être disponible pour travailler selon les besoins de son
employeur. Il n'est bien souvent averti du travail qu'il doit effectuer que
quelques heures avant sa prise de service. Il pourrait théoriquement refuser
les heures de travail proposées10. Seules les heures travaillées sont
rémunérées.Le nombre d'heures rémunérées étant très variable, les travailleurs
ne peuvent pas prévoir un budget mensuel précis ou organiser leur emploi du
temps.
L’Europe
sociale ne voit aucun inconvénient à ces contrats zero heures qui nous ramène
plus de cent ans en arrière, avec le travail à la tâche. En 2016, le parlement
de Nouvelle-Zélande a voté à l'unanimité
une interdiction des contrats zéro heure.
Ils
sont plus de sept millions en Allemagne à avoir des minijobs. Ces contrats à
temps très partiel (50 heures par mois au maximum pour un Smic à 8,84 euros de
l’heure) sont sans cotisations obligatoires pour le salarié, tandis que
l’employeur règle une cotisation forfaitaire variable selon le type d’emploi.
Pas de points retraite, pas d’allocations chômage, pas de sécurité sociale !
L’Europe
sociale ne voit aucun inconvénient au mini jobs mini couverture sociale.
Les sociétés boites aux lettres et
l’optimisation légale du moins disant fiscal- l’affaire Polbud
La
Conférence européenne des Syndicats nourrit de vives inquiétudes à propos de
l’arrêt rendu le 25 octobre 2017 dans l’affaire Polbud, la Cour de justice de
l’Union européenne ayant jugé que transférer
le siège social d’une entreprise dans un autre État membre dans le but de
bénéficier d’une législation fiscale plus avantageuse n’est pas constitutif
d’un abus. Ainsi, la CJUE a déclaré
le tourisme fiscal acceptable tout comme la création de sociétés boîtes aux
lettres et le contournement des règles relatives à la fiscalité et à la
sécurité sociale et des droits des travailleurs. Un État membre ne peut
empêcher une entreprise de transférer son siège même si ce transfert débouche
sur la création d’une structure de type boîte aux lettres ou est motivé par des
raisons fiscales ou de contournement des règles. Il n’y a aucune obligation de lier l’endroit du siège social à celui
des activités économiques. La mobilité des capitaux semble être considérée
comme bien supérieure aux droits sociaux fondamentaux ou à d’autres valeurs
ancrées dans le traité.
Comment
s’en étonner ? « Le droit de
l’Union accorde une place structurelle aux Etats membres ; mais il s’agit
d’une place subordonnée dans la mesure où les Etats renoncent à leur
souveraineté dans le domaine économique et monétaire ; et, en particulier,
l’institution du marché européen conduit à envisager la fonction sociale des
Etats comme une dérogation d’interprétation restrictive aux libertés
économiques garanties aux personnes privées ». (Alain Supiot, Professeur au Collège de France, nouvelles figures de
l’allégeance)
Il
faut sortir de cet Eurokom là !
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