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mercredi 20 février 2019

Les clowneries de l’Ademe


Donc, la dernière clownerie de l’Ademe  (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), c’est son évaluation de l’évolution du Mix électrique jusqu’en 2060 publiée en décembre 2018. Elle recommande en substance d’arrêter les centrales existantes avant leur fin de vie, les remplacer massivement par des installations solaires et éoliennes (multiplication par plus de dix des puissances installées actuelles), et développer une économie de l’hydrogène avec les surplus d’électricité des périodes favorablement ventées et ensoleillées.
En gros, mettez des éoliennes et des panneaux photovoltaïques partout et vous aurez un jus pas cher. Et surtout moins cher qu’avec du nucléaire. Et David Marchal, Directeur adjoint « Productions et énergies durables » assène : «la place très prépondérante des ENR dans le système électrique français est sans appel (…) et le nucléaire de nouvelle génération (type EPR) n’apparaît pas compétitif». Tel que . Et largement repris par la presse, on s’en doute.

Sauf que c’est du complet bullshit, une pure honte, une opération de propagande digne de la Pravda ou de la Propaganda Staffel. Et que s’il y avait une loi sur les fake news, il faudrait d ’urgence l’appliquer à la direction de l’Ademe.


Commentaire de l’Académie des technologies : « L’Académie des technologies, comme elle l’a déjà écrit, s’inscrit pleinement dans la politique de développement des énergies renouvelables. Elle considère que la réussite de cette politique suppose des hypothèses réalistes. C’est pourquoi elle estime que les conclusions de l’étude de l’ADEME doivent être prises avec une très grande prudence. Elles ne devraient en aucun cas servir de base à des décisions de politique publique »

En langage d’académicien, c’est assez saignant. Et les explications ne le sont pas moins :

1. « L’approche de l’ADEME se concentre sur le secteur Electrique. Cependant les hypothèses qu’elle prend impactent les autres secteurs énergétiques et particulièrement le Gaz. Il existe des interactions entre ces secteurs ; par exemple, l’ADEME propose le développement d’importantes quantités de biogaz, notamment à partir d’hydrogène produit par électrolyse. Cependant on peut douter que cette stratégie soit compatible avec les contraintes propres au stockage et au transport de l’Hydrogène dans le secteur Gaz ».

C’est gentiment dit. On pourrait dire autrement. L’électricité pour produire l’hydrogène par  électrolyse de l’hydrogène, elle vient d’où ? du biogaz ? Et les shadocks pompaient, pompaient…

2. L’ADEME envisage une quasi-stagnation de la demande d’électricité jusqu’en 2060, malgré de nouveaux usages. Cette hypothèse est plus basse que celle retenue par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) du Ministère de l’Environnement. Sur une aussi longue période, la prise en compte d’une croissance, ne serait-ce que de 1% par an, modifierait radicalement les résultats.
(Commentaire ; le rapport sur l’intelligence artificielle de Villani envisage un doublement de la consommation électrique. Lancer une recherche sur un moteur de recherche consomme autant qu'une ampoule basse consommation de 12 watts, allumée pendant une heure ! L’envoi  d’un mail consomme enre 4 et 50g de CO2, en cas de pièce jointe importante !)

Faudra que l’Ademe m’explique, surtout si en plus on remplace les diesel par des voitures électriques !

3. Malgré ces hypothèses basses sur la demande, les trajectoires de l’ADEME n’assurent pas la neutralité Carbone en 2050 – ce qui est pourtant un objectif gouvernemental - ni même en 2060. A cet horizon, les trajectoires de l’ADEME requièrent des importations significatives d’électricité, pour pallier les aléas du soleil et du vent. Mais les pays limitrophes seront soumis à des conditions météorologiques analogues, et ils ne seront pas en mesure de garantir les besoins français d’électricité… surtout ceux qui auront renoncé au nucléaire.

4. Les coûts induits sur le secteur Gaz par le Mix électrique envisagé ne sont pas présentés. L’ADEME fonde à tort ses conclusions sur la seule économie de l’Electricité, sans prendre en compte les nécessaires investissements et d’exploitation du secteur Gaz.

(et ajoute-t-on ne prend pas en compte ce qu’induit le fait de dépendre fortement de fournisseurs gaziers come la Russie ou l’Algérie, en terme de souveraineté et de marge de manœuvre !)

5. De nombreuses hypothèses économiques retenues par l’ADEME paraissent très discutables. Ainsi, le facteur de charge de la production éolienne terrestre adopté par l’ADEME est sensiblement supérieur au facteur de charge actuel ; cependant l’ADEME admet que les futurs sites seront moins bons que les sites présents, ce qui est inévitable.
Les installations de production d’hydrogène auront des facteurs de charge faibles, et les rendements attendus des processus de conversion (électrolyse d’électricité excédentaire, transport, stockage d’hydrogène, production d’électricité à partir de l’hydrogène) se heurtent à des limites physiques ; ils sont, in fine, très faibles.

Mais l’Ademe a visiblement décidé d’ignorer les bases de la physique, ou de les révolutionner !

6. Certaines perspectives d’évolution des coûts d’investissement des énergies renouvelables sont surestimées par l’ADEME ; par exemple des baisses encore très significatives de l’éolien terrestre – technologie mature – sont peu probables.

7. La valeur économique de l’électricité. Il est bizarre que dans toutes les autres simulations, sauf celle de l’Ademe, les ENR intermittentes ( solaire et éolien) ne parviennent pas à évincer le nucléaire. Bien plus, partout, on observe une corrélation négative avec le coût de l’électricité- plus il y a d’ENR variable dans le mix électrique, plus l’électricité est chère. C’est quand même bizarre !
Explication : l’Ademe néglige complètement la valeur réelle économique de l’électricité. Lorsque les ENR variables tournent à plein régime, et que le besoin d’électricité est faible, la valeur de l’électricité produite est très faible…Il est arrivé même qu’elle soit négative ; le 1er janvier 2018 ,en France ! EDF était obligé de payer pour que des clients achètent  le courant que les éoliennes produisaient à plein tube  – alors que toute le monde était sous la couette et que personne n’en avait besoin !
A l’inverse un moyen de production pilotable (comme le nucléaire…) qui permet  de répondre à la demande lorsqu’elle s’exprime … vous permet vendre votre électricité  très chere, en présence d’une forte demande et de l’absence de compétiteur renouvelable….
Bref, après avoir ignoré les lois élémentaires de la physique, l’Ademe s’assoit sur celles de l’économie ! Des clowns, vous dis-je !
9. Le communiqué de presse annonçant cette étude affirme dans son premier paragraphe que « le développement de la filière EPR ne serait pas compétitif ». Cependant cette affirmation est contredite par l’étude présentée, comme cette note le démontre.  Ni l’étude, ni le communiqué de presse, ne relèvent une des importantes conclusions de l’étude elle-même : seul un renouvellement partiel du parc nucléaire permettrait la neutralité Carbone en 2050, qui est un objectif gouvernemental nécessaire pour contenir l’augmentation de température de l’atmosphère terrestre en-deçà de 1,5°C.

En ce qui concerne le nucléaire, historique, là, c’est carrément drôle : l’ Ademe recommande de fermer les réacteurs nucléaires actuels plus vite… car leur trop bas coût de production d’électricité gène le déploiement des ENR non pilotables, handicapées par ce concurrent trop efficace !!
Après s’être assis sur les lois de la physique, puis sur celles de l’économie, l’Ademe se fiche visiblement du prix que les consommateurs paient leur électricité. Ils aiment voir du monde dans les rond points ?
10. L’ADEME ne semble pas prendre en compte de manière réaliste deux difficultés d’un système électrique fondé sur une proportion importante d’énergies intermittentes : la garantie du synchronisme – clef de la stabilité du réseau - et l’ajustement aux variations rapides et fréquentes de la charge.

En fait, l’Ademe s’appuie sur des hypothèses qu’on peut qualifier d’ «héroïques» sur nombre d’éléments du système électrique. Par exemple, presque toutes les consommations sont supposées être asservies à la variabilité des productions des éoliennes et des installations photovoltaïques développées à grande échelle. Toutes les consommations d’eau chaude sanitaire, 75% du chauffage électrique, 38 à 56% des produits blancs (électroménager…), 50% des usages industriels (!), 80% des recharges des véhicules électriques sont « effaçables » selon ces hypothèses ! Cela conduirait à une puissance effaçable de 60 GW ! Alors que RTE et la société spécialisée E.Cube estiment le potentiel de demande pilotable grâce aux smart grids à 9,3 GW, et celui pilotable dans l’industrie de 4,5 à 6,5 GW ! Ca, c’est de l’héroïsme !
Cela veut dire en fait que particuliers et industriels seront priés d’utiliser l’énergie quand elle est produite et non quand ils en ont besoin ! Big Brother décidera quand on pourra consommer de l’électricité. Tiens, et si c’était ça le vrai intérêt du compteur Linky, qui permet au gestionnaire de vous effacer du réseau quand il veut ? Ca va pas aider à l’acceptabilité sociale des Linky ni calmer les résistances qui se manifestent déjà….
Ensuite, l’Ademe fait l’hypothèse d’un triplement des interconnexions (de 12 à 36 GW) avec des systèmes étrangers lesquels évoluent comme par magie pour servir les besoins français tant en exportations qu’en importations.  Nos voisins se dotent de capacités de stockage énormes, et leurs productions sont miraculeusement là en cas de besoin et pas là lorsque nous pouvons exporter. C’est assez arbitraire ! Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est plutôt l’inverse qui semble se produire, au vu des plans de transition de nos voisin ; ils comptent visiblement sur le nucléaire français pour les fournir  lors des pics de demande ou d’effondrement des énergie renouvelables non pilotables…
Comment dire ? Cela pourrait être drôle s’il ne s‘agissait pas d’énergie, c’est-à-dire la source de toute vie, et plus encore civilisée ! Là, c’est tragique, et plus encore si gouvernement et media (qui ont un grand rôle à jouer) accordent la moindre crédibilité à l Ademe et à son directeur. En tout état de cause, une mesure immédiate s’impose : l’équiper d’un gros nez rouge et de  pantoufles de 55. Comme ça, on saura qui parle !
Il y a au sein de l’Ademe un certain nombre de scientifiques et d’ingénieurs, dont je n’ose pas imaginer l’état mental. Il leur reviendra sans doute assez rapidement de choisir entre leur conscience et leur honneur professionnel, et le rôle qu’on leur fait jouer.
Bibliographie : Trajectoires d’évolution du mix électrique 2020-2060, Commentaires d’une étude ADEME publiée le 10 décembre 2018, Synthèse de l’avis de l’Académie des technologies ; Dominique Finon, directeur de recherche émérite au Cnrs, économiste (avec l’aide de Sylvestre Huet pour la rédaction). http://huet.blog.lemonde.fr/2019/01/31/le-plan-tout-renouvelable-de-lademe-conteste/


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