Europe et Eurokom
Dans un de mes précédents blogs, je m’enflammais sur les
propos de Macron à Epinal sur « l’Europe qui nous a donné la Paix ». Face aux
politiciens truqueurs qui sciemment mélangent l’Europe, réalité géographique,
historique, culturelle et la Communauté européenne et ses institutions
(notamment la Commission européenne), vouées uniquement à construire un grand marché
selon le dogme d’une véritable secte libérale, je propose donc de différencier
l’Europe réelle des peuples et des nations et l’Eurokom, les institutions de la
Communauté Européenne.
Tout commence par le foot : l’arrêt Bosmann
1995 : 23 ans
déjà et c’est un univers qui a changé ! Jean-Marc Bosman, un
footballeur belge qui restera plus célèbre par sa jusrisprudence que par son
jeux, demande à son club du FC Liège son
transfert vers le club français de Dunkerque. Celui-ci refuse, Bosman porte l'affaire devant la CJCE et conteste la conformité des règles régissant
les transferts au regard du droit communautaire ; en particulier, la
possibilité pour un club de réclamer une indemnité de transfert pour un joueur
ayant fini son contrat et les quotas limitant à 3 le nombre de joueurs
étrangers ressortissants de l'Union européenne dans une équipe
La Cour Européenne de justice
donne raison à Bosman, considérant que les règlements de l'UEFA, et notamment
ceux instaurant des quotas liés à la nationalité, sont contraires à l'article
48 du traité de Rome sur la libre circulation des travailleurs entre les États
membres.
Au nom de la sacro-sainte
liberté de circulation, principe intangible de la secte libérale, tout le sport
se trouve bouleversé, et c’est la football du fric extrême qui se met en place,
écœurant, abrutissant, ce cirque du Pain, des impôts et des jeux, cynique, révoltant, avec ses quelques clubs
ultra riches qui se vendent en bourse et servent à la publicité de potentats
plus ou moins orientaux.
Et ce sont des salaires de
plus en plus indécents, et c’est par exemple le transfert de Neymar à Paris en
2014 qui fait ainsi réagir l’excellent Konopnicki dans le non moins excellent Marianne :
« Cette fois, il s'agit de 222 millions, ce qui ne me laisse pas
indifférent. Comment un être humain peut-il valoir une somme pareille ? Des
siècles de Smic ! Tandis que le cours des joueurs de foot s'envole, celui des
savants chute sensiblement. Les salaires sont bloqués au CNRS, dans les
universités et les hôpitaux. Pour cause de crise, la fondation Nobel a dû
baisser de 20 %, en 2012, la prime attribuée aux lauréats du prix. Les plus
grands savants de la planète peuvent espérer recevoir un jour 900 000 €, qui se
partagent souvent entre les membres d'une équipe de chercheurs. La différence
des deux sommes mesure la reconnaissance de chacune de ces deux catégories
d'individus. Un savant, cela vaut 221,1 millions d'euros de moins qu'un
footballeur. Je surveille mon langage. On peut traiter de matheux un titulaire
de la médaille Field, il ne vaut jamais que 15 000 dollars. Si j'emploie le mot
« footeux », on me reprochera aussitôt d'être méprisant, tant pour ce pauvre
homme couvert d'or que pour ses supporteurs. Le football est sacré, la science,
méprisée… Ce n'est pas une question d'économie, les découvertes scientifiques
de ces dernières années rapportent autant et plus que les retransmissions de
matchs de foot. »
En effet ; merci à la
secte libérale, qui sait si bien exploiter la bêtise. Car enfin, ces stades
géants, ces déploiements de sécurité coûteux et ces salaires indécents, ce sont
nos impôts qui in fine les paient en
grande partie.
Après
l’arrêt Bosmann, la directive Bolkenstein. Le grand marché du dumping social.
Vous vous souvenez, la
directive Bolkenstein, la directive du 12 décembre 2006 relative aux services
dans le marché intérieur, dite aussi la directive du plombier polonais. Il
s’agissait de faciliter la mobilité des travailleurs (une vieille obsession des
de la secte libérale- un « marché du travail » le plus ouvert, le
plus large et le plus dérégulé possible) en simplifiant pour un prestataire de
services d'un État membre les conditions dans lesquelles il peut opérer dans un
autre État membre. Et le principe était, est, toujours le suivant :
« Pour ne pas entraver la libre
prestation de services des entreprises, l’Union ne garantit aux travailleurs
détachés qu’une protection « minimale », inférieure à celle de la main-d’œuvre
locale au motif que le travailleur détaché n’a pas vocation à s’intégrer de
façon permanente au marché du travail du pays d’accueil. Ce beau et magnifique
principe libéral était, dans sa première formulation, une conséquence assez extrême : le « Principe du pays d'origine » : le
contrôle de l'application du droit du travail serait conféré au pays d'origine
du travailleur et non plus au pays dans lequel s'effectue le travail !
Plus concurrence par le dumping social, on ne pouvait pas faire mieux !
Bref, les peuples, et en
particulier la France, refusèrent le traité européen, et la directive
Bolkenstein joua un rôle non négligeable
dans ce rejet. Que croyez-vous qu’il arriva ? On fit voter par les
parlements dociles ce que les peuples avaient refusé, et la directive Bolkenstein
fut appliqué, avec le principe de pays d’origine modifié à ma marge.
Et ce fut le
grand dérèglement ! de 7500 à 286.000
Rappelons le caractère assez extraordinaire
de cette législation qui contrevient à la
règle internationalement reconnue du droit privé, la lex loci laboris, selon laquelle le contrat de travail doit se
conformer à la loi du pays de travail. En principe, le travail détaché
devait répondre à un besoin de main d'œuvre spécialisé et temporaire dans un
domaine précis. En réalité, ce fut exactement ce à quoi il fallait
s‘attendre, un flot incontrôlable et
propre à faciliter toutes les fraudes, au-delà même de ce que permet déjà
scandaleusement le dumping social encouragé par la Commission Européenne. En
2014, le nombre de travailleurs détachés était de 1,9 millions, pour des détachements d’une
durée moyenne de quatre mois. En France, la Direction générale du travail
comptabilisait 286.025 travailleurs
détachés déclarés pour l’année 2015 – il semble qu’il faille rajouter 220.000 clandestins, soit 500.000 !!Depuis l’an 2000, époque où l’on comptait environ 7500 travailleurs
détachés sur le sol français, la croissance est continue, avec deux
secteurs particulièrement friands, le bâtiment et le travail temporaire. Sous
ce régime Bolkenstein, les travailleurs détachés gagnent entre 10 et 50 % de
moins que les travailleurs locaux !
Témoignages :
« L’enquête démarre à
Dunkerque, sur le chantier d’un terminal méthanier piloté par EDF. Sophie Le
Gall a découvert que des ouvriers roumains trimaient jusqu'à 55 heures par
semaine, pour moins que le Smic. Certains mois, ils ne sont même pas payés… Des
entreprises pourvoyeuses de main-d’œuvre se sont fait une spécialité de ce
"détachement frauduleux". La championne européenne toutes catégories
s’appelle Atlanco, une entreprise irlandaise d’intérim qui fournit des
travailleurs low cost à toute l’Europe, notamment dans l’agroalimentaire ou le
BTP. Parmi ses clients, on retrouve des mastodontes comme Bouygues.
L’entreprise irlandaise a fait signer des contrats de travail chypriotes écrits
en grec à des ouvriers polonais pour travailler en France… Un jeu de Meccano
social dans lequel des milliers de salariés ont été bernés et des millions
d'euros de cotisations sociales sont partis en fumée ».
« Avec l’ouverture du
marché européen, une entreprise française peut sous-traiter le transport d’une
cargaison allemande à une firme italienne avec un camion belge conduit par un
chauffeur polonais… Dans cet imbroglio de nationalités et de réglementations,
les contrôles sont peu efficaces et les chauffeurs européens sont devenus des
forçats de la route. Des "esclaves modernes", selon ce chauffeur
roumain "détaché" en France qui touche un salaire de 237 euros brut
par mois, vit dans son camion et passe ses week-ends sur le parking de son
entreprise, faute de pouvoir rentrer chez lui. Son employeur ? Geodis, une
entreprise française filiale de la SNCF… Le grand scandale des salariés à prix
cassé touche aussi les fleurons du secteur public. »
L’ « impossible »
retour à la loi normale du lieu de travail.
Devant cette concurrence par
le dumping généralisé, même la Commission Européenne a commencé à s’inquiéter. Elle n’a pu que constater
l’effroyable effondrement des conditions du travail ainsi libéralisé, avec des
travailleurs exploités par des officines de leur propre pays, qui prélèvent de
juteuses commissions sur leur travail, ainsi que sur les logements insalubres
qu’elles leur fournissent. Et dans le bâtiment et l’agriculture, la directive
Bolkensten a complètement déstabilisé ces deux secteurs, en créant une concurrence déloyale et parfaitement légale vis-à-vis des
salariés français ou étrangers installés en France. Sur certains chantiers,
les gros paquebots de croisière de Saint-Nazaire, par exemple, ils seraient
jusqu'à 20% de la main d’œuvre. Concurrence
déloyale, ça, ça fait un peut réagir, par pur réflexe, la secte libérale de la
Commission.
Avec les promesses de Macron
de corriger les conséquences les plus scandaleuses de la directive Bolkenstein,
une réforme minimale a été tentée, qui a déchainé les louanges des
thuriféraires (« Et si le volontarisme en politique finissait par payer ?-
Le Monde »Ah oui,
vraiment ? ». La grande avancée positive est que l’accord garantit aux
salariés détachés une égalité de rémunération, primes comprises, dans le
respect des conventions collectives, par rapport à leurs collègues du pays
d’accueil (seul le salaire minimum appliqué dans ce dernier leur était
jusqu’alors assuré !). Mais les
cotisations sociales des travailleurs détachés restent payées dans le pays
d’origine, ce qui, compte tenu des conditions sociales dans les ex-pays de
l’est, gangrénés par la misère et l’ultralibéralisme, ne règle pas le problème
du dumping social massif. D’une certaine façon même, elle affiche et légitime les buts de la secte libérale au pouvoir à
Bruxelles, la disparition ou la réduction a minima de toutes les protections
sociales. Macron s’est encore vanté d’une avancée majeure, la limitation à
12 mois du détachement d’un salarié, alors la disposition tient du symbole
puisque la durée moyenne d’un contrat de détachement est actuellement d’un peu
plus de trois mois. Bravo pour la connaissance du dossier ! Et encore, les
contrats pourront être prolongés de six mois !
Et surtout,
même si, même si, elle était adopté par l’UE d’ici à la fin de l’année, la
réforme n’entrerait en application pas avant 2022 ! (il n’est
pas sûr que Macron voit le résultat de son action si volontariste !). Et encore, la réforme ne s’appliquera
pas au secteur du travail routier, pour lequel toute régulation a été reportée
sine die- un vrai scandale, et social, et environnemental !
Et déjà la
Commission européenne réattaque avec le projet de directive sur les services !
(ou le retour de Bolkenstein, version dure !)
Extrait du
journal socialo-bolchevik Les Echos 28/02/18 : « La
crainte du retour d'une « directive Bolkestein » ravive les tensions à
Bruxelles. La Commission veut simplifier les modalités
d'établissement dans un autre Etat de l'UE des entreprises de services. Des
eurodéputés y voient un moyen de réintroduire le principe décrié du pays
d'origine. Est-ce, dix ans après, le retour de la « directive Bolkestein » sur
les services qui défraya tant la chronique européenne sur fond de plombier
polonais ? C'est en tout cas le spectre qu'agitent au Parlement européen de
nombreux eurodéputés, français en tête, qui accusent la Commission européenne
de revenir à la charge par un biais détourné. En cause, le projet de «carte électronique européenne de services»
(e-card), mesure phare du plan en faveur des services dévoilé début 2017.
Au nom de la modernisation et de la simplification, l'exécutif européen veut
permettre aux prestataires de services aux entreprises (ingénierie,
consultants, informatique, architectes...) et aux entreprises de construction
de s'acquitter en ligne, directement dans leur pays et dans leur langue, des
démarches administratives pour s'installer ou travailler temporairement dans un
autre pays de l'Union. « La Commission
tente de réintroduire le principe des règles du pays d'origine. Elle veut faire
passer par la fenêtre ce qu'elle n'a pas pu faire par la porte avec la
directive Bolkestein ! », ont attaqué mercredi, par communiqué commun, les
eurodéputés PPE (droite) français Anne Sander, Jérôme Lavrilleux, Geoffroy
Didier et Elisabeth Morin-Chartier. Ils sont membres de la commission Emploi qui a rejeté mardi le projet à une large majorité,
comme avant elle, fait rare, les trois autres commissions saisies pour avis.
A
cela La Commission Européenne répond : « Il ne s'agit en aucun cas de
rouvrir la directive services…Le pays hôte décidera bien s'il autorise ou non
la prestation de services dans un autre Etat et délivrera la carte
électronique, mais c'est le pays
d'accueil qui a le dernier mot, de la même façon que lorsqu'on délivre un
visa. »
Eh
bien à encore, cynisme, mensonge et manipulation. En ne
laissant au pays d'accueil qu'un simple droit de réaction, dans un délai très
court et assorti d'un principe de délivrance tacite, le texte lui retire en
fait le droit de contrôler les entreprises qui peuvent prester sur son
territoire » explique l'eurodéputée Anne Sander.
Décidément,
cet Eurokom là est incorrigible. Il faut en partir.
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